Présentiel

Bienvenue sur mon blogue personnel. Ce journal intimiste exprime un désir de dépassement et d'authenticité.

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Polarsteps


17 octobre |

Cossé qu'ça donne icitte ? me dit spontanément une vieille dame. Trop savoir ne rend pas plus heureux que de rien savoir. Un médecin m'a déjà dit que l'anxiété et la dépression sont la même chose. La dépression c'est lorsqu'on regarde en arrière, l'anxiété en avant. L'un et l'autre s'enlacent. Ce n'est plus un sujet tabou, mais encore. Il fut un temps où les hommes vivant des émotions l'étaient aussi, mais encore. Dans le prochain chapitre, je ferai un retour en arrière sur mes voyages passés pour comprendre ma trajectoire et pour ne pas oublier ces moments qui ont fait ce que je suis devenu. Tout a commencé en marchant. J'ai marché pour le bien-être que cela me procurait et surtout pour oublier d'où je provenais. C'est comme ça qu'à l'adolescence, j'ai commencé à arpenter la ville du matin au soir, été comme hiver, beau temps mauvais temps. Je marchais sans cesse, en repassant plusieurs fois sur les mêmes artères dans la même journée. Plus tard, je découvrais le cyclotourisme. C'est ainsi que j'ai appris que mon besoin d'aventure était immense, jusqu'au jour où je fus repêché par des américains pour accompagner des groupes de cyclistes en Europe. Plus tard, j'ai créé ma propre entreprise de voyages d'aventures. C'était, grâce à mes nombreux voyages et à l'expérience acquise avec les américains, que ma motivation et ma détermination prirent de l'ampleur. Les premiers séjours à vélo se déroulèrent au Québec pour ensuite se dérouler en Nouvelle-Angleterre. C'est à ce moment-là que je compris qu'il n'y aurait plus de limites dans ma capacité à devenir un organisateur aguerri et un étrange guide à la fois passionné et téméraire. Les voyages de randonnées pédestres suivirent beaucoup plus tard, les besoins en ce sens étaient très grands. Débutèrent alors une série de longues et impératives randonnées sur les grandes montagnes dans les états américains limitrophes du Québec. J'étais au bon endroit et au bon moment. Internet n'avait pas encore vu le jour et les gens n'avaient aucune autre possibilité de se rencontrer ailleurs que dans ces clubs qui, par ailleurs, étaient rares à cette époque. Le succès fut à ce point immense que j'entrepris d'offrir plusieurs activités à caractère sportif et social par semaine. Après les séjours au Nord-Est des États-Unis que je connaissais comme ma poche, j'entrepris des périples plus loin, notamment dans le Sud-Ouest américain et qui connurent un franc succès. Quelle gloire fut pour moi d'aller au Grand Canyon avec un groupe que j'avais moi-même constitué. Je sentais que je devenais invincible. Rien ne m'arrêtait. Ma réputation était telle que j'étais inondé d'appels de gens qui voulaient se joindre à mon entreprise. Les participants faisaient partie d'une grande et joyeuse famille. Les réseaux et les amitiés se multipliaient et la demande était forte. Pendant plusieurs années, il y avait jusqu'à six activités par semaine. Ma forme et mon enthousiasme étaient resplendissants. Lors d'un séjour d'exploration à Cuba avec un proche, j'ai décidé que l'entreprise que j'avais créée en 1994 prendrait son envol à l'international. C'est ainsi que débutèrent une série de grands voyages d'aventures qui me transporta sur tous les continents. C'est surtout l'Europe qui m'attirait le plus. C'est dans les années qui suivirent, que je fis plusieurs allers-retours sur le vieux continent pour réaliser mes rêves avec des dizaines d'intrépides aventuriers. La première fois que j'ai mis les pieds en Europe, ce fut en Hollande pour un voyage de deux semaines en cyclotourisme. J'y ai fait sept fois le tour, la plupart du temps sous la pluie avec des groupes de joyeux cyclistes amateurs. Ma première journée en Europe était à Amsterdam où la Hollande venait de gagner la coupe du monde de soccer contre l'Allemagne. Vous imaginez le délire dans les rues. Plus tard, ce fut la France et la Suisse qui m'accueillirent avec ses grands festins pour de circuits cyclotouristiques d'envergure accompagnant de riches américains. Ces trois premières destinations, j'accompagnais des groupes pour des agences spécialisées en tourisme d'aventure. Plus tard, confiant en moi et au meilleur de ma forme, j'organisai une série de voyages de randonnées pédestres dans les pays suivants : Italie, Sicile, Corse, Croatie, Espagne, Grèce, Turquie et Maroc. Il y a eu aussi, entremêlant les voyages en Europe, les nombreux séjours en Amérique centrale et du Sud, avec plusieurs destinations dans les Caraïbes : Équateur, Panama, Costa Rica, Nicaragua, Guatemala, Mexique, Cuba, Guadeloupe, Ste-Lucie, la Dominique et les Bahamas. Le seul et unique voyage en Asie fut au Vietnam où j'accompagnais un groupe de joyeux plaisantins. De tous ceux énumérés, mes préférés furent l'Italie et la Grèce. Sur les vingt voyages de groupes organisés en Europe, le mois d'octobre était mon mois de prédilection pour sentir les arômes et marcher sous la fraîcheur loin des hordes de touristes. À chacun des voyages, je devais me rendre à destination seul ou accompagné d'un volontaire, une année avant le voyage, afin de planifier le programme qui était unique et personnalisé. C'était ma création, mon art. La seconde était ma capacité à offrir du rêve. La seule destination qui m'a échappé est le Royaume-Uni, qui demeure encore dans mes cartons, cette fois-ci à titre personnel car ma carrière a terminé à la pandémie en 2020. Depuis ce temps, je passe quelques mois d'été en petit campeur dont je me suis porté acquéreur depuis la retraite. Je n'ai cessé de bourlinguer alors sur les routes d'Amérique du Nord à la recherche de chemins de traverse et de paysages sublimes. Cet automne marque un point important de cette vie d'intenses mouvements. Il me reste qu'un grand périple à vélo aux États-Unis à réaliser pour qu'enfin je termine cette longue liste vieille d'un demi-siècle. Peut-être irai-je en Angleterre plus tard ou bien retournerai-je en Italie ou en Grèce, je ne sais pas. Je ne sais plus ce qui adviendra de moi après tous ces grands projets qui prirent une place colossale dans ma vie, au point de m'en être identifié. Quel choc fut d'apprendre à la retraite que je venais de mourir. Longtemps, j'ai cru que je n'étais fait que pour ça. Il y a très longtemps que ma première fugue a débuté. Il serait grand temps que je rentre au bercail pour voir si j'y suis encore. Dur à suivre le monsieur, n'est-ce pas ? Tout change sans cesse bien malgré nous. C'est dans une vigilante attention que je perçois l'essentiel. Rompre avec certaines habitudes pour percevoir ce qui ce cache en dessous de chaque chose, chaque pensée, chaque geste. Tout se résume en un seul mot ; impermanence. Ce qui a été ne change plus. Ce qui a été n'existe dorénavant que dans ma mémoire. Cela est rassurant  parfois et aussi cruel de penser que ne reviendra plus celui que j'ai été. Reste ma mémoire pour retracer mon histoire et l'intégrer dans l'instant qui passe.