Osmose

Bienvenue sur mon blogue personnel. Ce journal intimiste dans ses récits et propos exprime un désir de dépassement et d'authenticité.

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Polarsteps




10 février |

La nature ne donne l'impulsion qu'aux êtres qui ont atteint leur plein développement et qui aspirent à sortir de leur coquille. Érasme dit que la philosophie enseigne plus de choses en une seule année que l'expérience, si riche soit-elle. Il s'agit de saisir le véritable sens de nos actions au lieu de les énumérer. Lorsque l'on voit les choses en courant, elles se ressemblent toutes. Un torrent est un torrent, disait Alain dans ses propos sur le bonheur. C'est ce qui arrive parfois en voyage, où la quantité de mouvements prime sur la qualité du regard. C'est ce qui arrive lorsque nos voix l'emportent sur la contemplation. Mais l'amitié se nourrit de communication. Celui qui parcourt le monde à toute vitesse n'est guère plus riche de souvenirs à la fin qu'au commencement. La vraie richesse des choses est dans le détail. Si je supprime l'opinion fausse, en moi, je supprime un certain mal. Il en est ainsi des critiques et des préjugés qui, à tort de m'en distraire, me font perdre ma force vitale. On peut se sauver d'un naufrage, mais on peut se noyer dans une eau tranquille disait Montaigne. Il est mieux de se garder des opinions populaires. Ce n'est pas ce que j'observe dans les temps qui courent sur tout et presque rien. Ma curiosité est plus grande que la capacité de l'absorber. Ma curiosité envers les informations me donne l'impression d'embrasser tout, alors que n'étreins que du vent. Je cite, par exemple, les romains qui croyaient que les gens vivant en dehors de l'empire étaient des barbares. La désinformation ne date pas d'hier. Et qui étaient les sauvages maladroitement nommé ainsi dans lesquels on a voulu assimilé ? Les plus sauvages n'étaient-ils pas ces prédateurs venus d'Europe ? Thoreau s'est inspiré du sujet pour parler du thème qui lui était cher; la désobéissance civile. Actuellement qui protège qui et pourquoi ? Le malheureux n'a que peu de ressources devant les injustices. Les lois visent-elles à protéger le pouvoir économique des mieux nantis ? J'ai vu dans certains pays, des pauvres qui étaient très pauvres. Aux États-Unis, pays des grandes richesses, j'ai vu la pauvreté extrême dans tous ces états. J'ai vu la pauvreté dans la soumission  car l'oppression y est sévère. De ce côté, ça paraît moins, car il y a le filet social visant à protéger le malheureux. C'est aussi comme ça en Europe, malgré que le flux migratoire des dernières décennies affaiblit les systèmes sociaux. Je trouve décadent que des multimilliardaires décident de comprimer les dépenses budgétaires aux démunis en accroissant leurs richesses. Comment réussit-ont à faire élever la voix du malheureux sans porter atteinte à ses droits et lui porter préjudice ? Même le plus puissant des barrages ne pourra retenir la force des eaux en colère. Ce qui me désole, c'est de constater que la démocratie est aux mains des plus grands capitalistes pragmatiques de ce monde. Est-il encore possible d'espérer encore et encore, aux prochaines élections, de changer le monde ? J'en doute, car nous sommes trop fractionné pour faire front commun devant l'adversité. Le problème réside dans nos habitudes développées et qui sont devenu l'adversité. Notre insousiance est la même que ceux qui nous gouvernent, car nous sommes les petits gouverneurs, les petits rois d'un royaume fragmenté. Ce soir, je mange de la viande et je remerci cette offrande qui m'est offerte. J'ai beaucoup de gratitude d'être nourri par l'état qui me reconnait apte au grand répit qu'est la retraite. Sans cette aide précieuse, je serais contraint de travailler dans une désolation la plus totale et une parfaite indignation. La retraite ne signifie pas pour autant oisivité, au contraire. On dirait qu'agir par et pour soi-même dans une société est contre productif. Pourtant, le sens de l'existence passe, avant tout, par une plus ou moins longue alcamie pour saisir la place qui nous est destiné. J'éprouve de la réticence avec le mot travail dans lequel on attribue ce nom. J'éprouve un malaise, voire un mépris, devant la forme du travail dans lequel on évolue actuellement. Je note une régression éthique et morale en lien avec le travail actuel et qui consiste et exige de faire toujours plus avec le moins de reconnaissance. L'étymologie en latin du mot travail signifie un instrument de torture. Le travail sous sa forme actuelle n'est que pour esclavage dont nous sommes les seuls bourreaux. J'éprouve un malaise devant la soumission indigne de tant de gens. Il est fort probable que, dans une autre vie, mon salaire aurait été assigné pour l'écriture dans une recherche artistique ou intellectuelle. Possiblement est-ce le fruit d'un fantasme ? Qu'il me soit donné d'être contrairié que je m'indigne en me rétractant. C'est le fruit de de souffrances indubitablement subitent de ma plus tendre enfance et dans lesquelles j'ai évolué bien malgré moi. Manifester et s'indigner sont une chose, mais la question demeure : quelles sont les solutions de rechange à établir et sont-elles réalisables ? Mes critiques se sont affaissées au fil du temps, laissant place à la question qui est de savoir ce qu'il m'est possible de faire concrètement pour apporter des solutions. Seul, je peux me transformer, mais collectivement, je ne vois pas d'issues à court terme car le malheureux n'a point de support parmi la masse en liesse. Les véritables révolutions pouvant transformer la société proviennent du peuple qui souffre. La voix de celui qui souffre est-elle suffisante pour changer l'ordre des choses le statut quo de l'homme réside t-il dans son impuissance à se transformer ou bien par son manque de volonté ? Est-il possible que ces voix ne soient pas suffisamment nombreuses pour se détacher de ses chaînes? Est-il possible que le peuple n'ait pas suffisamment souffert pour que la métamorphose s'effectue ? Beaucoup de questions apparaissent sans que je n'y trouve de réponses. Et pendant ce temps, les forums sur l'intelligence artificielle apparaissent comme des champignons qui ne seront peut être pas aussi magiques qu'ils tentent de démontrer.


7 février |

À propos de l'amour, taisons-nous et aimons. Mieux, allons écouter de la musique ou allons au cinéma. Cela pour dire qu'il n'est pas aisé de saisir l'amour. Aussitôt qu'on est tenté de le décrire, il disparaît. Tout dans la vie est affaire de malentendus, au sens où nous naviguons ignorants des causes réelles et peu conscients des effets. Comment adopter une morale avec si peu de substances ? La vérité n'est pas toujours facile à entendre. Pour que la vie reste vivable, il vaut mieux ne pas approfondir, disait Jankélévitch. Sa formule du je-ne-sais-quoi-et-presque-rien est celle de l'incertitude devant le bonheur. Rien ne dure et tout est cruellement passager. De là, provient tous les projets, et le pelletage par en avant qui vient à réfuter la nécessité du moment présent. Et un beau jour, vient la question : qu'ai-je fait de ma vie ? L'aventure est l'antipode de l'ennui. Je m'y suis tellement identifié que je lui ai consacré ma vie. Cette putain d'aventure, je ne la regrette pas pour avoir dissipé mon ennui d'un monde que je n'ai pas choisi. À partir de l'ennui, je me suis construit un univers à part, exceptionnel et unique. Ma vie, bien qu'elle ne soit pas terminée heureusement, a été bâtie sur le socle de l'ennui. Les seuls chemins de traverse que je n'ai pas encore terminé de parcourir sont en moi et dans la créativité que la vie possède. Il y a toujours un risque à l'aventure. Ceux qui ne le prennent pas au sérieux ne s'aventureront pas loin. L'aventure n'est pas un jeu dérisoire. La fonction de l'aventure est de produire de la lumière dans la nuit. Cynthia Fleury nous dit que l'aventure désigne un irréversible heureux, toujours ouvert, jamais obscur, l'irréversible des commencements qui donnent l'illusion de durer pour mieux éviter la tristesse. Le jour est venu pour moi de prendre au sérieux le présent et le goûter comme un fruit frais. Sénèque disait que solitude et société devaient se composer et se succéder. La solitude donne le désir de fréquenter les hommes. Mes promenades à la campagne et dans les bois me sont vitales pour mettre en pause un esprit surchauffé et que mon âme puisse s'élever dans l'espace libre au grand air. La déconnexion de la société est obligatoire pour cesser de vomir sur elle. La déconnexion est le signe de ma liberté et du choix que je fais pour m'éviter d'être pris au piège. La déconnexion est la désintoxication nécessaire des temps modernes et de ceux qui s'abritent dans la cité des fous. Le besoin de solitude et de la société est indissociable. La solitude n'est pas toujours aimable, mais j'aime être seul. Dans un pas de côté, je discerne ce qui m'est essentiel et les contradictions qui habitent la société et, par ricochet, les miennes car je suis la société.


6 février |

La guerre que mènent les russes prouve que la vie humaine n'a pas d'importance pour eux. L'honneur pour leur patrie est un camouflet reflétant des idées sombres à l'intérieur d'une expansion démagogique. Il n'y a pas qu'eux qui ne considèrent pas la vie humaine. La maltraitance et les guerres me touchent profondément. Passons. Je suis souvent seul, bien malgré moi, même si je possède la trame du solitaire. J'aime discuter, mais personne n'est là. L'appel du lointain m'a rejoint très tôt dans la vie, que ce soit sur les pentes enneigées, les collines sauvages, les plaines immenses, les déserts ou les mers. La solitude volontaire des dernières années en campeur m'a amené dans des lieux qui m'ont donné le sentiment de faire partie d'un tout. Ce fut à la fois exaltant et éprouvant. La vie nomadique en campeur me permet de ressentir des choses que jamais auparavant je n'aurais douté. Les conversations que j'ai eues avec moi-même et celle de mon âme m'ont profondément bouleversé. Pendant plusieurs semaines, j'ai développé la faculté de me suffire à moi-même, non pas sans vertiges. Ces années à trimballer ma carcasse en Amérique ont quintuplé ma croissance personnelle. Après avoir touché de si près les grands espaces, le retour vers mon refuge fut amère et déstabilisant. C'est comme si je refaisais marche arrière à l'intérieur d'un rêve perdu. J'ai cru pouvoir modifier, en quittant mes plus grandes inquiétudes, la réalité du décor immobile de la ville blafadre qui m'abrite. La marche est extrêmement haute entre les deux. L'improvisation de chaque instant, m'a permis de découvrir un monde d'une âpreté inégale entremêlée d'euphorie et de rêveries exaltantes. Une perturbation profonde d'être le seul à être confronter aux beautés naturelles associées à la mobilité et aux changements extrêmes m'ont bouleversé au point de ressentir mon coeur battre plus fort. Dans mon isolement, personne ne vient à ma rescousse, ce qui me renvoie ma petitesse dans l'univers. L'autosuffisance est dans la sagesse, c'est la clé du bonheur, mais le bonheur est toujours fugace, même au paradis des mortels. J'ai souvent filer, car j'avais le sentiment de ne pas être à ma place où je suis. Les problèmes se retrouvent ailleurs et les souffrances sont d'autant plus vives en croyant pouvoir les éviter. Christopher McCandless a écrit avant de mourir dans sa dernière aventure en Alaska, que le bonheur n'est vrai que quand il est partagé. Il ignorait que la solitude pouvait être si éprouvante et dangereuse. Je ne suis plus tout à fait libre de commencer par où je voudrais, disait Bergson. Mes illusions proviennent d'un passé déchu, trouble, cela se fait de façon inconsciente en axphixiant le présent et le devenir. J'ai, dans mon existence, repousser mes limites à bien des égards. Regarder en arrière m'empêche de voir le mouvement réel, car la mémoire de l'expérience est figée dans le temps. Comprendre, c'est aussi faire, c'est créer et recréer pour Bergson. Mon œuvre, aussi humblement que possible, se nourrit de la vie et de mes épreuves. La valeur de la vie bureaucratique des gens, pour ne nommer que celle-ci parce c'est elle qui se présente à moi, n'est rien, pourvu que le travail est fait. Cette question pourrait être le sujet de bien des analyses qui seraient longues en dissertations philosophiques. Dans la vie professionnelle, nous ne sommes qu'un rouage de la société, qu'on le veuille ou non. Il nous est impossible de nous dissocier du monde dans lequel on vit, même lorsque le show business s'amenuise. Je crois que nous sommes tous interchangeables, que l'on le veuille ou non, sauf dans les amitiés sincères, mais encore faudrait-il déterminer le sens de l'amitié qui diffère les uns des autres. Jankélévitch dit que le courage ne se conjugue qu'au présent. On ne peut se définir courageux, on ne peut que l'être dans le présent. Ce qui est fait reste à faire. J'ai beaucoup aimé et j'aime encore la vie libre de la nature au mécontentement qu'engendrent les villes. Seul, ce fait me renvoie à une solitude non désirée et aux malaises de ne pas vivre intensément selon ma véritable nature. Krakauer, dans Into the Wild, dit que dans la nature, je deviens un citoyen de l'univers, en ville, membre de rien si je ne suis pas dans la chaîne de production. En nature, je ne suis pas isolé, mais seul. En ville, c'est le contraire que je ressens. Je ne m'ennuie pas tant des êtres que des types dont je ressens le besoin. J'ai toujours porté ce dilemme en moi en lien avec la ville et son fulgurant départ. Je n'ai jamais eu de réponses pouvant me satisfaire. J'adopte le statu quo dans le confort de mon foyer, parce que je sais que la véritable aventure pourrait me tuer. J'agis avec raison et prudence, ce qui ne m'empêche pas de prendre ma barque à l'occasion pour déguerpir. J'ai souvent fui pour sauver mon identité ou celle que je croyais obtenir. Ce n'est que dans le désespoir que l'espoir surgit, que la lumière provient de la pénombre et qu'il faut avoir été seul longtemps pour aller à la rencontre de l'autre. Camus a attribué une signification métaphysique à la révolte des solitaires ; l'homme refuse le monde tel qu'il est, sans accepter de lui échapper. En me rapprochant de ces auteurs, je prends conscience de mon état d'esprit, par le fait même, je constate que je ne suis pas aussi seul que je le croiyais.


5 février |

Il faut toujours viser la lune, car, même en cas d'échec, on atterrit dans les étoiles. Je vis près de plusieurs services de proximité où je peux tout faire à pied. J'habite à quelques rues de l'un des plus beaux parcs urbains du Canada, le parc des Champs-de-Bataille. Mon logis, qui est plus que convenable, possède une belle fenestration et la location est raisonnable. Déjà trente années se sont écoulées depuis mon installation dans ce quartier que j'aime. L'immeuble est insonorisé et bien entretenu. À  pied, j'ai accès à deux bibliothèques publiques, des centres communautaires, des piscines publiques et une artère commerciale agréable où je trouve de tout. Dans mon quartier, je retrouve une liste exhaustive des services essentiels pour vaquer à mes besoins ; trois chaînes d'alimentation à grandes surfaces, des pharmacies, un cinéma, un splendide gym où je m'entraîne régulièrement, un sauna, plusieurs cafés et restaurants, des librairies d'occasions, des boîtes à livres et le Vieux Québec dans ma cour. La canopée est magnifique et les maisons ont du charme. Une piste cyclable est disponible sur la rue, avec la possibilité de m'abonner aux réseaux de vélos électriques de la capitale. Plusieurs autobus urbains passent à quelques mètres de mon immeuble. À pied, rapidement, j'ai accès au Vieux Port et à la promenade Samuel-de-Champlain sur les rives du fleuve Saint-Laurent. Je reconnais la chance de ne pas posséder de voiture l'hiver. Voilà qui est dit à propos d'un certain bonheur de vivre dans un quartier qui est mien en toute simplicité avec les ressources qui sont à ma disposition. Toutefois, il n'est pas aisé de créer des liens, malgré toute la vie qui se dresse à mes côtés. Ce qui est un élément distinctif des grandes cités anonymes, très peu de gens de mon quartier et des environs sont disposés aux intimités et conversations. Mes familiarités se dressent aux rues et aux commerces, mais très peu aux gens que je croise. Bien souvent, je me sens étranger dans ma propre ville. Parlons de la synchronie cérébrale. Elle est possible en présentiel seulement. Il est très bénéfique pour le cerveau de rencontrer des gens en vrai plutôt que dans le mode virtuel. La solitude des réseaux sociaux est nuisible à la longue, mais j'ai des plans que je divulgerai dans un avenir rapproché. Ma retraite dégage une certaine sérénité du devoir accompli. Le temps libre, qui pour moi, est une source intarissable de bonheur. Depuis peu, je ressens une fatigue qui s'installe que le repos n'apaise plus. C'est le signe de diminuer mes activités, j'en conviens. Le deuil de la vie active mais non sédentaire s'amorce, découvrant en soi un être plus vulnérable, différent. La trame de relations diminuée, je n'ai pas toujours le goût d'en instaurer d'autres pour des raisons qui m'échappent encore. Mon énergie doit être en cause. Les quelques personnes alors avec qui je dresse une certaine intimité sont des êtres importants qui, sans eux, je perdrais le sens à mon existence et serais à la dérive. Je suis fatigué de maintenir le personnage que j'ai déjà été. J'ai cessé de m'identifier à lui et ne reconnais pas encore pleinement celui que je suis devenu. Entre les deux, un vide immense qui donne le vertige. Ma motivation actuelle réside dans mes pensées, ma mémoire, une routine bienfaisante. L'âge est tout ce qu'il y a à regretter et rien à espérer, disait Jankélévitch. Mon ancienne personnalité se dissout quand l'armure de la réussite sociale ou professionnelle s'efface. Il est prépondérant de revoir mes véritables intérêts associés à mes besoins actuels, sinon la dérive me guette. Le cours d'une vie n'est pas immuable, il est un remaniement continuel de soi lié à l'âge et aux changements de condition d'existence. Ma vie est une fiction personnelle remplie d'ombres vaporeuses. Comment donc tout cela devient si terne et banal ? David Le Breton dit que, dans nos sociétés, l'importance de l'autobiographie ou du blogue revêt la nécessité de se dire pour savoir qui l'on est et ce que l'on est devenu. Mon récit de vie est toujours une interprétation de ce que je fus. La seule vérité est la dernière version de moi-même. Le blogue qui me sert de journal intime engrange des souvenirs pour demeurer le même, tout en me redéfinissant sans cesse. Mon identité se construit sans cesse par narration, en me préservant légèrement du temps qui passe. La tentation de l'abîme m'a sournoisement approchée au point de vouloir disparaître. La vie est plus forte que ma volonté. Combien de fois je me suis empêtré de moi-même divulguant ainsi l'embourbement de mon existence ? Combien de fois je me suis senti enfermé en moi-même dans les combats que j'ai menés ? L'unité est souvent lourde à supporter au point de m'éclairer en mille morceaux. Mon existence est faite d'occasions réussies et manquées. Le hasard est ce qui a caractérisé ma trajectoire. Toute la vie en est constituée. Pour apprendre à vivre, il faut désapprendre à devenir. J'ai vécu, malgré l'adversité, dans la décence et la dignité par et pour les chemins de traverse qui m'ont offert une vie propre, un rythme à moi et toujours en gardant l'initiative. Aujourd'hui, je ne veux à tout prix demeurer dans le feu de l'agitation et de l'action inconsciente. David Le Breton parle de la blancheur comme d'une pause entre chaque mouvement, d'une absence à soi plus ou moins prononcée. À chaque étape de vie, la blancheur apparait. La blancheur exercée se trame dans la discrétion, la lenteur et l'effacement. La blancheur est une interruption temporelle à  l'intérieur d'un refuge qui est mien. J'ai relâché depuis belle lurette toutes représentations sociales ordinaires. Je vis dans une sorte d'éclipse qui, paradoxalement, représente cette blancheur dont je viens de citer. Il existe une usure d'être soi qui exige un temps de repos. Je crois avoir besoin d'une retraite de la retraite et cette nécessité de cesser de me penser. Écrire exige une énergie plus grande que j'ai pu imaginé. L'écriture, la lecture, la création, la marche, la méditation sont des lieux où je n'ai plus de compte à rendre, ils sont des interstices où me posé. Ce sont des détours qui me ramènent paisiblement à moi-même et me donnent le goût de vivre le temps que le destin en aura voulu.


3 février |

Un type me dit au parc que je marche comme un homme. Je lui réponds ; qui es-tu donc pour me dire ça ? C'est de cette façon, aussi banale soit-elle, qu'on en vient à ne plus comprendre ce qu'on raconte. Les mots ont une grande importance et doivent être utilisés avec parcimonie afin d'éviter des malentendus, quoique je n'en sois pas là avec ce type plutôt sympathique. En bon philosophe que je suis, je m'attarde de plus en plus aux contenus des conversations. Il va sans dire que, pour ma part, j'aime particulièrement l'autodérision dans les discussions. Si on ne vaut pas une risée, on ne vaut pas grand-chose. L'humour demeure un gage de rapprochement, en ce qui me concerne, mais qui doit être utilisé avec tact et bienveillance. Les bonnes vieilles blagues de ma jeunesse que l'on entendait à la télé ou que l'on se racontait n'ont plus leur place aujourd'hui. Serait-il que l'on entend plus à rire ? Dans une société divisée, les spectacles d'humour faisaient en sorte que tous riaient en même temps, ce qui donnait une sorte de sentiment d'appartenance entre les spectateurs. C'est comme si c'était l'une des dernières grandes occasions collectives pour se rassembler. Il y a moins de spectacles d'humour aujourd'hui, car les gens rient tout simplement moins, il me semble. D'autres temps, d'autres mœurs. Jankélévitch disait ; ne manquez pas votre matinée de printemps. C'était, en réalité, une invitation à passer à l'action, car la vie est courte. Je me demande parfois si les gens s'attardent toujours à l'essentiel. Il est possible qu'ils ne sachent plus ce qu'est l'essentiel et que plus personne ne le sache réellement. La question se pose. Parler est aussi essentiel que savoir se taire. Se vautrer dans le silence est parfois aussi essentiel que de parler pour ne rien dire. Lorsque certaines personnes parlent pour ne rien dire, il faut savoir décoder le message qui est bien souvent ; je n'ai rien à te dire, mais je voudrais qu'on se parle. La psychologie intervient au détriment de la philosophie dans les conversations. Le dialogue est un art à même titre que la peinture et la musique. Ce que je retiens de ma mère, en plus de son amour, c'est qu'elle parlait beaucoup. Étant privée de sa vision les dernières années de sa vie, elle parlait davantage pour équilibrer les sens qui lui restait. C'est ainsi que le déséquilibre et la tristesse me frappa pour la première fois. Mon père riait et écrivait sans cesse, c'était un intellectuel ricaneur. Je possède des traits de sa personnalité, sauf que je ris moins qu'il le faisait, son décès prématuré en fut la cause. C'est éprouvant de revenir sur les histoires du passé. Je le fais pour ne pas oublier d'où je proviens. J'écris pour laisser quelques traces et me soulager d'émotions vives qui s'attachent encore à moi. Ne manquez pas votre unique matinée de printemps, me rappelle la fragilité des choses et les instants fugaces. L'expression ; ne ratez pas peut conduire à la culpabilité si j'évite l'occasion. Le temps file irrésistiblement, il est contenu dans la missive ; ne manquez pas. Cette simple phrase de Jankélévitch contient la morale, la philosophie et la métaphysique. Dans le printemps, on entend l'éternelle et impérative jeunesse. Le printemps ne reste pas et l'été se meurt, j'entends la fugacité de l'existence. Devant cette phrase, mon cœur bat plus vite. Hippocrate disait ; courte la vie, aiguë l'occasion. C'est peu que la vie des hommes. Cette phrase m'indique qu'il ne faut pas tarder. Voyez, j'ai beaucoup plus à faire que d'écouter les divertissements stériles à la télé car la philosophe m'entraine à me découvrir au travers d'études que je choisis et non pas de subir. J'ai toujours été et je serai toujours un autodidacte. J'ai trouvé une méthode adaptée pour étudier qui réside à juxtaposer la lecture et l'écriture dans des sujets et des thèmes qui m'interpellent. Le roman est exclu de mes apprentissages, me faisant perdre un temps précieux et en me déviant de ma trajectoire. Certes, la philosophie émane de toute chose, tel le roman, mais le genre littéraire ne m'émeut pas et ne m'apprend guère. Mes intérêts font bande à part, je l'avoue, mais ils font n'a distinction et j'en suis fier. L'occasion est unique comme le prochain printemps, car irréductible. Mais à quoi sert la philosophie dans un monde où tout sert à quelque chose ? La réponse réside possiblement dans mon attirance pour les chemins de travers que j'ai tant parcourus et aimés. La recherche de soi est philosophique. Dans le livre de Cyntia Fleury, professeure en philosophie ; un été avec Jankélévitch, me révèle de puissantes réflexions. Elle pose la question suivante à  savoir si on peut vivre sans amour, sans musique, sans philosophie, et alors qu'est-ce qu'on fait ? Oui, on peut vivre au sens des marsupiaux et des hippopotames. Manger, brouter, dormir, pisser et, vous appelez ça vivre ? Elle raconte que les motifs de la vie, pour certains, sont plus importants que la vie elle-même. La vie est vivable lorsqu'elle permet l'humanité de vivre. Philosopher n'est pas seulement être un automate, aliéné dans le monde du travail qui a perdu l'accès à la pensée. La philosophie est une science qui sait qu'elle ne sait pas. Elle revendique le doute à chaque chose et c'est pour cela qu'elle me plaît, car je haïs ceux qui ne doutent. La nostalgie pour Jankélévitch, c'est la conscience de l'irréversibilité du temps. C'est surtout de cela qu'il s'agit lorsque j'entends ce mot et non la nostalgie d'une époque. Au retour de mes nombreux voyages, ce n'est pas de la nostalgie que j'éprouvais mais de la déception, celle de revenir à l'endroit de mon départ qui m'apparaissait telle une marche en arrière à l'intérieur d'un rêve perdu. La nostalgie est le temps passé entre le départ, le retour et le vide entre les deux. Jankélévitch parle de l'ennui, cet étrange objet qui s'est abrité en moi depuis l'éternité. L'ennui, ce ne sont pas les ennuis, car, dès que la conscience est préoccupée, elle ne s'ennuie plus. L'ennui est l'absence de l'amour ; celui qui s'ennuie n'aime pas. On ne tuent pas le temps, on en fait quelque chose, cite l'auteur. L'absence de morale débute ici, s'avachir alors qu'il y a tant à faire. Alors faut-il savoir quoi et comment faire, qui est de l'ordre de l'apprentissage et qui, m'a cruellement manqué tôt dans la vie. Il est plus difficile de poser un tuteur à un arbre mature pour qu'il croisse en rectitude qu'à un buisson naissant. L'ennui est un mal nécessaire avant de passer à l'action. Agir, à de multiples égards, m'a porté pour fustiger l'ennui, la preuve se retrouve dans toutes les montagnes que j'ai déplacé inlassablement. Mes premiers dessins à la petite école étaient toujours les mêmes, un route défilant à l'infini bordé de montagnes et de forêts. Je ne me doutais guère alors qu'ils arboraient le chemin qui m'étaient destiné. Comment ne pas soupiré d'exaltation pour avoir pris ces chemins qui aujourd'hui m'amènent vers l'essentiel ? Il m'aura fallu dessiner un simple paysage pour en arriver où je suis rendu. Que la route fut longue, que la route fut vite passé.



2 février |

La plus grande solitude est apparue lorsque Dieu est mort, a dit Nietzsche. À l'instar de la révolution tranquille des années 60, les revendications sociales collectives actuelles se sont transformées au point de fondre comme neige au soleil. Le contexte n'est plus le même que celui qui, à l'époque, rejetait les valeurs sociales en place. Le boum démocratique de l'après-guerre a réformé une société sclérosée par la religion et les valeurs patriarcales. Les revendications sociales actuelles sont basées principalement sur l'amélioration de la qualité de vie professionnelle des travailleurs. Dans les années 60, elles remettaient en question l'establishment en place et le rôle des institutions de l'état par l'émergence de programmes sociaux universels et un meilleur accès à l'éducation. Les gens qui manifestaient à cette époque ont revendiqué des postes clés au sein de l'État et se sont mis doucement à s'enkyloser dans une étrange culture visant à  purger les solides valeurs en place, la consommation à outrance et la spéculation. Ceux qui croyaient détenir le pouvoir ont relâché la pression à l'égard de la vigilance nécessitant les changements au point de devenir eux-mêmes les personnages soumis au système qu'ils ont, préalablement mis en place. On ne peut pas critiquer ces réformateurs qu'était la jeunesse des années 60, car ils ont agi de bonne foi avec des arguments substantiels et significatifs leur permettant de se libérer d'un passé austère et rigide. La vanité, le culte de la personnalité, l'appât du gain ont transformé le monde actuel. L'homme est un loup pour l'homme, dit le vieil adage. La société qui tissait les liens d'autrefois a disparu dans un contexte d'individualisation impitoyable. La société marchande et numérique outrancière que l'on connaît actuellement nivelle vers le bas les plus vulnérables et la classe moyenne. Tous et chacun doivent être interpellés par notre histoire et apprendre de ses erreurs. Tout n'était pas aussi sombre à cette époque, dont je citerai l'éducation rigoureuse et certaines valeurs rassembleuses. Ce qui a changé est le verni qui capte notre attention aujourd'hui dans un monde teinté d'amères illusions. Henri Bergson de dire que l'humanité gémit à demi écrasée sous le poids des progrès qu'elle a faits. Rien n'est donné, tout est construit signifie qu'il n'y a pas d'acquis en ce bas monde. Marx dit que l'histoire de la société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de la lutte des classes. Moins un peuple se regroupe et se préoccupe de ses libertés, moins il est en mesure de faire face aux dangers qui le guettent. Dans les années 60, le pouvoir omniprésent en place était d'ordre religieux. Je ne résumerai pas les qualités et les faiblesses de ce pouvoir, mais je considère toutefois qu'il a laissé un grand vide spirituel et social. La société a principalement acquise des libertés individuelles, scientifiques et technologiques évidentes, mais elles sont affectées par l'absence d'équilibre entre le collectif et l'individuel. Si les médias n'existaient pas, nous serions vraiment isolé. Est-il trop tard dans un contexte planétaire de mondialisation où les décideurs voient leurs actions cotées en bourse prendre la gouverne ? N'est-ce pas le signe que nous avons perdu totalement le contrôle de nos vies et que nous ne pouvons plus agir en toute connaissance de cause ? Y a-t-il encore lieu d'espérer dans un monde qui se contracte sous l'égide des trumpistes, dictateurs et milliardaires fanatiques corrompus ? Quel est le véritable pouvoir d'une société ultra-divisée qui passe une bonne partie de son temps à refléter sa propre image sur son écran, seule ? Peut-être que personne est à blâmer et que c'est simplement le cours de l'histoire qui se poursuit, celle de notre survie dans un monde en mouvement perpétuel. En aucun temps et en aucune circonstance, je n'ai la prétention de détenir quelconque vérité, mais j'ai la satisfaction et le plaisir de la rechercher. Socrate disait pour confirmer mes dires ; je sais que je ne sais rien et que, là où la volonté est grande, les difficultés diminuent. Ce qui s'impose n'est pas de trouver, mais de chercher. Et de conclure avec Descartes ; tâcher plutôt de me convaincre de changer mes désirs que l'ordre du monde.



Étrangement, Épicure disait que pour vivre heureux, il fallait se cacher. Certaines activités surinvesties sont d'abord des boucliers opposés au monde. Très tôt dans la vie, je voulais me fondre à la rue, me dissoudre dans l'espace, perdre mon identité pour en retrouver une autre, plus reluisante et revitalisante. L'errance fut la tentation d'arrêter le temps en contrôlant l'espace. L'incertitude planera toute entière sur ma vie et, insidieusement, le vide en moi se manifesta. Très jeune, je suis livré à l'inconnu que j'appellerai plus tard l'aventure. Je me suis donné corps et âme au romantisme de la route. J'ai fui de toute part à défaut d'être soutenu et contenu. J'ai marché depuis toujours pour ne pas m'effondrer. Malgré tout, de mes nombreuses fugues, j'ai réussi à gagner ma vie en marchant et guidant des pèlerins tout en développant une rigueur et une résilience exemplaire. Mes fugues délirantes à travers les routes du monde, inspirées par les aventures de Tintin et les manuels géographiques à l'école, débutèrent par le malaise d'être au monde et ma présence dans la modeste demeure familiale. La fugue fut le seul et unique moyen de rester vivant et de ressentir l'euphorie existentielle comme jamais auparavant. Mais il me fallait revenir à  la maison, n'étant pas le nomade exemplaire que je croyais être et que le mal de vivre se ravivait. L'insécurité reliée au manque d'intimité personnelle est ce qui m'a le plus fait chavirer. Jamais je n'ai livré par écrit d'aussi exactes révélations sur mon parcours sinueux devenu une putain d'aventure. Plus tard, j'ai contracté un emploi à titre de guide d'aventures à vélo et, pour comble de malheur, je fus frappé violemment par une voiture dans l'exercice de mes fonctions. L'entreprise où j'étais engagé avait pour nom ; l'aventure douce plein air. Elle ne fut apparemment pas très douce après un accident foudroyant où j'ai passé y laisser ma peau me laissant dans le coma pendant quatre heures. Cet accident qui, au réveil avec le prêtre au-dessus de ma tête pour les derniers sacrements, m'a causé un traumatisme dont j'ai eu peine à me remettre. Ce fut un miracle que j'en sorte vivant projetant ma résilience une fois de plus l'année qui suivinre en devenant guide à vélo en Europe pour une société américaine. Le pire traumatisme dont je me rappelle dans mon passé fut de rester immobile chez moi pendant un moment. Alors j'ai marché, marché jusqu'au temps de m'assoupir le soir venu, et ainsi de suite. Les lendemains étaient toujours la même répétition jusqu'à tout récemment. Mon espace psychique était trop inhabitable pour nourrir un sentiment d'appartenance à un lieu précis. Je devais partir ou mourir, et c'est ce que j'ai fait, jusqu'au moment où j'ai commencé à écrire devant une certaine lassitude et un vide profond. Depuis, j'ai appris à réfléchir dans l'immobilité et à apprivoiser mon refuge. C'est un miracle que j'aie survécu aussi longtemps en dehors de moi-même. Sur internet, l'effacement de soi est intensément troublant en multipliant les pseudos et les avatars. Sur la toile, je deviens celui que je dis que je suis. Je m'y suis longtemps amusé, non par plaisir, mais par nécessité de croire qu'un monde meilleur existe et aussi pour gagner ma vie. Les illusions sont grandes à ceux qui ne savent reconnaître leurs besoins véritables. Je reconnais l'amertume qui m'habite, je reconnais en moi le désir d'en faire un récit qui témoigne de ce qui est advenu de moi au fil du temps, batard adopté. Je réussis, manifestement sans peine, à raconter mon histoire qui est mienne et que personne ne pourra m'en dégagé. En cela, elle représente toute ma richesse et toute ma détermination à me remettre au monde dans un esprit réincarné.


1er février |

Fernando Pessoa, écrivain et poète portugais, meurt en 1935, il a 47 ans. Son œuvre principale est le livre de l'intranquillité. Dans cette œuvre monumentale, il crée plusieurs personnages dans lesquels il vit à travers eux, car Pessoa a cessé de vivre. Il se dit étonné de se mêler à la foule en se sentant hors de la respiration commune. Il a disparu de lui-même, refaisant à chaque jour la même routine sans jamais quitter Lisbonne, passant du bureau au café et à son misérable logis à quelques rues. Il reconnaît la beauté de la ville, ne s'y sentant jamais dedans. Il est absent. Il y a certaines similitudes entre Pessoa et moi-même dans la maladie d'être conscient. Je fuis dans les livres, avant sur les routes du monde et dans mes rêves. Les livres, c'est moins fatiguant, surtout à mon âge. Je me suis toujours représenté le personnage central de mes histoires ; Pessoa n'était rien à part ses personnages. J'ai trop de fois adopté la fuite pour éviter de ressentir ma présence. Pessoa et moi-même avons utilisé des subterfuges afin de ne pas être présent à soi-même. Les douleurs furent trop vives pour rester en place. Si j'écris ce que je ressens, c'est parce qu'ainsi je diminue la fièvre de ressentir. Je comprends les femmes d'autrefois qui faisaient des broderies par chagrin et celles qui font du crochet parce que la vie existe. Pessoa a réussi à sortir de lui-même par la création d'hétéronymes, moi par une fausse identité qui tend à disparaître depuis la retraite. Sa souffrance devait être insoutenable. Plusieurs génies littéraires ont la souffrance en commun de ne pas être capables de reconnaître le monde dans lequel ils vivent. Des événements troublants de leurs enfances associés à la perte ou l'abandon sont le dénominateur commun de ces artistes. Ce qui diffère avec aujourd'hui, ce sont les traitements davantage élaborés et l'époque dans laquelle les gens évoluaient sans aucun filet social pour les soutenir. Par contre, de nos jours, la stabilité sociale s'est considérablement effondrée. Nous vivons actuellement l'imprévisibilité de l'existence et de la relation aux autres. J'ai ramené à moi-même souvent bien des choses par inconscience et qui pourrait ressembler à de l'égocentricité ou du narcissisme. Ce réflexe ancestral avait pour but de me protéger de dangers existants. J'ai tellement été blessé que j'en suis venu à voir des menaces de tous côtés. Il est étonnant de constater, en écrivant ce soir, à quel point je sous-estime mon potentiel et mes forces. J'ai trop souvent cru que je n'arriverais nulle part, sans éviter une multitude de pièges. Ce sentiment d'impuissance se manifeste surtout lorsque je suis inactif. Ce qui est étrange maintenant, c'est l'inverse qui se produit. Je pense, donc je suis, disait Descartes et c'est bien suffisant même si cette affirmation remet en question un grand nombre de questionnement. Cette phrase, néanmoins, porte une dualité, par exemple le je et celui qui pense et qui est. Je n'irai pas plus loin dans ce sujet hautement métaphysique dont Descartes a soulevé un grand nombre de questionnement. L'empathie que l'on porte en soi diffère des uns des autres et selon ce qui nous a été enseigné. Si j'ai survécu, c'est grâce avant tout à l'amour de ma mère adoptive. C'est l'héritage que j'ai reçu qui m'a aidé à traverser les intempéries, malgré ses impuissances à m'offrir autre chose que son amour inconditionnelle. Je ne peux associer le manque d'empathie à l'absence de personnages dans le blogue. Je préfère me référer à ceux qui existent que de les inventé. Il me semble impensable que je puisse faire vivre des personnages fictifs dans mes récits. Cela peut paraître indécent de ne pas être capable d'apporter de l'attention à autrui davantage dans mes propos pour la bonne raison qu'ils sont absents. Ne suis-je pas la personne la plus importante du monde ? Je n'ai pas la prétention d'être parfait, loin de là, mais je possède la volonté de m'améliorer même dans ma décrépitude. Ce qu'il me faut reconnaître, est de dire oui à la vie, de cesser les résistances inutiles et de croire qu'en moi existe un monde incroyable qui mérite d'être exploré et surtout aimé. Le sommeil est aussi une fuite pour s'échapper du monde, pour disparaître de soi, comme dit David Le Breton. Sortir du rêve est renouer avec mon identité. Dormir me permet de ne plus être là. Assumer son existence n'est pas une mince tâche, surtout si les tuteurs ont fait défaut. Le bouquin de David Le Breton éveille en moi bien des réflexions. Je devrais alterner avec un autre genre littéraire pour ne pas m'enliser dans ma propre disparition. Je suis très exigeant envers la vie, car bien de résistances et de méfiances m'habitent. En me relâchant, cela me permettrait de voir que je ne suis pas le seul à vivre ces interrogations. En me relâchant, cela me permettrait possiblement de ne pas passer inaperçu. C'est ce qui arrive lorsqu'on passe trop rapidement : les gens nous voient, mais ne nous reconnaissent pas. Le blogue m'aide à apporter des nuances et à m'interroger sur le sens véritable de ma vie, s'il en est une. Avant de m'avancer, il faut savoir les raisons qui me poussent à le faire. Avant de faire un pas vers l'autre, il faut en avoir fait plusieurs vers soi-même. Depuis que j'écris, je lis mieux. Depuis que je me suis arrêté, je ne suis plus que du vent. Pour continuer de me mêler aux mouvements du monde, il faut cesser un moment de m'y engager. C'est le recul nécessaire à toute bonne chose, le tels qu'il faut. Conscient d'être le prisonnier d'une ornière de l'histoire, je n'en ai pas toujours conscience. Pardonnez mes fautes si je suis incarcéré à moi-même par des distractions stériles libérant un passé fragile. Comme je suis lourd et maussade devant ces pensées austères ! Les dépressions sont les maux les plus courants des sociétés contemporaines. Les dépressions sous ses formes différentes impliquent le ressassement de la perte. Elles s'installent afin de modifier sa trajectoire. Pour certains, il sera impossible selon les circonstances de les modifié; pour d'autres, c'est un choix délibéré. Il paraît qu'on a toujours le choix selon son entourage ; pour d'autres, c'est la vie qui le veut ainsi. Malgré mes efforts de rester vivant, je ne me suis jamais résigné d'abandonner, même si parfois la tentation fut grande. Je veux et j'ai toujours voulu la possibilité de créer ma propre histoire, plutôt que de la subir. Je ne subis pas la honte associée à la dépression, car je ne suis pas la dépression. La dépression s'installe insidieusement lorsque la vitesse nous tue et que nos valeurs ne sont pas considérées par soi-même pour différentes raisons. Non que je me présente sous les traits de Narcisse ou de l'égo et, je ne tiens, en aucune façon, à vouloir me justifier. L'affaire est de se libérer de soi-même par soi-même, de trouver ses vraies dimensions et sans se laisser gêner, disait Virginia Woolf.


31 janvier |

La défection est une possibilité de se retirer d'une situation qui paraît sans issue. Confronté à l'indifférence sociale du fait de changement de statut, après la retraite et à la difficulté de trouver ma place dans le monde depuis bien longtemps, j'ai renoncé à me battre en m'abonnant plus ou moins aux circonstances. Non que je sois misanthrope, mais j'ai appris dans le silence, dans l'intériorité, dans la sobriété une nouvelle voie qui l'emporte sur les avantages du lien social. Depuis la retraite, j'ai appris à n'être plus rien. Mon appartement étant devenu un monastère, un cloître, toutefois ma vie serait bien pire dans dans rue, en prison ou en institution psychiatrique. Sortant peu et que pour l'essentiel, surtout l'hiver, mes liens avec les autres sont devenus quasiment absents ou carrément superficiels au point de n'être plus rien aux yeux du monde. Lorsque je regarde les profils sur les réseaux sociaux, le cœur me lève d'indifférence. Tout ce monde est tellement éloigné de ma réalité monastique que j'éprouve à leur égard une sorte de malaise constant. Assurément, je me sens presque aussi seul dans la foule que dans mon refuge à me raconter des histoires. Les faits sont que je sais pas comment changer les choses, d’ou mon retrait de plus en plus accentué. Toutes discussions seraient mises en échec. Mon sort dépend-t-il d'une conjoncture sociale et culturelle ? Je ne saurais le dire avec précision. Certes, cette solitude n'a pas et n'a jamais été un choix. Elle fut subite au départ. L'homme intérieur est le seul à exister vraiment, raconte David Le Breton dans un livre déconcertant sur l'homme contemporain dans lequel je m'identifie ardemment. Ce midi au restaurant, trois jeunes femmes discutent avec tant de colère dans un langage vulgaire de leurs employeurs qu'elles m'ont horrifié. Comment peut-on parler ainsi de ceux qui nous nourrissent ? Elles ne sont pourtant pas des esclaves et peuvent déguerpir à tout moment en pleine quiétude, m'apparait-il. Au lieu de laisser aller leurs tièdes frustrations, ne feraient-elles pas mieux de quitter leurs vies merdiques vers de meilleurs horizons ? Je reste convaincue que nous sommes à un moment charnière. L’heure n’est plus aux réformes cosmétiques. Une transformation radicale s’impose. Il faut rompre avec les modèles économiques, politiques et sociaux fondés sur la croissance infinie. Ces modèles anéantissent les sociétés et les lieux qui les abritent. La preuve est que l'endettement des classes moyennes a littéralement explosé. Les modèles s'appuient sur une compétition néfaste dont les résultats émanent des imbroglios sévères. Ils est urgent de converger dans la décence de l'humanité pendant qu'il est encore temps. À quoi bon exprimer ces sornettes, si personne n'entends les alarmes. Ce n'est certainement pas moi qui changerai le cours du monde. Nous naissons tous fous, quelques-uns le demeurent. En ce moment, l'humanité, c'est moi, disait le célèbre écrivain et dramaturge Samuel Beckett. J'aime vivre dans un lieu d'amortissement du monde où je peux poursuivre mon existence au ralenti nous dit David Le Breton à propos de Robert Walser, écrivain et poète. Son désir de disparaitre de lui-même est d'une force inouïe. Le livre raconte une partie de sa vie et où il meurt en promenade en campagne qu'il aimait, dans la neige autour de l'asile qui l'abritait à la fin de ses jours. Dans le récit de Beckett, Murphy voit les malades non pas bannis d'un système bienfaisant, mais comme échappés d'un fiasco colossal. Il est étonnant de constater en parallèle avec ce livre, comment mon parcours fut une véritable aventure, comme quoi je veuille, en toute impunité, me retirer dans une vie simple et paisible. Je prends tout à coup conscience d'un monde qui est en moi et qui ne demande qu'à être exprimé. Il ne sert plus à rien de chercher en vain des oreilles attendrissantes. C'est pourquoi je comprends la nécessité pour mon bien-être et ma dignité, de me retirer de la confusion du monde dans le calme de mon ermitage à l'abri de la foule. Que pourrais-je donc attendre d'autrui qui n'est pas en moi ? C'est une question inquiétante dans laquelle je n'ai pas, aujourd'hui, de réponses précises. Mon plus grand héritage ne sera pas ce que j'ai fais, où je suis allé, qui a croisé mon chemin, mais consistera par les mots rassemblés, équivoques dans une pure éloquence qui m'épanouit et me transcende. Comment ferais-je pour discuter aux petits bougres après d'aussi étonnantes révélations ?


30 janvier |

Choisir, c’est renoncer, nous disait André Gide. Et en effet, il semblerait que certaines personnes soient prises de vertige devant chaque intersection. Elles ne veulent surtout pas renoncer de peur de se tromper. Cela souligne le caractère angoissant du choix qui est, si je ne m’abuse, un passage obligé dans la quête de sens qui nous anime tous. L'insuffisance est le propre de l'homme contemporain. Il est le seul à la recherche de lui-même. L'individu est souvent désorienté dans sa construction personnelle, car il ne sait que faire de sa liberté. Cette dernière est octroyée dans le cadre démocratique de la société. Être sous sa seule autorité est une composante de la liberté, mais exige un effort constant parsemé d'inquiétude. Le prochain volume sur ma table, Disparaître de soi, de David Le Breton, éminent pédagogue et sociologue, se présente au moment opportun, comme si l'univers voulait me faire parvenir des signes importants. Il y a une espèce de chronologie du hasard qui, en prêtant attention, m'indique la marche à suivre pour mon évolution. Les luttes communes s'affaiblissent dans un monde de plus en plus fractionné. Prétendre vouloir changer le monde seul est utopique. S'identifier à la foule outre-mesure est de la pure folie sauf pour les carnavals. En s'identifiant aux masses, l'identité perd son lustre sauf pour les revendications sociales. Un juste équilibre serait censé, mais comment fait-on pour être équilibré lorsque tout bascule ? Soutenir sa place auprès du lien social implique une tension, un effort. Seul, les efforts sont d'un ordre différent. Le monde idéal n'existe et n'existera jamais sauf pour les grands initiés. L'individu hypermoderne est désengagé ce qui risque de l'affaiblir. Le lien social est plus une donnée d'ambiance qu'une exigence morale. Ne faudrait-il pas se surprendre de voir apparaître des menaces à à nos frères identités et à la démocratie. Le lien d'autrui est facultatif dans son ensemble actuellement et les habiletés sociales se détériorent sous l'égide des téléphones intelligents. Le temps que l'on dispose à autrui s'amenuise et est largement utilisé à courber la tête devant les écrans pathétiques de la Silicon Valley. L'individu contemporain est connecté au lieu d'être relié. L'ambiance sociale est hantée par l'emprise de la technologie. Le lien social, désormais, passe dans le prisme d'un ordinateur. Je ne peux m'empêcher de retranscrire sur le blogue des textes que je jugent si pertinents et qui précisent l'objet de mes pensées, que je n'hésitent pas un instant d'en faire appel sans aucune prétention d'en être l'auteur. Une amie me dit que je suis inclassable, tous les moules existants n'ont pas eu d'emprise sur moi, non sans douleurs. Sans tuteur, j'ai continué de croitre dans l'adversité. Je pars souvent d'une lecture pour me lancer. Retranscrire un texte est la meilleure façon de s'en imprégner. Viendra peut-être un jour que je serai apte à voler de mes propres ailes. En attendant je poursuis mes études, comme je le dis si bien, tentant ainsi de reprendre ce temps où j'étais occupé ailleurs. En écrivant, je découvre mon style, mes intérêts, mes valeurs, ma liberté. Je suis en train d'apprivoiser le créateur somnolent qui m'habite. Lentement, la forme, le caractère, la souplesse prend forme. Puis viendra la profondeur des mots repatriés dans un ensemble de paysages littéraires. Je n'aime pas l'immobilité d'un texte, sa rigidité de ses idées. Les nuances, les fragrances, l'authenticité et surtout la pertinence des mots m'inspire et m'imprègne de volupté. Il y a une mise en scène qui est, parfois plus révélatrice que le sujet. Elle amplifie le verbe, elle l'ocille vers l'absolu se révélant, telle une œuvre unique. Certains auteurs ont cette capacité de m'émouvoir et de transcender le réel en le rendant plus exaltif, plus beau. Seul, je badigeonne de mon sang la page blanche car les hommes, pas tous, me déçoivent au point de vouloir me parler à moi-même le soir venu. J'ai adopté une routine, j'ai compris qu'elle était mienne. Je reconnais avoir besoin d'inspirations littéraires pour parvenir à mes fins. Les seules choses que j'ai besoin de justifier sont envers moi-même et ceux et celles qui me témoigne une amitié sincère. Je suis de ceux qui veulent voir le monde de l'autre rive. J'ai tant de fois tenter des formes de vertige pour ne plus à avoir à penser une présence au monde douloureux. Le retour en arrière m'apparait impossible en absence d'amour sincère et désintéressé. Tout mes propos, décidemment m'étonne, et je ne fais que quitter l'introduction de l'auteur.


29 janvier |

Lorsqu'on me demande quelle est ma force de sagesse, je réponds devoir méditer pour la reconnaître. Que reste-t-il du passé à part quelques mots à gribouiller ? Que reste-t-il de mes amours à part quelques sursauts dans mes songes ? Rien de tout cela n'a plus d'importance au soleil de minuit. Mon sang multiforme, liquéfié, lentement se verse dans un entonnoir. Je nais sans cesse, je meurs à chaque instant, agonisant depuis ma venue au monde. Que reste-t-il de ces beaux jours ? Des matins fringants, le corps alerte ? Quelques frissons, les pieds endoloris et le doute de n'avoir fait que passer. Chère nostalgie que je ne cesse d'embrasser, je te reconnais au point de ne pouvoir t'oublier. Les réponses rarissimes ne parviennent pas à troubler le fait que j'existe. La récompense promise est lente à se poindre dans la chaleur sulfureuse de mon antre. La folie me guette, aboyant au moindre geste. J'aurais aimé naître à l'arc-en-ciel  de mes désirs où les regards cessent de fuir. La laideur n'aurait plus de place. Tellement de choses obsolètes deviendraient spontanément invisibles et silencieuses. Elles n'auraient plus raison d'exister. La nature serait belle au réveil. On n'aurait plus besoin de gémir, de ramper, de vendre ou d'acheter. La liberté me servirait de repère, l'amour, ma délivrance. Les plus beaux couples sont ceux qui, avant tout, sont amis. Ils jouent ensemble, ils se battent, ils se taquinent, ils se mordent et se pincent, mais ils s'aiment d'une façon que personne ne pourra jamais remettre en question. L'amour est si près lorsque les yeux s'illuminent. J'écris pour saisir mon amour, j'écris pour me plaire impunément. Qu'est-ce que je désire encore accomplir que je n'ai pas pu réaliser ? Spinoza nous a dit que le désir est l'essence de l'homme, le moteur de toutes nos actions. Bien vivre, c'est apprendre à cibler mes désirs. La lumière surgit lentement sur ce qui me semble essentiel, important et superflu. Lorsque la lumière s'affaisera, il sera temps de partir, car je serai mort. D'ici là, quelles sont les choses précieuses auxquelles je souhaite consacrer mon énergie ? Trouver quelqu'un à qui je pourrais transmettre quelque chose qui soit utile, qui m'offrira une signification à mon existence et les bonnes raisons de vivre. La table est mise pour le festin de la dernière chance. Rien ne va plus, message envoyé. L'important n'est pas de savoir ce que j'attends de la vie, mais ce que la vie attend de moi. Quel sens a ma vie est la question que tous se posent à un moment ou un autre, n'est-ce pas ? Qu'est-ce qu'il m'est possible de faire ou de ne rien faire ? Savoir y répondre élimine une angoisse immense. La plus grande liberté réside dans la manière dont je peux réagir aux événements. Quelle est la source de ma réaction devant telle situation ? Là est le début de la sagesse, maîtrisant ainsi, en premier lieu, les émotions associées aux événements. Le plus bel acte de liberté est de savoir utiliser une blessure, un traumatisme de vie, un échec pour mobiliser mes ressources intérieures pour grandir. C'est le sommet de la résilience, et ceux qui ont fait ce chemin sont souvent les plus belles et humaines qui soient. Un bon matin, dans mon miroir, une nouvelle personne apparaîtra avec un sourire rempli de joie et de gratitude. Je ne suis pas né libre, je le deviens. Les disciples d'Épictète ont condensé sa pensée, dont cette phrase ; parmi les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d'autres non. La liberté est de savoir reconnaître la différence. Je peux agir sur ce qui dépend de moi, mes moyens d'action dans la lutte contre une injustice, mes pensées, mes émotions, mes désirs. La reconnaissance sociale ne dépend pas de moi. Agir de manière appropriée est un signe de sagesse. Le refus de la réalité a souvent contribué à ma souffrance. Mieux vaut accepter ce que je ne peux changer. La liberté est une question d'attitude qui n'est pas de se résigner, mais d'accepter. Ne rien vouloir d'autre que ce qui est devant moi est le début de la sagesse. Où diable avais-je la tête tout ce temps ? La sagesse s'appuie sur le désir d'aimer la vie non pas comme j'aimerais qu'elle soit, mais comme elle est. Ce ne sont pas les choses qui me lient, mais mon attachement aux choses. Mes inspirations littéraires me proviennent de différentes sources précieuses, dans lesquelles je ne pourrais m'exprimer délibérément. Sans elles, je tournerais en rond comme un hamster dans sa cage.