Divergence


6 février |

Trois choses me sont difficiles et une quatrième que je ne comprends pas; le chemin de l'oiseau dans le ciel, le chemin du serpent sur la pierre, le chemin du navire en pleine mer et le chemin de l'homme vers une femme. Ce texte porte à la réflexion n'est-ce pas? C'est un genre de "koan" bouddhiste. "L'oisiveté n'est bonne à rien; le travail et le divertissement, guère davantage. Bien penser c'est le principe de la philosophie. Quand bien même l'angoisse serait au bout, ce chemin est le nôtre, le seul qui ne soit pas indigne" cite Pascal. Je termine un livre sur l'histoire de l'ancien testament expliqué à ceux qui ne comprenne rien ou presque. C'est très intéressant et je suis ravi de constater nos origines morales et ce qui en restent. Il aura fallu environ 600 ans à de nombreux prophètes pour écrire ce recueil de textes variés. Aujourd'hui au carnaval des covidiots, j'ai constaté que leurs forces se manifestaient visiblement par la démonstration de leurs camions lourds et bruyants. Leurs revendications semblent refléter leurs impuissances devant bien d'autres aspects qu'exhorte la pandémie actuelle. Je n'éprouve aucune pitié de ceux qui se réclament oppressés par les mesures sanitaires actuelles. Tout ce cirque est leur choix car la majorité se plie aux règles et au bon jugement de la science. La vie exige une grande adaptation parfois à l'intérieur de douleurs vives. On est conscient de sa liberté lorsqu'elle nous échappe. Certains parfois ne sont pas capables de la reconnaître, absorbé dans un monde cloisonné, inconscient et fragilisé. Leurs zones de confort parfois erronées est menacées comme si l'univers leurs devaient quelque chose. La colère, le mépris et la haine pour d'autres reflètent le voile de leurs esprits. Peut importe les évènements, la peur s'exprime fortement à l'intérieur de ceux-ci présageant des distorsions émergentes. Personne n'est à l'abri de ses réflexes ancestraux mais force est de constater qu'il y a bien pire au monde dans ce pays démocratique et que les libertés sont loin d'être menacées comme certains voudraient le laisser entendre. La liberté n'est jamais acquise et doit être mérité à chaque instant par notre propre vigilance. Dans la situation actuelle la solidarité est primordiale et les divisions irresponsables ne servent qu'à alimenté des ruptures. Des divergences peuvent éclatées car le pays est immense, ses réalités multiples.

Dans le livre d'Amin Maalouf, de l'Académie française "les identités meurtrières", il affirme qu'il faut se méfier des drapeaux et identités malveillantes. La terre nourricière est notre lien le plus cher et devrait être le symbole communs de nos drapeaux. Les gouvernements de notre pays ne nous dépossèdent pas excessivement mais tentent de nous rassurer dans nos propres intérêts et en supportant les plus démunis. Les sables bitumineux de l'Alberta sont un exemple de déséquilibre entre ceux-ci qui révèle la distanciation de l'ouest sur l'ensemble de la nation. Nous vivons à cet égard dans un grand pays où les divergences et les réalités sont explicites. La pandémie actuelle révèle notre essence même et nos fragilités. Plusieurs sont prêts à prendre les armes pour la défense de leurs droits et leurs biens au détriment du bien-être collectif. Suffirait de partager simplement les richesses en les choyant comme son propre enfant. La peur et la colère engendrent une perte de repères dans lesquels des tragédies peuvent survenir. Après la pluie le beau temps, il faut s'armer plutôt de patience et faire confiance à la vie et aux élus démocratiquement. S'adapter à l'essentiel en revendiquant l'autonomie dans une saine éducation du corps et de l'esprit.

1er février |

Comme l’écrivait Umberto Eco "Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, auparavant, ne faisaient que discuter au bar. Aujourd’hui, l’idiot du village a le même droit de parole qu’un prix Nobel et est considéré comme un porteur de vérité". Il n’y a plus de hiérarchie sur internet, plus de figures d’autorité à part Trump le cinglé dictateur. Tout le monde est égal. Et tout le monde peut botter le cul de tout le monde. Un homme qui n’a pas terminé son secondaire 3 peut faire la leçon à un scientifique qui a 25 ans d’expérience. Rapporté des faits et des nouvelles est une chose mais offrir un opinion à un large public exige une culture considérable, une solide formation et une expérience notable. Je n'ai rien de l'érudit, du réformateur et du philosophe. Mon point de départ est un texte ou un récit sur lesquels je développe mon idée, mon père agissait ainsi. 

Un jour peut-être je pourrai avoir la sagesse de recueillir au fond de moi-même des opinions consensuelles et approfondies sur différents thèmes. Je me suis toujours intéressé à la littérature sans toutefois m'offrir une discipline rigide et soutenue. J'ai aimé dormir la moitié de mon temps et l'autre moitié ne rien faire ou presque à part contempler la beauté du monde. J'exagère, mais le travail harassant et utilitaire dans le seul souci de gagner de l'argent m'a répugné. N'ayant pas de maîtrise universitaire j'étais réfractaire à toute forme d'autorité. J'ai navigué dans les mailles du système pour survivre, cette liberté était mon leitmotiv dans laquelle peu de modèles viables ont partagé ma route. Je n'étais pas du clan de la rectitude ni intégré dans l'élite étant un aventurier de la rue par défaut. 

J'ai tracé mon propre chemin et ne regrette rien malgré l'adversité. J'aurais aimé côtoyé des grands penseurs, des intelligences bienveillantes. J'ai rencontré beaucoup de personnes soumises et édulcorées. Je n'aime pas les romans car la vie est source d'inspiration et riche d'histoires véridiques pour y perdre mon temps. En littérature il est important d'apprendre sur moi-même ou sur la vie souvent malmenée par de stériles propositions et réflexions. J'ai porté le doute car mes bases m'ont sournoisement trahies. Le monde et la vie me paraissent absurdes car ils ne répondent pas à mes espérances. Ce n'est pas facile déblatérer dans l'inaction et l'immobilisme, un blogue de voyage est beaucoup plus aisé. La solitude est un terreau de créativité malgré la douleur qui se dégage dans l'absence. Il est mieux s'abstenir d'espérer que d'être déçu devant d'amères illusions. Le désir n'est pas la connaissance et la connaissance ni un désir. La raison ne peut pas faire naître le désir et le désir ne peut faire naître la raison. La vérité ne suffit pas. Les idées et les concepts ne sont pas la vie, les idéologies et les jeux vidéos non plus. Colère et mépris il m'arrive de ressentir, j'en connais la cause, rarement est l'événement du moment qui est la source. La liberté est noble et essentielle, faut alors s'en servir à bon escient ce que plusieurs ne semble pas savoir. Trop de lucidité et de vérité m'étouffe, j'ai besoin de la campagne et d'amour pour m'en libérer. L'une des plus étonnantes actions surgit en observant la vie à chaque détour dans un regard constamment renouvelé et rafraichi.


28 janvier |

On naît seul, on vit seul et on meurt seul car personne ne peux le faire à notre place ainsi qu'aimer, telle est notre condition. La solitude est la règle non l'isolement qui est subi. L'isolement peut être un passage obligé, le temps de saisir sa cause et modifié notre trajectoire. "La solitude n'est pas un refus de l'autre, accepter l'autre c'est l'accepter comme autre et non comme un appendice, un instrument ou un objet de soi". L'amour la solitude, André Comte-Sponville. C'est fort probable l'un de mes auteurs contemporains préférés, philosophe de surcroît, enseignant et auteur de nombreux ouvrages. Mon défunt père m'a transmis cette propension à la littérature et surtout aux révélations qu'elles m'inspirent. L'apprentissage n'est pas instantané et accroît avec l'usage en affirmant mon identité. Les mots représentent une infime partie de la réalité car ils sont conceptuels telle la pointe d'un iceberg. Le langage exige des pauses et des silences pour se renouveler. Quoi de plus compliqué que le fonctionnement d'un arbre mais tellement simple lorsqu'on le regarde. Je n'aurais jamais été un scientifique, ni poète sauf du regard. Un arbre est un arbre, c'est sa beauté, sa vitalité et son déploiement qui m'inspire. La solitude m'apprend que pour vivre avec autrui je dois apprendre à vivre avec moi-même. Pour aller à la rencontre de l'autre je dois me connaître dans la solitude et chaque jour ainsi se révèle de nouvelles joies.


27 janvier |

Philosopher est un outil utilisé de la pensée pour mieux vivre. La technique la plus sophistiquée n'a de sens qu'au service d'autre chose, par exemple on préférera la musique à la chaîne stéréophonique ou l'amour à son portable et la technologie. La philosophie n'a de sens que pour la vie, être plus libre et plus heureux. Ma curiosité me porte souvent sur des questions essentielles à propos du bonheur, de l'amour et de la vie surtout au sens qu'on y accorde. Je crois qu'à notre époque "love me tinder" et l'amour sous algorithme sont entrés massivement dans le marché. Il y a matière à réfléchir suite à cette affirmation n'est-ce pas? La philosophie est propre à chacun, les multiples systèmes de pensée ne permettent qu'un apprentissage, à soi revient alors le choix de la technique pour facilité l'accès au bonheur ou à la vérité. Renoncer à la vérité serait de renoncer à la raison, d'autre part renoncé à philosopher. "Mieux vaut une vraie tristesse qu'une fausse joie" disait André Comte-Sponville. Philosopher et la sagesse c'est avant tout apprendre à vivre avec simplicité. Bouddha disait "la doctrine est un radeau, une fois le fleuve traversé, à quoi bon porter le radeau sur son dos". Plusieurs passent leurs vies à bricoler leur radeau mais à quoi bon, s'ils ne traversent jamais le fleuve ou bien s'ils portent leur radeau une fois le fleuve traversé.

23 janvier |

Je fulmine d'étranges élucubrations parfois, obsédé par une forme de névrose de la solitude. Néanmoins j'y éprouve moins de douleurs associées depuis une profonde introspection reliée à la retraite. Adolescent un ennui accablant était ce que je voulais fuir à tout prix en prenant des risques considérables par une stimulation constante d'adrénaline, telle est la nature de la jeunesse n'est-ce pas? Cette amertume m'accompagna tout le long de mon existence jusqu'à tout récemment. Les drogues firent leurs apparitions lors d'impasses douloureuses et l'alcool prisé pour fuir la morosité ou me donner des élans libidineux et imaginaires. Ceux qui avaient les moyens pouvaient se dispenser de thérapies coûteuses et libératrices par d'éminents psychologues. Il existe des soutiens réels et ceux que l'on croit obtenir de notre entourage. Les liens qui nous relient sont fragiles et parfois éphémères. 

Dans le film sud coréen troublant et ultra-violent "le jeu du calmar", des bandes du même clan et prétendus amis sont prêts à se sacrifier mutuellement pour de l'argent et les honneurs, c'est le monde de la compétition et de la survie poussée à son paroxysme. La vie telle que nous la concevons est formidablement cruelle à bien des égards et c'est au pied du mur, sinon trop tard pour certain, que la conscience s'élève devant l'essentiel. Nos espoirs sont parfois de contradictoires illusions et quelquefois de redoutables divagations. Dans cette solitude que j'ai tant fuis par d'interminables ruminations, j'y retrouve maintenant un lieu paisible où je fais la connaissance d'un vieil ami que j'ai tant négligé. J'ai beaucoup rêvé à des continents gorgés de soleil aux visages reconnaissants parsemés de paysages emblématiques et limpides. Mes rêves m'ont permis de rompre avec un silence cruellement présent chez l'enfant solitaire en moi. L'ennui a remplacée inlassablement mes ombrages de jeunesse par de réelles promesses et réalisations et j'en suis fier. Je suis un être nostalgique par les blessures que je porte et ceux que je m'inflige mais ma volonté continue de me soutenir dans une force latente m'étant prédestinée. Si telle est ma mission, mes prochains objectifs pressentis s'imprègneront de sentiments sincères et partagés à l'intérieur de paysages somptueux et champêtres.


19 janvier |

On ne raconte pas l'amour, pas plus qu'on ne raconte le bonheur. C'est pour ça qu'il y a dans mon blogue de tels silences. M'asseoir devant ma bibliothèque et lire sous la lampe m'éveille à tant de voluptés, de bonheur et de connaissances qu'il me serait aujourd'hui impossible de m'en passer. Ces auteurs et amis fidèles me racontent des histoires délicieuses dans un tel fracas, m'offrant des silences en me respectant. Au moment de la retraite, je ressens un vide sournois qui en réalité était toujours présent et qui m'a fait souffrir jusqu'au jour que je deviens conscient que ce vide est rempli de vérité et de présence. Il existe des évènements qui m'ont frappés en pleine poitrine et pour qui d'autres portent des armures pour s'en protéger. Peut-être n'écrirais-je pas s'il en était autrement. Une bibliothèque, c'est le carrefour de tous les rêves de l'humanité. C'est en descendant au fond de moi-même que je rejoins l'universel, plus qu'en me mêlant aux hommes sauf pour certaines aventures et entraides nécessiteuses. Une citation déterminante pour moi, d'un homme célèbre dont je ne citerai pas le nom et, qui a tracé ma vie inconsciemment, "n'écoute pas ce que dis le monde, ne croit pas ce que crois le monde; ne fais pas ce que fais le monde". 


17 janvier |

J'ai visionné cette semaine un film biographique récent sur le couple de criminel le plus populaire des États-Unis, Bonnie and Clyde. Ils ont vécu dans les années folles des années 20 et durant la Grande Dépression qui débuta en 1929. Après la première guerre mondiale un  immense développement économique s'effectua aux États-Unis. L'électrification, la création des banlieues, le développement routier et industriel prodigués par une publicité intensive créant de nouveaux besoins se sont développés à un rythme effréné. La bourse avait atteint des niveaux records causé par la spéculation et la vigueur de l'économie. Il n'y avait pas de mécanisme de régulation boursière à cette époque. Les gens empruntaient pour placer leur argent à la bourse qui s'est effondrée au grand krach boursier du fameux jeudi noir d'octobre 1929. Une effroyable crise économique est survenue pendant 10 ans jusqu'à la deuxième guerre mondiale. Les années folles des années 20 d'où émergèrent le jazz et la prohibition associée aux groupes du crime organisé faisait parti du portrait de la culture américaine. L'essor du crime organisé aux États-Unis est indissociable de la construction de "l'american dream". Les gangsters de différents groupes ethniques étaient issus de milieux lamentablement pauvres et violents. Bonnie and Clyde entrait dans la légende lorsqu'ils sont morts criblés de balles par les forces de l'ordre, ils étaient dans la vingtaine et follement amoureux. Ils représentaient un modèle pour une certaine jeunesse affublée de désespoir devant la crise économique. Le splendide film biographique de Martin Scorsese paru récemment "Irishman" représente magnifiquement l'histoire de la mafia au milieu du XXème siècle. Paradoxale est la société américaine depuis sa fondation notamment avec l'utilisation des armes à feux. En plongeant dans ce passé récent aujourd'hui je constate que depuis la fin de la deuxième guerre mondiale l'Occident n'avait jamais eu une aussi longue période de paix relative et de croissance économique. J'apprends de l'histoire et j'aime m'y plongé afin de mieux comprendre le monde actuel. La pandémie me fais réfléchir plus que jamais sur le sort des hommes et de leurs fragilités. Julien Green dit "quand vous sentez que vous avez perdu quelque chose, c'est que vous avez appris quelque chose. Pénible est la perte de l'illusion quand celle-ci dépendait de votre bonheur".

Connection


12 janvier |

Pascal Bruckner dit "la démocratie du clic n'est qu'une démocratie d'ignares. La dextérité des jeunes est une prouesse technique, non une supériorité symbolique". Dans mon travail j'ai considérablement consommé des applications modernes et techniques, je fus en apprentissage technologique qui devait se réinventer rapidement, travail et consommation exige. J'entrais dans le moule afin de gagner ma vie et je fis ce que je croyais être le meilleur. Les médias sociaux sont apparus me laissant souvent patois, je n'arrive toujours pas à comprendre cet engouement collectif à la mode, parfois stérile et superflu sauf pour la famille ou les amis proches. De l'ère à la communication virtuelle je suis passé aux interactions virtuelles. Je ne voulais pas devenir un illettrisme électronique comme certains ailleuls, j'ai pris alors les commandes du mieux que j'ai pu pour gagner ma vie arborant une image super cool. J'obtenais d'un côté des connaissances en informatique et de l'autre je perdais une certaine dimension spirituelle, intellectuelle et humaine. Le contenant dépassais parfois le contenu comme chez les gros bras et les grosses boules d'insipides téléréalités d'occupations en vogue. Le nombre d'abonnés virtuels n'est pas un gage de succès et la quantité d'amis sur les applications n'égale pas la qualité des relations. Trois stades existent pour atteindre la liberté qui passera tôt ou tard par la révolte, la contrainte et la solitude. J'ai passé du "qui suis-je au que puis-je" pour donner un sens à ma vie. À la retraite je passe du "qu'ai-je fais et où j'en suis et que me reste t-il à faire ou à ne pas faire". Telles sont les questions maintenant qui s'imposent devant toutes actions frénétiques et superflues. Le corps ne s'agite plus autant par réflexe que par attention et réflexion libérée des taches de productivité  mécanique. "Les hommes aliénés n'avaient pas de destin jadis car ils avaient une direction commune" dit Pascal Bruckner. 

La compétition se rompt heureusement à la retraite mais ne disparaîtra pas car la loi du plus fort l'emportera toujours, telle est notre condition tribale. Le désir demeure de se confronter avec le dehors, royaume de la diversité, de la révélation et des choses qu'il me reste à explorer comme l'amour qui est une dépossession volontaire de soi en ne s'appartenant plus à part entière. Savoir reconnaître le contraste entre chaque chose apporte la lumière, me satisfaire de mon sort en restant captif aux rumeurs du monde m'interpelle; contraction et dilatation, sérénité et ivresse, absence et présence. Savoir reconnaître et accepter les dualités en allant au bout de soi-même, en s'éveillant à soi-même. 

Dans la philosophie de la longévité il est dit "que la mélancolie de ce qui passe n'est peut être rien comparée au malheur de ce qui ne passerait jamais". Le livre des morts égyptiens soutient qu'on meurt toujours deux fois, une première quand l'âme quitte le corps, la seconde quand meurt la dernière personne à se souvenir de vous. Le pire serait de n'être jamais parvenu à vivre quelque chose d'essentiel dans l'amour ou l'attachement. Les propos de Pascal Bruckner m'inspirent beaucoup. J'ai eu une discussion avec un ami sur les raisons qu'on les gens à procréer lorsqu'on connais les défis actuels de l'état du monde. La procréation est le prolongement de soi dans l'immortalité, symbole de survie, de son amour et de sa joie dans l'éternité. Je suis de la génération des baby boomers qui se distinguent par le refus du pouvoir paternel, de l'autorité et de la fin des hiérarchies. Ils ont permis une éducation libérale à leurs enfants dans l'égalité absolue des sexes et une permissivité dissonantes tranchant radicalement avec les traditions du passé. Ainsi ils ont créé une progéniture d'anxieux teintés de conservatisme. Peut-être que ce qui arrive devais arriver. L'humanité  évolue en alternance entre contraction et dilatation, entre liberté et despotisme, entre anarchie et totalitarisme. L'évolution se fait en dents de scie et nul ne peux s'avancer sur la marche du monde. Pour ma part j'espère vivre jusqu'à ma mort.


11 janvier |

Sur les côtes du Maine des milliers d'iles et d'îlots parsemés de solitude apparaissent parfois des brumes à partir du village de Stonington. Ce magnifique village de pêcheurs d'homards inconnu du touriste de masse est incontestablement le point de départ pour des explorations en kayak de mer sur la côte du Maine. Il y a très longtemps j'y ai organisé un séjour en groupe au départ du camping "Old Quarry" qui signifie vieille carrière. De cet endroit provenaient les pierres qui composaient les gratte-ciels de New York. Plusieurs connaissent le populaire "Acadia National Park" à Bar Harbor mais ce parc abrite aussi des îles méconnues et lointaines dont l'Isle-au-Haut nommée ainsi par Champlain. Notre première journée était consacrée au cyclotourisme autour de cette longue péninsule arrêtant dans de nombreux villages de pêcheurs côtiers. La plupart des bateaux s'y abritant étaient des homardiers. Le groupe était composé d'une vingtaine de joyeux aventuriers. J'ai effectué une multitude de séjours en groupe sur les côtes du Maine du Nouveau Brunswick au parc international Campobello-Roosevelt jusqu'à Portland. À proximité de Québec c'est fort agréable de séjourner dans le Maine autant à l'intérieur des terres que sur la côte surtout en essayant le plus possible d'éviter les "tourists traps". Je n'avais à ce moment aucune expérience du kayak de mer et la région représentait l'une des plus difficiles régions pour s'y exercer. Les eaux de l'Atlantique nord y sont particulièrement froides, d'où la présence de nombreux homards sans parler des brusques changements de température, des fortes marées et des brumes épaisses. En face du camping on devait traversé à l'aide d'un guide expérimenté en mer un grand chenal d'où naviguaient de nombreux bateaux qui passaient rapidement. Pour franchir le chenal nous devions lever nos pagaies très hautes pour se faire voir des navires afin d'éviter des accidents. Aussitôt le chenal traversé on découvrait des centaines d'îles désertes parfois avec des lacs profonds pour s'y baigner. Ces lacs aux eaux turquoises étaient d'anciennes carrières abandonnées. Le propriétaire du camping et d'un puissant homardier nous amena à la lointaine Isle-au-Haut pour faire de la randonnée et passer la nuit dans des "leans-to" qui sont des refuges ouverts qui signifie "s'étendre". Ils sont très populaires en Nouvelle Angleterre notamment dans le Maine. 

La Nouvelle Angleterre est le plus splendide terrain de jeu pour le plein air à proximité de Québec. Les arbres sont plus majestueux que dans la belle province et les villages plutôt authentiques. À la fin du séjour j'ai tenté en vain de trouver des compagnons pour passer quelques nuits en kayak sur les îles désertes au large de Stonington. La veille s'étant régaler de homards frais offerts par notre hôte qui accompagnaient les délicieux vins qui, à l'époque, étaient le carburant incontournable à ces weekends prolongés à vélo, en randonnée et en kayak. J'achetais des caisses de vins blancs et rouges sur lesquelles j'apposais mes propres étiquettes "Cuvée Vert l'Aventure". Ainsi plus de 75 séjours ont été admirablement effectués lors de multiples aventures au Vermont, au New Hampshire, au Maine et dans l'état de New York. Les Montagnes Vertes, les Appalaches et les Montagnes Blanches furent de loin mes plus belles aventures à proximité et, à une époque où peu de gens à Québec y séjournaient. Le club avait sa chanson thème sur l'air des Pierrafeu et j'avais toujours des délicieuses anecdotes autour du feu à faire rougir le capitaine bonhomme. Les gens étaient heureux de partager et de vivre intensément ces aventures, j'y étais pour quelque chose et cela me rendrait fier et fort. Au dernier soir à Stonington personne ne voulu m'accompagner afin d'explorer les îles austères du Maine alors j'entrepris de partir seul en me procurant une carte marine. Je n'étais même pas capable de charger seul mon bagage dans le kayak et le gouvernail est devenu défectueux après quelques heures de navigation. Les gens me prenaient en photos car ils n'étaient pas certains de me revoir vivant. J'étais décidé et rien ne m'arrêtais. J'ai navigué à travers les étoiles de mer très loin jusqu'à un îlot au large de l'archipel pour y passer la nuit. Je fis un grand feu avec tout le bois retrouvé sur le caillou perdu dans l'océan. Je bus une à deux bouteilles de vin, j'ai dansé et dormi nu en chantant. La nuit la mer s'agita et les lumières au loin que je vis la veille sur la côte avaient disparues dans la brume. La marée et la mer devenaient menaçantes et je cru que l'eau immergerait complètement mon îlot. Je ramassis ma tente dans la nuit au cimetière d'oiseaux marins qui était mon refuge sur l'îlot, mis ma jupette et m'appuyant sur une grosse roche, la corde du kayak à la main prêt à prendre le large au besoin lorsque l'îlot disparaîtrait dans les vagues tumultueuses. À la lueur de ma lampe frontale je surveillait la marée montante. L'eau a cessé de grimper sur mon caillou perdu dans l'océan juste à temps et aux premières lueurs du soleil je pris la route rapidement vers le camping sachant que cette aventure aurait pu être ma dernière. À mon retour à Québec les gens voulaient savoir si j'étais vivant afin de leur offrir une autre occasion de reprendre la route avec Vert l'Aventure.


Le cyclotourisme est apparu dans sa forme actuelle au Vermont en 1972. Un enseignant en littérature John S. Friedin au Middlebury College fut le premier à proposer, concevoir et accompagner des groupes d'étudiants à vélo dans cet état. Il publia un guide "20 bicycle tours in Vermont" qui fit fureur et plus tard il devint sénateur du Vermont et actionnaire d'United Airlines pour sa renommée d'avoir créé une agence innovante de cyclotourisme. La popularité du plein air notamment dans les "Greens Mountains" avec le premier sentier pédestre des États-Unis le "Long Trail" au Vermont fut créé en 1910. Une étude à l'époque avait démontrée que le niveau de vie de ceux qui pratiquaient le cyclotourisme était supérieur et qu'il serait positivement viable à l'économie de l'état. J'ai eu le privilège et l'honneur de travailler au Vermont Bike Touring dont John S. Friedin était le fondateur. Je fus embauché pour travailler en France et en Suisse dans le but d'accompagner des groupes de cyclistes américains à la fin des années 80. Parti des fonds de ruelles et des ghettos de Limoilou jusqu'à dormir dans les châteaux de la Loire et d'Alsace fut pour moi une escalade déterminante et un privilège inouïe pour ma future carrière. J'ai pu apprendre l'anglais, découvrir l'histoire du vieux continent et apprendre mon métier de guide durant mon séjour qui s'échelonna sur huit mois en considérant mon expérience au Club Aventure sur la Hollande à vélo. J'ai pris le soin entretemps de terminer mes études en tourisme au collège Mérici, obtenir le certificat de conseiller en voyages et d'une attestation collégiale en animation au Séminaire St Augustin. Le Club Aventure fut créé par Patrick Chaput à Montréal en 1975. Il travaillait dans la construction et organisait une fois l'an un voyage d'aventures dans plusieurs pays qui n'était pas offert à cette époque au Québec. Le premier fut le Guatemala ensuite l'Inde, le Népal et ainsi de suite. Le Club Aventure était la première véritable institution du genre au Québec d'où émergèrent les premiers voyageurs d'aventures. Je fus l'un deux et j'étais fasciné par cette entreprise tellement innovante et dynamique qui invoquait le rêve à un jeune homme comme moi rêvant d'exotisme. Le Club Aventure fut cédé à Robert Bérubé et son frère dont j'avais beaucoup d'estime et qui m'ont transmis de précieuses connaissances. Jamais je n'aurai pensé créer plus tard ma propre entreprise de voyages d'aventures. C'était bien avant internet, je rejoignais les gens par téléphone ou par la poste leur faisant parvenir les prospectus d'usage. J'ai eu de la chance, ma vie et mon destin me prédestinait à devenir un créateur, un guide et un travailleur autonome. J'ai réussi à transmettre ma passion du voyage d'aventures qui n'a cessé de croître jusqu'à la pandémie actuelle. Le monde venait de changer considérablement.


10 janvier |

"Nous ne pouvons décharger notre responsabilité sur nos gouvernements et tout attendre d'eux, comme si la santé était un droit garanti par l'état. Nous sommes les premiers responsables de notre santé et des moyens de la préserver." écrit Frédéric Lenoir. Je suis littéralement consterné par l'attitude débilitante des "antivax". Plus ignorant que ça tu meurs, sans compter ceux qui partent au soleil actuellement dans les tous-inclus. Des fois je croise des huluberlus qui croient encore, malgré toutes les informations pertinentes véhiculées, que la covid est une mauvaise grippe. Ils agissent comme s'ils étaient complètement seuls. Nous naissons avec des droits et des responsabilités me semble-t-il. Le système est une part de nous-mêmes et nous ne pouvons nous en soustraire intégralement. Avec l'âge on commence à distinguer le vrai du faux en exprimant une plus grande lucidité en général vers l'âge de 60 ans si, toutefois on se développe harmonieusement. Écouter nos aînés lorsqu'ils croissent en sagesse est d'une richesse incommensurable. Le lâcher prise à la retraite offre des privilèges et des nuances dans notre regard. On dirait que tous s'improvisent lamentablement à l'intérieur de pronostics douteux depuis la pandémie. C'est à partir de la soixantaine que je réalise l'importance de sauvegarder mes acquis, pour les jeunes ce n'est pas la priorité j'en conviens et c'est tout à fait normal. De cette constatation se développe un choc intergénérationnel. Nul autre qu'un nombre significatif d'années d'apprentissages, d'expériences doublées d'une significative éducation puissent juxtaposée un sens critique et objectif. 

Mon énergie et mon temps sont précieux avec les années accumulées et j'ai éperdument moins le goût de me perdre dans d'insignifiantes futilités. Ces "antivax" accaparent mon temps qui représente d'une certaine façon la récolte de mon labeur et mon salaire actuel c'est-à-dire ma liberté. Une minorité tienne une majorité de gens en haleine au moment ou le système failli dans l'urgentalité. En cela m'apparaît récent dans l'histoire de la démocratie que nos libertés s'effritent de plus en plus devant un dogmatisme éclaté et naissant de par le monde. Pour bien comprendre cela il faut voir plus loin que le bout de son nez en considérant que rien de nos vies redeviendront comme avant. Jamais je n'aurais cru pouvoir tenir ce discours dans ma jeunesse car mes objectifs alors étaient de prendre des risques et de me sentir ultra puissant. En vieillissant je prends conscience de mes vulnérabilités en tentant d'esquiver mes peurs dans l'ici et maintenant.

De mes nombreuses lectures parfois difficiles je suis déçu de ma fébrile mémoire mais je considère humblement mes forces et mes limites. À l'université je ne pourrais pas sélectionnés les sujets de mes études ni accorder à mon rythme l'apprentissage requis, je suis un fier autodidacte et les mentors m'ont cruellement fais défaut, j'ai su m'adapter non sans peine. Je dois toutefois avouer que j'ai tendance à me sous-estimé, il est probable que je ne réalise pas la force actuelle du subconscient qu'assimile mon esprit ou mes lectures soutenues. En ce moment je lis une bibliographie de Carl Gustav Jung qui fut un grand penseur et père de la psychologie analytique. Ce magnifique recueil écrit à la fin de sa vie comprend ses souvenirs, ses rêves et ses pensées. Ses écrits et ses recherches ne sont pas considérés faciles à même titre que de nombreux philosophes. Mon blogue et ces lectures que j'affectionne m'aident grandement à tempérer mes pensées et mes émotions tout en cumulant des apprentissages stimulants. J'éprouve la nécessité et le besoin de ne pas passer sous silence toutes ces années fugitives à me démener dans cette jungle insensée. M'affirmer avec droiture et convictions ici apporte un sens à mon quotidien et m'aide à poursuivre ma route assurément. Je suis comme le chat qui a plusieurs vies. Depuis peu je reconnais largement que mon chemin de vie m'a conduit irrévocablement vers l'extérieur dans ses limitations. Ce que je croyais passion était fuite et, en boucle, que la fuite étrangement devenait passion. Je crois avoir atteint une tardive maturité mais il n'est jamais trop tard pour se révéler. Dans la littérature je suis face à mon miroir et découvre l'étranger qui m'habite. Je cesse de m'agiter frénétiquement et je découvre de nouvelles et exaltantes études dans la réflexion. Je ressens de moins en moins le besoin de m'enivrer de rituels mouvementés en apprenant lentement la signification du mot contemplation, l'instinct et le ressenti étant fort bien maîtrisé.


6 janvier |

Je proviens de multiples fragments issus de mondes anciens, ma réalité n'a pas de frontières. En moi vivent des frasques ancestrales émergeant d'une somptueuse musique. N'étant pas celui que je croyais être, je suis plus que ma famille, que ma patrie pour reprendre Freud et la citation d'Angelus Silesius qui confirme "je ne sais pas ce que je suis, je ne suis pas ce que je sais". Sournoisement je guette ce vent frivole m'insufflant une énergie nouvelle. Je ne sais pas d'où je viens ni où je vais, mes motivations résident dans mon regard incisif et lumineux. Parfois je dérive dans un doute impitoyable diffusant quelques lumières bienveillantes. Bientôt je quitterai une fois de plus, le temps qu'il faudra, cette peur qui m'a vu naître. Je ne suis pas prophète dans mon pays car les amis que je croyais posséder étaient de piètres infidèles aux figures moribondes. Carl Gustav Jung dit "les crises ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d'indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie". Avant de sombrer dans l'oubli, j'irai marcher dans ces lieux étranges et exquis admirant des visages éclatants qui me sembleront familiers. Une tristesse m'habite pour n'avoir fait que passer dans l'indifférence de cette ville qui est mienne. J'aurai flairé des odeurs qui n'existent que dans mes souvenirs entremêlés. Une brume légère et nostalgique m'accompagne sur les sentiers reconnaissants de mon intemporel idéal. Pascal Bruckner dit "dans le quotidien écrire en tentant de tirer un récit de la platitude de nos jour me va bien. Je ne raconte pas toujours ce que j'ai vécu mais j'écris pour me comprendre et me persuader que je suis vivant".


5 janvier |

La vie n'est pas toujours un fleuve tranquille. Si vous trouvez l'aventure dangereuse, essayez la routine, elle est mortelle. Les valeurs j'en possède plusieurs, certaines plus prépondérantes. Je n'ai pas eu le privilège et la chance de développer des qualités familiales. Ma tolérance pourrait s'exprimer davantage et l'amour envers autrui parfois me fait défaut par certaines blessures ancestrales,  mais j'y travaille. Dans un article récemment, une femme dans la quarantaine affirme avoir contactée une centaine d'hommes sur internet et avoir couché avec quelques-uns d'entre eux. Elle mentionne être déçue de constater que tous ces hommes étaient immatures et qu'elle aurait aimé entendre ce qu'ils avaient à dire du fond de leur cœur. Je comprends qu'elle aurait surtout voulu entendre ce qu'elle voulait bien entendre. Heureusement que je ne suis pas le numéro 101. Internet m'apparaît telle une bulle où plusieurs miroitent leurs fantasmes dans des discussions insignifiantes et égocentrismes. On ne change pas les gens mais par l'ouverture et la compassion des miracles peuvent survenir. Les hommes proposent, les femmes disposent affirme le vieux dicton. La difficulté pour les femmes sur la toile est de faire un choix judicieux parmi les demandes reçues parfois exponentielles, selon la qualité des pixels et pour les hommes de décrocher un seul et unique rendez-vous. Je caricature légèrement et mes opinions dans ce sens ne sont pas scientifiquement prouvées, ne me jugez point car ma nature est excessive. Ces dames doivent se sentir valorisées par des centaines d'offres reçues en quelques heures pour les unes et pour les autres frustrées de n'obtenir aucunes notifications sérieuses. J'ai donné significativement dans cette faune technocrate et je ne possède ni la patience ni la conviction à ce jeu de hasard dorénavant. Regarder des milliers d'images aux descriptions redondantes et superficiels exige des heures considérables que je n'ai plus préférant utiliser mon précieux temps à des études plus épanouissantes. Où la pensée va l'énergie va ! Faut être costaud pour se faire rejeter impunément car c'est la règle de cette loterie impitoyable. Ma motivation virtuelle c'est dissoute mais le désir demeure. Au début les femmes deviennent amoureuses de la relation, les hommes en faisant l'amour. Les moyens utilisés pour être amoureux ne sont pas les mêmes pour tous mais se substituent manifestement à cette toile sournoise qui affecte les pulsions et la pensée. Cette facilité d'obtenir des désirs immédiats par le bout de son doigt deviendra obsolète et dangereuse car trop à la mode et la caractéristique de la mode est de se démodé rapidement. Jacques Ellul disait "le plus haut point de rupture envers la société technocrate et l’attitude vraiment révolutionnaire serait celle de la contemplation au lieu de l’agitation frénétique".


1er janvier 2022 |

Je suis né dans le Vieux Québec à l'Hôtel Dieu et baptisé de confession catholique à l'église St Jean Baptiste. Ma mère biologique, Gurty de son prénom et qui aurait eu 87 ans cette année, a vue sa mémoire complètement effacée par la maladie. Elle m'a "donné" à ma naissance à une grande dame dans la quarantaine qui deviendra ma mère adoptive du prénom de Marcelle qui aurait eu 108 ans cette année. Ne pouvant m'adopter légalement étant célibataire, elle décida de se marier rapidement avec un homme plus âgé, lui garantissant une sécurité financière et surtout le pouvoir de m'adopter légalement. Toute la lignée de mes descendants biologiques était juive sauf ma grand-mère qui était québécoise de souche native de la Beauce. Mon père adoptif Henri-Paul provenait de St Victor-de-Beauce et avait une formation en théologie, journalisme et agronomie. Il aurait 119 ans cette année. Rares étaient les unions entre juifs et catholiques à cette époque. Cette relation ne fut pas acceptée dans la famille du grand-père juif biologique, ce qui apporta une grande instabilité au sein de sa famille surtout lorsqu'il décédera dans la quarantaine à Montréal de tuberculose loin de sa famille. Il eu trois filles qui habitaient le quartier Notre-Dame-de-Québec. Chez les juifs la reconnaissance de l'enfant est du côté maternel et non paternel, ma grand-mère étant d'origine québécoise ne fut pas admise par le clan qui devait les projeter dans une pauvreté extrême. Les parents de mon grand-père juif provenaient d'une grande famille de commerçants juifs de Québec. Cette communauté à cette époque était très importante jusqu'à l'époque de René Lévesque qui, à ce moment, insufflait un vent d'indépendance au Québec ce qui incitaient les juifs à quitter la ville. Les valeurs juives s'identifient davantage au protestantisme qu'au catholicisme et aux valeurs marchandes anglophones. Ceci est une longue histoire que j'éviterai pour le moment. Le livre de Jacques Attali "les juifs, le monde et l'argent" pour une compréhension approfondie de leur histoire mérite une attention particulière.

Quoiqu'il en soit c'est à partir des années 70 que les juifs ont quitté massivement Québec vers Montréal et plus tard vers l'Ontario, les États-Unis et la Colombie Britannique. Mon grand-père était un Lazarovitch en provenance de la Bucovine du Sud en Roumanie précisément de la région de Iasi en Moldavie à la frontière russe. Les Lazarovitch furent les fondateurs de la première synagogue à Québec, une plaque  commémorative indique en ce lieu leur présence et leur générosité envers la communauté. Fuyant les guerres et les persécutions ils ont immigrés massivement en Amérique. Québec, Montréal et New York étaient les portes d'entrée de ces grandes vagues d'immigrants au début du XIXème siècle. Les juifs d'Europe transitaient principalement pour l'Amérique par les ports du Havre, Anvers, Amsterdam et Hambourg. Ceux qui étaient plus fortunés allaient aux États-Unis, les autres au Canada. Leurs principales occupations étaient le commerce et ils ont été les premiers à institutionnaliser le crédit à Québec, chose que les catholiques ne pouvaient faire par leurs religions. 

Mon père, un Guttman, était juif originaire de Chernivtsi en Bocovine du Nord d'Ukraine à la frontière roumaine, anciennement l'Autriche. Il aurait 114 ans cette année. Le Danube coulant sur les versants de l'Ukraine et de la Roumanie a toujours été un pôle important au commerce du développement germanique en provenance de la Méditerranée et de l'Asie. Sur  un transatlantique en provenance d'Hambourg il arriva très jeune avec sa mère, ses deux frères et sa soeur, le père Moïse arriva quelques années plus tard avec une autre soeur en transition de New York. Après une longue période de misère, il acheta un commerce de vente au détail populaire sur la rue St Joseph à St Roch. Il n'a jamais reconnu la paternité lorsque ma mère m'a mise au monde dans la honte et l'indignation qui avait 19 ans à cette époque. Elle habitait dans une minuscule chambre sur la rue St Ursule du Vieux Québec. N'étant pas désiré de mes parents, j'ai passé quelques jours à la crèche St Vincent-de-Paul à Québec qui était situé sur le chemin Ste Foy. La principale communauté juive non-orthodoxe au Québec est située à Côte St Luc de Montréal. La plupart sont bilingues mais les juifs s'identifient davantage aux communautés anglophones. Il y a une dizaine d'années à la suite du visionnement du film "Incendie" de Denis Villeneuve, je fus profondément troublé par cette histoire qui raconte le décès d'une femme à Montréal dont le père provient du Liban. Dans le film à la lecture du testament de la mère l'héritage ira aux deux enfants à condition que ceux-ci retrouvent les traces de leur père au Liban. À partir de ce moment je me suis dit que je devais réaliser mon arbre généalogique pour me rappeler de mes origines. Je connaissais très peu mon histoire n'ayant que le nom de mes parents adoptifs, de ma demi soeur Suzanne et le nom d'une des deux sœurs de ma mère biologique que je ne connaissais pas. Après de longues recherches aux archives nationales, entre autre, j'ai réussis à insérer 250 noms dans mon arbre. Ma tante Astride que j'ai rencontré plus tard quelques années avant son décès, m'a raconté des histoires ignorées sur ma mère et aussi sur la présence d'un cousin décédé à 98 ans le 1er janvier cette année à Côte St Luc du nom de Larry. Je fis la connaissance de cet attachant personnage et je fus invité plus tard à la fête Roch Hachanah à la grande synagogue Shaar Hashomayin de Westmount à Montréal. Un grand repas festif eu lieu ensuite chez un cousin et sa nombreuse famille dans leur somptueuse maison de Westmount. Je fut littéralement troublé par ce rassemblement fort chaleureux et assez déstabilisant avec ma demi soeur retrouvée à mes 25 ans. On a la même mère commune et elle fut adoptée dans une modeste famille des Cantons de l'Est.

Sur le site "my heritage" où est se retrouve mon arbre généalogique, j'ai cessé mes recherches sur 250 noms en considérant avoir constitué mon histoire, mon récit. J'ai effectué ardemment des retrouvailles et des correspondances. J'ai contacté et rencontré des dizaines de cousins biologiques de plusieurs grandes villes du Canada et des États-Unis. Mais comme on dit loin des yeux, loin du cœur, manifestement ma motivation a perdu de son intensité par la difficulté d'échanges fructueux causés par la distance. J'ai la certitude d'avoir fait ces recherches au bon moment comme si j'accomplissais le destin de me révéler et de ne pas sombrer dans l'oubli. Ma mère adoptive avait une faiblesse immense, les jeux de hasard. Toutes les nuits elle partait "jouer" me laissant seul après le décès de mon père. À mes douze ans elle devenait aveugle au terme de la loi et sombra dans la maladie et le désespoir. Mon père adoptif mourut quelques années plus tôt me sentant ainsi abandonné et mal-aimé. Ce sentiment de rejet et d'abandon m'ont accompagné toute ma vie dans une quête d'identité et de reconnaissance excessive. Ma vie tient au miracle. Je suis profondément résilient en m'identifiant, dans une certaine mesure, au peuple juif opprimé depuis la nuit des temps et à mes parents adoptifs qui malgré tout m'ont apporté un amour inconditionnel. C'est depuis quelques mois à peine que je réalise que le bonheur est plus près de ce que j'ai toujours pensé et qu'il n'est plus tributaire de quiconque. J'ai cessé d'être ce juif errant et je commence à savoir pardonner et m'accueillir avec dignité. La prochaine grande étape sera la réconciliation et l'acceptation de l'amour, étape ultime !

Influence


27 décembre |

Je tiens à rendre hommage à deux gourous qui m'ont influencés dans mon parcours de guide d'aventures; Serge Bouchard, conteur, animateur, conférencier, écrivain et anthopologue. Il animait une émission à la radio de Radio-Canada "les chemins de travers" qui m'a donné le goût de comprendre et de voir le monde autrement. Je me suis identifié depuis toujours aux "chemins de travers", peut-être ai-je grandi de travers" où est-ce ma méfiance au troupeau qui m'aura animé ? Le second, ni moins illustre, fut Louis Lefebvre écrivain, conteur, aventurier, récréologue et fonctionnaire. Il écrivit un livre éblouissant "le Sentier des Jésuites". Dans les années 70 il fonda l'un des premiers clubs de plein air à Québec "Club Quatre Saisons". Le sentier des Jésuites était sa passion, il le connait bien pour avoir retracé à pied, en canot, en raquettes et en ski hors piste l'ensemble de ce sentier mythique qui traverse la réserve faunique des Laurentides du Lac Beauport à Chambord au Lac St Jean. Il fut l'un des premiers diplômés en récréologie à l'université de Trois-Rivières. Il était un fier conteur et se disait lui-même, avec raison, un spécialiste géomorphologique de la réserve faunique des Laurentides. Lorsque j'ai créé Vert l'Aventure en 1994, il m'a transmis la passion du territoire et des grands espaces. Ma première grande aventure hors piste dont Louis était le guide fut au "Point Jambon" au pied du mont Bellefontaine dans la réserve faunique anciennement le parc des Laurentides. On dormait à l'extérieur couché sur des branches de sapins à -30  au coeur de la forêt boréal. Louis avait une personnalité et une physionomie légendaire. Je le rencontrais parfois à son bureau sur l'heure du midi sur la colline parlementaire d'où nous déployions de multiples cartes topographiques annotées. J'avais toujours à mon agenda des dizaines de lieux sauvages après sa rencontre que je voulais découvrir et les partager à des passionnés tout comme moi. Je fus précurseur du Sentier National à Québec et des régions limitrophes. À la naissance de ce projet en collaboration avec Nature Québec, chaque semaine je rencontrais l'agent de développement, dont j'ai oublier le nom, en consultant de multiples cartes indiquant le tracé en devenir. Je fus le premier dans la région de Québec à publiciser le Sentier National qui n'existait qu'en projet en réalité. Je ne disposais pas de GPS à cette époque et ces randonnées étaient de véritables aventures considérant les informations dont je disposais. J'ai toujours eu un sens d'orientation inouïe qui m'a parfois joué de vilains tours dans lesquels j'y reviendrai. Vert l'Aventure Plein Air était né. Des milliers de randonneurs téméraires parfois insouciants m'ont accompagné pour le meilleur et pour le pire. C'est de cette envolée en sortant des sentiers que le club a crée des liens, des expériences et des souvenirs inoubliables.


Les grands espaces sauvages et naturels au Québec appartiennent aux compagnies forestières et minières. Les espaces à proximité des villes et des régions limitrophes appartiennent aux promoteurs immobiliers. Tous ces intervenants et lobbyistes dictent les règles avec l'aide des gouvernements qui ne sont que les marionnettes d'un système basé sur l'exploitation massive des ressources. Ils n'ont visiblement pas le pouvoir de faire mieux. Le discours demeure toujours dans la même perspective soit de faire rouler l'économie et d'enrichir davantage les mieux nantis. Ces entreprises affirment vouloir auto-régularisé le milieu, j'en doute. Je souhaite de tout coeur qu'un jour le bon sens prenne le dessus sur la cupidité. La différence entre le Canada et les États-Unis, en rapport avec les espaces protégés, est que de l'autre côté de la frontière, de généreux donateurs et organisations philanthropiques s'impliquent davantage que nous pour la protection et la sauvegarde de certains sites. Les entreprises développant les ressources au Canada retournent des dividendes généreuses aux élus et actionnaires. La population quand à elle se met la tête dans le sable en recevant des miettes pour mieux avaler la pilule. Nous avons une culture de bûcherons rien de moins. Lorsque le prix moyen d'une maison à Montréal dépasse le demi-million de dollars cela évoque des raisons pour trouver les moyens d'obtenir de l'argent impunément et rapidement. Le Canada est l'un des plus grands exploiteurs de richesses naturelles au monde car nous n'avons ni les moyens, ni la volonté de changer les comportements. Certains indiquent que le libre marché doit être la règle de l'économie mais la réalité est qu'une infime richesse du monde est entre les mains d'une fraction minime et arbitraire de l'humanité. Des randonneurs parfois me critiquaient lorsque je marchais en groupe dans les forêts privées alors que des entreprises ayant des permis élaborent, à l'aide de multiples lois, des stratégies avec leurs firmes d'avocats dans le but de les détruire. J'ai traversé le Canada cet été et des clôtures partout confirment que nous ne sommes pas si libres qu'on le croit. Allez voir ce que font ceux qui en possèdent les clefs. Pour éviter que se développe la conscience collective, les maîtres du divertissement ont manifestement dévié les véritables enjeux. Ou va la pensée, l'énergie va ! Avez-vous déjà songé pourquoi en partie les territoires sont clôturés ? Faut les traverser pour constater. Vous connaissez tous ces propos depuis fort longtemps mais pourquoi ça ne çhange pas? Parce que l'on a peur de perdre nos acquis qui de toute façon seront perdu a ce rythme si rien n'est effectué. Les choses évoluent lorsqu'on est au pied du mur pour reprendre un terme populaire, sinon le laxisme demeure omniprésent.


26 décembre |

Descartes a dit "je pense donc je suis". Olga Tokarckuk dans son livre "les Pérégrins" a repris cette phrase célèbre en l'adaptant à nos jours "je parle donc je suis". Plusieurs vont s'y reconnaître. On dit aujourd'hui beaucoup de choses, ses états d'âme, d'esprits, ses complaintes, ses désirs. Le blogue me permet de me raconter, de raconter mon récit, mon histoire. Dans le passé le "moi" s'éclipsait, il se faisait discret et restait soumis au collectif. "à l'heure actuelle le moi se gonfle et bourgeonne, il s'hypertrophie dans le but d'annexer le monde". Ces affirmations proviennent du livre d'Olga qui reçu en 2018 le prix Nobel en littérature. Dernièrement j'ai lu quelques extraits de Charles Baudelaire, le poète maudit des "Paradis Artificiels". L'opium et le hashich l'a détruit à 46 ans. S'il avait vécu de nos jours il aurait eu des traitements qu'il lui aurait permis de prolonger sa vie sans aucun doute. Voilà le prodigieux résultat du progrès actuel. De nos jours on offre cette confiture de hashish à la SQDC, curieux paradoxe ! Hier on a envoyé le plus grand télescope jamais construit, le James Webb se déployer dans l'espace et, au même moment, sur Terre des gens fument du hashish. Une somme est prélevée sur la vente des stupéfiants dans le but de soigner ces illusionnistes et d'avoir recours ainsi à des soins de base et une thérapie non garantie sauf si vous avez les moyens. Je connais bien le sujet et j'ai eu la chance d'être né quelque part vers la moitié du XXème siècle. On devrait me semble-t-il, se prévaloir de remèdes aux maux ici-bas que de chercher des réponses dans l'au-delà. Peut être y retrouverons-nous de nouvelles drogues et élixirs, de nouveaux dieux ou des réponses à nos précaires vulnérabilités.

Se faire socialiser où se socialiser? nuance. L'éducation est le plus grand lieu d'apprentissage pour concilier les valeurs communes et sociales. L'école pour moi fut conflictuelle et n'a pas développé les résultats escomptés sauf en quelques occasions par l'intermédiaire d'agent de socialisation, communément appelé professeur, ayant des vocations particulières. On veut apprendre à socialiser mais dans quels objectifs? Étant solitaire non par choix mais par circonstances, j'ai réussi toutefois à mettre en place des dispositions instinctives dans certaines règles propres à ma survie ou repères étranges de socialisation. Le but de socialisation à part pour le plaisir est pour devenir un citoyen respectable en payant ses impôts, développer son potentiel créateur, fonder une famille en transmettant et reproduire ses valeurs, sauver le monde ou sa patrie et alimenter la chaîne de production. Je considère avoir eu de la chance malgré l'adversité qui m'a vu grandir. Il paraît que l'on mérite ce que l'on a et, d'autre part, le destin qui nous est tracé. On ne choisi pas sa famille ni notre lieu de naissance, il ne reste qu'à tracer ses choix dans une conscience salutaire.


25 décembre |

Wikipedia, la littérature classique et contemporaine, les podcasts sociologiques de France Culture alimentent mon intellect depuis un moment. L'analyse approfondie chez nos cousins français en rapport avec la pandémie et des enjeux sociologiques notamment sont d'une clarté remarquable. Les français sont les artisans du verbe. Ils sont les maîtres de la pensée utilisant les mots comme matière première. Par ces échanges d'idées et de réflexions, ces propos éclairés me révèle une nouvelle attitude. La pandémie aura t-elle ouverte la porte à une folie individuelle et collective? Des repères ont-ils disparus et une résilience se manifeste-t-elle pour combattre la peur et l'impuissance? Quelques-uns trouveront-ils à l'intérieur de soi des forces considérables pour une divine métamorphose. C'est la fin du parcours de la société moderne, l'accès considéré des dernières décennies n'est plus. Des malaises psychiques d'une insécurité généralisée se manifestent et les gouvernances n'ont pas encore modélisé le système en devenir. On devra s'appuyer de moins en moins sur l'état providence à moins que cette dernière ne se réforme rapidement. Trump le maître de la démagogie s'est fait huer par les républicains lorsqu'il a reçu sa troisième dose. Le populisme provient des milieux périphériques des villes et des profondes régions rurales. La mondialisation a permis la montée du populisme et du conspirationnisme en excluant une grande partie des populations. Des sociétés entières ont perdues la puissance d'agir exprimant des hostilités devant une impuissance émergente. La démocratie et les libertés auront du mal à sortir de l'impasse des changements climatiques. Je constate que les tragédies sont paradoxalement créatrices. M'engager en ce moment s'exprime par de cohérentes études et le désir d'écrire l'épilogue d'une vie qui m'a échappée parfois par distraction ou parce que j'étais occupé ailleurs. L'un des films le plus remarquable ayant vu fut Forrest Gump dans la scène où ayant couru plus de deux ans et des poussières, le protagoniste s'arrêta soudainement pour retourner à la maison.

23 décembre |

Il est de ces pays qui ont eu une force d'attraction considérable chez moi dans ma jeunesse. Le Guatemala fut celui-ci. Ce petit pays d'Amérique centrale est parsemé d'énergies indescriptibles, de curieux rituels et de multiples contradictions. Cette terre volcanique et imprévisible n'a rien de commun surtout ses habitants issus du peuple mayas. Un jour j'entrepris un voyage exploratoire avec Gérard, nom fictif pour conserver l'anonymat de ce gentleman. J'aurai côtoyé péniblement dans ma carrière de guide beaucoup de Gérard et de Roger. La plupart n'étaient pas autant attiré par mon amitié que pour la volumineuse quantité de femmes disponibles qui partageaient mon réseau de célibataires. Gérard était fort populaire pour sa grande gueule, plus poliment son verbe facile. Il aura fait de nombreuses et délicieuses rencontres jusqu'au jour ou il a trouvé sa Germaine ! C'est depuis cette époque que les hommes ont commencés à se faire prescrire massivement du "dicomelle". Du jour au lendemain je fus largué par lui à titre d'accessoire non essentiel. Parfois avant de rompre avec une gentille dame, il attendait d'en rencontrer une seconde afin de ne pas passer une seule et unique journée à se morfondre de chagrin. On a tous connu des Gérard et des Germaine, ceci étant dit le Guatemala n'est pas une mince aventure à entreprendre en solitaire alors j'en fis l'exploration avec Gérard que je considérais à l'époque comme un frère. 

Je me souviens de cette journée tumultueuse à la veille de Noël lors d'une visite au plus grand marché d'Amérique centrale à Santo Thomas Chichicastelnango. Tentant d'établir un plan pour Noël nous nous rendîmes à Quatzeltenango par la suite car il y avait, dans cette grande cité coloniale au pied des volcans, quelques "tours operators". Je fis la connaissance d'un belge qui opérait une agence réceptive de voyages pour les européens. Il était dans ce pays depuis vingt ans. Il y avait fondé une famille. Faire des affaires au Guatemala est périlleux, des milliers d'homicides ont lieu chaque année causés par la corruption et les cartels. Des conseillers municipaux, députés et hommes d'affaires se font tués chaque jour lorsqu'ils tentent des réformes. J'ai réservé une navette et un bungalow pour Fuentes Georginas Hot Spring à Zunil sur les rives d'un majestueux volcan pour Noël par l'intermédiaire de l'ami belge. Le matin du 24 décembre le chauffeur maya arrive complètement ivre pour nous transporter à travers les montagnes sur une route plutôt sinueuse, ça commence bien ! À notre arrivée il y avait un jeep avec les vitres fracassées par des tirs de balles. Des chandelles étaient allumées partout pour témoigner du drame qui venait de se dérouler et pour éclairer les lieux des ténèbres. Le patron de ce site inouïe venait de se faire tué dans son véhicule il y avait quelques heures à peine laissant le jeep sur place pour faire une enquête.... "manãna". Tout le personnel avait quitté les lieux sauf un homme apeuré et attristé de ce drame sordide en nous remettant les clefs du bungalow réservé. Je n'ai pas dormi de la nuit croyant que les tueurs viendraient liquider les personnes restantes. Seuls dans les thermes de pierres volcaniques aux eaux chaudes nous passâmes quelques heures de détente incertaine, l'alcool aidant. Je ne cacherai pas que je fus heureux de quitter les lieux rapidement le lendemain. 

L'année suivante, j'y retournai avec un groupe de randonneurs. Une série d'imprévues ont eu lieu qui aurait pu être dramatique, j'en suis sorti vivant encore une fois me laissant un arrière-goût amer du Guatemala. Malgré la pauvreté et la misère ce peuple est d'une simplicité et d'une générosité remarquable malgré l'oppression qu'ils subissent depuis des siècles. Avant l'arrivée des Espagnols ce pays était l'un des plus beaux sur Terre. Lorsqu'un groupe d'une dizaine de touristes et plus arrive à l'aéroport, il est escorté immédiatement par des patrouilles armées de mitrailleuses en camionnettes jusqu'à leur premier hôtel,  habituellement Antigua. Ça débute bien l'aventure ! Sur la route plus tard un immense glissement de terrain faisant plusieurs morts nous a obligés de faire un détour d'environ 400 kilomètres. Plus tard le chauffeur de l'autocar failli glisser dans un profond précipice causées par des pluies torrentielles. L'autocar étant trop grand pour le chemin de terre boueux, nous avons dû continuer la piste jusqu'à l'hôtel dans un camion en pleine jungle. Souvent aux carrefours, le chauffeur doit verser des pots-de-vin à des "bandidos" pour continuer la route. Ils se travestissent en femme parfois pour simuler l'arnaque. Chaque jour des évènements ressurgissaient qui auraient pu être tragique. La moitié du groupe a attrapé la "turista" à cause d'enchilladas qu'une paysanne nous avait vendu dans le bus. Une affreuse bronchite m'a clouée au lit deux jours à Tikal suite à une mauvaise grippe qui infecta la moitié du groupe. Toutefois j'ai réussi à déployer l'énergie nécessaire pour visiter les splendides temples mayas de Tikal situés dans la forêt luxuriante du Peten et poursuivre la route.


22 décembre |

"Winter is coming" d'après la magnifique série de "Games of Thrones". Cet hiver sera fort probablement le théâtre d'un long confinement. Sans avoir la prétention de quelque nature qui soit à part de me servir de ma cervelle, je crois que la planète est en train de s'autorégulariser. Malgré nos efforts de vouloir contrôler le monde, j'ai la certitude que l'univers est beaucoup fort que toutes nos prétendues manifestations. Les pandémies et dérèglements climatiques se présentent à nous afin de freiner nos ardeurs rocambolesques de consommation et d'exploitation. Seules des changements d'attitudes radicales puissent être envisagées en face de ces fulgurants présages des dernières décennies. La réalité nous échappe bien souvent car nous ne voulons l'admettre. Je suis athée mais je crois profondément qu'il y a des règles dans la vie que l'on ne doit pas outrepassées. "L'essentiel est invisible à nos yeux" disait le Petit Prince. Je me sens moins anxieux devant cette montée de la ième vague, je suis davantage résolu. En rapport avec l'économie, les banques n'ont qu'à imprimer des dollars quelques temps en versant un salaire universel à tous. La superproduction n'a jamais eu de cesse depuis des lustres alors quelques mois de répit à notre chère planète ne sera pas du luxe. Elle a droit à ses vacances aussi me semble t-il, elle fait ses devoirs manifestement. Charles F. Kettering disait "nous sommes tous concernés par le futur car nous passerons le reste de notre vie ici". La société est excessivement anxieuse car le moindre dérèglement freine nos valeurs de super-consommateurs. Des pays pauvres souffrent de plusieurs maux et ne font pas la manchette autant qu'en Occident. Il y a de quoi se questionner. Le malheur des uns fait le malheur des autres. Netflix doit sabrer le champagne à l'heure qui l'est. 


21 décembre | 

Le sud de l'Espagne qui constitue l'Andalousie était arabo-musulmane jusqu'en 1502. À cette époque les chrétiens, juifs et musulmans vivaient ensemble en paix. Un jour cet émirat explosa et de petits califats arabo-musulmans tel Grenade fut le dernier à sombrer. Cette cité abrite l'Alhambra, le palais des palais et l'une des merveilles du monde que j'ai eu la chance de visiter à titre de guide d'un groupe de randonneurs. L'Alhambra se situe dans le massif de la Sierra Nevada ou l'Alpujarras qui signifie "montagnes blanches" et qui servait de protection naturelle aux envahisseurs. L'origine nébuleuse des gitans proviendrait de cette cité. Au même moment a eu une immense exportation hors du pays, issue de l'Inquisition, des communautés juives et musulmanes qui ne voulaient pas se convertir, on les appelaient les "conversos". On raconte qu'avec l'argent récolté de ces peuples, l'Espagne aurait payé les explorations de Christophe Colomb aux Amériques. Cordoue en Andalousie était à cette époque la plus grande ville d'Europe qui rayonnait par sa culture artistique et culturelle. À côté de la cathédrale de Grenade les plus beaux marchés de fruits séchés me comblaient de bonheur.

Robert et Gérard, sont des noms fictifs pour conserver l'anonymat, étaient du groupe du moins au départ de l'aéroport à Montréal. Leurs affections communes pour le bar de l'aéroport étaient plus grandes que les gens qui constituaient le groupe. À l'appel des voyageurs pour Paris, où nous devions transiter, nos deux compagnons n'ont pas entendu l'appel de leurs noms respectifs répétés à maintes reprises. Étant affecté par leur absence je me rendis à l'évidence que s'ils avaient eu un certain jugement ils nous retrouveraient quelques part sur le circuit car ils possédaient l'itinéraire détaillé avec les noms et coordonnées des gîtes et des hôtels. Il m'était impensable de retarder le programme pour ces deux assoiffés. À mon grand étonnement Robert et Gérard n'ont jamais atterri à Malaga, notre point de départ et ne m'ont jamais contacté. Ils ont plutôt délibérément de faire la fête à Barcelone modifiant ainsi les vols initiaux pour partager ensemble dans un hôtel quelconque les meilleurs vins et alcools de la Catalogne. Je fus soulagé de ce dénouement car je ne peux m'imaginer les problèmes encourus par ces deux fanfarons sur les sommets de la Sierra Nevada, notamment sur la plus haute montagne continentale d'Espagne, le Mulhacen. Au retour lors du transfert à Paris nous virent nos joyeux lurons dans la file d'attente pour Montréal les yeux brouillés par les vapeurs incessantes de l'alcool. Aucun remboursement n'a été accordé pour leurs inattentions. D'autres aventures toutes aussi loufoques les unes que les autres se sont déroulées au fil des années. Dans le roman d'Albert Camus "le Mythe de Sisyphe", un homme est puni des dieux pour avoir enfermé la mort dans le but d'être éternel. Sa punition fut de devoir rouler un immense rocher tout en haut d'une montagne et de la laisser redescendre et de recommencer ainsi durant l'éternité. La morale de cette histoire est que nos vies représentent souvent un dur et incessant labeur. Sisyphe poussant son immense rocher toutefois peut contempler autour de lui la création et la beauté de son rocher tout en se reposant lorsque ce dernier roule en bas de la montagne. Le travail jour après jour peut être difficile parfois mais le repos est  divin si on l'utilise à bon escient.


19 décembre |

Durant près de vingt ans j'ai clos mes nombreuses publications par des citations philosophiques et spirituelles. Je n'aurais jamais pensé que ces citations un jour me porterais vers d'autres aventures. Je ne pouvais me permettre de m'exprimer à l'époque librement, comme ici dans ces confidences, car le but était de convier les gens à la marche et non à la lecture. Ces publications étaient principalement des informations relatives aux activités et voyages proposés. Ce qui reste aujourd'hui sont des souvenirs et récits qui traversent le temps. Ayez l'oeil au vert fut mon slogan. Jamais je n'aurais cru que cet œil vert se réincarnerait un jour sous la forme d'un journal intime. Le clin d'oeil au vert (ouvert) est dédié à ma défunte mère adoptive et aveugle. Le vert est la route indiquée que je poursuis instinctivement. Cette couleur est dans mon sang, elle masque le gris de la cité qui m'a vu naître. Le vert symbolise l'espoir, le hasard, la chance et la croissance. Le logo entrepreneurial utilisé, transfiguré représente les maillons d'une chaîne de vélo dans un cercle qui déploie de l'intérieur la rose des vents. Les maillons représentent une famille unie dans un cercle tournant inlassablement dans toutes les directions.

18 décembre |

Le travail est à redéfinir. Il y a quelques années en "faisant" les escaliers pour la forme entre la haute et la basse ville, j'apercevais un nombre élevé de déchets sous les escaliers. Les semaines suivantes j'effectuais des corvées de nettoyage dans la falaise. Ce n'est pas un travail productif mais nécessaire. J'éprouvai une satisfaction à m'impliquer dans le but d'embellir mon environnement. Je le fais autour de mon immeuble aussi mais ça dérange les gestionnaires. Les gens trouvent ça curieux que ça ne soient pas des ouvriers salariés qui nettoient les lieux. Aujourd'hui plusieurs personnes critiquent les autorités et, d'autres part, certains ne s'identifient plus à la société. Le travail valorisé est de produire des marchandises ou faire accroître des bénéfices d'une entreprise. Les arbres qui se tiennent debout ont moins de valeurs que couchés sur un "truck" pour en faire des deux par quatre. La société peut décider de sacrifier un ou quelques individus pour le bien commun. Réinventé le travail en ne laissant personne dans l'indifférence ou l'exclusion devrait être la norm-alité. La valorisation ne devrait pas être contenu uniquement dans la production ou la spéculation des marchandises pour le profit mais au service commun, l'entraide et le développement humain.

Sur un site internet de rencontres une femme décrit sa vie en cinq émoticônes. Des pictogrammes définissant sa personnalité est très réducteur de l'oeuvre m'apparaît-il. Avec ses fantaisistes symboles sa photo révèle une large poitrine dans un profond décolleté. Certains n'auront pas besoin de descriptions supplémentaires, le message est concluant. De nombreux êtres humains s'affichent telles des marchandises. Des mises en scène contribuent à renforcer l'image et ne révèlent qu'un impressionnant spectacle parfois d'humour lamentable et dérisoire. Je regarde tout ça maintenant comme une grande comédie dramatique. Ce film ne m'amuse plus et je suis passé à d'autres distractions qui me propose un bonheur plus durable.


16 décembre |

"Que l'importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée." Cette citation d'André Gide est devenue référentielle à mon parcours. À mes vingt-cinq ans j'avais déménagé à plus de vingt-six reprises multipliant les écoles et collèges. Enfant unique j'éprouvais de sérieux problèmes d'intégration sociale et d'apprentissage. Mon père adoptif est décédé à mes dix ans et ma mère est devenue aveugle perdant ainsi son emploi. La vie ne fut pas de tout repos. Je proviens des quartiers populaires de la Basse Ville vivant auprès des moins bien nantis et des incultes. La violence, l'ignorance et la misère faisaient rage dans ces sombres ghettos, j'en suis un survivant et heureux de l'être. J'ai fait confiance au destin et ma résilience fut immense. 


Mon schéma principal est le sentiment d'abandon et d'impuissance. La méfiance que j'éprouve envers qui et quoi que ce soit, des systèmes en place et de l'autorité étaient et sont encore omniprésents. Ma personnalité et mon apprentissage en solitaire ont fait de moi un travailleur autonome. J'ai appris avec le temps que je ne suis plus cet enfant opprimé, blessé. Le plus malheureux dans cette 
histoire est mon propre abandon qui c'est manifesté de différentes façons. Je ne ferai pas ici une exhaustive autopsie en ne voulant pas me projeter telle une victime. Néanmoins je porte des blessures qui ont faites ce que je suis devenu en parti. Mon enfance est baignée de douleurs et de nostalgies, mes plus beaux souvenirs proviennent de la couleur verte du végétal. La ville représentait pour moi la crasse immonde et la totale indifférence, j'y étais relié. Le vert de cette nature prometteuse est devenu mon seul objectif et allié. Vert l'Aventure Plein Air naquit et fut pendant vingt-sept ans une extension de mon étrange et sensible personnalité. J'en étais tellement persuadé que des milliers de personnes m'ont accompagné dans cette curieuse aventure. Je ne m'abandonne plus comme auparavant et j'ai appris à me poser davantage avec de lumineux souvenirs et de délicieux projets. Et les odeurs du maquis de l'île de la beauté ravivent mes espoirs, l'île du vent mes amours et le soleil éternel m'accompagne infiniment dans ma grisaille occasionnelle. Sénèque dit" quiconque aspire à une joie sans éclipses ne doit se réjouir de ce qui lui vient de lui seul." Des révélations importantes se manifestent aujourd'hui dans la solitude absente de nécessité et de trompeuses reconnaissances.