Influence


27 décembre |

Je tiens à rendre hommage à deux gourous qui m'ont influencés dans mon parcours de guide d'aventures; Serge Bouchard, conteur, animateur, conférencier, écrivain et anthopologue. Il animait une émission à la radio de Radio-Canada "les chemins de travers" qui m'a donné le goût de comprendre et de voir le monde autrement. Je me suis identifié depuis toujours aux "chemins de travers", peut-être ai-je grandi de travers" où est-ce ma méfiance au troupeau qui m'aura animé ? Le second, ni moins illustre, fut Louis Lefebvre écrivain, conteur, aventurier, récréologue et fonctionnaire. Il écrivit un livre éblouissant "le Sentier des Jésuites". Dans les années 70 il fonda l'un des premiers clubs de plein air à Québec "Club Quatre Saisons". Le sentier des Jésuites était sa passion, il le connait bien pour avoir retracé à pied, en canot, en raquettes et en ski hors piste l'ensemble de ce sentier mythique qui traverse la réserve faunique des Laurentides du Lac Beauport à Chambord au Lac St Jean. Il fut l'un des premiers diplômés en récréologie à l'université de Trois-Rivières. Il était un fier conteur et se disait lui-même, avec raison, un spécialiste géomorphologique de la réserve faunique des Laurentides. Lorsque j'ai créé Vert l'Aventure en 1994, il m'a transmis la passion du territoire et des grands espaces. Ma première grande aventure hors piste dont Louis était le guide fut au "Point Jambon" au pied du mont Bellefontaine dans la réserve faunique anciennement le parc des Laurentides. On dormait à l'extérieur couché sur des branches de sapins à -30  au coeur de la forêt boréal. Louis avait une personnalité et une physionomie légendaire. Je le rencontrais parfois à son bureau sur l'heure du midi sur la colline parlementaire d'où nous déployions de multiples cartes topographiques annotées. J'avais toujours à mon agenda des dizaines de lieux sauvages après sa rencontre que je voulais découvrir et les partager à des passionnés tout comme moi. Je fus précurseur du Sentier National à Québec et des régions limitrophes. À la naissance de ce projet en collaboration avec Nature Québec, chaque semaine je rencontrais l'agent de développement, dont j'ai oublier le nom, en consultant de multiples cartes indiquant le tracé en devenir. Je fus le premier dans la région de Québec à publiciser le Sentier National qui n'existait qu'en projet en réalité. Je ne disposais pas de GPS à cette époque et ces randonnées étaient de véritables aventures considérant les informations dont je disposais. J'ai toujours eu un sens d'orientation inouïe qui m'a parfois joué de vilains tours dans lesquels j'y reviendrai. Vert l'Aventure Plein Air était né. Des milliers de randonneurs téméraires parfois insouciants m'ont accompagné pour le meilleur et pour le pire. C'est de cette envolée en sortant des sentiers que le club a crée des liens, des expériences et des souvenirs inoubliables.


Les grands espaces sauvages et naturels au Québec appartiennent aux compagnies forestières et minières. Les espaces à proximité des villes et des régions limitrophes appartiennent aux promoteurs immobiliers. Tous ces intervenants et lobbyistes dictent les règles avec l'aide des gouvernements qui ne sont que les marionnettes d'un système basé sur l'exploitation massive des ressources. Ils n'ont visiblement pas le pouvoir de faire mieux. Le discours demeure toujours dans la même perspective soit de faire rouler l'économie et d'enrichir davantage les mieux nantis. Ces entreprises affirment vouloir auto-régularisé le milieu, j'en doute. Je souhaite de tout coeur qu'un jour le bon sens prenne le dessus sur la cupidité. La différence entre le Canada et les États-Unis, en rapport avec les espaces protégés, est que de l'autre côté de la frontière, de généreux donateurs et organisations philanthropiques s'impliquent davantage que nous pour la protection et la sauvegarde de certains sites. Les entreprises développant les ressources au Canada retournent des dividendes généreuses aux élus et actionnaires. La population quand à elle se met la tête dans le sable en recevant des miettes pour mieux avaler la pilule. Nous avons une culture de bûcherons rien de moins. Lorsque le prix moyen d'une maison à Montréal dépasse le demi-million de dollars cela évoque des raisons pour trouver les moyens d'obtenir de l'argent impunément et rapidement. Le Canada est l'un des plus grands exploiteurs de richesses naturelles au monde car nous n'avons ni les moyens, ni la volonté de changer les comportements. Certains indiquent que le libre marché doit être la règle de l'économie mais la réalité est qu'une infime richesse du monde est entre les mains d'une fraction minime et arbitraire de l'humanité. Des randonneurs parfois me critiquaient lorsque je marchais en groupe dans les forêts privées alors que des entreprises ayant des permis élaborent, à l'aide de multiples lois, des stratégies avec leurs firmes d'avocats dans le but de les détruire. J'ai traversé le Canada cet été et des clôtures partout confirment que nous ne sommes pas si libres qu'on le croit. Allez voir ce que font ceux qui en possèdent les clefs. Pour éviter que se développe la conscience collective, les maîtres du divertissement ont manifestement dévié les véritables enjeux. Ou va la pensée, l'énergie va ! Avez-vous déjà songé pourquoi en partie les territoires sont clôturés ? Faut les traverser pour constater. Vous connaissez tous ces propos depuis fort longtemps mais pourquoi ça ne çhange pas? Parce que l'on a peur de perdre nos acquis qui de toute façon seront perdu a ce rythme si rien n'est effectué. Les choses évoluent lorsqu'on est au pied du mur pour reprendre un terme populaire, sinon le laxisme demeure omniprésent.


26 décembre |

Descartes a dit "je pense donc je suis". Olga Tokarckuk dans son livre "les Pérégrins" a repris cette phrase célèbre en l'adaptant à nos jours "je parle donc je suis". Plusieurs vont s'y reconnaître. On dit aujourd'hui beaucoup de choses, ses états d'âme, d'esprits, ses complaintes, ses désirs. Le blogue me permet de me raconter, de raconter mon récit, mon histoire. Dans le passé le "moi" s'éclipsait, il se faisait discret et restait soumis au collectif. "à l'heure actuelle le moi se gonfle et bourgeonne, il s'hypertrophie dans le but d'annexer le monde". Ces affirmations proviennent du livre d'Olga qui reçu en 2018 le prix Nobel en littérature. Dernièrement j'ai lu quelques extraits de Charles Baudelaire, le poète maudit des "Paradis Artificiels". L'opium et le hashich l'a détruit à 46 ans. S'il avait vécu de nos jours il aurait eu des traitements qu'il lui aurait permis de prolonger sa vie sans aucun doute. Voilà le prodigieux résultat du progrès actuel. De nos jours on offre cette confiture de hashish à la SQDC, curieux paradoxe ! Hier on a envoyé le plus grand télescope jamais construit, le James Webb se déployer dans l'espace et, au même moment, sur Terre des gens fument du hashish. Une somme est prélevée sur la vente des stupéfiants dans le but de soigner ces illusionnistes et d'avoir recours ainsi à des soins de base et une thérapie non garantie sauf si vous avez les moyens. Je connais bien le sujet et j'ai eu la chance d'être né quelque part vers la moitié du XXème siècle. On devrait me semble-t-il, se prévaloir de remèdes aux maux ici-bas que de chercher des réponses dans l'au-delà. Peut être y retrouverons-nous de nouvelles drogues et élixirs, de nouveaux dieux ou des réponses à nos précaires vulnérabilités.

Se faire socialiser où se socialiser? nuance. L'éducation est le plus grand lieu d'apprentissage pour concilier les valeurs communes et sociales. L'école pour moi fut conflictuelle et n'a pas développé les résultats escomptés sauf en quelques occasions par l'intermédiaire d'agent de socialisation, communément appelé professeur, ayant des vocations particulières. On veut apprendre à socialiser mais dans quels objectifs? Étant solitaire non par choix mais par circonstances, j'ai réussi toutefois à mettre en place des dispositions instinctives dans certaines règles propres à ma survie ou repères étranges de socialisation. Le but de socialisation à part pour le plaisir est pour devenir un citoyen respectable en payant ses impôts, développer son potentiel créateur, fonder une famille en transmettant et reproduire ses valeurs, sauver le monde ou sa patrie et alimenter la chaîne de production. Je considère avoir eu de la chance malgré l'adversité qui m'a vu grandir. Il paraît que l'on mérite ce que l'on a et, d'autre part, le destin qui nous est tracé. On ne choisi pas sa famille ni notre lieu de naissance, il ne reste qu'à tracer ses choix dans une conscience salutaire.


25 décembre |

Wikipedia, la littérature classique et contemporaine, les podcasts sociologiques de France Culture alimentent mon intellect depuis un moment. L'analyse approfondie chez nos cousins français en rapport avec la pandémie et des enjeux sociologiques notamment sont d'une clarté remarquable. Les français sont les artisans du verbe. Ils sont les maîtres de la pensée utilisant les mots comme matière première. Par ces échanges d'idées et de réflexions, ces propos éclairés me révèle une nouvelle attitude. La pandémie aura t-elle ouverte la porte à une folie individuelle et collective? Des repères ont-ils disparus et une résilience se manifeste-t-elle pour combattre la peur et l'impuissance? Quelques-uns trouveront-ils à l'intérieur de soi des forces considérables pour une divine métamorphose. C'est la fin du parcours de la société moderne, l'accès considéré des dernières décennies n'est plus. Des malaises psychiques d'une insécurité généralisée se manifestent et les gouvernances n'ont pas encore modélisé le système en devenir. On devra s'appuyer de moins en moins sur l'état providence à moins que cette dernière ne se réforme rapidement. Trump le maître de la démagogie s'est fait huer par les républicains lorsqu'il a reçu sa troisième dose. Le populisme provient des milieux périphériques des villes et des profondes régions rurales. La mondialisation a permis la montée du populisme et du conspirationnisme en excluant une grande partie des populations. Des sociétés entières ont perdues la puissance d'agir exprimant des hostilités devant une impuissance émergente. La démocratie et les libertés auront du mal à sortir de l'impasse des changements climatiques. Je constate que les tragédies sont paradoxalement créatrices. M'engager en ce moment s'exprime par de cohérentes études et le désir d'écrire l'épilogue d'une vie qui m'a échappée parfois par distraction ou parce que j'étais occupé ailleurs. L'un des films le plus remarquable ayant vu fut Forrest Gump dans la scène où ayant couru plus de deux ans et des poussières, le protagoniste s'arrêta soudainement pour retourner à la maison.

23 décembre |

Il est de ces pays qui ont eu une force d'attraction considérable chez moi dans ma jeunesse. Le Guatemala fut celui-ci. Ce petit pays d'Amérique centrale est parsemé d'énergies indescriptibles, de curieux rituels et de multiples contradictions. Cette terre volcanique et imprévisible n'a rien de commun surtout ses habitants issus du peuple mayas. Un jour j'entrepris un voyage exploratoire avec Gérard, nom fictif pour conserver l'anonymat de ce gentleman. J'aurai côtoyé péniblement dans ma carrière de guide beaucoup de Gérard et de Roger. La plupart n'étaient pas autant attiré par mon amitié que pour la volumineuse quantité de femmes disponibles qui partageaient mon réseau de célibataires. Gérard était fort populaire pour sa grande gueule, plus poliment son verbe facile. Il aura fait de nombreuses et délicieuses rencontres jusqu'au jour ou il a trouvé sa Germaine ! C'est depuis cette époque que les hommes ont commencés à se faire prescrire massivement du "dicomelle". Du jour au lendemain je fus largué par lui à titre d'accessoire non essentiel. Parfois avant de rompre avec une gentille dame, il attendait d'en rencontrer une seconde afin de ne pas passer une seule et unique journée à se morfondre de chagrin. On a tous connu des Gérard et des Germaine, ceci étant dit le Guatemala n'est pas une mince aventure à entreprendre en solitaire alors j'en fis l'exploration avec Gérard que je considérais à l'époque comme un frère. 

Je me souviens de cette journée tumultueuse à la veille de Noël lors d'une visite au plus grand marché d'Amérique centrale à Santo Thomas Chichicastelnango. Tentant d'établir un plan pour Noël nous nous rendîmes à Quatzeltenango par la suite car il y avait, dans cette grande cité coloniale au pied des volcans, quelques "tours operators". Je fis la connaissance d'un belge qui opérait une agence réceptive de voyages pour les européens. Il était dans ce pays depuis vingt ans. Il y avait fondé une famille. Faire des affaires au Guatemala est périlleux, des milliers d'homicides ont lieu chaque année causés par la corruption et les cartels. Des conseillers municipaux, députés et hommes d'affaires se font tués chaque jour lorsqu'ils tentent des réformes. J'ai réservé une navette et un bungalow pour Fuentes Georginas Hot Spring à Zunil sur les rives d'un majestueux volcan pour Noël par l'intermédiaire de l'ami belge. Le matin du 24 décembre le chauffeur maya arrive complètement ivre pour nous transporter à travers les montagnes sur une route plutôt sinueuse, ça commence bien ! À notre arrivée il y avait un jeep avec les vitres fracassées par des tirs de balles. Des chandelles étaient allumées partout pour témoigner du drame qui venait de se dérouler et pour éclairer les lieux des ténèbres. Le patron de ce site inouïe venait de se faire tué dans son véhicule il y avait quelques heures à peine laissant le jeep sur place pour faire une enquête.... "manãna". Tout le personnel avait quitté les lieux sauf un homme apeuré et attristé de ce drame sordide en nous remettant les clefs du bungalow réservé. Je n'ai pas dormi de la nuit croyant que les tueurs viendraient liquider les personnes restantes. Seuls dans les thermes de pierres volcaniques aux eaux chaudes nous passâmes quelques heures de détente incertaine, l'alcool aidant. Je ne cacherai pas que je fus heureux de quitter les lieux rapidement le lendemain. 

L'année suivante, j'y retournai avec un groupe de randonneurs. Une série d'imprévues ont eu lieu qui aurait pu être dramatique, j'en suis sorti vivant encore une fois me laissant un arrière-goût amer du Guatemala. Malgré la pauvreté et la misère ce peuple est d'une simplicité et d'une générosité remarquable malgré l'oppression qu'ils subissent depuis des siècles. Avant l'arrivée des Espagnols ce pays était l'un des plus beaux sur Terre. Lorsqu'un groupe d'une dizaine de touristes et plus arrive à l'aéroport, il est escorté immédiatement par des patrouilles armées de mitrailleuses en camionnettes jusqu'à leur premier hôtel,  habituellement Antigua. Ça débute bien l'aventure ! Sur la route plus tard un immense glissement de terrain faisant plusieurs morts nous a obligés de faire un détour d'environ 400 kilomètres. Plus tard le chauffeur de l'autocar failli glisser dans un profond précipice causées par des pluies torrentielles. L'autocar étant trop grand pour le chemin de terre boueux, nous avons dû continuer la piste jusqu'à l'hôtel dans un camion en pleine jungle. Souvent aux carrefours, le chauffeur doit verser des pots-de-vin à des "bandidos" pour continuer la route. Ils se travestissent en femme parfois pour simuler l'arnaque. Chaque jour des évènements ressurgissaient qui auraient pu être tragique. La moitié du groupe a attrapé la "turista" à cause d'enchilladas qu'une paysanne nous avait vendu dans le bus. Une affreuse bronchite m'a clouée au lit deux jours à Tikal suite à une mauvaise grippe qui infecta la moitié du groupe. Toutefois j'ai réussi à déployer l'énergie nécessaire pour visiter les splendides temples mayas de Tikal situés dans la forêt luxuriante du Peten et poursuivre la route.


22 décembre |

"Winter is coming" d'après la magnifique série de "Games of Thrones". Cet hiver sera fort probablement le théâtre d'un long confinement. Sans avoir la prétention de quelque nature qui soit à part de me servir de ma cervelle, je crois que la planète est en train de s'autorégulariser. Malgré nos efforts de vouloir contrôler le monde, j'ai la certitude que l'univers est beaucoup fort que toutes nos prétendues manifestations. Les pandémies et dérèglements climatiques se présentent à nous afin de freiner nos ardeurs rocambolesques de consommation et d'exploitation. Seules des changements d'attitudes radicales puissent être envisagées en face de ces fulgurants présages des dernières décennies. La réalité nous échappe bien souvent car nous ne voulons l'admettre. Je suis athée mais je crois profondément qu'il y a des règles dans la vie que l'on ne doit pas outrepassées. "L'essentiel est invisible à nos yeux" disait le Petit Prince. Je me sens moins anxieux devant cette montée de la ième vague, je suis davantage résolu. En rapport avec l'économie, les banques n'ont qu'à imprimer des dollars quelques temps en versant un salaire universel à tous. La superproduction n'a jamais eu de cesse depuis des lustres alors quelques mois de répit à notre chère planète ne sera pas du luxe. Elle a droit à ses vacances aussi me semble t-il, elle fait ses devoirs manifestement. Charles F. Kettering disait "nous sommes tous concernés par le futur car nous passerons le reste de notre vie ici". La société est excessivement anxieuse car le moindre dérèglement freine nos valeurs de super-consommateurs. Des pays pauvres souffrent de plusieurs maux et ne font pas la manchette autant qu'en Occident. Il y a de quoi se questionner. Le malheur des uns fait le malheur des autres. Netflix doit sabrer le champagne à l'heure qui l'est. 


21 décembre | 

Le sud de l'Espagne qui constitue l'Andalousie était arabo-musulmane jusqu'en 1502. À cette époque les chrétiens, juifs et musulmans vivaient ensemble en paix. Un jour cet émirat explosa et de petits califats arabo-musulmans tel Grenade fut le dernier à sombrer. Cette cité abrite l'Alhambra, le palais des palais et l'une des merveilles du monde que j'ai eu la chance de visiter à titre de guide d'un groupe de randonneurs. L'Alhambra se situe dans le massif de la Sierra Nevada ou l'Alpujarras qui signifie "montagnes blanches" et qui servait de protection naturelle aux envahisseurs. L'origine nébuleuse des gitans proviendrait de cette cité. Au même moment a eu une immense exportation hors du pays, issue de l'Inquisition, des communautés juives et musulmanes qui ne voulaient pas se convertir, on les appelaient les "conversos". On raconte qu'avec l'argent récolté de ces peuples, l'Espagne aurait payé les explorations de Christophe Colomb aux Amériques. Cordoue en Andalousie était à cette époque la plus grande ville d'Europe qui rayonnait par sa culture artistique et culturelle. À côté de la cathédrale de Grenade les plus beaux marchés de fruits séchés me comblaient de bonheur.

Robert et Gérard, sont des noms fictifs pour conserver l'anonymat, étaient du groupe du moins au départ de l'aéroport à Montréal. Leurs affections communes pour le bar de l'aéroport étaient plus grandes que les gens qui constituaient le groupe. À l'appel des voyageurs pour Paris, où nous devions transiter, nos deux compagnons n'ont pas entendu l'appel de leurs noms respectifs répétés à maintes reprises. Étant affecté par leur absence je me rendis à l'évidence que s'ils avaient eu un certain jugement ils nous retrouveraient quelques part sur le circuit car ils possédaient l'itinéraire détaillé avec les noms et coordonnées des gîtes et des hôtels. Il m'était impensable de retarder le programme pour ces deux assoiffés. À mon grand étonnement Robert et Gérard n'ont jamais atterri à Malaga, notre point de départ et ne m'ont jamais contacté. Ils ont plutôt délibérément de faire la fête à Barcelone modifiant ainsi les vols initiaux pour partager ensemble dans un hôtel quelconque les meilleurs vins et alcools de la Catalogne. Je fus soulagé de ce dénouement car je ne peux m'imaginer les problèmes encourus par ces deux fanfarons sur les sommets de la Sierra Nevada, notamment sur la plus haute montagne continentale d'Espagne, le Mulhacen. Au retour lors du transfert à Paris nous virent nos joyeux lurons dans la file d'attente pour Montréal les yeux brouillés par les vapeurs incessantes de l'alcool. Aucun remboursement n'a été accordé pour leurs inattentions. D'autres aventures toutes aussi loufoques les unes que les autres se sont déroulées au fil des années. Dans le roman d'Albert Camus "le Mythe de Sisyphe", un homme est puni des dieux pour avoir enfermé la mort dans le but d'être éternel. Sa punition fut de devoir rouler un immense rocher tout en haut d'une montagne et de la laisser redescendre et de recommencer ainsi durant l'éternité. La morale de cette histoire est que nos vies représentent souvent un dur et incessant labeur. Sisyphe poussant son immense rocher toutefois peut contempler autour de lui la création et la beauté de son rocher tout en se reposant lorsque ce dernier roule en bas de la montagne. Le travail jour après jour peut être difficile parfois mais le repos est  divin si on l'utilise à bon escient.


19 décembre |

Durant près de vingt ans j'ai clos mes nombreuses publications par des citations philosophiques et spirituelles. Je n'aurais jamais pensé que ces citations un jour me porterais vers d'autres aventures. Je ne pouvais me permettre de m'exprimer à l'époque librement, comme ici dans ces confidences, car le but était de convier les gens à la marche et non à la lecture. Ces publications étaient principalement des informations relatives aux activités et voyages proposés. Ce qui reste aujourd'hui sont des souvenirs et récits qui traversent le temps. Ayez l'oeil au vert fut mon slogan. Jamais je n'aurais cru que cet œil vert se réincarnerait un jour sous la forme d'un journal intime. Le clin d'oeil au vert (ouvert) est dédié à ma défunte mère adoptive et aveugle. Le vert est la route indiquée que je poursuis instinctivement. Cette couleur est dans mon sang, elle masque le gris de la cité qui m'a vu naître. Le vert symbolise l'espoir, le hasard, la chance et la croissance. Le logo entrepreneurial utilisé, transfiguré représente les maillons d'une chaîne de vélo dans un cercle qui déploie de l'intérieur la rose des vents. Les maillons représentent une famille unie dans un cercle tournant inlassablement dans toutes les directions.

18 décembre |

Le travail est à redéfinir. Il y a quelques années en "faisant" les escaliers pour la forme entre la haute et la basse ville, j'apercevais un nombre élevé de déchets sous les escaliers. Les semaines suivantes j'effectuais des corvées de nettoyage dans la falaise. Ce n'est pas un travail productif mais nécessaire. J'éprouvai une satisfaction à m'impliquer dans le but d'embellir mon environnement. Je le fais autour de mon immeuble aussi mais ça dérange les gestionnaires. Les gens trouvent ça curieux que ça ne soient pas des ouvriers salariés qui nettoient les lieux. Aujourd'hui plusieurs personnes critiquent les autorités et, d'autres part, certains ne s'identifient plus à la société. Le travail valorisé est de produire des marchandises ou faire accroître des bénéfices d'une entreprise. Les arbres qui se tiennent debout ont moins de valeurs que couchés sur un "truck" pour en faire des deux par quatre. La société peut décider de sacrifier un ou quelques individus pour le bien commun. Réinventé le travail en ne laissant personne dans l'indifférence ou l'exclusion devrait être la norm-alité. La valorisation ne devrait pas être contenu uniquement dans la production ou la spéculation des marchandises pour le profit mais au service commun, l'entraide et le développement humain.

Sur un site internet de rencontres une femme décrit sa vie en cinq émoticônes. Des pictogrammes définissant sa personnalité est très réducteur de l'oeuvre m'apparaît-il. Avec ses fantaisistes symboles sa photo révèle une large poitrine dans un profond décolleté. Certains n'auront pas besoin de descriptions supplémentaires, le message est concluant. De nombreux êtres humains s'affichent telles des marchandises. Des mises en scène contribuent à renforcer l'image et ne révèlent qu'un impressionnant spectacle parfois d'humour lamentable et dérisoire. Je regarde tout ça maintenant comme une grande comédie dramatique. Ce film ne m'amuse plus et je suis passé à d'autres distractions qui me propose un bonheur plus durable.


16 décembre |

"Que l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée." Cette citation d'André Gide est devenue référentielle à mon parcours. À mes vingt-cinq ans j'avais déménagé à plus de vingt-six reprises multipliant les écoles et collèges. Enfant unique j'éprouvais de sérieux problèmes d'intégration sociale et d'apprentissage. Mon père adoptif est décédé à mes dix ans et ma mère est devenue aveugle perdant ainsi son emploi. La vie ne fut pas de tout repos. Je proviens des quartiers populaires de la Basse Ville vivant auprès des moins bien nantis et des incultes. La violence, l'ignorance et la misère faisaient rage dans ces sombres ghettos, j'en suis un survivant et heureux de l'être. J'ai fait confiance au destin et ma résilience fut immense. 


Mon schéma principal est le sentiment d'abandon et d'impuissance. La méfiance que j'éprouve envers qui et quoi que ce soit, des systèmes en place et de l'autorité étaient et sont encore omniprésents. Ma personnalité et mon apprentissage en solitaire ont fait de moi un travailleur autonome. J'ai appris avec le temps que je ne suis plus cet enfant opprimé, blessé. Le plus malheureux dans cette 
histoire est mon propre abandon qui c'est manifesté de différentes façons. Je ne ferai pas ici une exhaustive autopsie en ne voulant pas me projeter telle une victime. Néanmoins je porte des blessures qui ont faites ce que je suis devenu en parti. Mon enfance est baignée de douleurs et de nostalgies, mes plus beaux souvenirs proviennent de la couleur verte du végétal. La ville représentait pour moi la crasse immonde et la totale indifférence, j'y étais relié. Le vert de cette nature prometteuse est devenu mon seul objectif et allié. Vert l'Aventure Plein Air naquit et fut pendant vingt-sept ans une extension de mon étrange et sensible personnalité. J'en étais tellement persuadé que des milliers de personnes m'ont accompagné dans cette curieuse aventure. Je ne m'abandonne plus comme auparavant et j'ai appris à me poser davantage avec de lumineux souvenirs et de délicieux projets. Et les odeurs du maquis de l'île de la beauté ravivent mes espoirs, l'île du vent mes amours et le soleil éternel m'accompagne infiniment dans ma grisaille occasionnelle. Sénèque dit" quiconque aspire à une joie sans éclipses ne doit se réjouir de ce qui lui vient de lui seul." Des révélations importantes se manifestent aujourd'hui dans la solitude absente de nécessité et de trompeuses reconnaissances.