Osmose

Bienvenue sur mon blogue personnel. Ce journal intimiste dans ses récits et propos exprime un désir de dépassement et d'authenticité.

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Polarsteps




10 février |

La nature ne donne l'impulsion qu'aux êtres qui ont atteint leur plein développement et qui aspirent à sortir de leur coquille. Érasme dit que la philosophie enseigne plus de choses en une seule année que l'expérience, si riche soit-elle. Il s'agit de saisir le véritable sens de nos actions au lieu de les énumérer. Lorsque l'on voit les choses en courant, elles se ressemblent toutes. Un torrent est un torrent, disait Alain dans ses propos sur le bonheur. C'est ce qui arrive parfois en voyage, où la quantité de mouvements prime sur la qualité du regard. C'est ce qui arrive lorsque nos voix l'emportent sur la contemplation. Mais l'amitié se nourrit de communication. Celui qui parcourt le monde à toute vitesse n'est guère plus riche de souvenirs à la fin qu'au commencement. La vraie richesse des choses est dans le détail. Si je supprime l'opinion fausse, en moi, je supprime un certain mal. Il en est ainsi des critiques et des préjugés qui, à tort de m'en distraire, me font perdre ma force vitale. On peut se sauver d'un naufrage, mais on peut se noyer dans une eau tranquille disait Montaigne. Il est mieux de se garder des opinions populaires. Ce n'est pas ce que j'observe dans les temps qui courent sur tout et presque rien. Ma curiosité est plus grande que la capacité de l'absorber. Ma curiosité envers les informations me donne l'impression d'embrasser tout, alors que n'étreins que du vent. Je cite, par exemple, les romains qui croyaient que les gens vivant en dehors de l'empire étaient des barbares. La désinformation ne date pas d'hier. Et qui étaient les sauvages maladroitement nommé ainsi dans lesquels on a voulu assimilé ? Les plus sauvages n'étaient-ils pas ces prédateurs venus d'Europe ? Thoreau s'est inspiré du sujet pour parler du thème qui lui était cher; la désobéissance civile. Actuellement qui protège qui et pourquoi ? Le malheureux n'a que peu de ressources devant les injustices. Les lois visent-elles à protéger le pouvoir économique des mieux nantis ? J'ai vu dans certains pays, des pauvres qui étaient très pauvres. Aux États-Unis, pays des grandes richesses, j'ai vu la pauvreté extrême dans tous ces états. J'ai vu la pauvreté dans la soumission  car l'oppression y est sévère. De ce côté, ça paraît moins, car il y a le filet social visant à protéger le malheureux. C'est aussi comme ça en Europe, malgré que le flux migratoire des dernières décennies affaiblit les systèmes sociaux. Je trouve décadent que des multimilliardaires décident de comprimer les dépenses budgétaires aux démunis en accroissant leurs richesses. Comment réussit-ont à faire élever la voix du malheureux sans porter atteinte à ses droits et lui porter préjudice ? Même le plus puissant des barrages ne pourra retenir la force des eaux en colère. Ce qui me désole, c'est de constater que la démocratie est aux mains des plus grands capitalistes pragmatiques de ce monde. Est-il encore possible d'espérer encore et encore, aux prochaines élections, de changer le monde ? J'en doute, car nous sommes trop fractionné pour faire front commun devant l'adversité. Le problème réside dans nos habitudes développées et qui sont devenu l'adversité. Notre insousiance est la même que ceux qui nous gouvernent, car nous sommes les petits gouverneurs, les petits rois d'un royaume fragmenté. Ce soir, je mange de la viande et je remerci cette offrande qui m'est offerte. J'ai beaucoup de gratitude d'être nourri par l'état qui me reconnait apte au grand répit qu'est la retraite. Sans cette aide précieuse, je serais contraint de travailler dans une désolation la plus totale et une parfaite indignation. La retraite ne signifie pas pour autant oisivité, au contraire. On dirait qu'agir par et pour soi-même dans une société est contre productif. Pourtant, le sens de l'existence passe, avant tout, par une plus ou moins longue alcamie pour saisir la place qui nous est destiné. J'éprouve de la réticence avec le mot travail dans lequel on attribue ce nom. J'éprouve un malaise, voire un mépris, devant la forme du travail dans lequel on évolue actuellement. Je note une régression éthique et morale en lien avec le travail actuel et qui consiste et exige de faire toujours plus avec le moins de reconnaissance. L'étymologie en latin du mot travail signifie un instrument de torture. Le travail sous sa forme actuelle n'est que pour esclavage dont nous sommes les seuls bourreaux. J'éprouve un malaise devant la soumission indigne de tant de gens. Il est fort probable que, dans une autre vie, mon salaire aurait été assigné pour l'écriture dans une recherche artistique ou intellectuelle. Possiblement est-ce le fruit d'un fantasme ? Qu'il me soit donné d'être contrairié que je m'indigne en me rétractant. C'est le fruit de de souffrances indubitablement subitent de ma plus tendre enfance et dans lesquelles j'ai évolué bien malgré moi. Manifester et s'indigner sont une chose, mais la question demeure : quelles sont les solutions de rechange à établir et sont-elles réalisables ? Mes critiques se sont affaissées au fil du temps, laissant place à la question qui est de savoir ce qu'il m'est possible de faire concrètement pour apporter des solutions. Seul, je peux me transformer, mais collectivement, je ne vois pas d'issues à court terme car le malheureux n'a point de support parmi la masse en liesse. Les véritables révolutions pouvant transformer la société proviennent du peuple qui souffre. La voix de celui qui souffre est-elle suffisante pour changer l'ordre des choses le statut quo de l'homme réside t-il dans son impuissance à se transformer ou bien par son manque de volonté ? Est-il possible que ces voix ne soient pas suffisamment nombreuses pour se détacher de ses chaînes? Est-il possible que le peuple n'ait pas suffisamment souffert pour que la métamorphose s'effectue ? Beaucoup de questions apparaissent sans que je n'y trouve de réponses. Et pendant ce temps, les forums sur l'intelligence artificielle apparaissent comme des champignons qui ne seront peut être pas aussi magiques qu'ils tentent de démontrer.


7 février |

À propos de l'amour, taisons-nous et aimons. Mieux, allons écouter de la musique ou allons au cinéma. Cela pour dire qu'il n'est pas aisé de saisir l'amour. Aussitôt qu'on est tenté de le décrire, il disparaît. Tout dans la vie est affaire de malentendus, au sens où nous naviguons ignorants des causes réelles et peu conscients des effets. Comment adopter une morale avec si peu de substances ? La vérité n'est pas toujours facile à entendre. Pour que la vie reste vivable, il vaut mieux ne pas approfondir, disait Jankélévitch. Sa formule du je-ne-sais-quoi-et-presque-rien est celle de l'incertitude devant le bonheur. Rien ne dure et tout est cruellement passager. De là, provient tous les projets, et le pelletage par en avant qui vient à réfuter la nécessité du moment présent. Et un beau jour, vient la question : qu'ai-je fait de ma vie ? L'aventure est l'antipode de l'ennui. Je m'y suis tellement identifié que je lui ai consacré ma vie. Cette putain d'aventure, je ne la regrette pas pour avoir dissipé mon ennui d'un monde que je n'ai pas choisi. À partir de l'ennui, je me suis construit un univers à part, exceptionnel et unique. Ma vie, bien qu'elle ne soit pas terminée heureusement, a été bâtie sur le socle de l'ennui. Les seuls chemins de traverse que je n'ai pas encore terminé de parcourir sont en moi et dans la créativité que la vie possède. Il y a toujours un risque à l'aventure. Ceux qui ne le prennent pas au sérieux ne s'aventureront pas loin. L'aventure n'est pas un jeu dérisoire. La fonction de l'aventure est de produire de la lumière dans la nuit. Cynthia Fleury nous dit que l'aventure désigne un irréversible heureux, toujours ouvert, jamais obscur, l'irréversible des commencements qui donnent l'illusion de durer pour mieux éviter la tristesse. Le jour est venu pour moi de prendre au sérieux le présent et le goûter comme un fruit frais. Sénèque disait que solitude et société devaient se composer et se succéder. La solitude donne le désir de fréquenter les hommes. Mes promenades à la campagne et dans les bois me sont vitales pour mettre en pause un esprit surchauffé et que mon âme puisse s'élever dans l'espace libre au grand air. La déconnexion de la société est obligatoire pour cesser de vomir sur elle. La déconnexion est le signe de ma liberté et du choix que je fais pour m'éviter d'être pris au piège. La déconnexion est la désintoxication nécessaire des temps modernes et de ceux qui s'abritent dans la cité des fous. Le besoin de solitude et de la société est indissociable. La solitude n'est pas toujours aimable, mais j'aime être seul. Dans un pas de côté, je discerne ce qui m'est essentiel et les contradictions qui habitent la société et, par ricochet, les miennes car je suis la société.


6 février |

La guerre que mènent les russes prouve que la vie humaine n'a pas d'importance pour eux. L'honneur pour leur patrie est un camouflet reflétant des idées sombres à l'intérieur d'une expansion démagogique. Il n'y a pas qu'eux qui ne considèrent pas la vie humaine. La maltraitance et les guerres me touchent profondément. Passons. Je suis souvent seul, bien malgré moi, même si je possède la trame du solitaire. J'aime discuter, mais personne n'est là. L'appel du lointain m'a rejoint très tôt dans la vie, que ce soit sur les pentes enneigées, les collines sauvages, les plaines immenses, les déserts ou les mers. La solitude volontaire des dernières années en campeur m'a amené dans des lieux qui m'ont donné le sentiment de faire partie d'un tout. Ce fut à la fois exaltant et éprouvant. La vie nomadique en campeur me permet de ressentir des choses que jamais auparavant je n'aurais douté. Les conversations que j'ai eues avec moi-même et celle de mon âme m'ont profondément bouleversé. Pendant plusieurs semaines, j'ai développé la faculté de me suffire à moi-même, non pas sans vertiges. Ces années à trimballer ma carcasse en Amérique ont quintuplé ma croissance personnelle. Après avoir touché de si près les grands espaces, le retour vers mon refuge fut amère et déstabilisant. C'est comme si je refaisais marche arrière à l'intérieur d'un rêve perdu. J'ai cru pouvoir modifier, en quittant mes plus grandes inquiétudes, la réalité du décor immobile de la ville blafadre qui m'abrite. La marche est extrêmement haute entre les deux. L'improvisation de chaque instant, m'a permis de découvrir un monde d'une âpreté inégale entremêlée d'euphorie et de rêveries exaltantes. Une perturbation profonde d'être le seul à être confronter aux beautés naturelles associées à la mobilité et aux changements extrêmes m'ont bouleversé au point de ressentir mon coeur battre plus fort. Dans mon isolement, personne ne vient à ma rescousse, ce qui me renvoie ma petitesse dans l'univers. L'autosuffisance est dans la sagesse, c'est la clé du bonheur, mais le bonheur est toujours fugace, même au paradis des mortels. J'ai souvent filer, car j'avais le sentiment de ne pas être à ma place où je suis. Les problèmes se retrouvent ailleurs et les souffrances sont d'autant plus vives en croyant pouvoir les éviter. Christopher McCandless a écrit avant de mourir dans sa dernière aventure en Alaska, que le bonheur n'est vrai que quand il est partagé. Il ignorait que la solitude pouvait être si éprouvante et dangereuse. Je ne suis plus tout à fait libre de commencer par où je voudrais, disait Bergson. Mes illusions proviennent d'un passé déchu, trouble, cela se fait de façon inconsciente en axphixiant le présent et le devenir. J'ai, dans mon existence, repousser mes limites à bien des égards. Regarder en arrière m'empêche de voir le mouvement réel, car la mémoire de l'expérience est figée dans le temps. Comprendre, c'est aussi faire, c'est créer et recréer pour Bergson. Mon œuvre, aussi humblement que possible, se nourrit de la vie et de mes épreuves. La valeur de la vie bureaucratique des gens, pour ne nommer que celle-ci parce c'est elle qui se présente à moi, n'est rien, pourvu que le travail est fait. Cette question pourrait être le sujet de bien des analyses qui seraient longues en dissertations philosophiques. Dans la vie professionnelle, nous ne sommes qu'un rouage de la société, qu'on le veuille ou non. Il nous est impossible de nous dissocier du monde dans lequel on vit, même lorsque le show business s'amenuise. Je crois que nous sommes tous interchangeables, que l'on le veuille ou non, sauf dans les amitiés sincères, mais encore faudrait-il déterminer le sens de l'amitié qui diffère les uns des autres. Jankélévitch dit que le courage ne se conjugue qu'au présent. On ne peut se définir courageux, on ne peut que l'être dans le présent. Ce qui est fait reste à faire. J'ai beaucoup aimé et j'aime encore la vie libre de la nature au mécontentement qu'engendrent les villes. Seul, ce fait me renvoie à une solitude non désirée et aux malaises de ne pas vivre intensément selon ma véritable nature. Krakauer, dans Into the Wild, dit que dans la nature, je deviens un citoyen de l'univers, en ville, membre de rien si je ne suis pas dans la chaîne de production. En nature, je ne suis pas isolé, mais seul. En ville, c'est le contraire que je ressens. Je ne m'ennuie pas tant des êtres que des types dont je ressens le besoin. J'ai toujours porté ce dilemme en moi en lien avec la ville et son fulgurant départ. Je n'ai jamais eu de réponses pouvant me satisfaire. J'adopte le statu quo dans le confort de mon foyer, parce que je sais que la véritable aventure pourrait me tuer. J'agis avec raison et prudence, ce qui ne m'empêche pas de prendre ma barque à l'occasion pour déguerpir. J'ai souvent fui pour sauver mon identité ou celle que je croyais obtenir. Ce n'est que dans le désespoir que l'espoir surgit, que la lumière provient de la pénombre et qu'il faut avoir été seul longtemps pour aller à la rencontre de l'autre. Camus a attribué une signification métaphysique à la révolte des solitaires ; l'homme refuse le monde tel qu'il est, sans accepter de lui échapper. En me rapprochant de ces auteurs, je prends conscience de mon état d'esprit, par le fait même, je constate que je ne suis pas aussi seul que je le croiyais.


5 février |

Il faut toujours viser la lune, car, même en cas d'échec, on atterrit dans les étoiles. Je vis près de plusieurs services de proximité où je peux tout faire à pied. J'habite à quelques rues de l'un des plus beaux parcs urbains du Canada, le parc des Champs-de-Bataille. Mon logis, qui est plus que convenable, possède une belle fenestration et la location est raisonnable. Déjà trente années se sont écoulées depuis mon installation dans ce quartier que j'aime. L'immeuble est insonorisé et bien entretenu. À  pied, j'ai accès à deux bibliothèques publiques, des centres communautaires, des piscines publiques et une artère commerciale agréable où je trouve de tout. Dans mon quartier, je retrouve une liste exhaustive des services essentiels pour vaquer à mes besoins ; trois chaînes d'alimentation à grandes surfaces, des pharmacies, un cinéma, un splendide gym où je m'entraîne régulièrement, un sauna, plusieurs cafés et restaurants, des librairies d'occasions, des boîtes à livres et le Vieux Québec dans ma cour. La canopée est magnifique et les maisons ont du charme. Une piste cyclable est disponible sur la rue, avec la possibilité de m'abonner aux réseaux de vélos électriques de la capitale. Plusieurs autobus urbains passent à quelques mètres de mon immeuble. À pied, rapidement, j'ai accès au Vieux Port et à la promenade Samuel-de-Champlain sur les rives du fleuve Saint-Laurent. Je reconnais la chance de ne pas posséder de voiture l'hiver. Voilà qui est dit à propos d'un certain bonheur de vivre dans un quartier qui est mien en toute simplicité avec les ressources qui sont à ma disposition. Toutefois, il n'est pas aisé de créer des liens, malgré toute la vie qui se dresse à mes côtés. Ce qui est un élément distinctif des grandes cités anonymes, très peu de gens de mon quartier et des environs sont disposés aux intimités et conversations. Mes familiarités se dressent aux rues et aux commerces, mais très peu aux gens que je croise. Bien souvent, je me sens étranger dans ma propre ville. Parlons de la synchronie cérébrale. Elle est possible en présentiel seulement. Il est très bénéfique pour le cerveau de rencontrer des gens en vrai plutôt que dans le mode virtuel. La solitude des réseaux sociaux est nuisible à la longue, mais j'ai des plans que je divulgerai dans un avenir rapproché. Ma retraite dégage une certaine sérénité du devoir accompli. Le temps libre, qui pour moi, est une source intarissable de bonheur. Depuis peu, je ressens une fatigue qui s'installe que le repos n'apaise plus. C'est le signe de diminuer mes activités, j'en conviens. Le deuil de la vie active mais non sédentaire s'amorce, découvrant en soi un être plus vulnérable, différent. La trame de relations diminuée, je n'ai pas toujours le goût d'en instaurer d'autres pour des raisons qui m'échappent encore. Mon énergie doit être en cause. Les quelques personnes alors avec qui je dresse une certaine intimité sont des êtres importants qui, sans eux, je perdrais le sens à mon existence et serais à la dérive. Je suis fatigué de maintenir le personnage que j'ai déjà été. J'ai cessé de m'identifier à lui et ne reconnais pas encore pleinement celui que je suis devenu. Entre les deux, un vide immense qui donne le vertige. Ma motivation actuelle réside dans mes pensées, ma mémoire, une routine bienfaisante. L'âge est tout ce qu'il y a à regretter et rien à espérer, disait Jankélévitch. Mon ancienne personnalité se dissout quand l'armure de la réussite sociale ou professionnelle s'efface. Il est prépondérant de revoir mes véritables intérêts associés à mes besoins actuels, sinon la dérive me guette. Le cours d'une vie n'est pas immuable, il est un remaniement continuel de soi lié à l'âge et aux changements de condition d'existence. Ma vie est une fiction personnelle remplie d'ombres vaporeuses. Comment donc tout cela devient si terne et banal ? David Le Breton dit que, dans nos sociétés, l'importance de l'autobiographie ou du blogue revêt la nécessité de se dire pour savoir qui l'on est et ce que l'on est devenu. Mon récit de vie est toujours une interprétation de ce que je fus. La seule vérité est la dernière version de moi-même. Le blogue qui me sert de journal intime engrange des souvenirs pour demeurer le même, tout en me redéfinissant sans cesse. Mon identité se construit sans cesse par narration, en me préservant légèrement du temps qui passe. La tentation de l'abîme m'a sournoisement approchée au point de vouloir disparaître. La vie est plus forte que ma volonté. Combien de fois je me suis empêtré de moi-même divulguant ainsi l'embourbement de mon existence ? Combien de fois je me suis senti enfermé en moi-même dans les combats que j'ai menés ? L'unité est souvent lourde à supporter au point de m'éclairer en mille morceaux. Mon existence est faite d'occasions réussies et manquées. Le hasard est ce qui a caractérisé ma trajectoire. Toute la vie en est constituée. Pour apprendre à vivre, il faut désapprendre à devenir. J'ai vécu, malgré l'adversité, dans la décence et la dignité par et pour les chemins de traverse qui m'ont offert une vie propre, un rythme à moi et toujours en gardant l'initiative. Aujourd'hui, je ne veux à tout prix demeurer dans le feu de l'agitation et de l'action inconsciente. David Le Breton parle de la blancheur comme d'une pause entre chaque mouvement, d'une absence à soi plus ou moins prononcée. À chaque étape de vie, la blancheur apparait. La blancheur exercée se trame dans la discrétion, la lenteur et l'effacement. La blancheur est une interruption temporelle à  l'intérieur d'un refuge qui est mien. J'ai relâché depuis belle lurette toutes représentations sociales ordinaires. Je vis dans une sorte d'éclipse qui, paradoxalement, représente cette blancheur dont je viens de citer. Il existe une usure d'être soi qui exige un temps de repos. Je crois avoir besoin d'une retraite de la retraite et cette nécessité de cesser de me penser. Écrire exige une énergie plus grande que j'ai pu imaginé. L'écriture, la lecture, la création, la marche, la méditation sont des lieux où je n'ai plus de compte à rendre, ils sont des interstices où me posé. Ce sont des détours qui me ramènent paisiblement à moi-même et me donnent le goût de vivre le temps que le destin en aura voulu.


3 février |

Un type me dit au parc que je marche comme un homme. Je lui réponds ; qui es-tu donc pour me dire ça ? C'est de cette façon, aussi banale soit-elle, qu'on en vient à ne plus comprendre ce qu'on raconte. Les mots ont une grande importance et doivent être utilisés avec parcimonie afin d'éviter des malentendus, quoique je n'en sois pas là avec ce type plutôt sympathique. En bon philosophe que je suis, je m'attarde de plus en plus aux contenus des conversations. Il va sans dire que, pour ma part, j'aime particulièrement l'autodérision dans les discussions. Si on ne vaut pas une risée, on ne vaut pas grand-chose. L'humour demeure un gage de rapprochement, en ce qui me concerne, mais qui doit être utilisé avec tact et bienveillance. Les bonnes vieilles blagues de ma jeunesse que l'on entendait à la télé ou que l'on se racontait n'ont plus leur place aujourd'hui. Serait-il que l'on entend plus à rire ? Dans une société divisée, les spectacles d'humour faisaient en sorte que tous riaient en même temps, ce qui donnait une sorte de sentiment d'appartenance entre les spectateurs. C'est comme si c'était l'une des dernières grandes occasions collectives pour se rassembler. Il y a moins de spectacles d'humour aujourd'hui, car les gens rient tout simplement moins, il me semble. D'autres temps, d'autres mœurs. Jankélévitch disait ; ne manquez pas votre matinée de printemps. C'était, en réalité, une invitation à passer à l'action, car la vie est courte. Je me demande parfois si les gens s'attardent toujours à l'essentiel. Il est possible qu'ils ne sachent plus ce qu'est l'essentiel et que plus personne ne le sache réellement. La question se pose. Parler est aussi essentiel que savoir se taire. Se vautrer dans le silence est parfois aussi essentiel que de parler pour ne rien dire. Lorsque certaines personnes parlent pour ne rien dire, il faut savoir décoder le message qui est bien souvent ; je n'ai rien à te dire, mais je voudrais qu'on se parle. La psychologie intervient au détriment de la philosophie dans les conversations. Le dialogue est un art à même titre que la peinture et la musique. Ce que je retiens de ma mère, en plus de son amour, c'est qu'elle parlait beaucoup. Étant privée de sa vision les dernières années de sa vie, elle parlait davantage pour équilibrer les sens qui lui restait. C'est ainsi que le déséquilibre et la tristesse me frappa pour la première fois. Mon père riait et écrivait sans cesse, c'était un intellectuel ricaneur. Je possède des traits de sa personnalité, sauf que je ris moins qu'il le faisait, son décès prématuré en fut la cause. C'est éprouvant de revenir sur les histoires du passé. Je le fais pour ne pas oublier d'où je proviens. J'écris pour laisser quelques traces et me soulager d'émotions vives qui s'attachent encore à moi. Ne manquez pas votre unique matinée de printemps, me rappelle la fragilité des choses et les instants fugaces. L'expression ; ne ratez pas peut conduire à la culpabilité si j'évite l'occasion. Le temps file irrésistiblement, il est contenu dans la missive ; ne manquez pas. Cette simple phrase de Jankélévitch contient la morale, la philosophie et la métaphysique. Dans le printemps, on entend l'éternelle et impérative jeunesse. Le printemps ne reste pas et l'été se meurt, j'entends la fugacité de l'existence. Devant cette phrase, mon cœur bat plus vite. Hippocrate disait ; courte la vie, aiguë l'occasion. C'est peu que la vie des hommes. Cette phrase m'indique qu'il ne faut pas tarder. Voyez, j'ai beaucoup plus à faire que d'écouter les divertissements stériles à la télé car la philosophe m'entraine à me découvrir au travers d'études que je choisis et non pas de subir. J'ai toujours été et je serai toujours un autodidacte. J'ai trouvé une méthode adaptée pour étudier qui réside à juxtaposer la lecture et l'écriture dans des sujets et des thèmes qui m'interpellent. Le roman est exclu de mes apprentissages, me faisant perdre un temps précieux et en me déviant de ma trajectoire. Certes, la philosophie émane de toute chose, tel le roman, mais le genre littéraire ne m'émeut pas et ne m'apprend guère. Mes intérêts font bande à part, je l'avoue, mais ils font n'a distinction et j'en suis fier. L'occasion est unique comme le prochain printemps, car irréductible. Mais à quoi sert la philosophie dans un monde où tout sert à quelque chose ? La réponse réside possiblement dans mon attirance pour les chemins de travers que j'ai tant parcourus et aimés. La recherche de soi est philosophique. Dans le livre de Cyntia Fleury, professeure en philosophie ; un été avec Jankélévitch, me révèle de puissantes réflexions. Elle pose la question suivante à  savoir si on peut vivre sans amour, sans musique, sans philosophie, et alors qu'est-ce qu'on fait ? Oui, on peut vivre au sens des marsupiaux et des hippopotames. Manger, brouter, dormir, pisser et, vous appelez ça vivre ? Elle raconte que les motifs de la vie, pour certains, sont plus importants que la vie elle-même. La vie est vivable lorsqu'elle permet l'humanité de vivre. Philosopher n'est pas seulement être un automate, aliéné dans le monde du travail qui a perdu l'accès à la pensée. La philosophie est une science qui sait qu'elle ne sait pas. Elle revendique le doute à chaque chose et c'est pour cela qu'elle me plaît, car je haïs ceux qui ne doutent. La nostalgie pour Jankélévitch, c'est la conscience de l'irréversibilité du temps. C'est surtout de cela qu'il s'agit lorsque j'entends ce mot et non la nostalgie d'une époque. Au retour de mes nombreux voyages, ce n'est pas de la nostalgie que j'éprouvais mais de la déception, celle de revenir à l'endroit de mon départ qui m'apparaissait telle une marche en arrière à l'intérieur d'un rêve perdu. La nostalgie est le temps passé entre le départ, le retour et le vide entre les deux. Jankélévitch parle de l'ennui, cet étrange objet qui s'est abrité en moi depuis l'éternité. L'ennui, ce ne sont pas les ennuis, car, dès que la conscience est préoccupée, elle ne s'ennuie plus. L'ennui est l'absence de l'amour ; celui qui s'ennuie n'aime pas. On ne tuent pas le temps, on en fait quelque chose, cite l'auteur. L'absence de morale débute ici, s'avachir alors qu'il y a tant à faire. Alors faut-il savoir quoi et comment faire, qui est de l'ordre de l'apprentissage et qui, m'a cruellement manqué tôt dans la vie. Il est plus difficile de poser un tuteur à un arbre mature pour qu'il croisse en rectitude qu'à un buisson naissant. L'ennui est un mal nécessaire avant de passer à l'action. Agir, à de multiples égards, m'a porté pour fustiger l'ennui, la preuve se retrouve dans toutes les montagnes que j'ai déplacé inlassablement. Mes premiers dessins à la petite école étaient toujours les mêmes, un route défilant à l'infini bordé de montagnes et de forêts. Je ne me doutais guère alors qu'ils arboraient le chemin qui m'étaient destiné. Comment ne pas soupiré d'exaltation pour avoir pris ces chemins qui aujourd'hui m'amènent vers l'essentiel ? Il m'aura fallu dessiner un simple paysage pour en arriver où je suis rendu. Que la route fut longue, que la route fut vite passé.



2 février |

La plus grande solitude est apparue lorsque Dieu est mort, a dit Nietzsche. À l'instar de la révolution tranquille des années 60, les revendications sociales collectives actuelles se sont transformées au point de fondre comme neige au soleil. Le contexte n'est plus le même que celui qui, à l'époque, rejetait les valeurs sociales en place. Le boum démocratique de l'après-guerre a réformé une société sclérosée par la religion et les valeurs patriarcales. Les revendications sociales actuelles sont basées principalement sur l'amélioration de la qualité de vie professionnelle des travailleurs. Dans les années 60, elles remettaient en question l'establishment en place et le rôle des institutions de l'état par l'émergence de programmes sociaux universels et un meilleur accès à l'éducation. Les gens qui manifestaient à cette époque ont revendiqué des postes clés au sein de l'État et se sont mis doucement à s'enkyloser dans une étrange culture visant à  purger les solides valeurs en place, la consommation à outrance et la spéculation. Ceux qui croyaient détenir le pouvoir ont relâché la pression à l'égard de la vigilance nécessitant les changements au point de devenir eux-mêmes les personnages soumis au système qu'ils ont, préalablement mis en place. On ne peut pas critiquer ces réformateurs qu'était la jeunesse des années 60, car ils ont agi de bonne foi avec des arguments substantiels et significatifs leur permettant de se libérer d'un passé austère et rigide. La vanité, le culte de la personnalité, l'appât du gain ont transformé le monde actuel. L'homme est un loup pour l'homme, dit le vieil adage. La société qui tissait les liens d'autrefois a disparu dans un contexte d'individualisation impitoyable. La société marchande et numérique outrancière que l'on connaît actuellement nivelle vers le bas les plus vulnérables et la classe moyenne. Tous et chacun doivent être interpellés par notre histoire et apprendre de ses erreurs. Tout n'était pas aussi sombre à cette époque, dont je citerai l'éducation rigoureuse et certaines valeurs rassembleuses. Ce qui a changé est le verni qui capte notre attention aujourd'hui dans un monde teinté d'amères illusions. Henri Bergson de dire que l'humanité gémit à demi écrasée sous le poids des progrès qu'elle a faits. Rien n'est donné, tout est construit signifie qu'il n'y a pas d'acquis en ce bas monde. Marx dit que l'histoire de la société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de la lutte des classes. Moins un peuple se regroupe et se préoccupe de ses libertés, moins il est en mesure de faire face aux dangers qui le guettent. Dans les années 60, le pouvoir omniprésent en place était d'ordre religieux. Je ne résumerai pas les qualités et les faiblesses de ce pouvoir, mais je considère toutefois qu'il a laissé un grand vide spirituel et social. La société a principalement acquise des libertés individuelles, scientifiques et technologiques évidentes, mais elles sont affectées par l'absence d'équilibre entre le collectif et l'individuel. Si les médias n'existaient pas, nous serions vraiment isolé. Est-il trop tard dans un contexte planétaire de mondialisation où les décideurs voient leurs actions cotées en bourse prendre la gouverne ? N'est-ce pas le signe que nous avons perdu totalement le contrôle de nos vies et que nous ne pouvons plus agir en toute connaissance de cause ? Y a-t-il encore lieu d'espérer dans un monde qui se contracte sous l'égide des trumpistes, dictateurs et milliardaires fanatiques corrompus ? Quel est le véritable pouvoir d'une société ultra-divisée qui passe une bonne partie de son temps à refléter sa propre image sur son écran, seule ? Peut-être que personne est à blâmer et que c'est simplement le cours de l'histoire qui se poursuit, celle de notre survie dans un monde en mouvement perpétuel. En aucun temps et en aucune circonstance, je n'ai la prétention de détenir quelconque vérité, mais j'ai la satisfaction et le plaisir de la rechercher. Socrate disait pour confirmer mes dires ; je sais que je ne sais rien et que, là où la volonté est grande, les difficultés diminuent. Ce qui s'impose n'est pas de trouver, mais de chercher. Et de conclure avec Descartes ; tâcher plutôt de me convaincre de changer mes désirs que l'ordre du monde.



Étrangement, Épicure disait que pour vivre heureux, il fallait se cacher. Certaines activités surinvesties sont d'abord des boucliers opposés au monde. Très tôt dans la vie, je voulais me fondre à la rue, me dissoudre dans l'espace, perdre mon identité pour en retrouver une autre, plus reluisante et revitalisante. L'errance fut la tentation d'arrêter le temps en contrôlant l'espace. L'incertitude planera toute entière sur ma vie et, insidieusement, le vide en moi se manifesta. Très jeune, je suis livré à l'inconnu que j'appellerai plus tard l'aventure. Je me suis donné corps et âme au romantisme de la route. J'ai fui de toute part à défaut d'être soutenu et contenu. J'ai marché depuis toujours pour ne pas m'effondrer. Malgré tout, de mes nombreuses fugues, j'ai réussi à gagner ma vie en marchant et guidant des pèlerins tout en développant une rigueur et une résilience exemplaire. Mes fugues délirantes à travers les routes du monde, inspirées par les aventures de Tintin et les manuels géographiques à l'école, débutèrent par le malaise d'être au monde et ma présence dans la modeste demeure familiale. La fugue fut le seul et unique moyen de rester vivant et de ressentir l'euphorie existentielle comme jamais auparavant. Mais il me fallait revenir à  la maison, n'étant pas le nomade exemplaire que je croyais être et que le mal de vivre se ravivait. L'insécurité reliée au manque d'intimité personnelle est ce qui m'a le plus fait chavirer. Jamais je n'ai livré par écrit d'aussi exactes révélations sur mon parcours sinueux devenu une putain d'aventure. Plus tard, j'ai contracté un emploi à titre de guide d'aventures à vélo et, pour comble de malheur, je fus frappé violemment par une voiture dans l'exercice de mes fonctions. L'entreprise où j'étais engagé avait pour nom ; l'aventure douce plein air. Elle ne fut apparemment pas très douce après un accident foudroyant où j'ai passé y laisser ma peau me laissant dans le coma pendant quatre heures. Cet accident qui, au réveil avec le prêtre au-dessus de ma tête pour les derniers sacrements, m'a causé un traumatisme dont j'ai eu peine à me remettre. Ce fut un miracle que j'en sorte vivant projetant ma résilience une fois de plus l'année qui suivinre en devenant guide à vélo en Europe pour une société américaine. Le pire traumatisme dont je me rappelle dans mon passé fut de rester immobile chez moi pendant un moment. Alors j'ai marché, marché jusqu'au temps de m'assoupir le soir venu, et ainsi de suite. Les lendemains étaient toujours la même répétition jusqu'à tout récemment. Mon espace psychique était trop inhabitable pour nourrir un sentiment d'appartenance à un lieu précis. Je devais partir ou mourir, et c'est ce que j'ai fait, jusqu'au moment où j'ai commencé à écrire devant une certaine lassitude et un vide profond. Depuis, j'ai appris à réfléchir dans l'immobilité et à apprivoiser mon refuge. C'est un miracle que j'aie survécu aussi longtemps en dehors de moi-même. Sur internet, l'effacement de soi est intensément troublant en multipliant les pseudos et les avatars. Sur la toile, je deviens celui que je dis que je suis. Je m'y suis longtemps amusé, non par plaisir, mais par nécessité de croire qu'un monde meilleur existe et aussi pour gagner ma vie. Les illusions sont grandes à ceux qui ne savent reconnaître leurs besoins véritables. Je reconnais l'amertume qui m'habite, je reconnais en moi le désir d'en faire un récit qui témoigne de ce qui est advenu de moi au fil du temps, batard adopté. Je réussis, manifestement sans peine, à raconter mon histoire qui est mienne et que personne ne pourra m'en dégagé. En cela, elle représente toute ma richesse et toute ma détermination à me remettre au monde dans un esprit réincarné.


1er février |

Fernando Pessoa, écrivain et poète portugais, meurt en 1935, il a 47 ans. Son œuvre principale est le livre de l'intranquillité. Dans cette œuvre monumentale, il crée plusieurs personnages dans lesquels il vit à travers eux, car Pessoa a cessé de vivre. Il se dit étonné de se mêler à la foule en se sentant hors de la respiration commune. Il a disparu de lui-même, refaisant à chaque jour la même routine sans jamais quitter Lisbonne, passant du bureau au café et à son misérable logis à quelques rues. Il reconnaît la beauté de la ville, ne s'y sentant jamais dedans. Il est absent. Il y a certaines similitudes entre Pessoa et moi-même dans la maladie d'être conscient. Je fuis dans les livres, avant sur les routes du monde et dans mes rêves. Les livres, c'est moins fatiguant, surtout à mon âge. Je me suis toujours représenté le personnage central de mes histoires ; Pessoa n'était rien à part ses personnages. J'ai trop de fois adopté la fuite pour éviter de ressentir ma présence. Pessoa et moi-même avons utilisé des subterfuges afin de ne pas être présent à soi-même. Les douleurs furent trop vives pour rester en place. Si j'écris ce que je ressens, c'est parce qu'ainsi je diminue la fièvre de ressentir. Je comprends les femmes d'autrefois qui faisaient des broderies par chagrin et celles qui font du crochet parce que la vie existe. Pessoa a réussi à sortir de lui-même par la création d'hétéronymes, moi par une fausse identité qui tend à disparaître depuis la retraite. Sa souffrance devait être insoutenable. Plusieurs génies littéraires ont la souffrance en commun de ne pas être capables de reconnaître le monde dans lequel ils vivent. Des événements troublants de leurs enfances associés à la perte ou l'abandon sont le dénominateur commun de ces artistes. Ce qui diffère avec aujourd'hui, ce sont les traitements davantage élaborés et l'époque dans laquelle les gens évoluaient sans aucun filet social pour les soutenir. Par contre, de nos jours, la stabilité sociale s'est considérablement effondrée. Nous vivons actuellement l'imprévisibilité de l'existence et de la relation aux autres. J'ai ramené à moi-même souvent bien des choses par inconscience et qui pourrait ressembler à de l'égocentricité ou du narcissisme. Ce réflexe ancestral avait pour but de me protéger de dangers existants. J'ai tellement été blessé que j'en suis venu à voir des menaces de tous côtés. Il est étonnant de constater, en écrivant ce soir, à quel point je sous-estime mon potentiel et mes forces. J'ai trop souvent cru que je n'arriverais nulle part, sans éviter une multitude de pièges. Ce sentiment d'impuissance se manifeste surtout lorsque je suis inactif. Ce qui est étrange maintenant, c'est l'inverse qui se produit. Je pense, donc je suis, disait Descartes et c'est bien suffisant même si cette affirmation remet en question un grand nombre de questionnement. Cette phrase, néanmoins, porte une dualité, par exemple le je et celui qui pense et qui est. Je n'irai pas plus loin dans ce sujet hautement métaphysique dont Descartes a soulevé un grand nombre de questionnement. L'empathie que l'on porte en soi diffère des uns des autres et selon ce qui nous a été enseigné. Si j'ai survécu, c'est grâce avant tout à l'amour de ma mère adoptive. C'est l'héritage que j'ai reçu qui m'a aidé à traverser les intempéries, malgré ses impuissances à m'offrir autre chose que son amour inconditionnelle. Je ne peux associer le manque d'empathie à l'absence de personnages dans le blogue. Je préfère me référer à ceux qui existent que de les inventé. Il me semble impensable que je puisse faire vivre des personnages fictifs dans mes récits. Cela peut paraître indécent de ne pas être capable d'apporter de l'attention à autrui davantage dans mes propos pour la bonne raison qu'ils sont absents. Ne suis-je pas la personne la plus importante du monde ? Je n'ai pas la prétention d'être parfait, loin de là, mais je possède la volonté de m'améliorer même dans ma décrépitude. Ce qu'il me faut reconnaître, est de dire oui à la vie, de cesser les résistances inutiles et de croire qu'en moi existe un monde incroyable qui mérite d'être exploré et surtout aimé. Le sommeil est aussi une fuite pour s'échapper du monde, pour disparaître de soi, comme dit David Le Breton. Sortir du rêve est renouer avec mon identité. Dormir me permet de ne plus être là. Assumer son existence n'est pas une mince tâche, surtout si les tuteurs ont fait défaut. Le bouquin de David Le Breton éveille en moi bien des réflexions. Je devrais alterner avec un autre genre littéraire pour ne pas m'enliser dans ma propre disparition. Je suis très exigeant envers la vie, car bien de résistances et de méfiances m'habitent. En me relâchant, cela me permettrait de voir que je ne suis pas le seul à vivre ces interrogations. En me relâchant, cela me permettrait possiblement de ne pas passer inaperçu. C'est ce qui arrive lorsqu'on passe trop rapidement : les gens nous voient, mais ne nous reconnaissent pas. Le blogue m'aide à apporter des nuances et à m'interroger sur le sens véritable de ma vie, s'il en est une. Avant de m'avancer, il faut savoir les raisons qui me poussent à le faire. Avant de faire un pas vers l'autre, il faut en avoir fait plusieurs vers soi-même. Depuis que j'écris, je lis mieux. Depuis que je me suis arrêté, je ne suis plus que du vent. Pour continuer de me mêler aux mouvements du monde, il faut cesser un moment de m'y engager. C'est le recul nécessaire à toute bonne chose, le tels qu'il faut. Conscient d'être le prisonnier d'une ornière de l'histoire, je n'en ai pas toujours conscience. Pardonnez mes fautes si je suis incarcéré à moi-même par des distractions stériles libérant un passé fragile. Comme je suis lourd et maussade devant ces pensées austères ! Les dépressions sont les maux les plus courants des sociétés contemporaines. Les dépressions sous ses formes différentes impliquent le ressassement de la perte. Elles s'installent afin de modifier sa trajectoire. Pour certains, il sera impossible selon les circonstances de les modifié; pour d'autres, c'est un choix délibéré. Il paraît qu'on a toujours le choix selon son entourage ; pour d'autres, c'est la vie qui le veut ainsi. Malgré mes efforts de rester vivant, je ne me suis jamais résigné d'abandonner, même si parfois la tentation fut grande. Je veux et j'ai toujours voulu la possibilité de créer ma propre histoire, plutôt que de la subir. Je ne subis pas la honte associée à la dépression, car je ne suis pas la dépression. La dépression s'installe insidieusement lorsque la vitesse nous tue et que nos valeurs ne sont pas considérées par soi-même pour différentes raisons. Non que je me présente sous les traits de Narcisse ou de l'égo et, je ne tiens, en aucune façon, à vouloir me justifier. L'affaire est de se libérer de soi-même par soi-même, de trouver ses vraies dimensions et sans se laisser gêner, disait Virginia Woolf.


31 janvier |

La défection est une possibilité de se retirer d'une situation qui paraît sans issue. Confronté à l'indifférence sociale du fait de changement de statut, après la retraite et à la difficulté de trouver ma place dans le monde depuis bien longtemps, j'ai renoncé à me battre en m'abonnant plus ou moins aux circonstances. Non que je sois misanthrope, mais j'ai appris dans le silence, dans l'intériorité, dans la sobriété une nouvelle voie qui l'emporte sur les avantages du lien social. Depuis la retraite, j'ai appris à n'être plus rien. Mon appartement étant devenu un monastère, un cloître, toutefois ma vie serait bien pire dans dans rue, en prison ou en institution psychiatrique. Sortant peu et que pour l'essentiel, surtout l'hiver, mes liens avec les autres sont devenus quasiment absents ou carrément superficiels au point de n'être plus rien aux yeux du monde. Lorsque je regarde les profils sur les réseaux sociaux, le cœur me lève d'indifférence. Tout ce monde est tellement éloigné de ma réalité monastique que j'éprouve à leur égard une sorte de malaise constant. Assurément, je me sens presque aussi seul dans la foule que dans mon refuge à me raconter des histoires. Les faits sont que je sais pas comment changer les choses, d’ou mon retrait de plus en plus accentué. Toutes discussions seraient mises en échec. Mon sort dépend-t-il d'une conjoncture sociale et culturelle ? Je ne saurais le dire avec précision. Certes, cette solitude n'a pas et n'a jamais été un choix. Elle fut subite au départ. L'homme intérieur est le seul à exister vraiment, raconte David Le Breton dans un livre déconcertant sur l'homme contemporain dans lequel je m'identifie ardemment. Ce midi au restaurant, trois jeunes femmes discutent avec tant de colère dans un langage vulgaire de leurs employeurs qu'elles m'ont horrifié. Comment peut-on parler ainsi de ceux qui nous nourrissent ? Elles ne sont pourtant pas des esclaves et peuvent déguerpir à tout moment en pleine quiétude, m'apparait-il. Au lieu de laisser aller leurs tièdes frustrations, ne feraient-elles pas mieux de quitter leurs vies merdiques vers de meilleurs horizons ? Je reste convaincue que nous sommes à un moment charnière. L’heure n’est plus aux réformes cosmétiques. Une transformation radicale s’impose. Il faut rompre avec les modèles économiques, politiques et sociaux fondés sur la croissance infinie. Ces modèles anéantissent les sociétés et les lieux qui les abritent. La preuve est que l'endettement des classes moyennes a littéralement explosé. Les modèles s'appuient sur une compétition néfaste dont les résultats émanent des imbroglios sévères. Ils est urgent de converger dans la décence de l'humanité pendant qu'il est encore temps. À quoi bon exprimer ces sornettes, si personne n'entends les alarmes. Ce n'est certainement pas moi qui changerai le cours du monde. Nous naissons tous fous, quelques-uns le demeurent. En ce moment, l'humanité, c'est moi, disait le célèbre écrivain et dramaturge Samuel Beckett. J'aime vivre dans un lieu d'amortissement du monde où je peux poursuivre mon existence au ralenti nous dit David Le Breton à propos de Robert Walser, écrivain et poète. Son désir de disparaitre de lui-même est d'une force inouïe. Le livre raconte une partie de sa vie et où il meurt en promenade en campagne qu'il aimait, dans la neige autour de l'asile qui l'abritait à la fin de ses jours. Dans le récit de Beckett, Murphy voit les malades non pas bannis d'un système bienfaisant, mais comme échappés d'un fiasco colossal. Il est étonnant de constater en parallèle avec ce livre, comment mon parcours fut une véritable aventure, comme quoi je veuille, en toute impunité, me retirer dans une vie simple et paisible. Je prends tout à coup conscience d'un monde qui est en moi et qui ne demande qu'à être exprimé. Il ne sert plus à rien de chercher en vain des oreilles attendrissantes. C'est pourquoi je comprends la nécessité pour mon bien-être et ma dignité, de me retirer de la confusion du monde dans le calme de mon ermitage à l'abri de la foule. Que pourrais-je donc attendre d'autrui qui n'est pas en moi ? C'est une question inquiétante dans laquelle je n'ai pas, aujourd'hui, de réponses précises. Mon plus grand héritage ne sera pas ce que j'ai fais, où je suis allé, qui a croisé mon chemin, mais consistera par les mots rassemblés, équivoques dans une pure éloquence qui m'épanouit et me transcende. Comment ferais-je pour discuter aux petits bougres après d'aussi étonnantes révélations ?


30 janvier |

Choisir, c’est renoncer, nous disait André Gide. Et en effet, il semblerait que certaines personnes soient prises de vertige devant chaque intersection. Elles ne veulent surtout pas renoncer de peur de se tromper. Cela souligne le caractère angoissant du choix qui est, si je ne m’abuse, un passage obligé dans la quête de sens qui nous anime tous. L'insuffisance est le propre de l'homme contemporain. Il est le seul à la recherche de lui-même. L'individu est souvent désorienté dans sa construction personnelle, car il ne sait que faire de sa liberté. Cette dernière est octroyée dans le cadre démocratique de la société. Être sous sa seule autorité est une composante de la liberté, mais exige un effort constant parsemé d'inquiétude. Le prochain volume sur ma table, Disparaître de soi, de David Le Breton, éminent pédagogue et sociologue, se présente au moment opportun, comme si l'univers voulait me faire parvenir des signes importants. Il y a une espèce de chronologie du hasard qui, en prêtant attention, m'indique la marche à suivre pour mon évolution. Les luttes communes s'affaiblissent dans un monde de plus en plus fractionné. Prétendre vouloir changer le monde seul est utopique. S'identifier à la foule outre-mesure est de la pure folie sauf pour les carnavals. En s'identifiant aux masses, l'identité perd son lustre sauf pour les revendications sociales. Un juste équilibre serait censé, mais comment fait-on pour être équilibré lorsque tout bascule ? Soutenir sa place auprès du lien social implique une tension, un effort. Seul, les efforts sont d'un ordre différent. Le monde idéal n'existe et n'existera jamais sauf pour les grands initiés. L'individu hypermoderne est désengagé ce qui risque de l'affaiblir. Le lien social est plus une donnée d'ambiance qu'une exigence morale. Ne faudrait-il pas se surprendre de voir apparaître des menaces à à nos frères identités et à la démocratie. Le lien d'autrui est facultatif dans son ensemble actuellement et les habiletés sociales se détériorent sous l'égide des téléphones intelligents. Le temps que l'on dispose à autrui s'amenuise et est largement utilisé à courber la tête devant les écrans pathétiques de la Silicon Valley. L'individu contemporain est connecté au lieu d'être relié. L'ambiance sociale est hantée par l'emprise de la technologie. Le lien social, désormais, passe dans le prisme d'un ordinateur. Je ne peux m'empêcher de retranscrire sur le blogue des textes que je jugent si pertinents et qui précisent l'objet de mes pensées, que je n'hésitent pas un instant d'en faire appel sans aucune prétention d'en être l'auteur. Une amie me dit que je suis inclassable, tous les moules existants n'ont pas eu d'emprise sur moi, non sans douleurs. Sans tuteur, j'ai continué de croitre dans l'adversité. Je pars souvent d'une lecture pour me lancer. Retranscrire un texte est la meilleure façon de s'en imprégner. Viendra peut-être un jour que je serai apte à voler de mes propres ailes. En attendant je poursuis mes études, comme je le dis si bien, tentant ainsi de reprendre ce temps où j'étais occupé ailleurs. En écrivant, je découvre mon style, mes intérêts, mes valeurs, ma liberté. Je suis en train d'apprivoiser le créateur somnolent qui m'habite. Lentement, la forme, le caractère, la souplesse prend forme. Puis viendra la profondeur des mots repatriés dans un ensemble de paysages littéraires. Je n'aime pas l'immobilité d'un texte, sa rigidité de ses idées. Les nuances, les fragrances, l'authenticité et surtout la pertinence des mots m'inspire et m'imprègne de volupté. Il y a une mise en scène qui est, parfois plus révélatrice que le sujet. Elle amplifie le verbe, elle l'ocille vers l'absolu se révélant, telle une œuvre unique. Certains auteurs ont cette capacité de m'émouvoir et de transcender le réel en le rendant plus exaltif, plus beau. Seul, je badigeonne de mon sang la page blanche car les hommes, pas tous, me déçoivent au point de vouloir me parler à moi-même le soir venu. J'ai adopté une routine, j'ai compris qu'elle était mienne. Je reconnais avoir besoin d'inspirations littéraires pour parvenir à mes fins. Les seules choses que j'ai besoin de justifier sont envers moi-même et ceux et celles qui me témoigne une amitié sincère. Je suis de ceux qui veulent voir le monde de l'autre rive. J'ai tant de fois tenter des formes de vertige pour ne plus à avoir à penser une présence au monde douloureux. Le retour en arrière m'apparait impossible en absence d'amour sincère et désintéressé. Tout mes propos, décidemment m'étonne, et je ne fais que quitter l'introduction de l'auteur.


29 janvier |

Lorsqu'on me demande quelle est ma force de sagesse, je réponds devoir méditer pour la reconnaître. Que reste-t-il du passé à part quelques mots à gribouiller ? Que reste-t-il de mes amours à part quelques sursauts dans mes songes ? Rien de tout cela n'a plus d'importance au soleil de minuit. Mon sang multiforme, liquéfié, lentement se verse dans un entonnoir. Je nais sans cesse, je meurs à chaque instant, agonisant depuis ma venue au monde. Que reste-t-il de ces beaux jours ? Des matins fringants, le corps alerte ? Quelques frissons, les pieds endoloris et le doute de n'avoir fait que passer. Chère nostalgie que je ne cesse d'embrasser, je te reconnais au point de ne pouvoir t'oublier. Les réponses rarissimes ne parviennent pas à troubler le fait que j'existe. La récompense promise est lente à se poindre dans la chaleur sulfureuse de mon antre. La folie me guette, aboyant au moindre geste. J'aurais aimé naître à l'arc-en-ciel  de mes désirs où les regards cessent de fuir. La laideur n'aurait plus de place. Tellement de choses obsolètes deviendraient spontanément invisibles et silencieuses. Elles n'auraient plus raison d'exister. La nature serait belle au réveil. On n'aurait plus besoin de gémir, de ramper, de vendre ou d'acheter. La liberté me servirait de repère, l'amour, ma délivrance. Les plus beaux couples sont ceux qui, avant tout, sont amis. Ils jouent ensemble, ils se battent, ils se taquinent, ils se mordent et se pincent, mais ils s'aiment d'une façon que personne ne pourra jamais remettre en question. L'amour est si près lorsque les yeux s'illuminent. J'écris pour saisir mon amour, j'écris pour me plaire impunément. Qu'est-ce que je désire encore accomplir que je n'ai pas pu réaliser ? Spinoza nous a dit que le désir est l'essence de l'homme, le moteur de toutes nos actions. Bien vivre, c'est apprendre à cibler mes désirs. La lumière surgit lentement sur ce qui me semble essentiel, important et superflu. Lorsque la lumière s'affaisera, il sera temps de partir, car je serai mort. D'ici là, quelles sont les choses précieuses auxquelles je souhaite consacrer mon énergie ? Trouver quelqu'un à qui je pourrais transmettre quelque chose qui soit utile, qui m'offrira une signification à mon existence et les bonnes raisons de vivre. La table est mise pour le festin de la dernière chance. Rien ne va plus, message envoyé. L'important n'est pas de savoir ce que j'attends de la vie, mais ce que la vie attend de moi. Quel sens a ma vie est la question que tous se posent à un moment ou un autre, n'est-ce pas ? Qu'est-ce qu'il m'est possible de faire ou de ne rien faire ? Savoir y répondre élimine une angoisse immense. La plus grande liberté réside dans la manière dont je peux réagir aux événements. Quelle est la source de ma réaction devant telle situation ? Là est le début de la sagesse, maîtrisant ainsi, en premier lieu, les émotions associées aux événements. Le plus bel acte de liberté est de savoir utiliser une blessure, un traumatisme de vie, un échec pour mobiliser mes ressources intérieures pour grandir. C'est le sommet de la résilience, et ceux qui ont fait ce chemin sont souvent les plus belles et humaines qui soient. Un bon matin, dans mon miroir, une nouvelle personne apparaîtra avec un sourire rempli de joie et de gratitude. Je ne suis pas né libre, je le deviens. Les disciples d'Épictète ont condensé sa pensée, dont cette phrase ; parmi les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d'autres non. La liberté est de savoir reconnaître la différence. Je peux agir sur ce qui dépend de moi, mes moyens d'action dans la lutte contre une injustice, mes pensées, mes émotions, mes désirs. La reconnaissance sociale ne dépend pas de moi. Agir de manière appropriée est un signe de sagesse. Le refus de la réalité a souvent contribué à ma souffrance. Mieux vaut accepter ce que je ne peux changer. La liberté est une question d'attitude qui n'est pas de se résigner, mais d'accepter. Ne rien vouloir d'autre que ce qui est devant moi est le début de la sagesse. Où diable avais-je la tête tout ce temps ? La sagesse s'appuie sur le désir d'aimer la vie non pas comme j'aimerais qu'elle soit, mais comme elle est. Ce ne sont pas les choses qui me lient, mais mon attachement aux choses. Mes inspirations littéraires me proviennent de différentes sources précieuses, dans lesquelles je ne pourrais m'exprimer délibérément. Sans elles, je tournerais en rond comme un hamster dans sa cage.

Équinoxe

28 janvier |

L'élan des débuts n'est pas de l'amour. On ne peut aimer quelqu’un en une semaine ou un mois. On ne peut aimer la mer en se tenant simplement sur le rivage, il faut plonger dans ses profondeurs, laissez ses vagues vous heurter, sentir la douleur d’un pied frappé contre un rocher et contempler son fond obscur. Il faut toucher ses imperfections, découvrir ses ténèbres, comprendre ses colères. Et alors seulement, vous l’aimerez tout entier, ou bien, vous le rejetterez tout entier. L’amour commence là où l’enthousiasme s’achève. Zaki Benameur. Carpe diem, cueille le jour sans te fier à demain. Une pensée stoïcienne dit ; ne te laisse pas troubler par la représentation de toute ta vie. Certes, je fus troublé ces derniers temps en devant me justifier auprès de la curatelle publique afin d'obtenir gain de cause, suite aux erreurs de leur part, dans le dossier relatif au décès de ma mère biologique. Je juxtapose la citation de Marc Aurèle qui m'inspire devant cette expérience récente. Justice fut faite auprès de l'institution qui a démontré avoir failli dans sa tâche. J'aurai involontairement apporté une correction dans le système publique visant à limiter les dommages aux prochains usagers. Il y a un an, on m'a confirmé être l'héritier de la succession de ma mère biologique. Une année après avoir obtenu cette confirmation, une visite chez le notaire a démontré que je n'étais pas éligible à l'héritage, ce qui provoqua, avec raison, un choc intense et une incompréhension la plus totale. J'ai ressenti au plus profond de moi-même le même abandon que lorsque ma mère m'a confié en adoption et en second lieu à mes vingt cinq ans lorsque je fus rejeté à nouveau à notre première rencontre. Cet événement de la dernière semaine a fait ressurgir, en quelques temps à peine, des émotions intenses issues du passé. La bonne nouvelle, c'est que possiblement j'aurai un dédommagement pécuniaire pour les malaises encourus. Cela reste à  voir, mais les gouvernements sont plus à l'aise de cueillir les deniers dans nos poches que nous en verser. J'ai passé l'une des semaines les plus éprouvantes depuis fort longtemps aussi que par d'autres sujets que je me dispenserai d'exprimer. Je reviens à la citation stoïcienne qui dit de ne pas me laisser abattre par la représentation de la vie. Fort sage cet humaniste, qui marqua de façon importante la philosophie. Je fus obligé, pour faire respecter mes droits et obtenir justice, faire un retour sur un passé impitoyable ayant pour résultat un déferlement de vives émotions. Voilà qui est dit, cela suffit. Lorsque le cerveau fait plusieurs choses en même temps et que l'attention est dispersée par un grand nombre de pensées, les neurotransmetteurs s'affaiblissent et provoquent de l'anxiété. C'est pour l'une de ces raisons que j'aime la littérature qui aide à maintenir mon psychisme en santé. La vie est si fragile de Luc de la Rochelière démontre bien que les paroles de cette chanson demeurent indéfectibles. La méditation sera douce et appropriée dans les jours qui suivront et qui aura comme objectif de fortifier ma citadelle intérieure. Quoi de plus approprié pour rester serein dans un monde de plus en plus chaotique et imprévisible ? Parfois, j'ai l'impression de vivre sur une planète en déconstruction. Ceci est une hyperbole, bien entendu, car la terre nous survivra, nous les humains. J'aurais dû dire, en transformation car rien ne se perd. Méditer devient mon salut et mon repère. Méditer, c'est retourner à la maison. Aujourd'hui, je rencontre un pauvre type, l'air abattu et maussade. Il fut jadis, un fier commerçant aisé du quartier pendant plusieurs décennies, ayant hérité à son adolescence du commerce de sa famille. Il a cru à tort qu'à la retraite amorcée, il deviendrait immédiatement heureux et libre. Personne ne lui avait dit que ça ne ce faisait tout seul. Il a cru que partir au bout du monde chevaucher les jeunes femmes, cocktail à la main, que le soleil serait plus radieux. Toutes ses relations furent liées à son statut, à son rôle. Il désenchanta rapidement lorsqu'il se retrouva seul et dépourvu, comme dit la fable, lorsque la bise fut venue. Comme bien des vieux célibataires, il est parti glorieux, les sous en poche, en Thaïlande offrir des friandises aux jeunes dames. Quelle misère, quelle détresse. Du bénévolat, il croyait faire là bas, me dit-il en payant les putes. Je lui ai suggéré quelques saines paroles qu'il n'a pas l'habitude d'entendre. Son regard s'est illuminé et je suis allé heureux d'avoir pu transmettre quelques brindilles modestes de lucidité au passant. Les malheurs lui arrivent par manque de lucidité comme à  bien d'autres, il n'est pas le seul ainsi. Je crois avoir été témoin du réveil spontané d'un homme affaibli. Il s'en remettra surement. Notre but à tous ne serait-ce pas de transmettre au suivant quelques sages paroles, une oreille attentionnée et une salutation sincère ? Voilà un simple geste que j'aime bien effectué devant une figure familière se faufilant à travers les valeurs marchandes de cette étrange époque. René, un ami sincère de longue date que je considère comme mon grand frère, m'a aidé à produire aujourd'hui un état de la situation concernant ma plainte exposée auprès de la curatelle. Il me dit que, lorsque j'écris, j'affirme, en toute modestie, un style littéraire recherchant la magnificence et l'émotion. De toute apparence, son expérience d'administrateur lui confère un verbe illustrant des règles et des protocoles issus de ses fonctions trépassées. Si ce n'était que de moi, ma requête aurait l'apparence d'un doucereux essai aux couleurs larmoyantes. On aura toujours besoin d'un ami, sans cela la vie perdrait tout son sens. C'est à cela, qu'après ma centième renaissance, je vais m'évertuer à faire, en plus de me réconcilier avec moi-même pour le meilleur et le pire. Je n'ai pas le choix, il m'est impossible de me quitter à part me jeter du haut des ponts. Une chose dont je suis fier, pour terminer ce tonitruant chapitre, c'est que je réussis presque quotidiennement la rédaction de plus de 1,000 mots dans le blogue, ce qui n'apparaissait, il y a quelque temps comme impensable. Ceci est le résultat déterminant ma réelle et nouvelle passion qui est le début d'une aventure formidable sans quitter mon cul de mon fauteuil chatoyant.

27 janvier |

Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. Et si je récapitulais après ce long parcours sinueux. En créant ma job qui a perduré durant trente ans, je ne me doutais pas que je répondais au besoin essentiel hautement significatif du sentiment d'appartenance que je développais alors. De plus, je rehaussais mon estime de moi de façon significative en réalisant un projet qui m'était cher et que je maîtrisais. Encore plus, l'exercice de mes fonctions développait mes forces créatrices, ma sociabilité et bien des aspects professionnels et humains, dont j'avais les responsabilités. À partir de rien, je suis devenu un modeste leader parcourant avec les clients une multitude de pays et de contrées sauvages. Les seuls besoins alors qui ne furent pas atteints ont été les relations affectives dans l'amour et l'amitié. Je compensais ces besoins essentiels dans un travail accru et une agitation excessive agissant comme une fuite. J'étais obnubilé par le succès et la réussite, mais aussi par une intense passion et une valorisation sincère. Durant ces trente années, j'ai compensé pour les années austères qui ont précédé  l'euphorie revendiquée de ma sueur. Je fus extrêment actif et je ne regrette rien malgré le fait que j'ai joué avec le feu à maintes reprises. Durant toutes ces années, j'ai mis mes œufs dans le même panier, croyant à tort que ma vie entière se déroulerait ainsi. La retraite arriva plus tôt à cause de la pandémie. Le destin s'est exprimé. Ce que j'ai cruellement appris, moi qui croyais tout savoir, c'est que je n'y étais pas vraiment préparé. J'ai acheté un petit campeur afin de parcourir l'Amérique du Nord, ce que j'ai fait pendant quatre années. N'ayant pas semé les graines de l'amour et de l'amitié au préalable, non sans à  avoir essayé, je fis ces périples en solitaire me croyant être assez fort pour cette nouvelle étape de vie. J'ai désenchanté amèrement. Depuis quatre ans, j'ai développé un intérêt pour la littérature suffisamment pour stimuler mon esprit et mes connaissances. Je suis revenu au point de départ avant de créer cette entreprise pour bien saisir ce qui m'a animé tout le long de cette grande aventure. Je reconnais l'importance de développer de nouveaux intérêts pouvant me permettre ainsi de construire de nouveaux liens à l'intérieur d'un sentiment d'appartenance et de valeurs communes. Plus facile à dire qu'à faire, c'est beaucoup moins aisé que de gravir des sommets. La meilleure chose accomplie en début d'année a été de cesser cette thérapie amorcée l'année dernière qui ne répondait en aucune façon à mes besoins actuels. De plus, elle m'éloignait de mes objectifs et dispersait mes énergies créatrices. Cela confirme que j'ai davantage d'autonomie que je le croyais. J'avais créé mon entreprise à mes trente-cinq ans. Cela aura pris toutes ces années pour trouver un projet adapté au moment de sa création. À la retraite, j'ai ressenti un vide intense, une perte de sens et d'identité profonde, tout cela dans une anxiété accrue qui m'était inconnue jusqu'alors. J'ai ressenti une profonde solitude et une perte de repères que j'ai comblée en écrivant et en me liant d'amitié avec les auteurs d'une multitude de livres sélectionnés. Je reconnais maintenant que, pour développer de nouveaux objectifs, je devais identifier chez moi de nouveaux intérêts et surtout être très patient dans l'obtention de résultats. Les assises sur lesquelles je n'appuie présentement sont le maintien d'une bonne santé physique à l'intérieur d'un magnifique gym, le plein air, la santé de mon esprit par la lecture, l'écriture, la philosophie, la pleine conscience, la liberté dont je dispose dont je suis fier et les quelques liens d'amitié font je dispose. Toutefois la liberté ne signifie pas oisivité. Il fut utopique de croire que le jour de la retraite, je puisse être rapidement et entièrement satisfait de ma nouvelle vie sans que personne ne m'y accompagne. Il fut insensé de ma part, qu'après trente années à côtoyer une multitude de gens les plus hétéroclites les uns que les autres, que je me satisfasse de ma seule présence. Non pas que je n'apprécie pas ma solitude, mais je constate qu'en prenant trop de place, elle me déjoue de ma trajectoire. Possiblement que ce vide eusse été nécessaire pour atteindre une nouvelle destination dont j'ignore encore la direction. Le temps, patiemment, lentement est requis pour atteindre de nouveaux horizons, de nouvelles joies. Maintenant, je crois obtenir quelques réponses nécessaires et vitales à la construction d'une nouvelle identité plus près de mes valeurs actuelles. En ce sens, je crois qu'il sera possible de voler de mes propres ailes prochainement avec plus de grâce et de légèreté.

26 janvier |

J'ai fini par m'apercevoir qu'il s'agit moins de hasard que d'une forme de disponibilité, une façon de chercher mon salut dans la conscience d'autrui. L'éthique spinoziste consiste à organiser notre vie grâce à la raison, pour préserver l'intégrité de notre être et augmenter notre puissance d'agir dans la joie qui l'accompagne. En bref, il s'agit de préserver et d'augmenter sa puissance vitale et d'action. Lorsque je suis figé par l'émotion, tout mon être se contracte et bloque la fluidité de l'énergie. Je prends garde aux conseils soi-disant véridiques émanant des spécialistes de l'être et de la conscience à propos des actions et réflexions à entreprendre. Il en de même pour les pseudo-psychologues qui, parce qu'ils détiennent des diplômes et de l'expérience, croient possédés des vérités immuables. Je suis conscient que lors d'un événement quelconque, je peux réagir émotionnellement de façon disproportionnée en lien avec la critique, l'abandon et le rejet. Il en est de même pour des problèmes de santé qui pourraient m'affecter de façon aléatoire et amplifiée, étant de nature hypocondriaque. La gestion des émotions est un monde en soi qui diffère d'un individu à l'autre. C'est pour cela qu'il faut être prudent avant de recommander des stratégies et des concepts généraux. Ce qui fonctionne pour l'un ne fonctionnera pas nécessairement pour l'autre. Autrement dit, le type socratien à la barbe prophétique que je rencontre à l'occasion dans le parc m'indispose passablement avec ses formules complaisantes, quoiqu'il ne soit pas de mauvaise foi. Il s'est créé une identité abordant un rôle quelconque dans lequel je demeure patois. Je ne nie pas pour autant qu'il soit incompétent et arrogant, mais la hauteur de sa prétention et son absence de doute m'inspirent une certaine réticence. Le besoin de sécurité est le propre de l'homme, personne ne possédant la même appréhension du danger. En ce sens, il vaut mieux s'abstenir de grands principes généraux et appliquer une règle adaptée à chacun. La société n'a que faire des besoins et recommandations personnelles en s'appuyant sur des normes pour tous, communément appelé normalité. Je n'aime pas ce mot. Maslow indique qu'une nouvelle motivation survient lorsqu'un besoin plus fondamental est satisfait. La base de la pyramide de Maslow est le besoin physiologique élémentaire, puis vient les besoins de sécurité, les besoins d'appartenance et d'amour, les besoins d'estime, de reconnaissance et le besoin d'accomplissement de soi. Le malfaiteur qui apparaît dans la pyramide est l'égo, ce traître qui empêche à l'être de se développer harmonieusement. Le fait est que j'ai passé presque entièrement ma vie en mode de survie associé aux besoins carencés de mon développement. À peine à  mon enfance aurais-je atteint les besoins primaires, cela est peu dire. Par la divulgation de ses propos, je ne tente pas de verser dans l'apitoiement ou la victimisation. En réalité, je cherche à raconter les causes et les raisons qui ont contribué à faire celui que je suis devenu. Raconter mon histoire en associant des mots qui s'apparentent à mon récit me permet de m'éclairer sur ma nature profonde. De ce fait, je deviens un être plus accompli et serein, pouvant m'adapter de façon plus circonscrite. En respectant mon rythme d'évolution et mon apprentissage, j'acquiers une plus grande estime de moi. La survie est brutalement devenue, depuis la pandémie, la principale motivation des humains. Les changements climatiques, la compétition et les coûts relatifs à la vie sont mis en avant-plan, nous faisant réaliser l'impermanence et la brièveté de la vie. Vivre dans un monde imprévisible de Frédéric Lenoir me permet de mieux comprendre le monde dans lequel je me déploie avec cette intensité qui m'était inconnu jusqu'alors. Nul ne peut, dans les temps qui courent, être naïf. Cela revient à Spinoza, qui identifiait les deux grands besoins suivants : se préserver et croître. Je peux affirmer sans aucune hésitation que j'ai développé, depuis bientôt cinq ans, des joies créatrices intellectuelles qui me permettent de m'approcher des connaissances nécessaires au maintien de ma survie. Dans un profond sentiment d'insécurité, le besoin de protection l'emporte sur le besoin de croissance, et la recherche de la sérénité, de l'apaisement émotionnel, sur celui de la joie. La force de mon esprit pourra créer une interaction importante entre la base et le sommet de la pyramide. La force de mon esprit et de ma raison m'aide à mieux vivre en temps d'insécurité. La pandémie a permis de croître chez beaucoup de gens l'insécurité, apportant son lot de souffrance dont nous ressentons encore les affres. Sur un aspect positif, elle a permis de mettre en place des stratégies plus ou moins adaptées. D'un autre côté, la peur qu'elle a déclenchée me permet de croire que les réactions exprimées ne sont pas les meilleures à établir à court terme. Devant le danger, l'esprit se contracte et l'instinct de survie se manifeste au détriment des plus faibles. On pourrait aisément affirmer que les plus forts survivront. Depuis la pandémie, les appels à l'aide et les besoins de multiplient. Devant l'insécurité apparaît le repli sur soi et la peur de l'autre, ce qui me semble évident et valide mes impressions ressenties. Sans aucun doute, les connaissances acquises par la littérature et la philosophie appuient ma résilience et continue d'agir sur l'adversité.

25 janvier |

Viendra-t-il le jour où l'homme vivra sa propre gloire, s'installera à la droite de sa vie, saura être heureux de la lumière du jour comme de la quiétude de la nuit ? Ce jour viendra-t-il quand la terre aura assez dévoré de corps et bu assez de sang ? Je me suis retiré, car j'en avais assez de ce monument gigantesque appelé civilisation, si précis et ingénieux pourtant édifié sur un tas de crânes. J'ai voulu la solitude afin de sauver mon âme, mon esprit, mon cœur et mon corps. Non, personne ne peut secourir les hommes. Le progrès en Occident n'est que vanité. L'esclavage restera ce qu'il est, même fardé et bien habillé. Le cerveau s'amuse à inventer lorsqu'il s'ennuie. La communauté a peur de glorifier la liberté. L'esclavage unit les couples qui se détestent. Khalil Gibran est l'auteur de ce texte. J'ai consenti à transcrire un aperçu d'un des plus grands poètes de tous les temps. J'ose croire qu'un grand poète n'est pas seulement la somme des livres qu'il a vendus ? Quoi qu'il en soit, il aura ouvert les yeux aux aveugles de son temps. Carl Gustav Jung écrit que les crises et les bouleversements nous servent d'indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations et expérimenter un autre chemin de vie. Combien de crises aurai-je traversé ? Combien de chemins aurais-je emprunté pour trouver le bonheur, s'il existe ? Il était si près pourtant, fluide comme le temps. Il m'a fallu marcher sur tous les sentiers pourtant si près de l'essentiel. Pour comprendre, il faut avoir parcouru une myriade de lieux tout aussi étranges les uns que les autres. J'ai cru pouvoir vivre sans refuges. J'ai cru à tellement d'histoires étranges que j'ai failli en perdre la raison. Mon besoin de sécurité s'est rallié, uniforme, insondable. Il n'est jamais trop tard pour étreindre sa vie comme elle se présente. J'ai évolué avec ce qui était à ma disposition. La vie essaie de progresser du mieux qu'elle peut, de grandir, de progresser dans les conditions où elle évolue. J'ai franchi de nombreuses montagnes pour découvrir ce qui m'obstruait la vue. J'ai tant erré. Je n'y ai vu que le vent et celui qui cherche éperdument. J'ai tenté en vain de comprendre cette soif de liberté qui m'a guidé dans les plus hautes hémisphères. C'est au retour vers les lumières teintées d'abstinence que je cesse de m'agiter. J'ai vu, j'ai vaincu, j'ai vécu. La route est longue et sinueuse, mes pieds endoloris, je m'esquive le coeur lourd. Les mots s'activent pour me dicter mon existence. Une multitude d'identités trouve refuge en moi. J'écris pour me rappeler que j'existe, même si parfois je n'ai rien à dire, que je n'ai rien à faire. Il y a, paradoxalement, trop de pensées dans ma tête qui se chevauchent. La quête d'identité est un long chemin.

24 janvier |

Oisif, je ne l'ai vraiment jamais été. J'ai surtout tournoyé sur moi-même les mêmes refrains, les mêmes peines. Résilient de nature, je n'ai cessé de rechercher des solutions alors qu'il ne suffisait que de si peu de choses. J'ai remué ciel et terre éperdument sans trouver réellement la paix d'esprit. Il s'agit simplement de dire oui à la vie, c'est-à-dire de l'aimer et d'accepter le réel tel qu'il est, et non tel que nous voudrions qu'il soit. Mes erreurs ne déterminent pas mes faiblesses. N'avoir rien tenté aurait été la pire erreur. Ne pas savoir s'arrêter au bon moment est en soi une erreur. L'une de mes plus grandes faiblesses aura été de laisser les émotions m'envahir de façon substantielle. Je me suis identifié à elles au point de me rapprocher de la folie à maintes reprises. Je ne suis pas mes émotions, elles ne font que me traverser. Sous ces indéfectibles émotions issues du tourment et de la peur se cachent la joie et l'amour inconditionnel. Il y a toujours une cause à tout ce qui existe. La cause de ma douleur serait-elle d'être né ? Ce serait trop simple. Ce serait l'occasion, une fois de plus, de me défiler devant mes responsabilités, celle de m'occuper de l'être le plus important qui existe, c'est-à-dire moi-même. Jamais je ne pourrai me confiner de la critique. Quelques événements subis me font prendre conscience que l'humanité chez les hommes a tendance à se rétracter de plus en plus. Vieillir, c'est s'éloigner de plus en plus du regard des autres. Vieillir, c'est ne plus se sentir écouter. On est loin du temps que les vieillards étaient respectés. L'humanité se contracte devant l'appât du gain, la productivité, l'indifférence, la a banalisation de la vie et l'individualité excessive. Sur les répondeurs de certaines agences de services, un message indique ne pas prendre les clients aux revenus modestes. Le monde se fractionne dans une multitude de cases restrictives basées sur les avoirs. La classe moyenne s'effrite, les familles monoparentales survivent si les revenus ne sont pas au rendez-vous. Combien de temps le monde moderne va-t-il résister à tous ces soubresauts tels qu'ils apparaissent ? La vie ne devrait pas avoir de prix. En réalité, nous avons établi une valeur marchande à tout ce qui existe. La compétition règne, les guerres se multiplient, les divisions sont omniprésentes et surtout la désinformation et l'ignorance nous rattrapent dans un climat de peur. Il y aurait pourtant quelques solutions tangibles qui n'apparaissent pas suffisamment urgentes pour qu'il y ait matière à agir. Seul l'argent et le pouvoir comptent désespérément dans cet impitoyable univers à part pour la mère et son enfant que l'espace d'un instant réunit pour les bonnes raisons. J'ai rédigé quelques lettres adressées à quelques organismes aujourd'hui afin de rendre justice au préjudice subi par une institution publique, forteresse absolue du pouvoir. Ça prend une sérieuse injure pour parvenir à un gain de cause auprès de ces institutions. Ce n'est pas autant l'objectif de gagner qui donne raison à ma bataille comme celle de me pousser dans l'action mesurée et concrète. Viendra ensuite la satisfaction d'avoir tenté par tous les moyens dont je dispose d'obtenir gain de cause. Tant pis si je ne réussis pas, j'aurai eu, du moins, la satisfaction et la bonne conscience d'avoir essayé. Dans toutes les batailles, l'émotion doit toujours faire place à la raison, sinon c'est peine perdue. Ensuite il faut établir un plan d'action juste et détaillé. Les injustices règnent dans ce monde intransigeant. La preuve est que les gens riches ont toujours plus de chance de gagner leurs procès. Les gens les plus éduqués proviennent en majorité des gens riches qui font des miséreux les grands perdants de cette société axée sur les avoirs. C'est ce qui démontre le nombre croissant d'itinérants dans la foule, des demandeurs d'asile, d'affamés dans les soupes populaires. Je constate avec raison une pertinente envie chez moi de verser dans le drame. Tant pis pour ceux qui voudraient m'entendre parler des tous-inclus sous les tropiques, cela m'indiffère totalement. La misère est partout et revêt ses plus sombres illusions, que vous le vouliez ou non. Je réalise à quel point ce sont ceux qui parlent le plus fort qui sont les plus démunis. Non pas qu'il faille les faire taire, ils se fatiguerons d'eux-mêmes. Il suffit seulement de choisir ses batailles. La mienne s'exprime en vous écrivant et, par ricochet, mes paroles résonnent au plus profond de moi-même, me permettant de naître à de multiples reprises.

23 janvier |

Où cesse la solitude, commence le marché ; et où commence le marché, commence aussi le vacarme des grands comédiens et le bourdonnement des mouches venimeuses. C'est à l'écart du marché et de la gloire que se passe tout ce qui est grand ; c'est à l'écart de la place du marché et de la gloire qu'ont, de tout temps, habité les inventeurs de valeurs nouvelles. Fuis dans ta solitude, ce n'est pas ta destinée d'être chasse-mouches. Le plaisir du troupeau est plus ancien que le plaisir du moi. J'aime la forêt, on vit mal en ville, il y a trop d'humains en rut. Le plaisir du troupeau est plus ancien que le plaisir du moi. Ainsi parlait Zarathoustra. Le thème de la solitude est récurrent chez moi. Elle possède des choses que je n'ai pas encore détectées. C'est lorsque bien des élans se sont tus, qu'il est temps de se recroqueviller sur soi-même en tentant de découvrir les forces qui nous habitent. L'agitation indique un certain malaise ou un besoin mal identifié. Je travaille cet aspect de l'immobilité qui revendique le repos mérité. Ma semaine fut lourde d'émotions. Mon refuge m'apparait tel un baume sur mes plaies. Focaliser sur plus grand que moi m'évite l'enfermement. C'est curieux que dans mon blogue, peu de personnages sont présents. Sans paraître égocentrique, chaque humain voit le monde tourné autour de lui-même. Chaque nuit, je rêve que je suis exclu du clan des comédiens. Coïncidence, je ne suis pas et deviendrai jamais un humoriste. Au réveil, je me rassasias rapidement dans le tourment du monde ordinaire. Depuis un certain temps, un pouvoir se déploie en moi, je ne connais ni sa source ni sa direction. Je ressens un monde qui se transforme, comme si je devenais la personne la plus importante à mes yeux. Et je le suis. On m'a déjà demandé si j'avais de l'empathie. Rares sont ceux qui nient son existence. C'est une bonne question à poser, sachant très bien que personne n'osera jamais signaler son absence. Il y a dans ce mot une forme de mensonge et de déni, il me semble. La douleur d'autrui nous renvoie notre propre souffrance. Je veux me dissocier de l'idée de toujours vouloir justifier ma pensée, si je le fais ce n'est que pour y voir clair. C'est curieux comment une courte lecture sélectionnée peut m'inspirer. Mon père adoptif disposait, dans chacun des livres à sa disposition, une feuille blanche entre chaque page imprimée dans laquelle il reformulait à sa guise le texte en question. C'est étrange à quel point j'éprouve ce même désir devant certains textes. Il m'est impossible de m'inspirer de ce que sera le futur. Je n'ose même pas l'imaginer. Ce sont mes prédécesseurs à qui je dois mon inspiration. Chacun d'entre-nous possède un héritage précieux dans lequel nous puisons à sa source de larges vérités subjectives. J'ai tant à dire. Si ma confiance en moi était totale, j'écrirais un long rouleau traduisant toutes mes pensées de façon continue, un peu à l'image de sur la route de Jack Kerouac. Un long texte métaphysique décrivant la lumière et l'obscurité à la façon d'un poème lyrique et philosophique de Nietzsche déroulerait dans mon salon, s'engouffrant dans toutes les autres pièces et même plus loin encore. J'ai tellement à raconter depuis que j'étais en silence trop longtemps ou occupé ailleurs. J'ai besoin de me réchauffer au préalable de tous les philosophes vivants ou ayant vécu pour dérouler mon parchemin intemporel à l'infini. C'est le moyen le plus efficace que j'ai trouvé pour relâcher la pression avec toute la grâce qui accompagne ce geste. Des prismes lumineux blanchâtres accompagnent chaque mot énoncé me délivrant. Comment pourrais-je faire pour introduire des personnages dans mes propos alors qu'ils sont d'une absence délétère ? Je ne vois qu'une meute de loups sans visages, sans raison, ayant tous le même profil de comédiens à l'intérieur d'un mauvais film. Je m'assume en tenant ces propos et les signe. Il paraît comme a ce qu'on mérite. Je suis tout sauf pleinement léger. C'est curieux comment l'on vieillit en premier dans le regard des autres. Je terminerai par une note plus joyeuse. Je crois que la mort n'est pas si tragique qu'elle en a l'air. La mort n'est rien en soi lorsqu'elle s'avance déjà à la naissance. Dans les médias, on fait souvent part des gens qui meurent seuls sans que personne ne s'en aperçoive. C'est la vie entière qui les abandonne avant même qu'ils périssent. Il y a de ces étrangetés dans la vie des hommes, tels ceux qui collectionnent des monnaies pour vouloir et croire s'enrichir plus tard. Il y a ceux qui spéculent sur les biens matériels pour acquérir une richesse illusoire dans un futur incertain. Ceux-là, c'est la peur qui les anime. Et s'il existait autre chose. Quand je dis aux jeunes personnes : que feriez-vous sans votre téléphone ? Voyant la tristesse et l'incertitude dans leurs visages, je leur réponds simplement, probablement autre chose n'est-ce pas ?

22 janvier |

Dostoïevski a dit que l'homme adhère fort souvent à une certaine catégorie de convictions pas du tout parce qu'il les partage, mais parce qu'il est beau d'y adhérer, cela donne un uniforme, une position dans le monde, de la reconnaissance et des revenus. Je suis de ceux qui ne peuvent rester tranquille dans le vide. L'Étranger de Camus raconte la méchanceté du quotidien, la tendre indifférence du monde et la folie des hommes, sacrifiant sur l'étal de leurs certitudes celui qui, parce qu'il ne sait pas mentir ni pleurer, ne leur ressemble pas. Quelques chapitres m'ont suffi à ne pas poursuivre la lecture de Camus non pas qu'il ne soit pas bien. Ce fut ainsi avec les carnets de Dostoïevski. Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur et non des cadavres, des troupeaux ou des croyants. Des créateurs comme lui, voilà ce que cherche le créateur, ceux qui inscrivent des valeurs nouvelles sur des tables nouvelles. Ceci est tiré de Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, écrit à partir de 1883. Il tente de démontrer la nature du créateur qui est à l'intérieur de l'homme. Toute la philosophie depuis ses origines se définit par la contradiction entre nécessité et liberté, donc entre subjectivité et objectivité. J'aime aborder mes écrits avec beaucoup de profondeurs et d'émotions, les reliant avec des auteurs libres et créateurs. La juxtaposition des contraires et de la dualité me représente. Rien de ce qui m'apparaît est du premier niveau, en cela mon doute profond en chaque chose. La philosophie de Nietzsche repose sur lui-même et non sur une doctrine particulière, sa pensée est subjective et fortement créatrice. Ainsi parlait Zarathoustra est une forme de poésie lyrique et philosophique qui laisse planer le doute chez l'homme et sur Dieu. Sa pensée échappe à tout système, c'est pourquoi il me plaît. Il ne se compare à personne de son époque. Il est le précurseur de l'existentialisme, courant philosophique et littéraire qui considère que l'être humain forme l'essence de sa vie par ses propres actions, celles-ci n'étant pas prédéterminées par des doctrines théologiques, philosophiques ou morales. L'existentialisme considère chaque individu comme un être unique maître de ses actes, de son destin et des valeurs qu'il décide d'adopter. Le soi dit au moi : souffre, maintenant. Et il souffre et réfléchit pour savoir comment ne plus souffrir. C'est à cette fin, justement, qu'il doit penser. À la fin, mes passions deviendront des vertus, mes démons, mes anges. Maintenant, je suis léger ; maintenant, je m'aperçois en dessous de moi-même. Ainsi parlait Zarathoustra. À la lecture de Nietzsche, je m'étonne de m'être lassé des cimes. Cet arbre croit ici, solitaire dans la montagne ; il s'est élevé loin au-dessus des humains. Et s'il voulait parler, personne ne pourrait le comprendre : si grande est la hauteur à laquelle il s'est élevé. Plusieurs extraits et passages du livre sont purement magnifiés. Les mots deviennent soudainement plus grands qu'eux-mêmes. L'esprit, c'est aussi une volupté que je côtoie le soir venu près des livres, mon rituel céleste. 

21 janvier |

Le curateur public m'a remis des documents concernant la succession de ma mère biologique indiquant devoir contacter un notaire pour percevoir ma sœur et moi son héritage estimé à quelques milliers de dollars. Ce matin, dans le froid extrême, je me dirige vers le notaire au pied de la falaise. Manifestement, il est dérangé, me disant être en convalescence d'un cancer. Il m'a donné de mauvaises informations au téléphone en m'indiquant ne pas être en mesure d'effectuer les tâches relatives au dossier. J'insiste, il regarde les documents en m'affirmant ne pas être éligible à l'héritage étant ma sœur et moi adoptés à la naissance. Le lien d'affiliation n'existe plus avec ma mère biologique selon la loi. Cruelle déception en étant rejeté par ma mère à ma naissance, plus tard à notre première rencontre et maintenant en ne pouvant pas accéder à ce modeste héritage. Je n'ai pas choisi ni ma famille, ni ma patrie, ni de naître. J'ai été puni à maintes reprises pour ne pas être né au bon endroit, ni au bon moment. L'erreur fut commise par le fonctionnaire de la curatelle en me remettant les documents pour faire les démarches. J'écris ce soir pour ventiler cette journée maussade où, à quelques moments, j'ai tressauté de peine et de colère. Je reviendrai à moi lorsque l'orage sera passé. Ma confiance, déjà minée par les institutions publiques, ne fait que s'aggraver. Je ne peux rien y faire, sauf me dire que je n'ai rien perdu, car je n'ai rien gagné. Je viens de lire qu'en France, les personnes adoptées peuvent bénéficier de l'héritage d'un parent biologique, comme quoi au Québec on fait toujours les choses différemment. L'État a le bras long pour récolter impunément les bénéfices de tous et chacun. On nous dit que les revenus servent à financer les services sociaux, il y a de quoi réfléchir, mais à quoi bon, étant impuissant à même de m'exprimer devant les personnes concernées. L'État dans lequel je vis est d'une froideur et une indifférence la plus totale. Les gens qui l'activent sont aux commandes d'un système qui est plus grand que la somme des fonctionnaires qui y travaillent. Pourtant, ce sont des humains, me semble-t-il, aux commandes du système. Pendant ce temps, des milliards sont investis pour la guerre, la corruption et les injustices. Au retour, dans l'autobus, les usagers ont la mine basse, le dos arqué et soumis à leurs smartphones. À chaque jour qui passe, je désactive des publicités douteuses et des arnaques que je reçois sur le téléphone comme si j'étais un pauvre imbécile. La pornographie étale de plus en plus ses ficelles dans la toile sans que personne ne puisse arrêter ce déferlement d'obscénités. Dans le monde matériel, je suis dans le bas de la pyramide. Je ne dois pas être affecté outre-mesure par cette donnée, possédant plus que jamais le sentiment unique d'être libre avant tout. Je suis le témoin d'un monde en perdition et absurde. Malgré tout, je dois rester confiant, car où il y a de la vie, il y a de l'espoir. Les mots énoncés de ma part manifestent beaucoup de colère et de mépris envers ces pauvres humains que nous sommes, car ils ne sont pas capables d'évoluer pleinement avec tout le potentiel que je leur reconnais. Encore une fois, je remercie mon blogue qui me sert à exprimer mon chagrin et à l'évacuer du même coup. À chaque jour suffit sa peine. Demain sera un autre jour. Nietzsche a dit que tout homme supérieur aspire à se retrancher dans une forteresse, dans un refuge où il se sente délivré de la foule, de la masse, de l'écrasante majorité, où il puisse oublier la norme humaine à laquelle il fait exception. Je vois dans ces mots l'apparition de Zarathoustra. Il est difficile de se faire entendre; la difficulté augmente encore quand on vit et pense parmi les hommes qui vivent et pensent autrement ou, dans le meilleur des cas, à l'allure de la grenouille. Nietzsche meurt dans la folie comme bien d'autres artistes, les traitements étant insuffisants à son époque. Le système s'est doté d'une intelligence inouïe, il nous afflige toute notre vie ; si vous fléchissez, on vous vendra des antidépresseurs pour vous remettre instantanément dans le tordeur à nouveau. Le marketing est efficace. La pleine conscience aide à éliminer la source de la souffrance, le samsara. Au feu du mépris, c'est un nouveau pas vers mon indépendance qui est d'oser exprimer des points de vue qui passent pour faire honte à qui les nourrit. Ce charme de la vie disparaîtrait si la croyance à l'irresponsabilité totale venait à prendre le dessus.

20 janvier |

Je crois bien faire de nouvelles expériences régulièrement, mais cela me suffit-il pour en comprendre le sens ? Je sais me rapprocher des gens lorsque l'occasion se présente de façon spontanée. Mon absence de filtres parfois me joue des tours. Il y a des moments qu'en tentant de faire quelques blagues pour me rapprocher, c'est l'effet inverse que j'obtiens. Mon cercle d'amis intime est très restreint, voire inexistant. Je suis imbibé d'un esprit critique et méfiant. Lorsque l'occasion se manifeste, certains, dans le passé, ont quitté avant même que s'amorce une bribe d'amitié. Très souvent, je me suis demandé si j'en étais la cause, est-ce que c'est l'intimité qui soit difficile à établir, ou bien est-ce le fruit de la culture ambiante qui contrarié mes élans ?  Ce fut la plus grande question que je me sois jamais posée. Je relis l'Étranger d'Albert Camus. Je reconnais l'absurde qui est le thème central des romans de l'auteur. En cela, je fais le lien avec mon existence arborant une dissonance et une contradiction. Lorsque je me ressaisis en délaissant le passé, mon esprit devint plus clair. Rien n'est plus malsain pour l'homme que d'être revêtu des rumeurs du passé. Les thérapies ne sont pas faites pour moi, elles me plongent dans un monde qui n'existe plus. Le propre des thérapies est d'éveiller des choses qui n'ont plus la légitimité d'exister. Les livres sont mes meilleurs thérapeutes, quoique je ne néglige pas pour autant la présence d'autrui. Préférant les groupes de discussions, de croissances personnelles ou philosophiques, je note que les dynamiques de groupe caractérisent mon enthousiasme. J'ai eu une multitude d'expériences de groupes de par mon défunt travail en premier lieu. Les coïncidences dégagées au hasard des connexions diverses sont imprévisibles. Pourquoi mon association à des groupes et au lien d'amitié font défaut ? Est-ce que mes attentes sont trop élevées ? Je dois me demander très objectivement ce que représente autrui pour moi. Une certaine culpabilité se dégage de mon impuissance en ce sens. Il y a des codes qui m'échappent, des apprentissages, mais surtout une déficiente introspection pour reconnaître mes véritables intérêts. Néanmoins, je reconnais m'être encrassé d'habitudes insouciantes et désinvoltes dans ma lutte pour survivre, si je puis dire. À l'intérieur de cette culpabilité je sous-estime ma valeur. Quoiqu'il en soit, j'en connais suffisamment les causes, mais pas toujours les solutions. Encore une fois, en m'exprimant de la sorte, j'exerce une pression décontenancée envers moi-même sachant très bien que mes actions sont généreuses et sincères. Je n'aime pas les gens peu nuancés qui tapent sur les gens comme sur un clou pour leur faire comprendre la morale et les vertus. La douceur et l'ouverture sont de loin l'approche à développer envers moi. Ce n'est pas quelque chose qui est de mon pouvoir tout le temps. Je connais mes failles. En ce sens, les thérapies qui tournent sur elles-mêmes n'ont guère d'appui sur moi. Il n’en a pas toujours été ainsi. Parfois, je reconnais avoir l'air du cinglé qui ne se préoccupe que de lui-même. Depuis toujours, je suis un survivant. Même si le danger est inexistant, je ressens la menace. Peu m'importe aujourd'hui si je peux paraître différent ou indifférent aux yeux d'autrui, je fais ce qui m'est possible de faire ou d'être afin d'être la meilleure personne à mes yeux. Je n'ai plus aucune raison de me justifier à qui que ce soit. Depuis que je comprends cela, je ressens une certaine sérénité et un détachement grandissant au désir de plaire et de me fondre à autrui. Je n'ai nul envie de m'identifier au troupeau et je n'ai nul envie de m'isoler. Je laisse soin au destin de s'occuper de moi sans porter trop de résistance au devenir. À quoi sert de vouloir sauver le monde si je ne suis pas capable de me sauver ? Il y a tellement de choses à apprendre de mon vivant que je n'aurai pas le temps de tout assimiler. Est-ce nécessaire de vouloir tout embrasser ? Comme dit le proverbe : rien ne sert de courir, il faut partir à point. Simpliste, n'est-ce pas ? Si des lecteurs n'aiment pas mes propos, alors ils n'ont qu'à ne plus me lire. Mon blogue, qui me sert de journal, m'appartient et à moi seul. Il représente ma liberté d'expression. Je n'ai nullement envie de m'esquiver pour plaire à quelques spécialistes de quelque nature qui soit. Je n'ai aucune pudeur à montrer mes plaies. Je ne prétends pas être le moralisateur en chef, même si je reconnais que mes critiques sont parfois acerbes. En écrivant, bien des aspects de ma personnalité se révèlent. Je possède quelques bouquins d'auteurs dans ma bibliothèque qui sont arides et austères tels Nietzsche. J'éprouve de la difficulté à le lire, mais je ne le rejette pas, attendant le moment qui serait plus apte à faire sa connaissance. Pascal, je n'aime tout simplement pas, il parle trop de Dieu. Spinoza est un génie, il était juif, il habitait les Pays-Bas. Ce pays abritait ceux qui étaient censurés ailleurs. Des lectures qui, il y a quelques années, me semblaient inaccessibles, aujourd'hui m'enrichissent largement. Vient à point à qui sait attendre. Beaucoup parler de soi peut être aussi un moyen de se cacher. Je retiens de Nietzsche cette affirmation : l'un cherche un être qui l'aide à accoucher ses pensées, l'autre un être qui puisse l'aider ; ainsi naît un bon dialogue. Et si, en vérité, c'était tout simplement cela.

18 janvier |

Car le feu qui me brûle est celui qui m'éclaire disait Étienne de La Boétie. La sagesse libère l'individu de l'emprise sociale. La sagesse a un caractère révolutionnaire. Lorsque l'individu commence à se préoccuper de son salut ou de son bonheur personnel, s'il développe sa raison et sa connaissance, il risque de ne plus adhérer aux normes collectives. S'il y a eu dans le passé des oppressions sociales, politiques et religieuses, c'est que l'ignorance et la peur étaient omniprésentes tout comme l'absence réelle de liberté. Les raisons qui poussent les oppresseurs sont multiples ; éviter le chaos et l'anarchie par un contrôle excessif, établir des règles et des préceptes rigoureux pour appâter les ignorants et les maintenir dans l'inconscience, renforcer le pouvoir des élites et autres dictats, établir des normes aberrantes dans le seul but de tenir les gens en laisse, établir un coût spéculatif sur la vie à l'intérieur de systèmes contradictoires et corrompus. Les valeurs individuelles ont pris la relève considérablement au cours de quelques décennies, au point que des groupes entiers d'individus y perdent leurs repères. Le mouvement de perte d'identités collectives n'est pas totalement mauvais en soi. Nous avons besoin de cohésion collective pour vivre en société certes, la question est de savoir quels sont nos droits et devoirs sans perdre cette précieuse liberté pour croître en sagesse. Il est impossible pour l'homme de vivre en complète autarcie. Trouver l'équilibre dans un monde en déséquilibre et contrarié n'est pas aisé et surtout si les fondations de l'individu sont fragilisées pour différentes raisons. L'autonomie et l'indépendance ne signifient pas être isolé. L'être isolé peut se cacher un moment pour reprendre son souffle. L'être isolé est peut-être blessé par les hommes et a peur. Le monde peut s'avérer impitoyable à celui qui n'est pas prêt à s'y exposer, tel le jeune enfant ou l'inconscient. Il ne sert à rien de courir comme des veaux dans toutes les directions, j'en sais quelque chose. Il est insensé de vouloir tout embrassé. Il ne sert à rien de courir. Mais que faire alors si on doit survivre ? La différence se situe entre celui qui vit ou qui survit. Pour moi, la spiritualité se fonde sur la raison qui rallie l'esprit et le cœur. Le philosophe n'est donc ni un intellectuel, ni un professeur, ni un spécialiste, mais un aventurier de l'esprit qui cherche à mener une vie bonne et heureuse avec lucidité. La philosophie ne forme pas des spécialistes, mais des hommes. L'histoire a démontré que la foi a supplanté la raison et la quête de la sagesse. Nous sommes en train de faire marche arrière, mais sans supports et balises, le chemin risque d'être inquiétant, sans toutefois être impossible. Kant définit le bonheur comme un idéal non de la raison, mais de l'imagination. Sommes-nous les témoins de l'effondrement de l'idéologie ultra libérale consumériste qui tente de nous faire croire que le bonheur y est associé ? Comment ne pas être complètement cinglé devant les idéologies politiques qui placent les valeurs économiques au centre des préoccupations de l'homme ? La consommation exhaustive d'antidépresseurs et le taux de suicide actuel ne sont-elles pas associé aux mauvais choix que font  les hommes actuels ? Le résultat de ces mensonges éhontés est la destruction de nos propres ressources. Pire est la morale véhiculée appuyant ce système absurde qui, sans revirement majeur, nous pousse littéralement dans nos tranchées, évacuant ainsi tout espoir d'une vie meilleure. À quand la prochaine grande révolution tranquille ?

16 janvier |

Le bonheur semble aussi arbitraire et illogique que le temps qu'il fait. Il se manifeste soudainement et il s'évanouit aussi soudainement. Le raisonnement de Kierkegaard fait l'éloge du silence à la fois comme étant propice à une extase méditative et comme constituant la meilleure réponse à la souffrance. Alors qu'il nous paraît naturel de verbaliser nos plaintes quand les choses vont mal pour quelque raison, l'auteur suggère qu'en fait, parler de nos épreuves et de nos tourments a l'effet probable de les magnifier et de les aggraver au lieu de les adoucir. Tout bavardage autour de la douleur fait durer la douleur, sauf en cas extrême. L'homme est incapable de se taire et de rester silencieux. Des sources plus récentes indiquent qu'un malheur partagé est littéralement réduit de moitié et que les maux supportés en silence sont difficiles à vivre. Le point commun que je possède avec Kierkegaard est la conscience aiguë et unique de la brièveté de la vie. Les souffrances subies tôt dans la vie nous rallient, à certains égards, dans une fragilité existentielle. Le propre de l'homme décent est de faire ses propres choix. Devant toute déception, blâmer qui que ce soit n'aide en rien. Tout ce que je puis faire, c'est de me montrer reconnaissant d'être né, puis de m'atteler à essayer à nouveau. Les hommes sont vraiment absurdes. Ils n'usent jamais des libertés dont ils jouissent, mais ils réclament celles qu'ils n'ont pas. Ils ont la liberté de penser, ils exigent la liberté de parole. Je ne peux pas continuer, je vais continuer disait Samuel Beckett qui résume l'état actuel dans lequel je me trouve.

15 janvier |

Comme on plonge son doigt dans la terre pour reconnaître le pays où l'on est, de même j'enfonce mon doigt dans la vie, elle n'a odeur de rien. Où suis-je ? Le monde, qu'est-ce que cela veut dire ? Que signifie ce mot ? Qui suis-je ? Comment suis-je entré dans le monde, pourquoi n'ai-je pas été consulté, pourquoi ne m'a-t-on mis au courant des us et coutumes, mais incorporé dans les rangs, comme si j'avais été acheté par un vil commerçant ? À quel titre ai-je été intéressé à cette vaste entreprise qu'on appelle la réalité ? Pourquoi faut-il que j'y sois intéressé ? N'est-ce pas une affaire libre ? Et si je dois être forcé de l'être, où est le directeur, que je lui fasse une observation ? Il n'y a pas de directeur ? À qui dois-je adresser ma plainte ? De toutes les choses risibles, la plus ridicule à mes yeux, c'est d'être affairé en ce monde, expéditif à table comme à la besogne. Et je ris de tout mon cœur. Et qui pourrait bien s'empêcher de rire ? Quelle œuvre font-ils, ces empressés en perpétuelle agitation ? N'en est-il pas d'eux comme de cette femme qui, ahurie de voir le feu à la maison, sauva les pincettes ? Vraiment, que sauvent-ils du plus grand incendie de la vie ? Soren Kierkegaard, philosophe, écrivain, poète et théologien, fut l'un des premiers existentialistes chrétiens. Il s'exprime dans un verbe remarquable associant l'ironie, l'hyperbole et la métaphore. La pensée de Kierkegaard est immédiatement et facilement applicable au quotidien. C'est grâce à lui que je refais surface à la vie après m'être empêtré quelques jours de façon virulente dans les affres du cannabis. Cette molécule, que j'ai utilisée fréquemment dans le passé, m'indispose aujourd'hui de façon catastrophique et au point d'en être malade rapidement. Dur envers moi-même, je l'ai été à bien des niveaux. Le cannabis et sa consommation signe aujourd'hui mon arrêt de mort. Devrais-je dire plutôt mon arrêt de vie ? Quoique qu'il en soit, ce n'est pas fait. J'ai trouvé dans un sac, un gramme que j'ai fumé avec de bonnes intentions, celles de détendre mes muscles. Ensuite, je me suis procuré du cannabis de CBD uniquement en croyant, à tort, que je pourrais obtenir des effets bénéfiques. L'effet qu'a sur moi cette substance est, sans contredit, très nocif pour ma santé globale. Il est étonnant de constater à quel point je perds rapidement toute forme d'intérêt, de motivation et de concentration dans l'absorption de ce mystérieux apanage. De plus, je deviens cruellement amorphe et dépressif en peu de temps. Voilà ce à quoi ressemblent ces quelques journées de brume et d'angoisse intense. Je me délecte ce soir à la lecture de Kierkegaard qui est un baume sur mes récentes plaies. Qui a-t-il de plus déroutant que de perdre l'esprit et sa capacité de bien réfléchir ? À bien des aspects, cette habitude de fumer révèle un désir de fuir, de se fuir. Le retour vers soi devient plus douloureux après la débâcle viscérale. Il faut de longues études pour se livrer à l'arbitraire, s'y égarer et pour en tirer du plaisir. La page couverture des petits préceptes de la vie selon Kierkegaard de Robert Ferguson représente une mer agitée arborant de sombres nuages. On y aperçoit une percée de lumière au loin, comme pour rappeler qu'il y a toujours le beau temps après l'orage. Il paraît que l'on sort toujours plus fort des épreuves. À ce titre, je dois être tout puissant. En réalité, la vie n'a rien à cirer des épreuves, pourquoi ferions-nous bande à part avec notre soi-disant conscience ? Et que savons-nous de la conscience dans le monde ? Les études autodidactes me divertissent somptueusement, mais elles sont un substitut, une tactique désespérée pour dissimuler un sentiment plus profond de vide qui s'exerce en moi. La réflexion n'est pas pernicieuse en elle-même, ce qui est pernicieux c'est l'état de réflexion et la stagnation qu'il entraîne. Ils corrompent et mette en péril parce qu'en offrant la possibilité du retrait, ils font de la retraite une option plus facile.

9 janvier |

La morale nous assujettit parfois à des comportements douteux. Avec le déclin de la religion dans plusieurs régions du monde, la morale s'est transformée, pour ne pas dire s'estomper en laissant place à un vide collectif. La vérité de soi et du monde peut être angoissante, c'est pour ça que les masses bougent sans cesse, souvent sans raison, sans tenant compte des revenus pour la subsistance. Être actif est une valeur certes, et valorisé. L'être me semble versé dans une fuite en avant, cela dépend de son âge bien entendu. Pour connaître la vitalité d'un peuple, il s'agit d'observer les aînés et de voir comment ils sont traités. Les besoins animent les gens, qu'ils soient d'ordre matériel, spirituel ou affectif. Observer l'angoisse en soi, ne pas la fuir ou la combattre est l'ultime voie. Devant l'angoisse, la raison m'est nécessaire, la conscience aussi. Pour moi, la conscience se manifeste dans l'instant présent, la raison étant en lien avec mes capacités intellectuelles. La bonté émanante d'un groupe de parole propage une force et un lien ineffable. Dans son contraire, tout seul, la folie n'est jamais très loin. C'est dans le dialogue à l'intérieur de groupes ouverts et objectifs que la société changera. Il faut seulement être bien attentif à nos sens et aux paroles illuminées. Il faut un étonnant discernement pour ne pas se faire berner dans la société. Le problème actuel est que nous vivons dans un monde trop centré sur les valeurs marchandes. Tout est assujetti à un prix, il en résulte que l'existence adopte des comportements sordides interférant avec l'humanité. Une solide base de connaissances et une grande liberté sont essentielles pour croître avec sagesse et dignité. L'homme absurde, en réalité confirme la décroissance. Que cela ne tienne, sans les études appropriées et la pleine conscience juxtaposant les rencontres passagères, l'humain décroît considérablement. Au café philosophique auquel je participe régulièrement, les gens s'assoient en cercle rapproché. Le thème abordé est sélectionné par un vote. Le cadre est rigide pour le bon fonctionnement du dialogue. L'animateur est conséquent, généreux et habile. La diversité des gens présents est étonnante. C'est un microcosme de société. Des malhabiletés interagissent parfois chez les uns dans la teneur des propos, des émotions et de la pensée. Néanmoins, ces rencontres s'avèrent révélatrices et nécessaires pour se libérer de soi. Je m'étonne des éclats de conscience qui se dégagent subtilement. Le but est de ne pas juger. Il s'agit d'appliquer, en réalité, une véritable démocratie et laisser la place à tous ceux qu'il lui revient. Dans un groupe semblable reflète la complexité et la beauté du monde. Si ce dernier peut devenir meilleur, c'est grâce aux mots volontaires, désintéressés. Personne n'a raison, tous détiennent leurs propres vérités. Je tente la logique pour me réconforter, ça fonctionne. À la fin de la rencontre, une discussion forte intéressante s'est engagée auprès d'une participante en lien avec la conscience et la raison. En de très rares occasions, je n'ai pu réellement m'avancer longuement sur un tel sujet avec des étrangers. Peut-être m'en souviens-je plus ? Les études des derniers mois me permettent d'aborder certains thèmes avec plus de lucidité, de tempérance et d'aisance. Je me rappelle d'un certain Louis, qui aujourd'hui à 83 ans parait en avoir 60. Le corps est robuste et svelte, son esprit rusé comme un renard mais l'âge s'active doucement. Ça fait peur parfois de voir des gens que l'on a pas vus depuis longtemps. Il a toujours manifesté son intérêt auprès des plus jeunes que lui. Il est vrai que la jeunesse ravive mon esprit mais peut-être pas autant que lui. Les groupes dans lesquels l'on évolue ne doivent pas être des ghettos. Je suis toujours prudent quant à mes interactions avec autrui pour ne pas me sentir coincé. Les groupes associés, pour ma part, ne doivent pas être homogènes en lien avec l'âge, le sexe, les croyances et les opinions. Je préfère ceux avec une qualité d'esprit sans toutefois renier les plus démunis. Naturellement et en pleine conscience de mes moyens, j'en suppose, je sais reconnaître les gens avec qui les atomes se tordent. Mais comment fait-on pour les retrouver hors du monde virtuel ? Je sais que je ne suis pas le seul à me poser cette question. Ce monde a ses limitations. Trop souvent, de plus en plus, je vois des non-voyants, des gens renfermés, indifférents ou apeurés. Quelles sont les valeurs communes qui nous habitent ? Qui met en place les lieux pour que le véritable dialogue s'amorce ? La raison, c'est que c'est l'argent qui domine le monde. Les gens sont pressés à gagner leur vie. L'absence de religion ne devrait-elle pas nous amener dans une nouvelle voie, de nouvelles valeurs collectives. Je ne vois rien qui pointe à l'horizon, concrètement sinon très peu de choses à part les rencontres philosophiques. Il n'y a aucune étiquette que l'on peut insérer à ces groupes. C'est en cela que je me sens libre de me penser et de penser le terroir que j'habite, c'est le seul qui me soit donné avec mon esprit pour me servir de refuge.

8 janvier |

Le problème est qu'il est difficile de lutter contre une véritable intoxication entretenue par la presse, la télévision et internet qui représente une spiritualité de bazar qui inonde le monde. Le refus de l'illusion n'est pas le refus du rêve, à condition de ne pas le confondre avec la réalité. Il s'agit en fait de surmonter l'absurde en permanence, ce qu'on appelle avoir des projets, des passions. Il faut sortir de soi, se dépasser sans cesse, et surtout œuvrer avec les autres, pour les autres. Faire tourner notre machine à penser est en soi une jouissance. Deux excès sont à noter, exclure la raison, n'admettre que la raison, disait Pascal. Tout ce branle-bas semble évident, sauf lorsque des nuages traversent la tranquillité de l'être. Les préoccupations sont là pour me rappeler ma condition de mortel. Il y a des jours où je me sens aller de l'avant, et d'autres, où je semble faire marche arrière. C'est le cas en ce moment, ayant une virulente fasciite plantaire qui perdure depuis des mois. Dans mon impuissance à me relever de cette tenace inflammation, il me semble que tout ce que j'apprends se volatilise au fur et à mesure. Je dois faire comme le félin blessé, me reposer en me léchant la patte. Goethe disait qu'à quoi bon tout ce luxe de soleils, de planètes, de lunes, de voies lactées, de comètes, de nébuleuses, de monde devenu et en devenir, si finalement un homme heureux ne se réjouit pas inconsciemment de sa propre existence.


5 janvier |

L'expérience est un concept fondamental de la philosophie. Plusieurs écoles de pensée se sont opposées sur les questions de l'acquisition de connaissances par le biais de l'expérience. La plupart des courants philosophiques européens manifestent de la défiance à l'égard de l'expérience, forme première de la formation des concepts, qu'ils opposent à la raison qui seule peut soutenir une connaissance claire et distincte. À propos des changements climatiques, la seule chose à faire est l’idée, il est vrai, qui peut paraître choquante, révolutionnaire, extrémiste est de ne rien faire, mais il nous faut viser la réduction et le ralentissement de l’économie. Il faudra se retrousser les manches, lutter pour cette idée, apprendre à faire plus avec moins. Dans un tout ordre d'idée, le monde n'est que nature et la nature n'est faite que de matière. De la nature des choses de Lucrèce, poète et philosophe grec, a écrit l'un des les plus bouleversants et controversés ouvrages que le monde ait connus venu de l'Antiquité. Il remet en question les doctrines païennes et religieuses en s'appuyant sur les idées d'Épicure. L'épicurisme est une philosophie basée sur l'atomisme afin d'aider les hommes à se libérer de leurs angoisses. L'épicurisme postule l'existence d'une pluie d'atomes qui bougent avec un angle de chute établi au hasard, partie intégrante de notre monde. Le monde est donc régi par des mécanismes atomiques, tout ce qui arrive est lié aux atomes. Lucrèce dit que les fièvres ne quittent pas plus vite le corps si l'on s'agite sur de riches brocarts de pourpre que si l'on doit coucher sur un drap plébéien. Douceur, lorsque les vents soulèvent la mer immense, d'observer du rivage le dur effort d'autrui, non que le tourment soit jamais un doux plaisir, mais il nous plaît de voir à quoi nous échappons. Rien n'est plus doux que d'habiter les hauts lieux fortifiés solidement par le fait des sages, temples de sérénité d'où l'on peut voir les autres errer sans trêve en bas, cherchant le chemin de la vie, rivalisant de talent, de gloire viscérale, s'efforçant nuit et jour par un labeur intense d'atteindre à l'opulence, au faîte du pouvoir. Alain disait qu'il n'y a de paix qu'entre esprit et esprit. La paix est difficile à établir, et aussi difficile à penser. On doit se méfier des paix qui n'en sont pas, du conformisme, de l'indifférence, de la passivité, de la paresse, qui témoignent de la mort de l'esprit ou de la lâcheté des hommes. La paix n'est pas chose aisée, car elle n'est pas quelque chose de naturel. Elle est le résultat d'un effort soutenu, d'un apprentissage. Je n'ai pas connu souvent la paix d'esprit. La paix est fugace. C'est curieux comme je fais référence au passé pour affirmer certaines choses. Je dois m'efforcer, sans efforts, d'obnubiler les histoires anciennes pour ne pas m'identifier à elles et à mes expériences dans toutefois les renier. Je ne suis pas mes expériences. Je ne suis ce que je pense maintenant, je suis celui qui est, en ce moment précis. En cela est mon salut, ma seule voie de passage. Faire du nouveau avec le moment présent en ne répétant pas les mêmes gestes  issus d'une époque révolue. La paix d'esprit se retrouve aux carrefours qui ne sont jamais les mêmes. Les gestes répétitifs me mèneront toujours au même endroit, certes qu'une certaine routine me soit nécessaire. Un fort désir de créativité me poursuit afin de demeurer vivant. Parfois, je me regarde penser et je suis surpris de voir un autre que moi-même se penser. Deux personnes m'habitent, le vrai et l'imposteur. C'est lorsque je m'observe que je démasque l'étranger. Je suis souvent étranger à moi-même par cette habitude d'observer par la même fenêtre les mêmes choses, les mêmes idées. Venir au monde ne se fait pas seulement qu'à notre naissance. Chaque journée, chaque instant est une naissance pour celui qui est éveillé. En précisant ce sujet précis, je n'ai nulle envie de revenir en arrière avec les mêmes vieux récits fantasmagoriques. Les mots utilisés, réincarnés deviennent alors de la pure poésie. Ils ne refléteraient que le plaisir inconditionnel de vivre. Ils n'auraient pas autant besoin de sens que de mon amour. L'amour n'a pas toujours besoin de sens lorsque le coeur de réconcilie avec la tête. La vie est une danse joyeuse, en regardant de plus près, funèbre est l'absence de perspective.

1er janvier |

L'idée de Dieu qui a donné la naissance de l'Église provient des croyances païennes. Le mot païen provient du mot paysan. Souvent les paysans sur plusieurs siècles étaient illettrés et peu éduqués. Pour garder espoir devant la souffrance et son impuissance, les hommes ont cru à des forces surnaturelles. Les croyances et les dogmes de chaque époque avaient chacun leurs raisons d'êtres selon le contexte existant. Ne pouvant répondre aux questions de l'existence, ils ont eu recours aux dieux jusqu'à ce que la science intervienne. L'église chrétienne à ses débuts, s'est servie des croyances de celles qui l'ont précédée pour aboutir au Dieu actuel. Les raisons pour adopter la croyance en Dieu étaient en partie pour mettre un terme au chaos du Moyen Âge et asseoir le pouvoir de l'Église. La religion s'est ensuite en système rigide où la révélation de Dieu passait par l'Église. Au lieu de Dieu, la révélation aurait pu s'appeller énergie ou lumière, mais l'Église, vaste réseau doctrinaire et dogmatique a établi que la vérité absolue passait par les règles scolastiques et théologiques. En réalité, Dieu représente l'univers. Il est dit que l'Église doit utiliser et s'approprier des ressources de la Terre pour parvenir aux besoins de l'homme et surtout de l'Église. Si Dieu existe dans le cœur des hommes, il n'a pas besoin de l'Église pour se manifester à eux. Voilà la super tricherie qui a fait de l'homme des esclaves jusqu'à présent. Ce puissant système religieux adopte impunément le péché aux mortels et les indulgences au repentants pour maintenir leur domination et leur puissance. La raison première pouvait être légitime mais la corruption et l'extorsion au sein de l'Église a diminué sa crédibilité au fil du temps. Maintenant que la religion chrétienne n'a plus d'emprise sur les hommes, quelles sont les croyances et les systèmes à mettre en place pour développer et garder espoir dans un monde fractionné ? C'est de Silicon Valley que le monde est dominé aujourd'hui. L'Église a unifié le monde à sa façon, comme l'ont fait les régions polythéistes qui les ont précédées. Les pouvoirs excessifs et perfides qu'ont exprimés les empires n'ont-ils pas aggraver la situation ? Ne savaient-ils pas ou pouvaient-ils faire mieux ? Un important schisme dans l'unité de l'Église a permis de saisir la portée nocive des gestes commises par l'Église romaine. Plusieurs croyaient avec raison que si Dieu existe, il ne devrait pas s'exprimer par l'intermédiaire de l'Église. Ayant voyagé dans plusieurs pays d'Europe, c'est en Hollande que j'ai rencontré les gens les plus libres et éclairés de par leur histoire. Je me sentais, moi et le groupe dont j'étais responsables comme une bande d'enfants immatures en comparaison avec ce peuple de la mer du Nord. La religion et l'héritage qu'ils ont reçu en sont responsable de même que le rapport qu'ils ont avec l'argent. Mais cela est une autre histoire. La vie est en constante évolution qui doit s'adapter sans cesse. Si une espèce cesse d'évoluer elle disparaîtra, laissant place à une espèce plus forte. Voilà à quoi je crois. S'il m'arrive de demander une requête particulière, elle sera effectuée à l'univers par l'intermédiaire de Dieu. Mon raisonnement est indéniable et bien alimenté. Les amérindiens reconnaissaient, respectaient et vénéraient la nature de chaque chose. Ils étaient les maîtres recycleurs du monde car la nature et la vie étaient sacrées. Ils savaient qu'ils ne devaient pas détruire leur environnement car ils se détruiraient eux-mêmes, chose que nous, contemporains ne semblont pas reconnaître. L'Église a rompu avec les traditions anciennes en les niant et en les persécutant au nom de Dieu. Le temps et l'espace sont une notion abstraite qui n'existent que dans la tête des hommes. Ils servent de repères à ceux qui se pensent, c'est tout. Je crois que les hommes s'accordent davantage d'importance qu'ils n'en ont besoin, dans une juste mesure, car ils sont terrifiés. La peur est un mauvais maître à qui veut obtenir la liberté. Bien entendu, les hommes n'ont pas tous la liberté d'être et de penser, de cela j'éprouve beaucoup de gratitude envers l'univers. Aujourd'hui, j'ai regardé des émissions humoristiques populaires à la télé, je trouve cela grotesque. Il m'est impossible d'y retrouver quelconque nourriture spirituelle. Sur chaque programme d'une heure, la moitié de ce temps est accordée aux publicités voulant me vendre un objet ou une idée. Je suis de plus en plus indifférent à tout cela. Il y a de ces choses que l'on conserve parce qu'elles sont des habitudes. Les religions, avaient leurs raisons d'être à un moment donné qui de nos jours tentent de se dissiper. Nous avons toujours le choix de ce qui nous est nécessaire, encore faut-il savoir le distinguer. Que d'énergie gaspillée pour conserver un monde illusoire et superficiel ! Serait-il possible que l'on mérite le monde dans lequel on vit ? Je ne crois pas qu'il soit complètement le fruit du hasard, mais de notre propre volonté. Comme disait Victor Hugo, sans cesse le progrès, roue au double engrenage, fait marcher quelque chose en écrasant quelqu'un.

30 décembre |

En fait, le citoyen a disparu. Il n'est plus qu'un rouage du mécanisme production-consommation. La citoyenneté s'apprend. Apprendre la citoyenneté, c'est prendre conscience du besoin de l'autre pour devenir soi. Il est nécessaire de réapprendre le désaccord raisonnable selon John Rawls. La compétition fait oublier que le matériau permettant à l'individu de devenir une personne est fait des échanges qu'il a avec les autres. Cet échec n'est pas celui de l'éducation, mais de l'ensemble des règles adoptées par notre société. C'est ça la vie est le seul refrain que j'entends bourdonner depuis ma naissance. Est-ce le système qui dicte nos vies ou bien est-ce les hommes qui s'y abritent? En proclamant que vivre une vie d'homme se résume à une lutte permanente, elle ne peut que créer le désespoir chez ceux qui découvrent en quoi consiste l'issue du parcours. Le jeu du calmar est celui que nous avons choisi et dans lequel nous nous vautrons dans une inconscience la plus totale. Par exemple, internet met en évidence les tares grandissantes de notre façon de vivre ensemble. Ne peut-on craindre que les technologies ne parviennent à transformer la nature même de l'humanité ? Ma présence à autrui sur la toile se fond dans l'indifférence. Internet n'est pas mauvais en soi, c'est son utilisation qui devient une perversion de l'outil. Rien n'est apporté pour vraiment sécuriser les gens d'eux-mêmes sur internet. Rien ne me semble en place pour de réels dialogues entre citoyens en dehors du champs virtuel. Une part de l'humanité qui a pris des milliers d'années à se structurer se dissout rapidement sans que personne lève la main en tentant de changer les choses. De toute façon, la chose est banalisée à même titre que la nature humaine. On fait davantage confiance à la toile qu'à soi-même, car elle régit la plupart de nos actions. Ce n'est pas mes premières critiques sur internet. Peut-être que je ne comprends pas certaines choses ? Peut-être ai-je des difficultés à m'y adapter en n'étant pas de mon temps ? Réseauter à l'intérieur de milliers d'usagers me paraît illusoire. Je suis persuadé que certains y trouvent leur compte, tant mieux pour eux. La société a tendance à séparer de plus en plus les jeunes des vieux. On devrait plutôt insister sur ce que tous les hommes ont en commun. La société actuelle voue un culte à la jeunesse. Élever les sociétés à leur meilleur commence avec de véritables dialogues laissant de côté les intérêts égoïstes et mesquins. Comment bâtir un monde meilleur avec un écran constamment sur le visage? Est-ce le monde dans lequel on veut s'épanouir ? Je parle ainsi par connaissance de cause, ayant développé une addiction à la chose. Ces principales habitudes se révèlent par le souci de m'informer à tort et de m'instruire. Pour ce qui est du réseautage, mon temps est trop précieux et je n'y crois plus sous ses formes actuelles. Il faudrait qu'internet se mette à notre service afin de pouvoir rassembler les humains hors du monde virtuel. Peut-être qu'il vaut mieux rester à l'ombre des réseaux affichant sa plus belle allure comme le font la plupart d'entre-nous ? Albert Jacquard dit qu'il faudrait faire des écoles un lieu de création de l'humain, alors qu'elle est en train de devenir l'antichambre d'une société marchande. Je me désole d'apporter un tableau aussi sombre, veuillez m'en excuser. Je sais très bien que le monde n'est pas toujours comme il apparaît, sinon il n'existerait plus depuis longtemps. À bien y réfléchir, exprimer tout cela ne m'apporte pas plus de bonheur.


29 décembre |

J'ai trouvé un cadeau empoisonné sur les marches d'un escalier la veille de Noël. Dans une boîte joliment enveloppée, une trentaine de petits pots de beurre au caramel aromatisés s'entassaient. Chaque pot affichait des rubans multicolores au travers de petits sacs festifs de boules au chocolat noir fondant. J'ouvre un petit bocal et le sac de chocolat. Ces délices sont foudroyablement addictifs. Je suis incapable de refermer le pot sans avoir vidé son contenu. Mon papilles se dilatent et en redemande sans cesse. Je croyais pouvoir me délecter lentement tout l'hiver qu'il m'apparaît impossible de refermer un pot aussitôt ouvert. Après deux journées entières à me saupoudrer la gueule, je ressens un malaise au point de devoir offrir en cadeau à des proches ces pièges impitoyables. Ayant pris un peu plus de trois livres, je ne ressens plus d'appétit pour autre chose. Mon ventre me fait souffrir, mes pantalons vont éclater. Il est possible que des gens aient intentionnellement mis cette boîte dans la rue pour offrir aux passants ces sucreries que j'appelle des cochonneries. À toutes celles à que j'ai offert quelques pots, les réactions furent les mêmes. C'est le souvenir de ce temps des fêtes que je conserverai. Il m'est difficile de garder le moral durant cette période. Ma famille a disparu, ma sœur vit loin de chez moi. On se parle au téléphone. Elle est bouddhiste et me parle comme une bouddhiste. Parfois, ça m'agace. Il y a trop de morale et de mots dans la conversation. J'écoute, mais parfois je trouve ça pénible les monologues. Ça m'attriste de n'avoir qu'une seule sœur. Sa famille ne me connait pas, c'est comme ça avec la distance. Son conjoint est gentil et silencieux. Ma sœur parle tellement qu'il lui laisse le champ libre par amour. Mon journal ne sera pas très long ce soir. Souvent, je ressens un vide qui m'habite. Pendant les fêtes, c'est encore pire. Il est associé à l'angoisse. Elle m'a tellement accompagné que je sais pas c'est quoi être normal. Un état normal, c'est ne pas ressentir la souffrance de façon excessive. Je n'aime plus ressasser le passé, ça ne donne rien, le futur non plus. À mon âge, il n'y a plus de futur. Je ne renie toutefois pas le passé. Il porte des blessures incurables. Alors je pointe l'action. J'exagère à peine. La vie des hommes est absurde, car l'homme est absurde. Parfois, il ne sert plus à rien de comprendre, il est préférable de vivre sans pour autant être inconscient. J'ai visionné la saison II de Squid Games en deux jours. Cette série contemporaine sud-coréenne est la plus palpables. On dirait qu'on aime se nourrir d'histoires morbides. On dirait que ça nous rassure en regardant la misère du monde de ne pas en faire parti. Les hommes sont absurdes car ils se nourrissent d'illusions. Mais comment pourraient-ils vivre sans quelques illusions ? En réalité les hommes sont absurdes car ils savent qu'ils vont mourir. Dans le film, ça fait constamment référence à l'argent et de la survie qui en dépend. Le jeu du calmar est très difficile à visionner, pourtant cela n'empêche pas des millions d'abonnés de Netflix de le regarder. Je m'identifie de la survie des hommes étant un survivant moi-même. Le jeu consiste à gagner et les perdants sont tués de sang-froid par les organisateurs des jeux. Je trouve ces jeux similaires à la réalité d'une façon légèrement différente, ce n'est que mon point de vue. Jusqu'à présent, le bien ne s'exprime que très peu, il faudra attendre la suite de la série pour en apprendre davantage. Sur l'avenue Cartier et ailleurs, les gens sont pressés, voire stressés. C'est la course. Je semble être le seul à ne pas être à la course, ce qui me fait sentir différent de la masse. Depuis deux ans, je n'ai plus la câblodistribution. Je trouve la plupart des programmes absurdes. On a toujours un produit ou une idée à vendre. Je n'ai besoin de rien sauf d'un ami. Il est impossible de se faire des amis à la télé, c'est pour ça qu'elle devient moins populaire, c'est ainsi que la masse s'atroupe sur internet sans garantir de bonheur et d'amis durables. Le temps des fêtes me ramène inlassablement au passé et aux émotions qui s'en imprègnent. Une connaissance me dit que les émotions, ça ne vaut rien, qu'il ne devrait y avoir que des sentiments. En principe, quand on célèbre entre amis ou en famille, il n'y a que de bons sentiments qui se manifestent. Lorsqu'ils sont absents, n'apparait alors que la tricherie. Le pouvoir et l'attraction de l'argent est rempli de fourberie, de lâcheté. Malgré tout, il y a de l'espoir dans le cœur des hommes que je m'efforcerai d'éviter les clivages. Le spectacle que j'affectionne est d'observer les enfants s'amuser dans les parcs. Ça vaut la peine de consacrer un peu de mon temps à laisser mon esprit reposer dans le calme intérieur pour mieux comprendre la place qu'occupe l'égo dans ma vie. Sénèque dit qu'il ne dépend pas d'autrui, il n'attend pas les faveurs d'un homme ou du sort, sa félicité lui vient de lui-même. Si j'écris, c'est que la littérature est un lieu de liberté qui condense et disperse les violences contemporaines. Écrire me permet d'atténuer la violence faite à moi-même en premier lieu. La littérature forme d'abord un lieu où le sens afflue. Elle est un lieu d'accueil et du mien plus particulièrement.


26 décembre |

Durant les fêtes, j'ai visionné le film québécois sur la Bolduc, légendaire chanteuse qui connut un succès phénoménal dans les années 20-30. Pour assouvir ma curiosité grandissante, j'ai poursuivi cette incursion dans le passé auprès des humoristes qui ont façonné mon enfance. C'était l'époque du show business, du burlesque et de la télévision qui jadis était le centre de tout. Preuve à l'appui, je conserve des photographies de l'enfant qui a déjà été debout en cowboy habillé en culotte courte debout sur le téléviseur du salon. J'ai fait une description sommaire de ceux qui ont marqué ma jeunesse. Gilles Latulippe, Roger Giguère, Gérard Vermette, Denis Drouin, Léo Rivest, Paul Desmarteaux, Pierre Marcotte, Réal Giguère, Jacques Desrosiers, Fernand Gignac, Jeannine Sutto, Juliette Patry, Mandat Parent, Rose Ouellette, Juliette Huot, Juliette Béliveau, Ti Gus et Ti Mousse, Claude Blanchard, Olivier Guimond, René Caron, Gilles Pèlerin, Shirley Théroux, Dominique Michel. Ces humoristes et comédiens furent les idoles d'une époque révolue. Ils étaient les fiers représentants de la culture québécoise que personne ne contestaient leurs présences. Ils étaient naïvement les membres à part entière d'une grande et joyeuse famille.  Par le truchement de la télévision ils étaient parmi nous. Décimés, ils sont devenus que de lointains souvenirs. Après plusieurs heures de visionnement, je tombais dans une profonde nostalgie issue de ce passé glorieux. Tout ce monde est réduit en cendres en quelques décennies, laissant un vide dans le cœur de ceux et celles qui ont grandi avec eux. La venue d'internet a étalé aux grands vents des émissions télévisuelles que l'on regardait joyeusement en famille ou entre amis. Des émotions ont émergées soudainement pour réaliser qu'il valait mieux laisser les morts tranquilles. Tous ces gens avaient du talent et de la passion. Néanmoins, leurs véritables et seules contributions furent d'avoir su réunir tout un peuple dans la joie, la simplicité et l'humour. Plus de la moitié des propos tenus ne pourraient être exprimés de nos jours. En cela, je tiens à les remercier pour ce qu'ils ont accomplis au fil des années dans le courahe et la détermination. Dorénavant, le wokisme marque notre époque, l'intolérance, la division et l'individualité. Malgré tout, il y a d'étonnantes sources d'inspiration, que ce soit dans les bouquins ou ailleurs pour ceux qui savent reconnaître que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir.


23 décembre |

Le vendredi fou remplace le vendredi saint dans notre sacrée envie de consommer avec ardeur. Est-ce là la magie du temps des fêtes que de dépenser encore plus, toujours plus ? Les textes antiques étaient écrits sur des papyrus qui, après 300 ans environ, se détérioraient rapidement. Les scribes de l'époque faisaient des copies qui se sont retrouvées sous l'empire romain dans de nombreuses librairies publiques et privées. La plus grande bibliothèque de l'empire romain se situait à Alexandrie en Égypte, le Museum. Les juifs, les païens et les chrétiens vivaient en paix. Puis débutèrent progressivement des escalades de tensions reliées à la religion qui détruisirent la bibliothèque. Les lieux culturels et les ouvrages grecs représentaient le polythéisme qui devenait de plus en plus réprimé dans la cité au début de la chrétienté. À la chute de l'empire romain, les ouvrages grecs originaux disparurent, ne laissant que quelques fragments provenant de la cité balnéaire d'Herculanum en Italie et d'une autre cité disparue d'Égypte. Des copies retranscrites scrupuleusement par des scribes et des moines nous sont transmises de nos jours. Souvent, les textes sont recopiés à de multiples reprises. Les romains ont protégé la culture grecque car ils voyaient en elle une source profonde de connaissance. D'autre part, tout comme les grecs, ils pratiquaient le polythéisme pendant plusieurs siècles. À la chute de Rome, les textes qui ont subsisté sont compilés pendant des siècles dans les monastères au Moyen Âge pour les préserver des barbares et les soumettre à l'étude sous l'égide de la chrétienté. Il est intéressant d'observer les liens qui subsistent entre différentes époques que ce soit en lien avec les croyances païennes, judaïques et chrétiennes pour ne nommer que ceux-là dont je puise mes racines. Les chrétiens se substituaient aux affirmations dogmatiques et faisaient la lutte aux païens qui pratiquaient le polythéisme en s'y rebutant de façons sanglantes. Le mot païen est étymologiquement proche du mot paysan. Ce n'est qu'au Vᵉ siècle que les textes antiques refirent surface. Les chrétiens s'accomodaient de Platon et d'Aristote, mais certainement pas d'Épicure et de sa doctrine prosélytique et atomiste  du plaisir. L'histoire me permet d'approfondir une meilleure compréhension du monde dans lequelle j'habite. Cicéron disait que quand un homme intelligent est confronté à quelqu'un de plus fort que lui ou à une situation déplorable, la plus sage des réactions qu'il puisse avoir, c'est de se mettre à l'écart, d'attendre sans aucune honte le moment où il aura de nouveau le champ libre. Sénèque tant qu'à lui affirmait que ce n'est pas parce que les choses nous paraissent difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles nous paraissent difficiles.

19 décembre |

Je me suis toujours intéressé à la définition du mot normalité. Le terme norme, du grec, signifie équerre ou règle en lien avec la bonne mesure. C'est un comportement qui peut être pris pour référence ou principe directeur qu'on tire de l'observation du plus grand nombre. C'est un modèle ou un trait considéré comme typique du comportement d'un groupe social. La normalité est un état ou caractère de ce qui est conforme à la norme, à ce qui est considéré comme l'état normal. La normalité peut se définir à partir de deux approches. D'une part, la souffrance psychique, nous la connaissons tous, mais certains sont amenés à trop souffrir, à souffrir de façon anormale. D'autre part, à partir de la norme sociale, la société nous dicte nos comportements. La normalité existe-t-elle réellement ? Dans un sens, on peut dire que nous sommes tous névrosés, car nous désirons et nos désirs ne sont pas tous réalisables. La normalité peut se définir soit à partir de la souffrance psychique, soit en référence à la norme sociale. Freud considérait lui-même qu'une bonne santé psychique ne signifie pas une absence totale de symptômes. La normalité dictée par la société évolue avec le temps, avec celle-ci. Dans tous les cas, nos symptômes sont le signe de notre singularité parce que nous sommes tous uniques, nous ne pouvons pas totalement nous conformer aux normes prescrites. Ceci nous amène forcément à vivre des conflits psychiques. Finalement, nos sociétés font un peu de nous tous des névrosés. Or nous sommes voués à cohabiter, à accepter que la liberté d'autrui empiète sur la nôtre, à renoncer à une satisfaction qui nuirait à autrui, sauf à nous comporter en psychopathes ou en salauds. Car sans les autres, sans leur soutien, comment pourrions-nous vivre ? C'est avec Saint Thomas d'Aquin que la philosophie se fond dans la théologie, c'est à ce moment que se complexifie pour moi la croyance de Dieu et du mystère de la foi. J'aime la logique et la raison en philosophie et le sens profond des mots, même si les Pères de l'Église ont tenté de les conjuguer. La notion de Dieu ne peut s'expliquer par la raison et la logique. Je ne tiens pas à développer l'histoire de la foi chrétienne et son sens, je ne suis pas intéressé. En d'autres termes, je puise mes inspirations sur la logique et la raison. Elle n'existe pas pour décrire Dieu. Saint Thomas disait que Dieu est Un et qu'il est au-dessus de toute chose. Je suis de nature éclectique en sélectionnant ou choisissant parmi diverses sources les réponses à .mes questions. Dans la foi, il n'y a pas de réponses, il n'y a que Dieu. Je ne suis pas un système particulier, mais je sélectionne et utilise ce qui est considéré comme les meilleurs éléments de tous les systèmes. Ce n'est pas que je rejette complètement l'idée de Dieu, car il m'arrive de lui demander, de temps à autres, son aide dans les situations difficiles. C'est dans les moments les plus pénibles que je ressens le besoin de croire à une force supérieure, qu'elle s'appelle Dieu, Bouddha Habuhiah, Krishna énergie ou lumière, peu importe. Je fais appel à ce qui est plus grand que moi, ce n'est pas difficile à trouver, car je ne suis qu'un grain de sable avec un égo grand comme un astre. Plus grand est mon égo, plus nombreuses seront mes souffrances. Mes incantations s'effectuent lorsque je ressens ma finitude, ma douleur et ma petitesse. Les motivations des Pères de l'Église depuis le début de la chrétienté jusqu'à aujourd'hui sont bien différentes, malgré que les textes religieux soient relativement les mêmes. Le pouvoir qu'a exercé l'Église sur les vérités qu'elle détenait sur le monde m'apparaît obscène. D'autre temps, d'autre mœurs dira-t-on. L'idée de Dieu évolue avec les époques. S'il existe, il n'a pas besoin d'intermédiaires, me semble-t-il. Dieu a-t-il mis trop de pouvoir dans l'Église, ou est-ce l'Église qui s'est appropriée de Dieu ? Je me pose souvent la question à savoir si je suis normal ? Certes dans la négative parfois pour les souffrances encourues, positive si je me compare aux autres dans la norme-alité.


18 décembre |

Humani a me nihil alienum putoJe suis un être humain, rien d’humain ne m’est étranger disait Térence. À l'origine, le mot étranger était utilisé dans le sens de hors sujet. Cette réplique de l'esclave devenu dramaturge était une réponse à l'ordre donné à l'orateur de s'occuper de ses affaires, mais elle fut utilisée pour prôner le respect des différentes cultures et l'humanité en général. La métaphysique est la branche de la philosophie qui étudie la nature fondamentale de la réalité. Elle s'intéresse à des concepts tels que l'être et l'identité, l'espace et le temps, la causalité, la nécessité et la possibilité. Elle comprend notamment des questions sur la nature de la conscience, l'âme et la relation entre l'esprit et la matière, ou entre la substance et l'attribut. La morale vise d'une part à la conservation des formes collectives d'organisation sociale, de la société, de l'intérêt général, d'autre part à l'agrément de la vie des individus en société. De même, un même schéma moral est adapté selon chaque culture et société, mais, à l'intérieur de ces cultures, différents types de moralité cohabitent, avec un degré variable de tensions. Les règles morales peuvent être vues comme de simples habitudes qui ont fini par s'imposer à un groupe social, c'est-à-dire des façons d'agir culturellement acquises, apprises et intégrées par les agents, consciemment ou non, qui ont fini par se préciser ou se transformer au cours des siècles, ou au contraire comme des normes absolues, invariables dans le temps, transcendantes et d'origine divine ou révélées. De même, elles peuvent être considérées comme relatives, variables selon les peuples et les époques, ou au contraire comme universelles, indépendantes du lieu et de l'époque, et établies par la raison humaine ou exigées par une certaine représentation de l'être humain en général telles l'universalisme et les droits de l'homme. La morale est l'ensemble des règles d'action et des valeurs qui fonctionnent comme norme dans une société, communément appelée normalité. C'est la science du bien et du mal. L'éthique est proche de la morale dans sa définition, qui est la doctrine du bonheur des hommes et des moyens d'accès à cette fin ; ensemble particulier de règles de conduite. D'autre part, la morale est généralement rattachée à une tradition idéaliste de type kantien qui fait la distinction entre ce qui est et ce qui doit être, alors que l'éthique est liée à une tradition matérialiste de type spinoziste qui cherche seulement à améliorer le réel, c'est-à-dire ce qui est, par une attitude raisonnable de recherche du bonheur de tous. La morale provient de la nuit des temps dans la conscience des hommes. Elle a revêtu une apparence particulière au Moyen Âge dans le christianisme. La morale fut établie de façon plus subséquente pendant la grande noirceur du Moyen Âge afin d'établir des règles plus strictes associées à la religion chrétienne. Je suis pour le bien de la morale dans son ensemble. Le terme de la normalité à certains égards m'apparaît obsolète en lien avec les systèmes économiques, culturels et politiques contradictoires en place.


Examine l’angoisse, mais ne t’y attarde pas : elle est un pont, non un lieu d’habitation. L'angoisse est-elle une condition nécessaire pour donner un sens à la vie ? Entre la quête de sens, le sentiment de finitude ou encore celui d'absurdité, nous ne risquons pas de nous ennuyer. Quels sont nos refuges ? L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde. Par l'appel humain, Camus fait référence au besoin profondément humain de comprendre le monde et d’y trouver un sens. Le silence déraisonnable du monde renvoie à l'absence de signification transcendante. Le sentiment d'absurde vient alors de la prise de conscience douloureuse, mais fondamentale, que le monde ne répondra jamais aux aspirations métaphysiques de l’être humain. Partant de ce constat, Camus prône une attitude de révolte lucide en vivant pleinement, en construisant une vie significative malgré cette absence de réponse universelle. C'est donc une réponse existentielle face à l'absurde. D'où son utilisation du mythe de Sisyphe comme métaphore de la condition humaine. La révolte de Sisyphe réside dans le fait qu’il continue de pousser le rocher malgré l’absurdité de sa tâche. Il donne un sens à sa vie en affirmant sa liberté face à sa condition. Il faut imaginer Sisyphe heureux, nous dit Camus. La vraie crainte de l'existence n'est pas la peur de la mort, mais la peur de la vie. C'est la peur de se réveiller chaque jour pour affronter les mêmes luttes, les mêmes déceptions, les mêmes douleurs. C'est la peur que rien ne change jamais, que vous soyez piégé dans un cycle de souffrance auquel vous ne pouvez pas échapper. Et dans cette peur, il y a un désespoir, un désir de quelque chose, n'importe quoi, pour briser la monotonie, pour donner du sens à la répétition sans fin des jours. En philosophie, l'angoisse a été traitée par plusieurs auteurs et particulièrement l'existentialisme pour lequel elle prend la valeur d'un questionnement sur la condition humaine. En psychopathologie, elle désigne un état de mal-être qui se manifeste par une sensation interne d'oppression et de resserrement ressentie au niveau du corps. Ceci s'accompagnant généralement d'une crainte de malheurs ou de mort imminente contre lesquelles le sujet se sent impuissant. L'angoisse n'est pas un signe psychopathologique en elle-même, mais le miroir d'un ensemble de phénomènes affectifs, toutefois, si elle devient trop fréquente, voire continue, l'angoisse devient un symptôme pouvant être corrélée à d'autres signes particuliers pour former un syndrome ou se présenter de manière isolée à travers l'anxiété généralisée ou une névrose d'angoisse. Dans certaines situations cliniques, une absence d'angoisse peut être aussi alarmante qu'un excès. La peur de la mort est moins douloureuse que la peur de vivre. Elle n'est rien à comparer de voir se dissiper le sens de cette vie, disparaître notre raison d'existence, voilà ce qui est insupportable. Pour Kierkegaard, l’angoisse est un passage obligatoire pour accéder à une vie authentique qui a du sens. L’être humain, confronté à l’immensité de ses possibilités, ressent une sorte de vertige, le vertige de la liberté. L’angoisse survient face à cette indétermination, elle force l’individu à reconnaître sa liberté et à assumer la responsabilité de ses choix. Elle pousse l’individu à se questionner, à s’affirmer et à chercher un sens personnel à son existence. Pour Kierkegaard, ce sens ne se trouve pas dans des vérités universelles ou objectives, mais dans un engagement subjectif profond. L’angoisse peut éclairer le chemin de la compréhension. Elle peut parfois préparer le terrain pour la croissance spirituelle et l’éveil. Cependant, je ne crois pas qu’elle soit une condition nécessaire en soi. Le sens de la vie peut également émerger de la paix, de la joie et de la pleine conscience. C’est l’acceptation de l’instant présent, qu’il soit teinté d’angoisse ou de sérénité, qui, à mon avis, ouvre la voie à une vie significative. L’angoisse n’est qu’un visiteur, et son message peut être une invitation à contempler ce qui importe véritablement. Pour comprendre cela, il peut être utile de se tourner vers la philosophie existentielle, comme celle de Kierkegaard et de Heidegger. Kierkegaard considère l’angoisse comme une réaction à la liberté humaine et aux possibilités infinies qu’elle offre. Elle est le signe que l’homme est confronté à son potentiel de transcendance. Heidegger, de son côté, la décrit comme un sentiment qui révèle l’être face à l’énigme de son existence, l’éloignant des distractions du monde quotidien pour le rapprocher de son être-véritable. Dans cette perspective, l’angoisse peut agir comme un catalyseur, une force qui pousse l’être humain à examiner ses choix, ses valeurs et ses aspirations. Cependant, il m’apparaît important de préciser que cette force qu’est l’angoisse n’est pas indispensable pour tout individu. Certaines traditions spirituelles, comme le bouddhisme, mettent en avant une autre voie, celle de la contemplation et de la pleine conscience, qui permet de transcender l’angoisse sans nécessairement passer par elle. Tout, y compris l’angoisse, est impermanent. En méditant sur cette impermanence, on peut transcender l’attachement à l’angoisse et découvrir un sens plus profond, ancré dans l’harmonie de l’existence. Cela signifie qu’il est nécessaire d’étudier l’angoisse non pas comme une fin en soi, mais comme un élément parmi d’autres dans la quête de compréhension du sens de la vie. 


17 décembre |

C'est en prenant le bus que l'on constate à quel point les diverses nationalités des dernières années peuplent la cité et la majorité des sièges de l'autobus. À l'arrière, une jeune femme particulièrement jolie parle au téléphone. Je détecte l'arabe. Elle est vêtue de couleurs sombres. Elle porte un foulard noir élégant cachant ses cheveux. Ses lunettes sont grandes, évasives. Son visage très blanc contraste avec ses vêtements. Elle porte des gants soignés et une veste en cuir noir. Assez grande, son corps est mince et plutôt différent de ceux rencontrés chez les musulmanes. Émane d'elle une assurance et une présence réelle. Je détecte un brin de caractère dans son regard perçant. Elle m'aperçoit l'observer minutieusement. Je lui dis qu'elle est jolie et lui souhaite de belles festivités dans les semaines à venir. Je ne ressens pas l'ouverture lorsqu'elle me dit que Noël ne la concerne pas. Je demande sa nationalité, algérienne, me répond-elle. J'ai l'impression que son intégration au peuple qui l'accueille ne semble pas l'une de ses priorités. L'intégration et le respect des valeurs laïques des institutions publiques et et l'apprentissage de la langue sont essentiels au vivre ensemble. On ne peux blâmer les immigrants reçus légalement de reconstituer leur culture d'origine dans les pays hôtes, sauf s'ils s'opposent aux valeurs démocratiques qu'ils choisissent de s'établir. Un jeune africain, me voyant interagir avec la jeune femme me sourit. Je lui fais un clin d'œil et il me répond d'un signe de la main qu'elle n'est pas à son goût. Je l'ai fait rigoler tandis que la jeune inconnue semblait indifférente à mon intervention. À chaque hiver depuis quatre ans, je prends le bus. Je ne déteste pas ça du tout en apprenant à lire sur le visage des gens. Rares sont ceux comme moi qui entament la discussion. Lorsque je  m'adresse à eux, ils semblent étonnés de mes interventions socratiques. Et si j'étais une jeune et jolie blonde, serait-ce ainsi ? La question se pose. Je ne tiens à aucun prix porté des jugements de valeur. Il y a quelques années, en travaillant pour Uber avec mon défunt bolide, je prenais conscience des sensibilités des gens avec lesquelles je tentais de discuter, surtout les musulmans, qui, de manière générale, sont plutôt susceptibles. Je préfère en premier lieu, les gens capables d'auto-dérision, sinon je m'ennuie rapidement. Le réflexe serait de se taire, comme font la majorité des gens, les écouteurs dans les oreilles, ailleurs. C'est curieux le monde dans lequel on passe notre si courte vie. Ailleurs n'est pas garant d'un monde meilleur, autant m'y faire en m'adaptant dans la ville qui va vu naître. De cette façon, je n'aurai pas l'impression de fuir vers un monde utopique, illusoire. Je ne suis plus ce lâche prenant la fuite. Je suis plutôt le combattant de l'adversité et de la résilience. Dans mon groupe de discussion de la journée, une jeune femme s'étonne de la rareté des occasions de discuter, à part qu'avec ses quelques amies. Tout se fait en ligne. Jadis il y avait la danse en ligne, maintenant c'est vivre qui s'effectue en ligne. Et plus l'énergie à déployer dans ces réseaux se multiplie, et plus les gens sont seuls à l'intérieur du monde virtuel. Les malhabiletés sociales s'accentuent en parallèle avec les détresses psychologiques. Les écrans sont en train de rivaliser avec le monde réel au point de se demander qu'est devenu le monde réel. À l'extérieur des tâches accusant le rendement tel le travail, les motivations de s'adresser à autrui sont loin d'être privilégiées. Le monde n'est plus un espace public, mais une sphère privée, du moins dans mes observations des lieux qui me sert de repères. Pour résumer, mes observations ne représentent pas la réalité, elles ne sont que mes perceptions dans lesquelles je puise ma propre vérité. Je n'ai aucune prétention de détenir quelconque vérité autre que celle d'exister. Il est étonnant de constater à quel point quelques mots auront suffit à m'étendre sur de si simples observations en lien avec la jeune étrangère. Goethe disait souvent : une œuvre d'art, qui ne laisse rien à deviner, n'est pas une véritable œuvre d'art, une œuvre de réelle valeur ; sa plus haute fin est toujours d'inciter à la réflexion, et l'œuvre ne peut plaire vraiment au spectateur que si elle le contraint à l'interprétation selon son propre sentiment, à en continuer et à compléter en quelque sorte la création. La beauté physique d'une jeune femme est une œuvre d'art en soi. Parfois, il vaut mieux se taire pour ne pas se laisser distraire par l'illusion.


16 décembre |

Non que l’on jouisse alors des souffrances d’autrui, mais parce qu’il nous plaît de voir qu’on y échappe. Doux aussi, lors des grands carnages de la guerre, de regarder de loin les armées dans la plaine. Mais rien n’est aussi doux que d’habiter les monts fortifiés du savoir, citadelle de paix d’où l’on peut abaisser ses regards vers les autres, les voir errer sans trêve, essayant de survivre, se battant pour leur rang, leur talent, leur noblesse, s’efforçant nuit et jour par un labeur extrême d’atteindre des sommets de pouvoir, de richesses. Misérables esprits des hommes, cœurs aveugles. Dans quelle obscurité, dans quels périls absurdes se consume pour rien leur presque rien de vie. N’entendez-vous donc pas ce que crie la nature ? Que veut-elle sinon l’absence de douleur pour le corps, et pour l’âme un bonheur pacifié, délivré des soucis, affranchi de la peur ? Le corps, nous le voyons, se soucie de très peu : l’absence de souffrance est un plaisir exquis ; la nature apaisée n’en demande pas plus. Ce sublime poème épique tiré de la nature des choses est de Lucrèce, fervent admirateur d'Épicure et qui a vécu un siècle avant J.-C. C'est en lisant le livre Quattrocento de Stephan Greenblatt, écrivain shakespearien américain, que je découvre une histoire captivante qui ressemble en partie au Da Vinci Code de Dan Brown. J'y découvre la vie des scribes au Moyen Âge dans les monastères du Vieux Continent. Les scribes reproduisaient des copies de textes originaux allant de l'Antiquité jusqu'à l'arrivée de l'imprimerie en Allemagne par Gutenberg. Les moines n'étaient pas tous des gens de foi et des érudits. Les costauds et les illettrés travaillaient dans les champs, les chétifs étaient des scribes. Ils leur étaient interdits de pousser leur curiosités dans les manuscrits auxquels ils travaillaient, leurs tâches étaient que de retranscrire. C'est un miracle que les poèmes de Lucrèce nous soient parvenus, car ils allaient à l'encontre des autorités ecclésiastiques de leurs époques et bien au-delà. Depuis peu, je ressens chez moi un grand vent de liberté intellectuel depuis la retraite. Je peux accéder à des connaissances qui jadis ne m'étaient pas disponibles par manque de disponibilité. Mes intérêts étaient de travailler et à contempler le monde par mon corps. Il y a dans la littérature un espace gigantesque pour nourrir mon esprit et ma curiosité qui est telle que je n'aurai jamais ni le temps ni la capacité d'absorber tout cela de mon vivant. Une raison de plus pour que je m'y mette sans plus tarder. J'aime surtout chez les auteurs la clarté et la beauté des propos qu'ils révèlent. J'aime l'histoire romancée associée à la philosophie et à la spiritualité. Dans Quattrocento, c'est indéniable que l'auteur est un génie. J'ai tellement voyagé que maintenant je ne ressens plus ce besoin obsessif de voir le monde. En moi, je possède d'innombrables références et expériences qui me permettent de rester tranquille dans la quiétude de mon logis. J'ai rencontré un tas de gens différents dans des contextes multiples. Apprendre différemment à la lueur de ma lampe me suffit pour atteindre des horizons lointains. J'éprouve dorénavant moins de passion que de raison. À ce titre, l'usage de la lenteur et de l'étude me sied à merveille. Je demeure, néanmoins, avide longues promenades à  vélo ou dans la neige, que ce soit dans ma province natale ou en Nouvelle-Angleterre. La littérature m'ouvre des portes qui me font voyager allègrement, dépendamment des auteurs et des conditions dans lesquelles je vaque. Je reconnais, depuis la création du blogue, une clarté d'expression qui me caractérise associée à une compréhension indissociable de mon être et du monde qui m'entoure. Je sais dorénavant, que je ne puis me sentir complètement seul grâce à  mon blogue et avec tous ces auteurs vivants ou qui ont déjà vécu. Les écrivains et les pédagogues ont ceci de magistral qu'ils me sortent de ma torpeur d'avoir le sentiment d'être le seul à exister. Il est notable de terminer un texte par une saine conclusion. Du vagabond du monde, je suis retourné à la maison pour comprendre les raisons qui m'ont poussé à prendre le large. J'y suis arrivé, mais le récit n'est pas encore terminé, pas encore.

15 décembre |

Il faut renoncer à beaucoup de choses pour ne désirer que ce que l'on a la certitude d'obtenir et pour soumettre ses désirs au jugement de la raison. La transformation, c'est le changement d'attitude à l'égard du temps. Le plaisir le plus pur, le plus intense, peut être atteint facilement dans le présent. Il est impossible d'augmenter le plaisir par la durée, car il est tout entier dans le moment présent. La conscience d'exister est le plus grand bonheur. Le présent seul dépend de nous, de notre volonté, disait Marc Aurèle. On ne saura pas heureux, si on ne l'est pas immédiatement. Ceci révèle la pensée des épicuriens et des stoïciens chez les anciens grecs. C'est la mise en accord qui est en nous avec la raison qui dirige le cosmos produit l'enchaînement du destin. Dans chaque événement, le monde entier est impliqué. Le monde ne vit que dans le présent, seuls les humains ont le pouvoir de se projeter dans le passé et le futur. Le moment présent contient toute la richesse de l'être. Pour le contenir, il faut que le cœur soit en paix et qu'aucune passion  vienne troubler le calme, selon Rousseau. Goethe en a fait l'expérience en l'exprimant dans ces nombreux ouvrages, j'y reviendrai. Mes plus grandes souffrances proviennent du fait d'avoir négligé le moment présent. Aujourd'hui, j'ai pratiqué la marche consciente qui consiste à marcher d'un pas plus lent. J'ai toujours eu le réflexe de marcher rapidement. Vouloir se battre avec le temps équivaut à vivre contre lui. Pourquoi suis-je tant pressé à l'heure de la retraite ? Mauvaises habitudes qui ne m'apportent pas de bien-être imminent, sauf cette l'impression d'être plus en forme. Ce geste s'annule dans cette intention en provoquant la carence du moment présent. Ma journée s'est déroulée de façon plus harmonieuse avec davantage de joie et du bonheur d'exister.

14 décembre |

Je débute ce nouveau chapitre avec une très courte rétrospective des principales doctrines grecques jusqu'au début du christianisme énoncé au chapître précédemment. C'est un bref résumé pour se situer avant de poursuivre à la philosophie chrétienne. Héraclite dit que l'être est éternellement en devenir, tout se meut sans cesse, nulle chose ne demeure ce qu'elle est et tout passe en son contraire. Parménide dit que l'être est, donc, parce qu'il est, il ne peut pas ne pas être ; le non-être est impossible. Il distingue une double philosophie, l'une fondée sur la vérité, l'autre sur l'opinion. Être et penser pourtant ne sont qu'une seule et unique chose. Le stoïcisme par Zénon et ses disciples prône l'acceptation sereine du destin et la maîtrise de soi, en s'efforçant de vivre en accord avec la nature et en se détachant des émotions perturbatrices. Cela consiste à accepter le moment tel qu'il se présente. La philosophie de Socrate celle de la morale cherchant à montrer que les vertus particulières convergent toutes dans la vertu principale qui est une, en vue de faire le bien. L'objectif principal de l'épicurisme est l'atteinte du bonheur par la satisfaction des seuls désirs naturels et nécessaires, les vices étant exclus. La philosophie du cynisme se trouve dans l'idée d'autosuffisance. Le sage est celui qui est capable de se contenter du minimum, de manière à ne souffrir d'aucun manque et de pouvoir facilement faire face aux situations les plus difficiles. Dans le scepticisme, les hommes ne peuvent prouver aucune réalité, de là provient le doute, alors il est mieux de ne rien dire. Le sophisme est la philosophie qui assemble des arguments qui, partant de prémisses vraies ou jugées telles, aboutissent à une conclusion absurde et difficile à réfuter. C'est un raisonnement vicié à la base reposant sur un jeu de mots, un argument séduisant mais faux, destiné à induire l'interlocuteur en erreur. Le platonisme est la philosophie du dialogue fondée par Platon. Il développe sa propre doctrine qui repose sur un dualisme entre deux réalités, le monde sensible et le monde intelligible soit celle de la théorie des idées. Pour Aristote, l'essence ou l'idée est comme un être existant en soi, tout à fait indépendamment de la réalité sensible, de sorte que la science doit aller au-delà du sensible pour atteindre des intelligibles, universels, immuables et existants en eux-mêmes. Il affirme que la raison est vide avant que les sens n'entrent en action. Dans le néoplatonisme, le philosophe Plotin achève les travaux de Platon qui postule l'existence de réalités distinctes, mais interconnectées par le monde sensible, que l'on perçoit avec nos sens, et le monde intelligible des idées ou des formes. Pour Plotin, l'univers est composé de réalités fondamentales, l'Un, l'Intellect et l'Âme. Lorsqu'on applique une qualité à Un, il y a dualité, alors il faut se taire. La foi et la raison sont inséparables selon lui. La philosophie et la religion chrétienne s'assemblent à la recherche de la béatitude selon Saint Augustin. Sa doctrine n'a pas comme objectif de décrire scientifiquement la religion, mais de l'y conduire et de la faire désirer. Sa thèse n'est pas de démontrer, mais de faire prier par la révélation. Il préconise un itinéraire de vie intérieure associée à la présence de Dieu. On y accède non pas par la philosophie, mais par la foi, ce qui est appelé la révélation. Chez Plotin, le fondateur du néoplatonisme, il y a une extase philosophique et intellectuelle, chez Saint Augustin, il y a une extase de l'amour.