17 octobre |
Pour aller au bout du chemin il ne suffit pas seulement de marcher, encore faut-il se raconter. Le pèlerin a besoin de se raconter, l'expérience fut trop intense et appelle le récit. Le pèlerin que je suis recherche à mettre en place une structure de langage pour me raconter, parler, écrire, etc... le récit du pèlerin ou du voyageur exige de se mettre à nu. Devant de tels récits, je reconnais une prise de parole authentique. Le mot pèlerin signifie un individu se sentant étranger à lui-même désirant renouer avec ses racines. Il marche en marge des différences culturelles, sociales, politiques et économiques. La marge offre une posture en retrait qui donne à voir d'un point de vue différent.
Je reviens transformé de mon périple dans l'ouest canadien et j'éprouve la nécessité viscérale de me raconter, de raconter mon histoire afin de lui donner un sens et ainsi donné un sens à ma vie. Je reviens au point de départ mais quelque chose a changé. Je demeure encore un touriste chez moi mais le pas est plus lent. La transformation ne c'est pas effectuée en atteignant mon objectif sur la côte ouest, elle s'effectue au retour après un long et pénible malaise et de remises en question. Mon blogue est le canal par lequel j'exprime mon récit, mon histoire me projettant beaucoup plus loin que les trois mois effectués sur la route. Le récit débute à ma naissance et refais surface douloureusement afin que la transformation s'effectue. L'écoute et la parole sont primordiales. Je ressens que la boucle se referme lentement mais momentanément le temps d'un autre départ le moment venu jusqu'au moment ou je comprendrai. Vivre est un élan vers nos désirs inachevés disait Éric Laliberté.
16 octobre |
Je ne crois plus à l'effervescence de la mondialisation. Des grandes entreprises cotées en bourse se sont faufilées pour bonifier leurs avoirs en profitant des faiblesses du système. Tout ça ne profite qu'à une minorité. On c'est mis à croire que c'étaient mieux partout sauf ici. Le modèle mis en place à la révolution tranquille c'est effritée laissant place à des détracteurs et utopistes. Les quartiers ont disparus et une centralisation s'est effectuée au détriment des valeurs communes. Une perte d'identité profonde s'est installée à ce qui avait pris des générations pour se mettre en place. D'un seul clic on a appris odieusement et par réflexe à rejeter ceux qui nous différencie. Les gens débattent des enjeux sur internet qui ne laisse peu de place à la véritable communication. Lorsque j'ai créé un club de plein air il y a longtemps je répondais à un réel besoin. Internet est venu apporter une instabilité dans les rapports humains. Toutefois il demeure dans une juste mesure un outil bénéfique. Dans les années 90 le divorce venait de s'institutionnaliser. Les gens joignaient le club car ils y retrouvaient des gens libres qui ne savaient que faire de leurs libertés et qui vivaient des expériences similaires. Un deuxième départ s'effectuait pour plusieurs. J'écrivais dans le journal à cette époque afin de regrouper les gens dans une grande et joyeuse famille. Les gens par naïveté, par nouveauté ou par nécessité y accédaient en grand nombre. Et moi je croyais retrouver une famille disparue, quel délire. Il n'y avait pas beaucoup d'alternatives. Maintenant l'angoisse est de savoir choisir parmi la panoplie de propositions vides et dénaturées sur la toile ou ailleurs. J'apporte des nuances n'étant pas de nature fataliste. À quoi bon écrire à des gens de partout alors qu'on ne parle pas à ses voisins, absurde ! Je n'ai pas d'enfants et je ne regrette rien. Mon héritage se livrer aux mots ressurgis pour s'étaler sur un médium quelconque. Cela demeure la meilleure chose qu'il m'est possible de transmettre c'est-à-dire mes expériences, mes souvenirs et le fruit de mes pensées dans la réflexion et la contemplation. À part ça il y a l'amour qui tarde à se manifester.
Je cesse de me prostitué à gauche et à droite en me faisant confiance. À trop vouloir contrôler et embrasser je ne vais nulle part et la vie passera à côté sans m'en apercevoir. En marche j'essaie de voir au delà des montagnes. L'improvisation excessive est risquée mais à vingt ans on s'en fout. Les gouvernements ne pourront répondre à tous nos besoins, il est temps de se faire confiance et de son jugement. Un grand frère m'a manqué. N'est-ce pas par manque de confiance en soi que les gouvernements et syndicats décident à outrance ce qui est bons pour nous ? Ce qui était valable dans les années 60 est à reconsidérer. Les modèles ont besoin de rafraîchissement sans toutefois rejeter l'ensemble de l'œuvre. L'humain doit revenir au centre des préoccupations. On ne mangera plus de mûres et de fraises du Mexique mais on aura toujours les pommes du Québec. Une multitude de choix est comme ne pas en avoir assez. Enfant je dessinais toujours une route qui se défilait à l'horizon. Mes meilleures images aujourd'hui sont encore ces chemins vers l'infini. La route pour moi depuis était déjà un symbole fort. Les carrefours étaient des lieux privilégiés des dieux dans l'Antiquité car ils représentaient des endroits où notre vie dépendait de ces choix. Nous sommes à ce carrefour pour la suite des choses afin de perpétrer l'unité de notre intégrité et de ce qui nous est précieux; la vie et celle de notre nourrice. Oser sa vie c'est de ne pas avoir peur du ridicule et d'avoir le courage de ses convictions. "La folie est de toujours faire la même chose en espérant des résultats différents à chaque fois" disait Einstein.
13 octobre |
La musique d'ambiance alimente de plus en plus mon temps au lieu d'écouter les nombreuses balivernes à la télévision. La lecture m'accompagne, je ne me sens pas seul avec tous ces auteurs qui me révèlent leurs intimités. La ligne est parfois mince entre être égoïsme et penser à soi. Sur l'île de Crète en Grèce il y a quelques années lors d'un voyage de groupe constitué d'une quinzaine de randonneurs il y avait un avocat et juge à la retraite avec son épouse. L'égo aussi gros que l'avion qui nous transportait ce gentleman possédait le verbe facile et une personnalité assez volubile. À un certain moment il c'est mis à faire mon procès devant le groupe au petit déjeuner. Ce fut très embarrassant. Je ne possédais pas la phraséologie pour me défendre et ceux du programme en cours. Ce fut pénible mais j'ai toutefois réussi à placer mes pions afin que ce voyage se déroule dans l'harmonie. Étant responsable d'un groupe il me fallait identifier rapidement les leaders et les rallier à la cause afin que le voyage s'accomplisse dans l'ordre. Dans ma carrière en tourisme j'ai rencontré plusieurs grosses têtes de tous acabits. Les gens parlant au nom des autres furent de loin de qui m'agaçait le plus. Manipulateurs intégrés, grandes gueules et cinglants personnages auront marchés de nombreuses années à mes côtés. Je n'ai, durant ces vingt six ans, jamais effectué de sélection auprès des randonneurs et des voyageurs. Je faisais confiance et j'étais ouvert à un éventail de personnages édulcorés. Ma seule règle était que les participants puissent mettre un pas devant l'autre et marcher. Plusieurs mentionnaient posséder la forme requise et une fois à destination c'était surtout pour boire un coup, raconter des blagues grivoises et manger des croustilles qu'ils excellaient. Policiers, politiciens, urgentologues, infirmières, ingénieurs, entrepreneurs, complotistes, saboteurs, ect... la liste est longue et diversifiée. Toutes ces années j'ai acquis une solide formation de psychothérapeute je crois bien, j'ai exercé ma patience en la repoussant sans cesse. La diversité des touristes randonneurs représentait de loin la force et l'unité. J'ai travaillé longtemps sur ces dynamiques et je peux confirmer qu'il était beaucoup plus aisé et agréable d'accompagner des participants qui ne se connaissaient pas. Je n'ai vraiment jamais réalisé la nature de mes responsabilités. Je savais que j'étais à ma place, j'en ai toujours eu la conviction. Quoi qu'il en soit je demeure responsable de mes choix mais pas de mes compagnons de route. Savoir déterminer son chemin est un long processus qui n'a pas de fin en soi et qui exige de se renouveler sans cesse.
Dans quelques jours je vais terminer le magnifique livre sur l'exercice pèlerin "marcher, écouter, parler" des Éditions Novalis. C'est fort probable l'un des meilleurs que j'ai lu car il aborde différents aspects de ma vie. C'est un bouquin qui se prend avec lenteur et qui m'éclaire profondément sur le sens de la vie. Il raconte que l'expérience pèlerine s'effectue en général après dix jours de marche et hors de sa zone de confort. Le pèlerin exige à ne plus porter de chapeaux ni de rôles. Je fut davantage dans ma vie professionnelle un touriste randonneur organisateur et de très loin un pèlerin invétéré sauf dans mon très jeune temps. La van sur plusieurs semaines est un exercice pèlerin mais la vitesse à laquelle j'ai traversé de l'un à l'autre en passant par le confinement et la retraite naissante fut vertigineuse voir troublante. Depuis mon retour de l'ouest je redeviens lentement le pèlerin de ma jeunesse en m'accordant le discernement entre le savoir-faire et l'être affamé de vivre intensément.
Malgré des situations rocambolesques les unes comme les autres ma carrière de guide fut sinueuse mais enrichissante. Parfois je me demande pourquoi la maxime du Québec est je me souviens ! Les québécois ne sont pas au Canada ceux qui ont la mémoire la plus aiguisée...! Mes clients les plus fidèles furent un belge et un anglophone. La plupart des participants recherchaient le divertissement, la rigolade et la rencontre de l'âme soeur. La comptemplation passait en second. L'entreprise a débutée avant l'arrivée d'internet. À cette époque il n'y avait pas d'écrans pour rencontrer les gens, l'amitié et l'amour. Nous devions sortir de chez soi pour aller vers les autres. En vingt ans c'est formé une multitude d'internautes aguerris. Ceux et celles qui m'ont accompagné malgré les divergences conserveront j'en suis assuré les plus beaux souvenirs d'aventures de leurs existences. Ce qui fait la richesse des voyages c'est la rencontre de soi, des autres et des souvenirs qui s'en suivent. J'ai eu de la chance dans la vie malgré l'adversité et les médisances car je fus toujours convaincu de suivre mon destin. J'étais capable de propager ma passion. J'ai le sentiment d'avoir toujours été à ma place en accomplissant ma mission. J'ai poussé, tiré, encouragé, discuté et entendu une panoplie de gens à travers des randonnées parfois assez costaudes. Les sorties quatre saisons hors sentiers avec GPS étaient ma spécialité. Il faut savoir se perdre pour se retrouver disais-je et nous revenions toujours aux points de départ. Ma vie de guide a été une putain d'aventure. Les voyages à l'étranger sur tous les continents étaient créés de toute pièce par moi-même. J'effectuais des voyages exploratoires avant chacun des périples. C'était des voyages très personnalisés. J'étais fait pour le travail autonome. J'ai risqué ma vie à bien des égards au détriment bien souvent de ma vie personnelle, ma réputation en faisait écho. Je devenais quelqu'un à mes yeux et me suis révélé professionnellement jusqu'à ce jour. Aujourd'hui j'ai marché seul en forêt comme je l'ai fait tout l'été dans l'ouest canadien. Je ressens encore cette absence, ce vide mais lentement je me ressaisi en respirant profondément. Je prends conscience qu'une nouvelle étape de vie se manifeste. Il devient inévitable et essentiel ce retour vers soi. La peur du vide lentement s'efface pour laisser place à une présence accrue, celui de l'humble gourou me guidant à son tour sur les chemins de travers tentant d'accepter ce qui est.