25 octobre |
Il faut viser davantage une tête bien faite qu'une tête bien pleine, disait Montaigne. Pour avoir une pensée critique, il faut avoir développé un savoir dans un domaine similaire aux sujets que l'on entend critiquer. Mon esprit critique devient plus aiguisé au fil du temps, car mon savoir se développe conjointement avec mes nouveaux intérêts qui sont de vouloir savoir en profondeur sur la nature de chaque chose. J'ai beaucoup appris de mes erreurs en lien avec mes jugements de valeur. Dans le même ordre d'idée, je fais un parallèle avec ceux qui adoptent des critiques trop vives envers la société et le système qui la recouvre. Je comprends qu'il est facile de blâmer la société, le système, le gouvernement, les voisins, etc. En réalité, ils sont les boucs émissaires d'un malaise en soi qui sévit depuis fort longtemps. À défaut de se frapper, on frappe tout ce qui bouge pour se permettre de faire la victime au lieu d'être pleinement responsable. Certes, ce n'est pas toujours facile d'agir dans la bonne direction avec les moyens que l'on possède. De là l'importance de savoir contrôler ses émotions. Les émotions ne sont pas toujours de bons maîtres. Elles dissimulent des réalités qui, sans qu'on y fasse face et qu'on les reconnaisse, peuvent causer beaucoup de soucis et d'incohérence. Certaines émotions posent un filtre sur notre regard envers soi-même et chaque chose en diminuant notre pouvoir. J'en sais quelque chose, moi qui suis assez émotif, parfois même sans raisons valables. Un surplus d'émotions fatigue le corps et l'esprit, entraînant de mauvaises décisions, des jugements erronés et peut même aller jusqu'à isoler celui ou celle qui en souffre à l'excès. Les émotions négatives et mal gérées apportent leur lot d'anxiété, voire des dépressions. Qui n'a pas déjà entendu parler de gérer ses émotions ? Ceci peut paraître anodin, mais avant de pouvoir nous dresser en haut de notre potentiel, il faut maintenir une saine communication avec soi-même avant quiconque. Au besoin, il faut avoir l'humilité pour obtenir de l'aide, pourvu qu'elle ne soit pas permanente, ce qui reviendrait à dire d'être dépendant. Je recherche toujours les causes de chaque chose maintenant pour cheminer. Cette recherche, cette action se nomme philosopher. La psychologie est, certes, très intéressante, mais je préfère de loin la philosophie qui m'amène à délaisser quelques temps les émotions pour le raisonnement, afin d'y revenir en meilleure posture. Mes mots vous semblent éloquents. Ils tendent à traduire avec le plus de précision ma pensée qui s'éclaircit de plus en plus à force d'écrire. Un ami me dit qu'il écrit peu et qu'il possède cette faculté de bien réfléchir sans l'aide du cahier ou du portable. Étant plutôt visuel qu'auditif, écrire et lire pour moi sont devenus mes meilleures alliées pour devenir un meilleur homme. Quand on se moque de tout, c'est parce qu'il n'y a plus d'espoir. On peut tout faire quand il n'y a plus rien à faire. Il faut que le vide de manifeste pour faire le plein. D'une certaine façon, j'ai vécu la décadence, croyant à tort que c'était mes derniers jours. J'ai connu cette ivresse d'un éclat d'une vie malheureuse jouant à être heureux. Écrire me permet d'extirper certains aspects négatifs de mon passé et d'en retenir les meilleurs. Il y a de ces choses qu'il vaut mieux laisser derrière soi ; les regrets, l'amertume, les remords. Tout n'est que vanité et orgueil. Autant en finir le plus tôt possible et regarder devant soi la tête haute. Tout apprentissage de la sagesse passe par un exercice de la désillusion. Mes désirs ne sont pas des réalités. Il faut devenir raisonnable avec ses désirs pour autant qu'il en prenne pour l'euphorie. Il y a plus de vertus dans le réel que dans mes désirs. Je l'ai appris amèrement si souvent, revenant sans cesse à la case départ, celle qui précède la maturité. On ne s'habitue pas à la douleur, c'est elle qui s'habitue à nous. Si j'étais si heureux, je ne passerais pas mon temps à me chercher dans les mots, pourrait dire certain. Bavardage incessant. Mais que faire alors, c'est cela que j'ai appris le mieux ? Avec un ami, on a parlé du sens de l'implication. Ce mot est largement galvaudé. Pour plusieurs, s'impliquer signifie apporter sa contribution à des gens, une cause, ou une action. S'impliquer pour moi signifie davantage. Mon attention, mon regard, mes paroles en font partie d'autant que mon égo sache se taire. Être un volontaire désintéressé n'est pas donné à tout le monde, chacun y voyant son propre intérêt d'agir, peu importe la cause. Et si s'impliquer était avant tout s'impliquer pour soi-même ? Mon esprit se libère enfin de sa torpeur, malgré l'absence de côte d'écoute. C'est en cela que je reconnais la sagesse se poindre. C'est le savoir qui attire les curieux, les opprimés et les gens avides de pouvoir et de liberté. Le savoir est bien en soi mais on doit savoir en quoi consiste sa recherche. Rien n'est simple dans l'esprit des hommes, car rien n'est permanent. Dans le mot lucide, il y a le mot en latin lux qui signifie lumière. On devient lucide quand on ouvre la lumière en soi. Les premiers rayons peuvent nous faire ressentir de la douleur car ce sont les désillusions qui s'envolent, écorchant l'égo au passage. Pour aller bien, il faut commencer par aller mal. Comment se fait-il que l'on tarde à comprendre certaines choses pour être masochiste à ce point ? La lucidité passe par le pessimisme et ce que j'appelle à certains aspects, la réalité. La réalité peut être triste. Pourquoi vouloir la fuir lorsqu'on sait qu'elle reviendra toujours ? Funeste destin que celui des hommes. Si certaines personnes sont pessimistes, ce n'est pas qu'elles sont tristes par nature. C'est que le monde va mal et que trop s'en contentent en accusant ceux qui sont suicidaires d'être pessimistes, afin de ne pas changer ce qui ne va pas. C'est lorsque la réalité atteindra un grand nombre de gens que le changement ou le réveil s'amorcera. Il ne faut surtout pas minimiser la gravité des problèmes et surtout ne pas les éviter, comme on s'évertue de le faire en ce moment. Le pessimisme et le cynisme sont à la mode aujourd'hui. L'art d'appuyer sur ce qui va mal se porte bien. On peut dominer le monde ainsi. On reconnaît là un certain homme ringard, ignoble et prétentieux qui ne s'est fait, en réalité, que le porte-étendard et l'écho d'une masse critique qui ne demandait qu'à être entendue, ce que n'ont pu faire ceux qui l'ont précédé. Cet homme vaniteux n'est en réalité qu'un formidable joueur d'échecs qui dispose d'une formidable tribune. Si ont écoute pas tout le monde, un jour viendra que plus personne ne nous entendra. La vie est pleine de possibles inexploités. C'est la raison pour laquelle elle est obscure. Ce qui ne vit pas n'éclaire pas. Ce qui n'éclaire pas ne m'incite pas à voir. En étant résolument négatif, il fait ressurgir le réel, délivrant ainsi le possible qui s'y trouve. C'est en étant parfois radicalement pessimiste que l'on reconquiert l'optimisme qui permet de vivre. Cette lecture de Bertrand Vergely, petite philosophie des jours tristes, me redonne de l'espoir et à la vie. Rarement je n'ai lu un ouvrage qui me touche à ce point. Peut-être est-il tombé sous ma main au moment opportun ? Comment en arrive-t-on à subir des ruptures aussi intenses qu'à part un manque de vigilance de notre part ? Comme je l'ai dit auparavant, pour aller bien, il faut commencer par aller mal. Le matin tranquille. La fenêtre sourit. Le froid s'installe.
24 octobre |
Il ne faut pas avoir une raison d'être pour vivre. Si l'on perd cette raison, notre vie s'écroule aussi. Notre raison d'être s'épuisant, le vide réapparaît. Tant que nous ne sommes pas devenus nous-mêmes en profondeur, une voix murmure du fond du temps qui passe : que fais-tu de toi-même ? Il y a quelque chose de très subjectif dans la notion d'être et une part de très peu rationnel. Le moi se cherche en vain un miroir qu'il recherche et de là, l'égo qui parle. Ce n'est pas vivre que de tout rationaliser. Qu'adviendra-t-il du sentiment de se sentir utile à une tâche qui un jour se terminera ? Je me sentirai inutile. Je comble mon vide par une tâche, une raison d'exister, ce dont je suis dépendant. Rationaliser sur tout, c'est vouloir enfermer l'existence afin de masquer sa faiblesse derrière une forme de contrôle délirant, affirme Bertrand Vergely. Le sens de la vie devrait se suffire à lui-même. Prendre soin de soi, se connaître, bouger, philosopher, voilà les premiers gestes, le reste suivra bien. Concernant la reconnaissance, comme l'indique la pyramide de Maslow, il faut faire acte de prudence envers elle afin de ne pas vouloir nourrir l'égo. C'est qu'il est rusé ce traître qui se camoufle au fond de soi et prêt à ressurgir au moindre relâchement. Lâcher prise dissout l'égo lorsqu'il se fait menaçant. Jour de bonheur tranquille. Le mont Fuji voilé. Dans la pluie brumeuse. Le haïku est une forme poétique d'origine japonaise extrêmement brève, célébrant l'évanescence des choses et les sensations qu'elles suscitent. Matsuo Bashō fut incontestablement le plus célèbre maître de cette poésie. Un haïku évoque généralement une saison. Un vieil étang. Une grenouille qui plonge. Le bruit de l'eau. Le haïku nous libère de tout vouloir rationaliser. Une forêt profonde. Un chevreuil avance. Le craquement des branches. C'est toujours la peur d'être nous-mêmes qui nous porte vers le miroir. En écrivant, effectivement je suis devant le miroir, mais j'évite de regarder ce qui me semble être la vérité, c'est-à-dire ma peur. En écrivant, je réussis à regarder le reflet de ma pensée et ainsi à éviter les pièges de l'égo qui me sont tendus. Se connaître soi-même est la plus importante tâche de toute notre vie. Sans cela, il n'est rien. Tout ce que je ferai, croirai et dirai ne sera que du vide. Ce vide, je le connais trop bien pour avoir vécu trop longtemps avec lui. La rose est sans pourquoi ni comment, elle fleurit parce qu'elle fleurit. Elle ne prête pas attention à elle-même, elle se demande pas si on la voit. C'est en évitant de trop raisonner qu'on en vient à écrire ce chef-d'œuvre de la littérature mystique. Oui, j'ai connu l'orgueil, celui-là qui voulait me placer au-dessus de tout et de chacun. Devant lui, je me projetai l'image d'un homme libre au-dessus du lot. Cela m'a conduit à la pauvreté d'esprit, je reconnais. Quand cette raison d'être humain s'écroule, j'ai eu la chance d'apercevoir mon vide intérieur avant qu'il ne soit trop tard. Ce réflexe inconscient a perduré des dizaines d'années durant, moi qui pendant tout ce temps avais cru conjuguer avec la sagesse. Quel réveil brutal. Une raison d'être n'est ni quelque chose ni rien, mais soi. Quand je vis. Quand je pense. La sagesse est liée au savoir et à la modération. Au savoir, j'ai fait de mon mieux, pour la modération dans mes passions, j'ai échoué. Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit, dit-on. J'aime reprendre ces phrases illustres fondées sur la raison en les incrustant dans mes propos. Je retiens l'idée du haïku entre les deux. Il est possible que je veuille inconsciemment vouloir redorer mon lustre ou mon égo en agissant ainsi et me donner bonne conscience. Peut importe. Mon objectif est d'apprendre à m'installer dans l'équilibre des choses ainsi que dans leur douceur, ce qui me permettra de conjuguer l'énergie même qui permet de vivre. C'est le seul accès au secret du monde et d'une vie réussie. Ceux qui me lisent doivent bien reconnaître que ces propos ne sont pas tous de moi. Sachez qu'en les écrivant, en toute humilité, j'ai la nette impression qu'ils font partie de moi-même. Pourquoi me priverais-je d'un aussi grand nombre de vérités ? Je demeure à l'affût de ceux qui ont des choses à dire et d'en faire ma propre interprétation, sinon je pivoterais sans cesse sur moi-même. Vergely dit ne pas prendre garde à ne pas être modéré dans la sagesse. À force de le dire, j'ai l'impression qu'elle me pénètre le cœur et l'esprit, alors à quoi bon m'en passer. Je reconnais avoir encore une certaine modération à apporter dans mes élans. Le seul fait d'en prendre conscience est déjà une atteinte d'équilibre en soi. La sagesse s'accommode mal d'une conscience trop assurée d'elle-même. Socrate a été le premier à l'enseigner. Le dépassement de l'orgueil est plus important que celui de la folie. La sagesse est le seul moyen de sortir de la folie. S'il est sage de ne pas être fou, il l'est également de ne pas sombrer dans l'orgueil. Être sage consiste à ne pas mourir idiot. Les stoïciens prônaient d'accepter ce qui ne dépend pas de nous, de vivre en accord avec la nature et la raison, et de se concentrer sur l'action juste et les intentions. Si j'avais vécu à cette époque, j'aurais adhéré à cette école et à ce mouvement de pensée en parallèle de celle d'Épicure.
23 octobre |
L'épanouissement n'est pas un état permanent je crois. M'épanouir dans ma vie en ce moment, c'est de philosopher, de lire et d'écrire. M'épanouir, c'est de savoir me poser les bonnes questions en recherchant ma propre vérité. M'épanouir, c'est comprendre que je n'ai plus besoin de l'approbation des autres pour être heureux. Mon bonheur passe avant tout et surtout sans ce besoin nocif du regard des autres. M'épanouir, c'est être en harmonie avec mon être véritable et c'est tant mieux si j'intercepte des gens au passage et ce, sans aucune obligation ni aucunes conditions de part et d'autre. L'épanouissement n'est pas un état durable. Il y a bien des raisons qui font que la vie a du sens. À condition de poser correctement la question. Point n'est besoin de consulter l'opinion d'autrui afin de savoir ce que l'on pense. Pensons par nous-mêmes. Quel plaisir de découvrir que nous pouvons être notre propre maître. N'y a-t-il une chose de plus grave, de plus intense, de plus douloureuse que de perdre le contrôle de sa raison ? J'ai connu souvent ces chutes de misère où l'on devient l'ombre de soi-même. Perdre ses repères ou ses émotions est à ce point bouleversant que certains n'y reviennent tout simplement pas. C'est la conscience qui donne sens et personnalité à la société et non l'inverse. Pour le comprendre, il ne faut pas être conformiste selon la sagesse d'Alain. Ce qui est rare. On devient bête avec la foule quand elle l'est, fou avec elle quand elle devient folle et totalement désespéré quand, ne voulant être ni bête ni fou, on n'en continue pas moins à regarder le comportement des autres au lieu d'agir soi-même. Ma grandeur provient de ma responsabilité envers celui que je suis réellement en premier lieu. Je suis responsable quand je deviens un diffuseur de vie sous forme d'un être rayonnant. En effet, mes plus grandes préoccupations ont été d'être ce diffuseur tout azimut autant de l'intérieur que de l'extérieur. Durant les cinq dernières années, j'ai parcouru avec Béa mon campeur, plusieurs destinations dont je fantasmais depuis fort longtemps. Béa, pour la béatitude d'être vivant et Béatrice, cette chère et fidèle lectrice du Sud-Ouest de la France que je connais étrangement, que par son franc parler et ses likes. Ainsi cette longue liste de lieux inscrits depuis toujours sur mes vieilles cartes a été marquée dans ma mémoire : de l'ouest du continent, du nord au sud en passant par les prairies, la côte est, les maritimes et tous les chemins de travers entre les deux. En cinq ans, j'ai beaucoup vu, aimé et rêvé, encore plus que je n'aurais pu imaginer. Tous ces kilomètres ont tracé mon histoire, dont je suis fier en me rendant plus grand et plus fort. Durant ces cinq années, j'ai aussi appris sur mes limites et mes faiblesses, surtout celles que l'on apprend en route. Mes faiblesses n'ont pu que se découvrir de cette façon, c'est-à-dire dans l'action. À vélo, j'ai parcouru toutes les destinations que j'avais comme objectif d'atteindre, sauf quelques-unes encore pour des voyages ultérieurs. Peu de gens ont roulé sur deux roues sur autant de routes différentes que les miennes. Ce n'est pas par prétention que je maintiens ce verdict, mais par conviction. Je peux affirmer que j'ai réussi ma vie, du moins en grande partie, mais la partie n'est pas terminé, du moins je l'espère. Un proverbe de Rousseau dit que la seule façon de savoir si un dessert est bon, c'est de le manger. Je crois en avoir abusé allègrement par excès, par goût de l'inaccessible et par désir de liberté. J'ai compris, bien plus tard, que c'est en soi qu'on porte la liberté. Ce que je recherche aujourd'hui, ce sont les gens cultivés et les grands penseurs. Les autres, considérez-vous comme étant salués, mes très chers petits lapins, mes tendres moutons. Ce que j'ai aimé avant tout a été de marcher sur des lieux où personne n'avait jamais été avant que je m'y retrouve. Il est impressionnant de savoir que les regards profanes n'ont jamais souillé ces lieux magiques. Ils ressurgissent de ma mémoire dans les moments paisibles et les jours tristes. C'est aussi à ça que servent les jours de pluie, se rappeler avec nostalgie et grandeur de son histoire et du chemin parcouru. On ne devient pas amis avec tous ceux que l'on aimerait entendre. Il paraît que les amis se comptent sur les doigts d'une main. Parfois je me demande comment font certaines personnes pour avoir des centaines d'amis sur internet ? Tout cela est une pure illusion afin de croire que ces gens ne sont pas seuls. Autrefois, le bonheur reposait sur la vie collective. Dorénavant, seul, on te dit : vas-y et sois heureux, comme si le bonheur était dans une bulle ou une chose que l'on achète ou que l'on cueille sur Instagram ou Facebook et que l'on conserve dans sa bulle avec des gens qui pensent et qui disent les mêmes sottises que nous. Comment s'épanouir dans un monde de plus en plus dispersé, isolé et réfractaire à toutes divergences d'opinions ou d'idées ? Comment faire taire les jugements de valeur que l'on porte inconsciemment et qui nous isolent ? Comme il est difficile de rester objectif dans ce monde subjectif. Je suis de plus en plus conscient des tares qui m'ont habité jusqu'à tout récemment et qui ont freiné mon épanouissement personnel par peur ou ignorance. L'épanouissement n'est jamais acquis. Je ne nais pas épanoui, je le deviens. S'asseoir avec un groupe d'individus, tous différents les uns des autres, sans aucun autre objectif que de se poser des questions existentielles et philosophiques, et ce sans être réactifs ou fermés à l'autre, est un exercice difficile mais tellement enrichissant. À chaque rencontre, j'ai l'impression d'avoir agrandi et nourri mon espace intérieur. Dans cet exercice louable et parfois difficile, je grandis de l'intérieur, car c'est à ce moment que j'aperçois les maillons d'une chaîne se renforcir. Quoiqu'il en soit, le travail en vaut le coup. Il me faut être patient car comme on dit, le monde ne sait pas faire en une seule journée.
22 octobre |
En vieillissant, je gagne en esprit ce que je perds au corps. C'est comme ça que la sagesse se déploie. Ce soir, je suis à nouveau de retour à la bibliothèque. Cet après-midi, j'ai passé quelques heures au campus de l'université Laval à la recherche d'inspiration. Les jeunes adultes me font penser à des adolescents, moi à un vieux con. J'y ai trouvé quelques trouvailles en philosophie sous la forme de conférences grand public. À la maison de la littérature ce soir se déroule l'ambassade de l'utopie, un forum ouvert de discours, de paroles, d’idées et de performances ; un espace où les rêveurs, les artistes, les citoyens, les activistes et les groupes communautaires sont invités à parler de leur vision de l’avenir, à partager des idées qui sont trop importantes pour ne pas être exprimées. Surgiront de l'événement ; poésie, art littéraire, réflexions académiques, musique et danse. Il pourra aussi s’agir de performances, de témoignages, de lettres ou d’articles journalistiques. Les œuvres et réflexions peuvent toucher un vaste éventail de sujets : rêver d’un avenir se fondant sur les acquis du passé, aborder les relations humaines entre les communautés, nos rapports au territoire, imaginer la ville du futur. Tous ces ambassadeurs de la culture en marche s'impliquent activement dans la communauté. Ils sont cette courroie de transmission qui, comme vous et moi, tentons de faire avancer les choses à notre façon. Après une heure, j'ai quitté promptement. Je n'y apprenais rien de nouveau. Bien qu'il s'agisse là d'un événement culturel, artistique et communautaire important, je préfère lire, écrire et refaire le monde à ma façon. Je prends conscience que rien ne m'apporte autant de bonheur que les ouvrages et les discussions philosophiques en petits groupes et les essais littéraires. Cette prestation était pour moi trop teintée d'émotions. Oui, l'utopie était le thème de la soirée, le mien seront mes livres et mon canapé. En réalité, je n'aime pas rester passif dans une salle remplie de gens, sauf au cinéma. Je n'aime pas le théâtre, la soirée m'y faisait penser. J'avais l'impression d'entendre de longs discours larmoyants et redondants. Les grands discours sont inutiles quand on a mal. Je m'attends à des actes, du réconfort, de l'assistance. Quand on peut penser, on ne souffre pas. Quand on souffre, on pense mal. Les phrases que l'on construit à propos de la souffrance ont beau être émouvantes et intéressantes, elles n'en restent pas moins abstraites. L'homme dans ses agissements est une passion inutile, affirme Bertrand Vergely. Vivre consiste à vivre pour soi, en découvrant là une forme de liberté. Camus disait qu'importe de vivre d'une façon absurde, si l'on se sent vivre. Cela m'amène à devoir étendre l'éthique et le moral dans cette allocution. Je trouve plutôt incomplète cette phrase. Quand le monde manque de vie intérieure et de liberté, ce manque entraîne les crises morales et spirituelles auxquelles nous assistons. Parfois les mots ne suffisent plus à part que de vouloir panser des blessures qui ne cessent de s'épandre. J'ai souvent dû devoir lutter contre moi-même pour me reconnaître. Sagesse et action se confondent. Aristote a fait de l'action le fondement de toute sagesse.
21 octobre |
Ne pas s’intéresser à l’indifférence pourrait équivaloir à être indifférent par surcroit. Ainsi, comment ne pas devenir indifférent dans un monde que l’on perçoit indifférent ? Cela dit, je fais quoi pour être bien dans ce monde ? Je pense qu’il faut observer et avant tout surtout s’observer. Je dois faire attention que ma déception ne se transforme pas en amertume qui, avec le temps, pourrait devenir de l’indifférence. Sur quoi porte mon attention, grandis. Pourquoi souffrir avec ce qui échappe à mon contrôle ? J'ai toujours aimé me poser des questions. Depuis la retraite, la philosophie et la littérature ont pris une place considérable. Je commence à obtenir des résultats tangibles de ces expériences reliées à l'étude de la pensée et de ses dérivés. De grandes questions se posent de nature à mieux me comprendre ainsi que le monde qui m'entoure. Les lieux de rencontres et d'échanges reliés à l'esprit neutre et volontaire sont quasiment inexistants. En omettant d'alimenter son esprit, il dégénère rapidement, souillé par la peur et l'ignorance. La question que se pose un grand nombre de gens est de savoir où prendre ses sources aujourd'hui pour être ou se maintenir heureux. Bien entendu, il y a le support que nous apportent la famille et les amis. Mais bien au-delà de cela, il faut bien savoir se relever les manches et passer aux études de son esprit, comme je dis. Au départ, mes trop grandes questions étaient influencées par des carences sévères. Avec le temps, je suis devenu ce que je pense en grandissant avec un surplus d'anxiété. Mes principales préoccupations étaient de rester la tête au-dessus de l'eau pour ne pas périr. Les réflexes et la pensée découlant des dangers issus d'un lointain passé m'ont ostracisé. Ce soir, j'ai participé à un atelier philosophique où se rassemblaient, pour la plupart, des néophytes en la matière. C'est à ce moment que je vis à quel point mes études et ma motivation ont porté fruits. Le jour où je cesserai d'apprendre, je serai mort. Plusieurs questions existentielles proposées par le groupe étaient mises sur la table, une seule fut sélectionnée. Rapidement, l'enthousiasme a pris son envol, comme quoi, le besoin de réfléchir en groupe est viscéral mais insuffisamment pratiqué. Sans cela les discussions d'usage prennent des allures de monologues ou de stations de nouvelles superficielles aux consommateurs et aux idiots. Quand je ne dis rien, je pense encore est une très belle allocution et aussi le titre d'un recueil poétique de Camille Readman Prud'homme qui résume son œuvre sur la pensée. On prend souvent pour acquis la pensée associée aux mots et aux idées de tous genres provenant d'interprétation erronée, d'erreurs de jugement, de manque de discernement et d'émotions vives. Je crois avoir passé la plus grande partie de mon temps à parler seul. C'est arrivé, au commencement, par habitude et non pas par désir. Plus tard, beaucoup plus tard, à mon éveil, si je peux appeler cela ainsi, j'ai su reconnaître la cacophonie et le chaos en moi et autour de moi. Un profond malaise s'installa et ne m'a plus jamais quitté, jusqu'au jour où j'ai commencé à lire et à écrire. Et la paix et le calme s'installa durant ces simples gestes. Depuis, je me sens moins seul. En réalité, comment le serais-je, puisque je suis avec moi-même. On croit que ceux qui ne parlent pas ne pensent à rien et que ceux qui sourient sont heureux. On croit aussi que ceux qui sont convaincus ont raison et que ceux qui écoutent obéissent. Souvent, lors de situations difficiles, je me suis retrouvé seul mais jamais dans une totale incohérence. À force de ne pas être raconté, certaines choses s'éloignent et se transforment en secrets involontaires. Je me retrouve alors disjoint avec des fragments de vie. Parfois, mes souvenirs éclatés sont si nombreux que je pense que je ressemble à un garage. J'ai entreposé dans ma tête tellement de choses hors d'usage et autant de connaissances inutiles que je ressemble à des décorations de Noël au mois de mars. Je ne suis plus apte, comme auparavant, à discuter avec quelqu'un, en découvrant que je parle au vide. La personne est là, mais ce n'est plus qu'un corps inerte. Maintenant, je poursuis mon élan ailleurs. En réalité, je l'ai toujours fait par instinct de survie. J'ai appris dans la cacophonie, à force de la côtoyer, que la conversation prend le ridicule du boxing day, parce que dans cet empressement, dire devient prendre, et prendre veut dire n'importe quoi. Discuter doit être comme alimenter un feu. Dans cette discussion, je reconnais que les désaccords peuvent apparaître comme une preuve de sérieux et que c'est ainsi que les liens peuvent se créer et de nourrir.
18 octobre |
J'ai tout le temps rêvé d'aventures au point que le nom de l'entreprise créée en 1994, et qui a perduré plus de trente ans, portait le nom de Vert l'Aventure. Très tôt, je croyais pouvoir devenir un bon marin. Je me suis engagé dans la Garde côtière canadienne comme serveur pour les officiers. Les navires étaient des brise-glaces qui naviguaient sur le fleuve, le golfe et l'estuaire du Saint-Laurent. Plusieurs fois dans l'année, des expéditions eurent lieu dans les Territoires du Nord-Ouest et l'Arctique. Ce fut l'enfer et l'une des plus mauvaises expériences de toute ma vie, du fait notamment que le mal de mer me poursuivait sans cesse. J'ai appris que j'avais davantage le pied terrestre que marin. À cette époque, les navires étaient vieux et l'équipage était uniquement composé d'hommes plutôt durs et coriaces. J'ai rapidement appris que vivre sur un navire était similaire à vivre dans un pénitencier. Tout en acier, avec des horizons froids et glaciales pour distraction, sans aucun espace vert et avec comme seul divertissement, le travail et l'accumulation de temps supplémentaire pour les primes, quel horreur. Mes illusions ont rapidement fondu comme neige au soleil et surtout avec les initiations macabres aux marins amateurs que je fus. Et les heures étaient très longues sur ces opaques bastions voguant sur les mers solitaires et colériques. J'ai traversé ainsi le cercle arctique avec une bande de cinglés à mes côtés, car même les pénitenciers n'en voulaient pas. Et vogue la galère, comme on dit, jusqu'à la prochaine terre où j'ai mis fin abruptement au contrat nauséabond de misère et d'austérité. C'est comme ça que j'ai appris que l'argent ne règle pas tout, je l'ai bien compris à la dure, comme le reste. Aujourd'hui, la vie est différente à la Garde côtière, heureusement pour ceux qui naviguent leur mal à l'âme. J'aime la philosophie, car j'y apprend, en autre, que la tristesse et la philosophie sont incompatibles. Lorsque je romps avec mes rêves et mes désirs, je deviens triste et oppressé. La tristesse est signe de conflits intérieurs. Le désir n'est pas le résultat d'un savoir. Il est un élan, d'où la difficulté de comprendre la tristesse. Être triste revient donc à penser et, le cas échéant, à philosopher. La conscience nait au monde par la sensibilité capable de s'émouvoir comme de s'attrister. Je suis la totalité de ce que j'ai vécu. Il est réconfortant de savoir. Se savoir perdu ou de se savoir sauvé, c'est dans tous les cas savoir, ce qui rompt avec l'angoisse de l'incertitude. Je lis quelques pages de la petite philosophie pour jours tristes de Bertrand Vergely pour mettre de la gaieté dans mon désespoir. Paradoxal, mais vrai. Ce n'est pas en évitant certains sujets qu'ils vont s'empêcher de se manifester. Il n'y a rien de plus angoissant que de ne pas savoir. Il peut être autant angoissant de ne pas savoir quoi faire. Être trop conscient peut apporter son lot d'angoisse, car l'existence même est remplie d'angoisse pour les pauvres hommes que nous sommes. Il y a en nous des vertiges issus de la conscience. Rien n'est pire que l'indifférence. En me heurtant à elle, j'ai l'impression de ne pas exister. Partout où je vais, l'indifférence est là. Une façon de l'éviter est de montrer ses dollars en poche, sa carte de crédit, son compte de banque avec, bien entendu, des fonds suffisants pour exercer sa crédibilité. Mais au-delà de ça, l'indifférence règnera toujours. Ma trop grande sensibilité à cet effet me rend triste. Elle me renvoie ma propre inutilité. L'indifférence est humiliante et surtout terrifiante. C'est une forme de mort dans la vie. L'inhumanité s'installe vite, quand on n'y prend pas garde, dit Bertrand Vergely. L'indifférence que certains portent envers autrui finira par se porter contre eux inévitablement. J'apprends de plus en plus à ne pas donner trop d'intérêt à ce qui n'en vaut pas la peine, sans pour autant être devenir indifférent, ce qui n'est pas toujours évident. Les choix sont parfois cruels et injustes. Je ne dois pas me montrer indifférent envers moi-même à vouloir jouer au sauveur. La société du spectacle périra lorsqu'elle ne fera plus rire personne et lorsque notre attention ne portera plus son regard vers ce qui est superficiel. Une seule chose freine la banalité, que l'on ne s'intéresse pas à elle. Mais comment freiner l'indifférence ? Ne pas s'intéresser à elle pourrait équivaloir à être indifférent par surcroît. Penser consiste à devenir insensible à tout ce qui ne me conduit pas vers une réelle découverte de soi-même, dit Vergely, ce à quoi j'adhère totalement.
17 octobre |
Cossé qu'ça donne icitte ? me dit spontanément une vieille dame. Trop savoir ne rend pas plus heureux que de rien savoir. Un médecin m'a déjà dit que l'anxiété et la dépression sont la même chose. La dépression c'est lorsqu'on regarde en arrière, l'anxiété en avant. L'un et l'autre s'enlacent. Ce n'est plus un sujet tabou, mais encore. Il fut un temps où les hommes vivant des émotions l'étaient aussi, mais encore. Dans le prochain chapitre, je ferai un retour en arrière sur mes voyages passés pour comprendre ma trajectoire et pour ne pas oublier ces moments qui ont fait ce que je suis devenu. Tout a commencé en marchant. J'ai marché pour le bien-être que cela me procurait et surtout pour oublier d'où je provenais. C'est comme ça qu'à l'adolescence, j'ai commencé à arpenter la ville du matin au soir, été comme hiver, beau temps mauvais temps. Je marchais sans cesse, en repassant plusieurs fois sur les mêmes artères dans la même journée. Plus tard, je découvrais le cyclotourisme. C'est ainsi que j'ai appris que mon besoin d'aventure était immense, jusqu'au jour où je fus repêché par des américains pour accompagner des groupes de cyclistes en Europe. Plus tard, j'ai créé ma propre entreprise de voyages d'aventures. C'était, grâce à mes nombreux voyages et à l'expérience acquise avec les américains, que ma motivation et ma détermination prirent de l'ampleur. Les premiers séjours à vélo se déroulèrent au Québec pour ensuite s'effectuer en Nouvelle-Angleterre. C'est à ce moment-là que je compris qu'il n'y aurait plus de limites dans ma capacité à devenir un organisateur aguerri et un guide à la fois passionné et téméraire. Les voyages de randonnées pédestres suivirent beaucoup plus tard, les besoins en ce sens étaient très grands. Débutèrent alors une série de longues et impératives randonnées sur les grandes montagnes au États-Unis. J'étais au bon endroit et au bon moment. Internet n'avait pas encore vu le jour et les gens n'avaient aucune autre possibilité de se rencontrer ailleurs que dans ces clubs qui étaient plutôt rares à cette époque. Le succès fut à ce point immense que j'entrepris d'offrir plusieurs activités à caractère sportif et social par semaine. Après les séjours au Nord-Est des États-Unis que je connaissais comme ma poche, j'entrepris des périples plus loin, notamment dans le Sud-Ouest américain et qui connurent un franc succès. Quelle gloire fut pour moi d'aller au Grand Canyon avec un groupe que j'avais moi-même constitué. Je me sentais invincible. Rien ne m'arrêtait. Ma réputation était telle que j'étais inondé d'appels de gens qui voulaient se joindre à mon entreprise. Les participants faisaient partie d'une grande et joyeuse famille. Les réseaux et les amitiés se multipliaient et la demande était forte. Pendant plusieurs années, il y avait jusqu'à six activités par semaine. Ma forme et mon enthousiasme étaient resplendissants. Lors d'un séjour d'exploration à Cuba avec un ami de l'époque, j'ai décidé que l'entreprise que j'avais créée en 1994 prendrait son envol à l'international. C'est ainsi que débutèrent une série de grands voyages d'aventures qui me transporta sur tous les continents. C'est surtout l'Europe qui m'attirait le plus. Dans les années qui suivirent, je fis plusieurs allers-retours sur le vieux continent pour réaliser mes rêves avec une multitude d'intrépides aventuriers. La première fois que j'ai mis les pieds en Europe, ce fut en Hollande pour un voyage de deux semaines en cyclotourisme. J'y ai fait sept fois le tour à velo, la plupart du temps sous la pluie avec des groupes de joyeux cyclistes amateurs. Ma première journée en Europe fut Amsterdam où la Hollande venait de gagner la coupe du monde de soccer contre l'Allemagne. Vous imaginez le délire dans les rues. Plus tard, la France et la Suisse m'accueillirent avec ses grands festins de circuits cyclotouristiques d'envergure accompagnant de riches américains. Ces trois premières destinations, j'accompagnais des groupes pour des agences spécialisées en tourisme d'aventure. Plus tard, confiant en moi et au meilleur de ma forme, j'organisai une série de voyages de randonnées pédestres dans les pays suivants : Italie, Sicile, Corse, Croatie, Espagne, Grèce, Turquie et Maroc. Il y a eu aussi les nombreux séjours en Amérique centrale et du Sud, avec plusieurs destinations dans les Caraïbes : Équateur, Panama, Costa Rica, Nicaragua, Guatemala, Mexique, Cuba, Guadeloupe, Ste-Lucie, la Dominique et les Bahamas. Le Vietnam fut mon seul voyage en Asie où j'accompagnais un groupe de joyeux plaisantins. De tous ceux énumérés, mes préférés furent l'Italie et la Grèce. Sur les vingt voyages de groupes organisés en Europe, le mois d'octobre était mon mois de prédilection pour sentir les arômes et marcher sous la fraîcheur loin des hordes de touristes. À chacun des voyages, je devais me rendre à destination seul ou accompagné d'un volontaire, une année avant le voyage, afin de planifier un programme unique et personnalisé selon mes goûts. C'était ma création, mon art. J'avais cette capacité extraordinaire à offrir du rêve. La seule destination qui m'a échappé est le Royaume-Uni, qui demeure encore dans mes cartons, cette fois-ci à titre personnel car ma carrière a terminé à la pandémie en 2020. Depuis ce temps, je passe quelques mois d'été en petit campeur dont je me suis porté acquéreur depuis la retraite. Je n'ai cessé de bourlinguer alors les routes d'Amérique du Nord à la recherche de chemins de travers et de paysages sublimes. Cet automne marque un point important de cette vie d'intenses mouvements. Il me reste qu'un grand périple à vélo aux États-Unis à réaliser pour qu'enfin je termine cette longue liste vieille d'un demi-siècle. Peut-être irai-je en Angleterre plus tard ou bien retournerai-je en Italie ou en Grèce, je ne sais pas. Je ne sais plus ce qui adviendra de moi après tous ces grands projets qui prirent une place colossale dans ma vie, au point de m'en être identifié. Quel choc fut d'apprendre à la retraite que je venais de mourir de tout cela. Longtemps, j'ai cru que je n'étais fait que pour ça. Et c'était vrai. Il y a très longtemps que ma première fugue a débuté. Il serait grand temps que je rentre au bercail pour voir si j'y suis encore. Dur à suivre le monsieur, n'est-ce pas ? Tout change sans cesse bien malgré nous. C'est dans une vigilante attention que je perçois l'essentiel. Rompre avec certaines habitudes pour percevoir ce qui ce cache en dessous de chaque chose, chaque pensée, chaque geste. Tout se résume en un seul mot ; impermanence. Ce qui a été ne change plus. Ce qui a été n'existe dorénavant que dans ma mémoire. Cela est rassurant parfois et aussi cruel de penser que je ne reviendrai plus celui que j'ai été. Reste ma mémoire pour retracer mon histoire et l'intégrer dans l'instant présent qui passe.