Carrefour

2 novembre |

Il y a environ une dizaine d'années, une douleur est apparue sur mon gros orteil droit. Quelques années plus tard, un orthopédiste m'a diagnostiqué un hallux rigidus qui me faisait souffrir. Ça ressemble à un hallux valgus, mais plus délicat à traiter. C'est comme ça que j'ai passé au bistouri à l'hôpital de Montmagny sans aucun service après-vente. L'anesthésie locale ne fut pas suffisante qu'au premier coup de ciseaux à bois ou un truc du genre, je fis un choc vagal. J'avais un garrot sur ma jambe et il était urgent pour le médecin de poursuivre la chirurgie. J'ai perdu alors confiance en eux. Aussitôt la tâche effectuée, un copain venait me retrouver pour me ramener à la maison avec énormément de douleur. Chose que j'apprenais avec peine, c'est que je fus malenpoint pour marcher adéquatement pendant une année et demie. Depuis toujours, je m'étais forgé une identité de grand marcheur et d'homme invincible ou presque. J'avais créé en 1994 une micro-entreprise qui faisait marcher des gens au Québec, aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Le médecin me dit que je serais en arrêt de travail pour un mois. C'était l'hiver. J'ai repris alors, comme indiqué, les sorties de raquettes, c'était moins douloureux dans la neige. Des voyages de randonnée pédestre se sont déroulés de peine et de misère. Des clients me faisaient des pansements dans mes chambres d'hôtel au Vietnam et en Italie. Je ne savais pas à ce moment que je porterais des séquelles. Je suis hypocondriaque de nature et hypersensible pour avoir vu beaucoup de gens souffrir et mourir dans mon jeune temps. La douleur et la peur de souffrir m'affecte. J'ai tellement marché tout croche par la suite que j'ai développé un faciès plantaire chronique depuis. J'ai perdu le goût des longues randonnées pédestres, toutefois je me suis repris avec le vélo qui n'affecte pas mon pied et que j'affectionne particulièrement. Les podiatres rencontrés n'offrent pas de solutions autres que de me vendre des orthèses, ce que je possède déjà. Le temps passe et je m'adapte du mieux que je peux. Cette histoire m'a rendu anxieux, moi qui auparavant prenait des grandes marches pour me détendre. Je marche quand même, mais moins longtemps dans une journée. Il y a pire. De toute façon, tôt ou tard, on doit faire certains deuils, autrement, les faire maintenant en demandant à ma bonne fée un miracle ou une guérison. Je tenais à raconter cette histoire pour m'extirper de cette pression qui m'accable. Décidément, je ne suis qu'un pauvre mortel, toutefois je peux me rabattre sur le reste de ma santé qui est, somme toute, très bonne pour mes soixante-six ans. C'est possiblement pour cette raison que je me suis mis à écrire avec assiduité. Je compense ainsi pour les cent pas supplémentaires que je peine à faire. Mes distorsions cognitives me renvoient une image exagérée de la situation, j'en conviens. Il devient conséquent de me façonner une image différente de celle que j'ai portée depuis ma jeunesse et plus près de ma réalité. Il devient conséquent de ne pas m'apitoyer sur mon sort en tentant de revêtir une identité plus réaliste.

1er novembre |

L'indifférence des gens de mon quartier est erronement perçue par mes distorsions cognitives. La réalité est que j'habite une grande ville et il en est ainsi. Cette indifférence relatée est filtrée par des distorsions qui amplifient de façon exagérée la réalité. Ceci s'applique aussi à d'autres circonstances. Je perçois l'abandon, la solitude, le rejet, la maladie et les échecs de façon disproportionnée. De mauvais réflexes se pointent alors dans mon esprit, causant une anxiété excessive. Ces réflexes sont issus de blessures du passé qui s'expriment la plupart du temps de façon inconsciente. Une anxiété mal gérée entraîne un état dépressif dégénératif qui s'accroît avec l'âge. Le seul fait d'écouter les mauvaises nouvelles influence mes énergies vibratoires. Il devient presque inévitable de se souscrire aux innombrables sources d'informations qui nous submergent bien malgré nous. Pour établir une meilleure connexion avec ma paix intérieure, je dois remplacer mon exposition à ces sources par du contenu approprié, sans toutefois vivre en retrait du monde, ni dans le déni. Je me sens parfois comme une éponge en relation avec ce qui est extérieur de moi, dans lequel je n'ai pas de pouvoir. Autant me servir de mon énergie pour améliorer les choses que je peux, par exemple la méditation et l'exercice. La respiration consciente avec l'apport de mantras constitue un réel pouvoir du moment présent devant lequel mes forces vives peuvent s'accroîtrent considérablement. Rien ne presse, il suffit de s'y mettre avec discipline et régularité. Un surplus d'émotions bloque l'intelligence. Souvent, je dois remettre en question mes comportements qui, sans une conscience accrue, m'amène sur des chemins incongrus. On trouve toujours ce que l'on cherche. La réponse est toujours présente et, si on lui en donne le temps, elle se révèle à nous. La vie n'est pas toujours un chemin tranquille. Ce soir, en méditant, je réalise à quel point je m'étais oublié dans mon corps. La méditation guidée devient vitale pour me reconnecter avec moi-même. Je réapprends à respirer profondément et consciemment. Je viens de pratiquer le lâcher-prise qui s'était enfui de ma trajectoire depuis quelques mois. Depuis mon retour du dernier voyage, je réalise à quel point j'étais en situation de contrôle. Cela m'arrive souvent au retour de mes aventures, revenant épuisé. L'un des buts premiers du voyage est de s'oublier quelque temps pour mieux se retrouver au retour. Je réalise que je développe trop d'énergie dans ces périples, ne pouvant que difficilement reprendre mon souffle une fois un seuil dépassé. C'est en méditant ce soir que je prends conscience des turbulences qui m'habitent, la récupération n'étant pas la même qu'auparavant. J'ai vécu intensément, pas toujours de façon que j'aurais souhaité mais j'ai fais mon possible avec ce qui était à ma disposition. En ce sens, j'ai la fierté et la satisfaction d'avoir agit au point parfois d'y laisser ma peau et, ce à moultes reprises. J'ai souvent dépassé mes limites, je n'écoute pas toujours mon corps au moment opportun. Il existe un doute quand même à trop m'écouter, comme si ce trop plein de d'horizons et de grand air me déséquilibrait au retour dans mon cocon, reprenant ma couleur uniforme sur les trottoirs d'ici. L'équilibre m'est tellement à atteindre. Ce soir, je viens d'entrer dans ma maison, dans mon corps, apaisant mon souffle, ralentissant le flot de mes pensées. C'était devenu urgent de retrouver la paix à l'aide de méditations guidées, fort efficaces. Cet été, j'ai sécrété beaucoup d'adrénaline qui une fois dépassé la dose nécessaire devient nocive. D'autres vivraient ces expériences différemment, nous ne sommes pas tous identiques heureusement. Je réalise à quel point la discipline m'est nécessaire pour ne pas subir malaises et désagréments. Longtemps je me suis forgé une identité qui ne s'applique plus maintenant, c'est ce deuil qui m'est difficile d'accepter. Cette identité malléable doit être revisitée constamment et consciemment. La vie m'offre un autre sursis.

31 octobre |

Entre amis, on n'a plus besoin de justice ; alors qu'entre justes, on a encore besoin d'amitié, disait Aristote qui voyait dans ce sentiment non seulement un lien familier permettant à chacun de perfectionner sa nature, mais aussi la condition de toute cohésion sociale. L'amitié n'a pas besoin de lois, elle s'autosuffit chez les gens libres, elle est au-dessus des lois pour les êtres matures et intègres. Je suis arrivé à l'âge de la lenteur malgré moi. Camus écrivit ; sur le chemin où marche un artiste, la nuit tombe de plus en plus épaisse. Je marche toujours avec autant de désinvolture, mais mon pas se fait plus lent. Le regard des autres dicte mon âge et mon corps se fait plus lourd. Parfois, je fixe un objet sans le quitter des yeux. Je le fait aussi pour mes pensées, c'est plus difficile. Je vais débuter incessamment la lecture de romans pour me distraire des longues dissertations. Une distorsion cognitive est un schéma de pensées exagéré ou irrationnel, en particulier par ceux plus influencés par des facteurs psychosociaux, tels que la dépression et l'anxiété. Les distorsions cognitives sont des pensées qui amènent les individus à percevoir la réalité de manière inexacte. Une vision négative de la réalité, parfois appelée schéma, est un facteur dans les symptômes de dysfonctionnement émotionnel et de bien-être subjectif plus faible. Ces schémas renforcent les émotions et les pensées négatives. Dans des circonstances difficiles, ces pensées déformées peuvent contribuer à une vision globale du monde négative et à un état mental dépressif ou anxieux. Remettre en question et modifier les distorsions cognitives est un élément crucial d'une thérapie cognitivo- comportementale. C'est ce cadeau que je vais m'offrir bientôt. Le groupe sera constitué de huit personnes et assisté par deux psychologues chevronnés. À raison de deux heures et demie par semaine, les ateliers se dérouleront tout l'hiver. C'est le prix à payer pour accroître mon niveau de bien-être et par ricochet mon entourage présent et à venir avec davantage d'authencité. Ce dernier n'est pas très grand actuellement, mais ce cheminement pourra en faciliter son développement. Il ne nécessite pas néanmoins des ramifications disproportionnées et superflues. L'état de liberté est possible : il faut le vouloir, y croire et être fidèle à soi-même jusqu'au bout. Aucun effort si petit soit-il ne sera perdu. Je suis heureux d'avoir entreposé mon campeur pour l'hiver, n'ayant plus que moi-même à m'occuper ou presque. Il serait impensable dorénavant de m'imaginer avec un véhicule durant la froide saison. 

28 octobre |

Dans ma jeune vingtaine, j'ai travaillé longtemps dans un bar à spectacle populaire sur la Grande Allée de Québec. En réalité, c'était la plus grosse discothèque de la ville où des musiciens noirs venaient offrir des spectacles de musique disco et funky. À cette époque, les gens voyaient des Noirs à Québec pour la première fois. Les jeunes filles se battaient littéralement entre elles pour passer du temps dans les loges des musiciens. On les appelait les groupies. Les temps ont bien changé. Il est possible qu'à l'intérieur d'une décennie, les rôles soient interchangés par l'immigration massive des dernières années reléguant les ti-counes Québécois blancs, catholiques de souche en arrière-plan. Ce mouvement de masse apparaît avec la mondialisation et la révolution technologique qui a permis la perméalistation des frontières. L'immigration n'est pas nouvelle de notre époque. Des centaines de pays sont des cosmopoles hétéroclites et ce, depuis l'Antiquité et bien au-delà. Après la Deuxième Guerre mondiale jusqu'à tout récemment, jamais les pays n'avaient vécu une aussi grande accalmie de guerres. Toutefois, il y a certaines exceptions qui n'entrent pas dans l'actualité. De toute ma vie, je n'ai jamais été aussi troublé de voir apparaître à nouveau le tyrannique Donald Trump devenir le commandeur en chef des États-Unis. Ce qui rend inconcevable à l'aube des élections présidentielles, c'est de constater que ce dernier récolte autant d'appuis dans la population américaine. La plupart des gens sains d'esprit voient bien que cet ignoble fasciste est un danger pour la démocratie dans son pays et ailleurs dans le monde. Nous devrions avoir appris des erreurs du passé. Ces appuis sont de la plus pure abération. Les élections auront lieu dans une semaine, nous saurons alors si les forces obscures terniront notre avenir ou si le bon sens existe toujours dans ce monde disloqué. Déjà que la flore et la faune rappetissent à vue d'œil et que les changements climatiques nous livrent des dangers exponentiels, il m'apparait insensé voir extrêment dangeureux de continuer à ce rythme troublant. Qu'est-ce qui anime les habitants de cette planète à  s'autodétruire ainsi que cette vie que nous devrions vénérer. Avec quelle prétention voulons-nous être les maîtres du monde en dominant et persécutant la vie sur cette unique planète que nous aurons qui s'appelle la Terre. Nous n'aurons de deuxième chance si nous offrons nos vies dans un déni absolu. Les questions et les actions sont vitales à partir de maintenant. Si les dictateurs et les décideurs de ce monde n'agissent pas rapidement, nous entrerons dans une autre Guerre mondiale. Le sort du monde est entre une poignée de loufoques orgueilleux, dominants et fanatiques. Le pouvoir est entre leurs mains. Leurs richesses entravent la liberté et la paix dans le monde. Il ne s'agit pas de promouvoir le chaos et l'anarchie, mais plutôt de créer un monde nouveau où chaque humain aurait la possibilité de vivre en autarcie et décence. Les grands marchés mondiaux de prometteurs véreux ont trop de pouvoir entre leurs mains. La loi et la justice abondent dans leurs sens. Que pouvons-nous faire, sinon espérer passsivement que le meilleur est à venir ? Dans mon jeune temps aussi se déroulaient insidieusement ces tribulations douteuses à  l'intérieur d'une opaque réalité. La circulation de l'information fait la différence aujourd'hui avec la guerre en direct, les médias sociaux qui abrutissent les gens précocement dans un individualisme généralisé. Le peuple québécois que j'ai connu jadis ne sera plus jamais le même tout comme moi à chacune des journées qui passent. Je suis beaucoup l'actualité, au point parfois d'avoir envie de vomir. Serais-je doté d'une trop grande sensibilité, d'une trop grande soif de vérités qui grandit avec l'âge ? Suis trop réaliste, trop pessimiste, trop bavard ? La chose à laquelle je tiens est ma liberté d'expression et ma dignité. J'ai souvent lorgné cette dernière par manque de discernement, d'expériences et de connaissances de moi-même. L'humain est un être profondément fragile qui demande de vivre en harmonie, en équilibre. En ce sens, je possède davantage aujourd'hui d'outils à ma disposition, toutefois je ne peux m'extraire du monde environnant et de la bienveillance de mes semblables. À juste titre, je n'exige pas grand-chose à part cette dignité et la place qui me revient dans ce monde étrange. C'est le seul que je possède, autant tenté de m'y faire. Dans une semaine, les élections américaines détermineront la suite des choses. Espérons que le spectre de Trump s'effacera pour l'éternité et que les États-Unis d'Amérique auront sa première grande dame à titre de présidente élue.

24 octobre |

La relation dyadique demande du temps au temps pour qu'elle se développe peu à peu dans la durée et le partage. Les marchands d'amis sur internet sont monnaies courantes. Les gens achètent toutes faites des relations comme chez les marchands. Près du trois quart des gens utilisent internet maintenant pour les rencontres, cela augmente sans cesse. Des habiletés sociales se perdent avec ses codes, ses repères. Plus nous pouvons avoir de nombreux copains, moins nous avons d'amis véritables. Les individus n’auront en réalité que trois ou quatre amis intimes dans leurs vies. Ce n'est pas un ami celui qui est l'ami de tous, disait Aristote. Montaigne disait que la pluralité des relations dissolvait l'amitié. Sur Facebook, tout se passe comme si l'important était de se faire voir au gré d'un bavardage confondant l'être et le paraître. Extraordinaire paradoxe ; plus l'internaute est connecté, plus il cherche à se préserver d'autrui. La toile est une forme de complaisance narcissique. Nous sommes des êtres grégaires. La solitude non désirée est source de souffrance. Comment mettons-nous en place des structures permettant la communication significative et la bienveillance dans les communautés ? Toutefois, il y aurait des solutions si l'on déployait les efforts nécessaires. Personne ne nous demande notre avis. Bien souvent, les suggestions proposées passent pour des utopies et les efforts à mettre en place paraissent trop contraignantes pour la plupart. Avant de créer une micro entreprise de plein air et de tourisme d'aventure qui à vécu trois décennies, les gens ne croyaient pas à ce projet et disait de moi que j'étais un rêveur. Ils se sont trompés. Les lieux publiques regorgent d'itinérants et de malheureux qui ne reconnaissent plus le monde dans lequel ils vivent. Les principales préoccupations sont principalement financières. À  quand le revenu universel garanti pour tous ? Le système dans lequel nous vivons est profondément perturbé. En affirmant cela mes détracteurs pointent du doigt mon négativisme que moi j'appelle du réalisme. Pour continuer à vivre, je dois m'adapter sinon je mourrai d'ennui et d'effroi. C'est triste parce que je n'aurai qu'une seule vie, en cela la peine accrue de constater la réalité dans laquelle j'habite. La question du désir de l'amitié entre les hommes et les femmes peut modifier le côté altruiste du lien. Les confidences créent une complicité qui fera naître une certaine tendresse et un profond attachement. Selon Michel Erman dans son livre sur le lien d'amitié, une force d'âme, l'auteur indique que l'intimité des corps a pour corollaire le détachement des cœurs. Que reste-t-il de l'amitié lorsque l'apparence de l'autre se revendique chair ? Il peut apparaître que l'autre perde son statut d'être singulier recherché au détriment d'un objet érotique. Il fut une époque où j'ai côtoyé des milliers de gens hétéroclites dans le cadre de mon travail, des clients, à vrai dire. J'avais naïvement l'impression d'être entouré d'amis ou d'une famille élargie. Le secteur des loisirs et du tourisme associés à mes fonctions favorisaient la promiscuité et la camaraderie. Le jour de la retraite, le vide fut immense. Je réalisais l'ampleur de mes distorsions par l'absence totale de relations d'amitié. La réalité m'avait rattrapé. J'avais privilégié les honneurs, la reconnaissance et l'argent au détriment d'amitié sincère. Je perdais mes hauteurs, mon identité. J'ai tremblé et je tremble encore, toutefois avec davantage de répit et d'outils à ma disposition. Bien des questions demeurent en lien avec les relations personnelles et intimes. Il y a un monde qui m'est inconnu pour différentes raisons. Au fil du temps, je suis devenu hypervigilant sans toutefois perdre mon authenticité. Nietzsche affirmait que l'amitié n'existe pas pour autant qu'on s'efforce de lui donner consistance et vie. 

19 octobre |

La question fut : est-ce que l'autorité doit être bienveillante ? En affaire, les gestionnaires ont moins de bienveillance que de de souci de productivité. On renvoie les problèmes personnels aux ressources humaines ou au psychologue de l'entreprise. Les rôles des gestionnaires ne sont pas pour démontrer de la bienveillance mais pour faire virer la boîte avec des revenus. Les services correctionnels ont des règles à faire respecter, de même que les forces policières et la justice. Ma mère a été bienveillante envers moi, cela n'a pas suffi. C'est dans le rôle parental que la bienveillance se déploie allègrement. Malgré la bienveillance apportée aux enfants, des règles strictes doivent être imposées. La société actuelle ne resplendit pas de bienveillance, car c'est l'efficacité et la productivité qui compte. Cela est d'autant plus présent dans les centres-villes placardés de commerces et d'institutions financières et administratives. Tous ces travailleurs influencent les rapports humains des lieux auxquels ils travaillent. Un profil socio-culturel refléte la personnalité ambiante du troupeau. Je suis au coeur de cet attroupement, habitant au centre d'un monde hyper-cérébral. Hier soir, un type au café philosophique m'a insufflé de la bienveillance. Il a tout mon respect pour ses interventions justes et réfléchies. En ce sens, je me suis senti interpellé davantage. On a parlé de David Henri Thoreau, le philosophe de la nature. J'ai été invité à une conférence sur le revenu garanti. Il est de mon devoir de dénicher à  l'avenir ce genre de groupe qui fait partie des derniers remparts de l'humanité, si elle existe encore ou si elle a déjà existé. Il y a des lois dans l'univers qui nous rappellent de se rapprocher de l'équilibre nécessaire, mais si difficile à atteindre.

18 octobre |

J'ai la maudite vie banale que vous depuis trop longtemps et ça me déprime. Franchement, je ne sais pas comment vous faites. Vous êtes tous là bien rangés dans vos petites cases, à ne rien dire, à juste être content d'exister comme des géraniums en plastique dans une salle de réunion au troisième étage d'une compagnie d'assurances qui doit virer la moitié de ses effectifs à la suite de son rachat par son plus gros concurrent. Non mais, c'est quoi ce monde putréfié où l'on se défonce à payer les factures, à se butter la gueule, à s'acheter une télé couleur en regardant le téléjournal de merde. Je suis tout à fait prêt à admettre que je me suis trompé, que j'ai perdu pied à un moment ou un autre, que je suis trop con pour savoir y faire, mais franchement, je défie n'importe qui d'essayer de m'expliquer. Éric Plamondon à propos de Richard Brautigan. Le suicide est lâche, le suicide est courageux. Fils d'adoption à ma naissance, je peux considérer toute ma vie que j'ai été abandonné ou bien je peux considérer que j'ai été choisi. Le besoin de reconnaissance provient du traumatisme d'abandon et de maltraitance en bas âge. Des troubles anxieux et obsessionnels sont légion dans ces cas. J'ai raconté à de multiples reprises mes histoires du passé à l'intérieur du blogue que je ne me sens plus le besoin d'y revenir. Ce qui m'apparaît vital dorénavant sont mes observations et mes opinions au quotidien, sans renier mon passé. Le jour de la retraite fut à ce point difficile qu'il m'apparaissait important de noter certains passages de ma vie active. Toutefois, ce n'est pas en prenant ma retraite que ma vie est devenue passive, loin de là. Revenir sur mon passé, c'est pour ne pas m'oublier et me rappeler d'où je viens. C'est me remémorer ma trajectoire, mes rêves, mes idéaux. Le bonheur, c'est ne pas répéter les mêmes erreurs. Tout va très vite aujourd'hui, que les gens n'ont presque plus le temps de se parler. Trop parler représente pour plusieurs une perte de temps, une inutilité. Si j'avais à refaire ma vie, ce ne serait certainement pas où j'habite, ni même dans ce quartier ou cette ville. Il est tard maintenant et autant pour des raisons économiques. Je ne puis envisager de recommencer, surtout après plus de vingt-cinq déménagements à ce jour. Sans vouloir remettre mes ardeurs en question, je ne me sens plus l'énergie à l'improvisation de mes 20, 30 ou 40 ans. En vieillissant, je prends conscience de mes vulnérabilités tout en évitant les soubresauts soutenus. Hier, j'ai consulté rapidement quelques chapitres passés du blogue que je m'étonne d'avoir si longtemps écrits avec une telle intensité et ponctualité. Mes interactions avec autrui deviennent de plus en plus absentes et lorsque l'occasion se présente elles sont superficielles si ce n'était de mes propos. Parfois, à me sentir étranger dans cette ville qui m'a vu naître, je deviens aussi étranger à moi-même. Malgré ce que l'on pense de Québec, c'est ici que les suicides sont les plus nombreux au monde, que les antidépresseurs sont les plus consommés et que les gens sont les plus nombreux à vivre seuls. Mes humeurs dépressives proviennent-elles à l'intérieur de moi ou du monde qui m'environne ? Ce n'est pas une question facile, mais qui demande à être posée. En parlant ainsi, je passe pour un être négatif. Il vaut mieux se taire.  À force de se taire on implose de l'intérieur. À force de voir le verre à moitié vide, je ressens le vide autour de moi et en moi. Peut-être devrais-je marcher sur d'autres avenues. Peine perdue, la contagion atteint tout le monde. Il ne me reste qu'à me replier sur moi-même et sur les derniers faisceaux de lumière qui m'habitent. Malgré tout, certains événements si minimes soient-ils peuvent miraculeusement se produire encore une fois comme par exemple les cafés philosophiques que je fréquente et qui sont les germes d'une décente humanité.

15 octobre |

Éric Plamondon est diplômé de l'Université Laval en 1992 en journalisme et en économie. Il vit en France depuis 1996. Il a 55 ans. Il fait paraître son premier roman en 2011, Hongrie-Hollywood Express, autour de la vie de Johnny Weissmuller qui interpréta au cinéma, Tarzan. Il amorce ainsi la trilogie 1984. La notoriété lui vient avec Mayonnaise en 2012, sorte d'hommage à Richard Brautigan, deuxième volet de cette trilogie qui se termine avec Pomme S qui s'attache à la figure de Steve Jobs et au lancement du premier Macintosh en 1984. La pêche à la truite en Amérique de Richard Brautigan et le Sucre de Pastèque sont ses deux plus grands succès. Ces deux romans explorent les thèmes de l'errance, de l'innocence blessée et de l'attachement aux espaces naturels. La pêche à la truite en Amérique met en scène un couple à la recherche de paysages naturels, loin de l'asphalte et des barres d'immeubles. Sucre de pastèque est une sorte de vision idéalisée de Bolinas, en Californie, avec sa population marginale et artiste. Issu d'un milieu social défavorisé de la côte Ouest, Brautigan trouve sa raison d'être dans l'écriture et rejoint le mouvement littéraire de San Francisco en 1956. Il y fréquente les artistes de la Beat Generation et participe à de nombreux évènements de la contre-culture. En 1967, durant le Summer of Love, il est révélé au monde par son best-seller ; la pêche à la truite en Amérique et est surnommé le dernier des beats. Ses écrits suivants auront moins de succès et, dès les années 1970, il tombe progressivement dans l'anonymat et l'alcoolisme. Dans Mayonnaise, Gabriel Rivages mêle ici son destin à celui de Richard Brautigan. Il part à la rencontre de l'écrivain qui a changé sa vie. Rivages arpente à nouveau la côte Ouest américaine. On passe par l'Oregon où Brautigan a grandi et par San Francisco où il devient écrivain. On croise aussi la grande et la petite histoire. Dans l'Amérique des Sixties, Janis Joplin chante Mercedes Benz et offre son écharpe au futur auteur de la pêche à la truite en Amérique. Celui qui vendait ses poèmes dans Haight-Ashbury devient célèbre. Pendant des années, la poésie le sauve. Souffrant d'alcoolisme et de dépressions, Brautigan se tire une balle dans la tête en octobre 1984 dans sa maison de Bolinas. Il a 49 ans. Les histoires de Brautigan ont toujours une fin étonnante. J'aime le style d'écriture d'Éric Plamondon, fluide et rapide. Ses récits sont des romans historiques, j'adore. Il me disait l'autre jour préférer passer du temps avec des gens qui voient un psy qu'avec des gens qui devraient voir un psy. Il y a deux sortes d'écrivains. Ceux qui ont du talent et ceux qui ont besoin d'une bonne thérapie. J'ai souvent pensé que j'avais du talent, jusqu'au jour où j'ai appris que ma mère n'avait jamais voulu d'enfants et que mon père n'était pas mon père. Comme disait ma grand-mère, on est bien moins misérable à s'intéresser à quelque chose plutôt qu'à rien. La plupart du temps, je n'ai pas envie d'en parler, j'ai simplement envie d'en écrire.

12 octobre |

La poésie n'est pas mon genre premier. Toutefois, elle me permet d'étendre ma créativité par la recherche de mots fracassants. La nouvelle est dans les idées ce que la poésie est dans les mots. En cela révèle mes observations non pédagogiques, mon cheminement, mes expériences.

Amalgame de tendresse. Glauque, la voix transpire. M'asseoir les jours de pluie, stigmatisant les ombres infâmes. Esthète persistant aux couleurs de naître, auréole placardée. Les mots jubilent, fustigent, vacillent. Présence délétère, coriace, déchaînée. Corps célestes atrophiés, censurés. Évitement. La menace est réelle chez les tribuns, l'oracle s'est tu. Les attributs dégénèrent dans une spirale délétère. Colère et mépris, la race se tue. Gronde et vocifère, la jeunesse promise. Gronde et légifère, la jeunesse soumise. Asphalte rompu, terre balafrée. À qui s'adresse mes propos moribonds, ma désuète irritation ? Mon charme se dilate au gré des saisons. Distorsion aiguëe, sombre atmosphère. Abstraction de conscience, la menace gronde, perspicace. Personne ne me frappe, même plus ma gueule. Je cesserai de gémir lorsque j'aurai disparu. Absentation de bouger, de mentir. Cataplasme incolore, insouciant. Attendre qui, quoi, où, comment ?Espérer. Libérateurs, les mots se suffisent à eux-mêmes, pernicieux, calamiteux, sulfureux, généreux.

11 octobre |

Qu'est-ce que le bonheur ? Cette question fut la plus étudiée du temps des philosophes antiques jusqu'à nos jours. Ce fut la question posée lors du café philosophique auquel j'ai participé hier soir. Le bonheur est l'absence de malheur, affirme André Comte Sponville. Je suis heureux, mais pas content. Le bonheur est fugace, je le reconnais lorsqu'il me quitte. Nombreuses sont les citations du bonheur parmi les écrivains et philosophes. Le bonheur alterne entre désir et ennui. Sur les médias sociaux, les messages sont rapides et écourtés, sinon ils n'attirent pas l'attention. Les dissertations détaillées sont moins populaires chez les internautes affublés des TikTok de ce monde. Une connaissance souffrant de bipolarité aimerais retrouver le bonheur d'antan. Paradoxalement, il l'identifie en le perdant. Le monde idéal n'existe pas chez l'homme de son vivant, il se défile rapidement. La définition du bonheur est propre à chacun. Pour certains, c'est prendre un repas entre amis, pour d'autres, la sensation grisante de jouir de la vie lors d'une ballade en forêt. Des jeunes filles hier soir affirmaient que l'éducation faisait défaut dans les établissements scolaires. À première vue, c'est leur éducation qui fait défaut. Ils sont ici pour apprendre, c'est pour ça que les participants furent indulgents envers leurs manque de discipline et surtout leurs jeunes âges. Chez les moins nantis, l'éducation fait défaut. La grand-tante qui les accompagnait, regrettait amèrement de n'avoir pas su jouir du bonheur dans sa vie. Son éducation n'a pas été à la hauteur de ses attentes, selon son témoignage. Comme ses rejetons, elle éprouve des difficultés à porter une attention rigoureuse, ne comprenant pas tout à fait les propos discuté. Et elle dira que le bonheur ne l'a jamais traversé. Le bonheur exige une présence accrue. Le bonheur exige de vivre dans l'instant présent. Nous sommes responsables en partie du bonheur qui nous affecte. L'autre partie est multifactorielle telle ; la famille transmettant les valeurs, la sécurité et la confiance en soi. La culture environnante, les éducateurs et les influences du milieu sont autant de gages à la réussite d'une vie heureuse. Le bonheur, ce n'est pas autant de désirer constamment les choses que l'on désire que de se satisfaire de ce que l'on a. Les philosophes de l'Antiquité prêchaient la simplicité volontaire. Je m'apparente à ce mouvement par la force des choses qui, désormais, font partie intégrante de ma vie. Tout m'apparaît si simple lorsque je suis capable de m'arrêter. Ce ne fut pas toujours ainsi. En ce moment de lacustre immobilité, j'éprouve un bonheur immense à écrire. J'éprouve une satisfaction de m'être réaliser pleinement et de continuer à le faire dans les tempêtes de l'existence. Mon bonheur est affecté par cette dernière citation qui affirme devoir accepter ce que l'on a et ce que l'on est. J'y travaille ardemment en voulant m'améliorer sans cesse, et ce, sans négliger le repos et le lâcher-prise indissociable au bonheur éphémère. Je préfère passer du temps avec des gens qui voient un psy qu'avec des gens qui devraient voir un psy. Depuis quelques années, je n'ai plus le temps de travailler, je suis trop occupé avec moi-même. Je récolte mon salaire autrement qu'en devise et je me sens plus riche qu'autrefois.


Les agrumes sont couverts d'amertume. Mon panier de friandises s'étiole. Je ne fredonne plus comme avant. C'est la chasse, mon arc s'est flétri, mon couvre-chef aussi. J'apparais, jaillissant de la pénombre, mes détracteurs ont disparu depuis. Vacillante bienveillance, mon passe-partout a changé d'allégresse. Je peine à retrouver mes entrailles anonymes. Lumières vives, je ferme les yeux pour m'inventer de nouvelles stratosphères. Un scintillant colibri m'est apparu, me faisant oublier mon marasme éternel. Les mots jaillissent à nouveau, plus élégants qu'autrefois. La réincarnation de l'inconnu s'arrime au pays dérisoire. Comment ferais-je pour désapprendre à penser, ainsi soit-il. La peine de n'avoir fait que passer m'indispose cruellement. Les rumeurs auront beau éclatées, je me fiche du monde entier. Éreinté du spleen excessif, je pars à la dérive dans une lascive immobilité. Transpire ta peine à la noirceur d'ici, le temps arrangera les choses. J'écris pour me rappeller d'où je viens, où je vais, laissant une légère trace dans cette mer d'indifférence. Mon rôle, quel rôle ? Un drame parodié, une comédie insipide, une tragédie sur la sottise. Lâcher prise ne signifie pas se laisser aller, j'aurai compris. Vive le vent. La tempête est à ma rescousse déposant mon ardeur à l'abri du mouvement incessant.

9 octobre |

L'art et l'amour me sauveront. En marchant dans différents quartiers, je constate la misère ambiante. Il est possible que mon regard accentue le spectacle, ne voyant que le côté sombre des choses. Dans ma jeunesse, la misère, la pauvreté et la violence des quartiers populaires était omniprésente, toutefois, les gens étaient regroupés davantage. La famille, quoique déficiente à certains égards, représentait le mortier des communautés. La religion prenait encore beaucoup de place jusqu'à sa disparition presque totale depuis deux décennies. Elle faisait parti intégrante de la société au point de l'étouffer. Lorsqu'elle a disparue ou presque, un vide s'est rapidement installé. Dans sa forme actuelle, c'était selon moi, une bonne chose. Le problème, c'est que nous avons pas su remplir le vide par quelque chose de consistant. Les liens se sont relâchés vers des valeurs individuelles, internet favorisant cet élan. À St Roch aujourd'hui, je me croyais dans un hôpital psychiatrique, tellement de gens jonchaient la rue l'air hagard et perdu. Autrefois, c'était un quartier ouvrier flamboyant. On a beau mettre de belles façades devant les édifices, que l'âme de ce quartier a déserté vers les banlieues aseptisés. En remontant dans le Vieux-Québec, j'ai l'impression de séjourner à Disney World en Floride. Que des touristes pour la plupart et quelques badauds cherchant éperdument un divertissement blafard. Les façades sont propres, les tarifs affichés aux commerces mirobolants. Ce fut jadis ce qu'on appelait le quartier latin. Je le connais bien pour y être né. En sortant du cinéma sur l'avenue Cartier avec une amie, elle me confie ne pas aimer ce carrefour. C'est pour ça qu'on est amis, parce qu'on ressens les mêmes choses. La rue est belle en effet, des gens sobres avec des airs contrariés pateaugent l'artère. Je n'y ressens pas la joie de vivre, le désir de partager avec autrui. En cela, aucuns bâtiments et lieux ne pourront compenser la chaleur humaine que dégage une communauté saine. J'y ressens la morosité. C'est pour ça que je suis bouleversé lorsque je reviens de voyage. Une voisine ayant partiellement les mêmes perceptions m'indique de faire des efforts pour voir le beau côté des choses. Elle n'a pas toujours été ainsi. Je suis perplexe, ce n'est pas d'hier. À chaque destination effectuée dans le passé, j'ai noté qu'à côté des richesses se déploie la misère. On en est venu à se raconter des histoires pour se dire qu'il y a pire que nous. Jadis, on disait qu'on était né pour un petit pain. J'ai vu déjà, dans des lieux d'une grande pauvreté de l'ailleurs, des âmes humbles et généreuses. Effectivement, je dois, tout comme ma voisine, remettre ma vision dans une objectivité plus limpide, ceci serait valable pour ma santé mentale. Il y a l'exil, mais changer mon regard serait nettement plus aisé. Peut-être que quelqu'un m'apprendra certaines choses sur la façon dont se comporte le monde, car bien souvent, je n'y comprends plus grand chose. Peut-être est-ce ainsi vieillir ; perdre ces certitudes. Et si tout revenait simple comme une lettre à la poste. Même la poste se demande si elle devient illettrée à ne voir que des colis obsolètes. Plus j'avance dans le temps, plus j'ai le goût d'écrire. L'histoire me sert d'inspiration. Je ne tenterai pas de me définir, car, comme l'amour, aussitôt qu'on commence à le définir, il disparaît. Mes principaux défis, à court terme, c'est de tenter d'harmoniser les mots de façon à ce qu'ils soient de plus en plus explicites et percutants. Je veux éblouir davantage les mots, les maîtriser, en faire une sorte de poésie contemporaine. Déjà, en utilisant le correcteur issu de l'intelligence artificielle, je n'ai plus le souci pour la ponctuation. J'éprouve ensuite, le désir de réseauter avec des gens ouverts, sympathisants et relativement compatibles avec mes champs d'intérêts. Je vais cesser mes pérégrinations pour le moment pour m'infiltrer doucement dans le bouquin sur la table.

7 octobre |

Un thème récurrent voltige dans ma tête ; le sentiment d'exclusion et de solitude. Pour passer ce profond malaise, je viens de lire Mayonnaise, roman d'Éric Plamondon qui relate la vie abrégée de Richard Brautigan sous une forme originale. Gabriel Rivages raconte ses recherches sur Brautigan sur la côte Ouest des États-Unis. Brautigan a écrit de nombreux livres et manuscrits, dont le plus célèbre fut ; la pêche à la truite en Amérique. C'est l'Amérique des sixties. Il fut le dernier des beatniks. Il s'est suicidé à 41 ans. Il fraie la poésie avec Ken Kensy dans le quartier hippie Haight-Ashbury de San Francisco, qui fut l'auteur du film mythique ; Vol au-dessus d'un nid de coucou. C'est la période éclatée et psychédélique du summer of love de 1967. Je m'intéresse à ces années pour les grands changements sociaux qu'ont initiés les jeunes générations de cette vibrante époque. Depuis, il y a eu de grands progrès culturels qui ont plafonné et, qui depuis une décennie, régressent. Je devrais me mettre aussi à la poésie contemporaine pour transformer mes vieilles rengaines, mes ruminations. Lire exerce en moi de profondes stimulations. Parfois, quelques pages suffisent pour me délié l'esprit. L'histoire la provoque. Parfois, je me sens trop rigide. J'en reviens au thème récurrent qui m'aliène, ce sentiment d'abandon et de rejet. Ces pensées provoquent en moi un blocage de ma vitalité. Du moment que j'ai détecté le signalement, que faire sinon d'avoir le sentiment d'avoir crevé ce lamentable abcès en l'exprimant ? C'est comme une tache sombre qui pigmente mes cornées que je ne peux dissoudre qu'avec beaucoup d'adrénaline. Trop longtemps dans le corps, elle épuise cette hormone. Je lis rarement des romans, pourtant je devrais. Il est inutile de me sentir obligé de justifier constamment mes opinions avec les gens. C'est une cause perdue et une perte considérable d'énergie. C'est pourquoi il y a autant de partis politiques au Québec, nous sommes les maîtres de la division. Je n'ai pas le goût à ce jeu pour m'y avoir trop souvent pris au piège. Que feront les hommes lorsque l'intelligence artificielle prendra leurs places ? Soit qu'ils deviennent les esclaves de ce qu'ils auront créé, soit qu'ils s'en serviront pour se libérer. Cela m'étonnerait, connaissant les hommes. Il faut bien s'enrichir quelque part n'est-ce pas ? À moins qu'une nouvelle supra-puissance s'élève en remplacement du cirque mirobolant de nos existences. Devrait-on dire une vie artificielle ? Difficile d'être plus superficielle que ça aujourd'hui, sans vouloir être pessimiste. L'espoir est ce qui nourrit le monde. Qu'a fait le progrès dans le monde depuis un siècle, à part technologique ? Tout n'est évidemment pas aussi sombre que je laisse le prétendre. Je lis un ouvrage magistral; le lien d'amitié, une force d'âme de Michel Erman qui m'apporte de nombreuses réponses. J'en ai besoin ces temps-ci. J'y puise la nourriture que mon esprit exige, me confirmant que j'ai besoin des autres pour exister.

6 octobre |

C'est quoi un couple ? Le désir de fonder une famille. Un accommodement économique. Répondre aux besoins de sécurité. Faire des projets communs. Partager avec quelqu'un possédant des valeurs et affinités communes l'essence même de la vie. Mes parents adoptifs ne furent pas un modèle. L'harmonie du foyer faisait défaut, j'en ai souffert. Ce fut ainsi. Mon père, je l'ai peu connu, il est mort à mes dix ans. Paul, je l'aimais bien. Ses faiblesses différaient largement de celles de Marcelle. C'était un homme profondément humain. Son but premier était sa foi, la littérature et la famille. Il s'est bien occupé de moi et de mon éducation écourtée par son absence précoce. Sa présence était joyeuse et sereine. Ma mère était possédée par le jeu compulsif. L'argent, elle ne savait qu'en faire, sauf reprendre les paris du lendemain. J'aime étudier les rapports que les gens ont les uns envers les autres, la sociologie pour bien dire. Le monde est rempli d'alliances étranges et contradictoires. Le besoin de liberté est rempli de bonne volonté, apprendre à s'en servir adéquatement est un art. On reconnaît la liberté par son absence, l'argent par son manque, la santé par la maladie. Cela aura pris deux semaines après mon retour de voyage pour reprendre mes esprits. Il est de ces déplacements qui provoquent de grands bouleversements. La plupart effectués le furent. Après coup, je ressors plus fort. La vie est composée d'essais et d'erreurs. J'ai passé ma vie dans les montagnes russes. À la retraite, ce qui compte n'est plus d'agir, mais d'être. La retraite est perçue difficilement par plusieurs qui l'ont franchie, je n'en suis pas exempt. Le lâcher-prise devient une nécessité. Au retour de mes péripéties prolongées en vanlife, je reviens anxieux. Je n'ai pas de solutions immédiates à ce constat sauf le repos. En faisant des expériences conscientes et répétées, les réponses me parviendront. On n'a pas suffisamment d'une vie pour devenir sage. J'expérimenterai l'éloge de la lenteur durant les prochaines semaines avec davantage de parcimonie. 

Mon enthousiasme est tellement grand durant les voyages qu'il vient un temps où la pente redescend brusquement vers un état dépressif au retour. Des troubles anxieux apparaissent dans un mouvement compensatoire du sentiment d'exclusion et d'une solitude involontaire. Pourtant je devrais avoir la force d'inverser cette dynamique. J'ai eu beaucoup de relations superficielles dans ma vie, je n'ai pas su faire les bons choix par manque de courage et de connaissances. Depuis, j'éprouve un bonheur immense à m'arrêter pour lire et écrire. Ces moments me permettent l'introspection nécessaire pour faire des choix distincts dans une continuation satisfaisante. Merci la vie de m'apporter la sagesse de changer ce qui m'est possible de changer et de reconnaître la différence de ce qui m'est impossible de changer. Apprendre à vivre est un art.

5 octobre |

Je croyais que mon voyage touchait à sa fin, ayant atteint l'extrême limite de mon pouvoir, que le sentier devant moi s'arrêtait et que le temps était venu de prendre retraite dans une silencieuse obscurité. Mais je découvre que ta volonté ne connait pas de fin en moi. Et quand les vieilles paroles expirent sur la langue, de nouvelles mélodies jaillissent du cœur ; et là où les vieilles pistes sont perdues, une nouvelle contrée de mon cœur découvre ses merveilles. Rabindranath Tagore. Je souhaite dans ma maison : une femme ayant sa raison, un chat parmi les livres et des amis sans lesquels je ne peux pas vivre. Guillaume Apollinaire. Après de somptueuses escapades au bout de la route qui m'ont presque fait sombrer dans la folie, je débute un long processus de douce hibernation. Je réalise que sans amis, il m'est impossible de vivre, eût-il possédé tous les biens. Je reprends en partie une citation d'Aristote. Depuis toujours, je note des citations. Ce sont mes mantras dans mes passages à vide, sinon davantage. J'ai déplacé beaucoup d'air depuis le printemps, que le temps est venu de m'immobiliser dans une singulière quiétude. Tout va trop vite autour de moi. L'actualité décline ses horreurs au quotidien laissant ses traces dans toutes les hémisphères. Je ne peux pas m'extirper du monde qui m'entoure, car je suis le monde. M'asseoir, marcher, lire, écrire redevient mes exutoires dans le déclin de la lumière automnale. La bibliothèque devient une annexe à mon logis pour apaiser mon cœur et mon esprit. J'ai perdu cette semaine, non sans peine, un être que je croyais un ami. Peut-être ne l'a-t-il jamais été ? Il fut, comme je le fus pour lui, un pèlerin de passage. Il a fait ce qui lui était possible de faire selon ses dispositions. Je le remercie pour les heures passées ensemble à discuter. Je ne dois pas tenter de comprendre, mais plutôt considérer qu'il m'a permis de faire un bout de chemin. N'est-ce pas ainsi que sont les hommes ; des pèlerins fragiles et incomplets ? Je ne ressens pas autant le désir de comprendre qu'il fut indisposé à communiquer la dernière strophe. Malgré ce que je ressens parfois, je possède ma place dans cet univers qui m'est difficile de reconnaître bien souvent ses codes abstraits. Il ne me suffit pas autant de comprendre outre mesure que de se connaître et vivre en paix. Mais pourquoi cette paix est-elle si souvent inatteignable avec tous nos savoirs et connaissances ? Ma vie est un mystère, je doute. En ce sens, je suis profondément humain. Mes doutes ne me permettent pas de vivre dans l'ignorance ni dans la paix d'esprit. Mon signe, poisson est représenté par deux poissons reliés ensemble nageant dans des directions opposées. La dualité m'assaille de toute part que je dois être vigilant pour canaliser mes énergies. Toutefois, je ne dois pas mélanger l'action du savoir. Qu'en est-il du savoir ? Aujourd'hui, il est relié au nombre d'informations diverses emmagasinées. En aucun cas, la sagesse n'intervient dans ce lot de codes abstraits interrompus. Le lien d'amitié est une force d'âme, ce qui vient alimenter mes réflexions en cette période stérile axée sur la peur, l'ignorance, la performance et l'apparence dans cette culture dont je ne peux me soustraire. Être seul ce n'est pas être indépendant, c'est tout sauf ça. Chez les amérindiens autrefois, un indien seul c'est un indien mort.

2 octobre |

Durant les derniers mois, mon regard s'est porté vers l'extérieur. C'est comme ça le printemps et l'été. J'ai beaucoup discuté sur l'état du monde les derniers temps. Il se porte mal. Maintenant, je dois porter mon regard vers moi et sur ce qu'il m'est possible d'effectuer pour améliorer mon sort et m'épanouir. Il est impératif de reprendre le flux de mes énergies en refaisant le point sur ma vie. Je suis submergé d'émotions ces temps-ci, au point d'avoir la nécessité de parler ailleurs que dans le blogue. Je prends les moyens nécessaires pour éviter tous débordements émotifs pouvant obstrués mon esprit. Les interactions de qualité me manquent. Par cela, je veux dire des relations amicales et engagées malgré que j'ai la chance d'avoir la présence d'une amie sincère. J'ai négligé une partie importante de ma dynamique dans le fait d'avoir passé trop de temps en solitaire les derniers mois sur la route. Je fais ce constat par des malaises récurrents et pernicieux depuis quelque temps. Cela m'arrive après l'été lorsque je rentre dans mon habitat qui me sert de cocon. Ayant passé près de quinze semaines à l'intérieur d'un petit habitacle motorisé, ce fut intense et mouvementé. Ce mouvement frénétique ressemble à une fugue associée à un désir d'assouvir un besoin d'évasion et de découvertes. J'ai appris de la vie qu'elle est remplie de deuils, je m'y habitue difficilement. Des amitiés se défont, des projets arrivent à terme, une immense lassitude me porte dans une profonde remise en question. Le fait de me sentir impuissant devant les choix proposés est inconfortable, surtout que je peine à reconnaître les meilleurs. Il est probable que mes yeux ou mon cœur soient fermés pour ne pas voir ce qui est bon pour moi. L'inconfort devant mes peurs m'apparaît brutalement. Je ne suis pas un être négatif, loin de là, mais attéré devant les éternels recommencements. J'ai souvent le sentiment de faire du surplace, revivant en boucle les mêmes vieilles rengaines issues de blessures ancestrales. Je suis fort et fragile à la fois. Mon besoin de m'exprimer aujourd'hui est grand, à l'image de l'eau se remplissant devant le barrage inadéquat. Mon besoin d'authenticité détonne devant des gestes mécaniques. J'ai accordé, cet été, beaucoup d'intérêts à des choses extérieures. Sans les échanges nourrissants empreints de compassion et d'ouverture, ma vie est stérile. Je sais qu'en ce moment, j'ouvre une porte menant sur différentes avenues qu'il n'est pas aisé de partager. Les émotions sont vives que j'esquiverai de poursuivre le prochain chapitre.

29 septembre |

Le carrefour est un lieu sacré. C'est là que le pèlerin doit prendre une décision. Là où les routes se croisent, deux grandes énergies se concentrent - le chemin que l'on va choisir, et celui que l'on abandonné. Tous deux ne font plus qu'un, mais seulement pour une courte période. Le pèlerin peut se reposer et dormir un peu. Il ne peut y demeurer pour toujours : lorsque son choix est fait, il doit poursuivre sa route, sans pensé à la voie qu'il a délaissée, sinon le carrefour devient une malédiction. Maktub, Paolo Coelho. Les retours de voyages me sont douloureux. Je ne reviens jamais le même. Le vide à un moment donné m'accapare de façon douloureuse. Le mouvement excessif m'accable, l'immobilité m'angoisse. Le voyage, c'est l'évasion, même de la discipline à soi. C'est la grande débâcle. Le retour vers l'intérieur devient nécessaire, pas qu'en voyageant je m'oublie, mais je suis davantage préoccupé du monde qui m'entoure. En ville, je joins les rangs de la morosité et de l'indifférence de mon quartier. J'ai besoin de reprendre mon souffle, de m'immobiliser pour repartir sur la prochaine voie. Vivre sur un carrefour peut devenir épuisant. Durant le voyage, je suis une trajectoire inconstante, réelle mais importante. Le retour est inconfortable, c'est dans l'acceptation de ce malaise que subsistera mon salut.

Cyclotourisme | New York State, Vermont and Ontario

20 septembre | Étang Burbank, Danville, Cantons de l'Est

Après le passage à St Johnsbury, la plus grosse bourgade du Northeast Kingdom au Vermont, je passe à Kingdom Trails situé à East Burke. J'ai eu plusieurs passions au fil des années dont le kayak de rivière et le vélo de montagne. En kayak, j'ai failli me noyer trois fois. J'ai fait beaucoup de vélo de montagne. Mes premières grandes expériences furent avec une connaissance, Louis, qui connaissait tous les secteurs forestiers au nord du fleuve de Portneuf à Charlevoix. Avec lui, j'ai eu la piqûre des endroits sauvages en vélo de montagne. Ensuite, vint Kingdom Trails à East Burke au Vermont, qui est la mecque de ce sport dans l'Est de l'Amérique du Nord. Les réputés singletraks attirent des milliers de cyclistes sur Burke Mountain. Par la suite, j'organisai un voyage de deux semaines à Moab en Utah avec trois athlètes. Nous avions atterri à Salt Lake City pour prendre possession d'un 4 x 4 avec un support à vélo. Nous avions amené nos vélos avec nous. Chaque jour, un membre différent du groupe conduisait le véhicule pendant que les autres roulaient. Moab est la destination mondiale de vélo de montagne, aucun mots ne peut décrire ces lieux. Le guide offre une centaine de trails différents allant de l'extrême aux plus faciles. Plus tard, j'ai passé à la randonnée pédestre pour satisfaire la clientèle de mon entreprise. Là était l'avenir, car la randonnée regroupait davantage de gens qu'à vélo. Après Burke Mountain, je vais luncher et me baigner à Brighton State Park d'Island Pond. Je suis seul, il fait beau. Je déguste un plat cuisiné de jambon à l'ananas. Plus tard, je traverse les douanes à Standhope dans les Cantons de l'Est. En arrivant au Québec, ce qui surprend en premier lieu, c’est la piètre qualité des routes. Ça me prendrait un 4 x 4. En deuxième lieu, c'est la conduite des automobilistes qui me désespère. Puis, ce sont les arbres qui ressemblent de ce côté de la frontière à des allumettes. Le déboisement est radical dans la belle province. Aucun endroit en Amérique du Nord pour moi n'est aussi spectaculaire que la Nouvelle-Angleterre. Au Québec, je ressens davantage l'humidité. Bref, j'en suis à faire mon bilan de ce périple formidable à vélo de 25 jours débuté en Montérégie, puis en Ontario et se poursuivre dans Upstate New York et finalement au Vermont. J'ai parcouru 700 kilomètres à vélo à l'intérieur de douze parcours de différents niveaux. La plupart étant au Vermont ce qui a représenté le plus grand défi. 3000 kilomètres ont été parcourus avec le véhicule.

Boring en français signifie ennuyeux. Ici, je ne partage que mes opinions, qui ne doivent en aucun sens être prises pour des vérités. L'Ontario et l'Alberta au Canada sont borings tout comme les États américains de l'Ohio, du Missouri et du Dakota du Sud, pour ne nommer que ceux-là. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'un état ou une province soit libéral ou conservateur, démocrate ou républicain. Aux États-Unis, les contrastes sont frappants et les découvertes multiples. Le Canada m'apparaît homogène et uniforme. La Nouvelle-Angleterre représente en elle seule un monde à part incluant les Adirondacks, les Catskills et l'Hudson River dans l'État de New York. Ces régions possèdent des routes inombrables pour satisfaire les plus grands amateurs de vélo et de randonnée. Il est possible de se baigner dans des lacs et des rivières différentes chaque jour. La fraîcheur et la beauté des régions montagneuses de la Nouvelle-Angleterre est incroyable. L'histoire et l'architecture sont omniprésentes. Pour parler de quelque chose, il faut au préalable, comparer avec des choses différentes que l'on est habitué à voir. Je nommerai les points forts et faibles de ces destinations en étant le plus objectif possible. 

Le Québec est le pire endroit en Amérique du Nord pour l'état de la chaussée et la conduite automobile. Les québécois sont nettement plus nerveux, bruyants et stressés que les anglophones. Les règles et les lois en général sont davantage respectées chez les anglais de même que l'environnement. Il est difficile de poursuivre sur cette lancée en affirmant simplement que les francophones d'Amérique sont différents des anglo-saxons, mais en effet ils le sont. Il y a certainement des raisons autres que politiques du fait qu'il y a des centaines de millions d'anglophones en Amérique à  comparer au quelques dix millions de francophones. Ces élucubrations sont le fruit de mes observations. Le fait d'avoir beaucoup voyagé me permet de porter un certain jugement et une critique, somme toute équitable. Il ne s'agit pas de dire que c'est pire ailleurs pour se rassurer. Être né pour un petit pain et me contenter de la médiocrité ne fait pas partie de mes objectifs possédant un sens artistique en étant idéaliste de nature. Upstate New York m'était peu connu. Quelques endroits reculés autour de Redwood et Black Lake m'ont ravi. Le long de la rivière Châteauguay est superbe pour le vélo de même qu'une grande partie de la Montérégie, si l'on sait sortir des sentiers battus. Les Cantons de l'Est sont devenus trop peuplés, c'est pour cette raison qu'il y a autant de pistes cyclables les plus ennuyantes les unes qu'aux autres. C'est que les routes pavées sont impraticables à vélo. Le gravel bike est le meilleur vélo pour les Cantons de l'Est en utilisant les nombreux chemins de terre intéressants. L'Ontario, je n'ai plus rien à dire. Le Vermont est une destination de choix pour ses paysages bucoliques et pastoraux, ses country stores et le savoir vivre de ses habitants. J'ai trouvé que le Vermont devenait plus beaux à partir du centre en allant au sud. Il sera fort probable de me retrouver en Nouvelle-Angleterre et dans l'État de New York pour les prochaines années avec Béa, mon fidèle campeur et ma céleste bicyclette. Le coût de l'essence aux États-Unis est sans contredit plus abordable, même en tenant compte du taux de change. Pour la nourriture, je devais faire attention aux dépenses, parfois j'ai eu de bonnes surprises. Au Québec, la bouffe est moins chère surtout dans les chaînes d'alimentation. J'ai respecté mon budget. Je n'ai eu aucun soucis mécaniques du véhicule et du vélo, aucune crevaison et aucun problème avec quiconque. Je n'ai eu aucun problèmes pour le bondooking, les sites sélectionnés on toujours été incroyables, davantage que la plupart des campings. J'ai été en bonne santé et suis très satisfait de ce voyage hors du commun. J'ai dépassé mes limites sur plusieurs fronts en utilisant mes forces et mes ressources. Tous les soirs, j'ai écris sur le blogue et mis des images en ligne. Cela est important de conserver ces tâches pour mon mental, surtout en voyageant en solitaire comme je le fais depuis maintenant quatre ans. Ce soir, c'est mon dernier dodo situé à l'Étang Burbank de Danville, cette fois dans les Cantons de l'Est. Curieusement, hier soir, j'ai passé par hasard la nuit de Danville, au Vermont. Il est indiqué sur le panneau que le lieu est une halte pour VR gratuite pour une nuit seulement. Ce qui m'étonne, ce sont les gros spotlights, me donnant l'impression de dormir dans un stationnement de Walmart. On ne voit pas ça de l'autre côté de la frontière dans des lieux similaires. Il paraît que les québécois sont les plus grands dépensiers en Amérique et dans le monde. En traversant Sherbrooke aujourd'hui, j'ai été pris dans un bouchon de trente minutes. Ceux qui sont tenté de critiquer les américains n'ont qu'à se promener dans les régions rurales pour constater qu'on est bien loin de l'image que les gens s'en font. Ce matin, première journée automnale frisquette, je nettoie le campeur au complet et dormirai ce soir dans mes couvertures avec la satisfaction d'avoir accompli mes objectifs avec des images pleins la tête pour les mois à venir. Merci à ceux qui m'ont accompagné dans cette formidable aventure, je vous suis reconnaissant.

19 septembre | Danville, Northeast Kingdom, Vermont

Je croyais que le shérif avait cogné à ma porte ce matin. C'était des glands de chênes qui tombaient sur le toit. J'ai effectué ma plus difficile randonnée à vélo du voyage. Ça commence avec une descente vertigineuse de cinq kilomètres. 80 kilomètres au total, la moitié dans les côtes parfois abruptes. Il a fait chaud au fond de la profonde vallée enclavée de Green Mountains National Forest. Le parcours, malgré des longueurs, a représenté un bon défi. Plusieurs tronçons étaient des voies rapides. En voyant toutes les grandes montagnes autour de moi, je me suis trouvé pas mal bon, j'ai de quoi à être fier. À Roxbury, une pisciculture de l'État élève des truites mouchetées. L'eau dans laquelle vivent des milliers de truites est claire et limpide et provient des montagnes. Je n'ai jamais vu autant de belles truites de ma vie. À Norfield se retrouve le plus ancien collège militaire du pays. Des jeunes hommes au physique imposant jonchent le village. Je déguste un brownie. Ensuite débutent sur une vingtaine de kilomètres les côtes abruptes. La différence de température en haut est considérable. Il n'y a pas le facteur humidex autant au Vermont qu'au Québec à cause des montagnes et du couvert végétal. Au retour, je me baigne au Sunset Lake de Brookfield. Le site est superbe. Je suis à dix kilomètres de la capitale, Montpelier. La population est de 8 000 habitants ce qui constitue la plus petite capitale au pays. Je ne m'arrête pas, il est tard. À Danville, je m'achète une pizza et des pâtes. Je m'installe au cimetière, je vais bien dormir. La vue est prenante sur les montagnes du New Hampshire. Je suis dans la région la plus sauvage et moins peuplée du Vermont; le Northeast Kingdom qui signifie le royaume du Nord-Est.

18 septembre | Randolf Center, Central Vermont

Je débute la journée à vélo de Colby Pond à Tyson. Ce fut mon plus beau parcours au Vermont avec 40 kilomètres. La température, les odeurs de feuilles séchées, la lumière, le relief, le peu de circulation font de cette journée une expérience inoubliable. J'ai grimpé six kilomètres pour ensuite descendre une bonne dizaine à des vitesses entre 40 et 60 km/heure. Ce secteur est l'un des plus beaux de l'État. En route, je me régale de raisons bleus dans un joli ignoble. La région est remplie de maisons être bâtiments de grosses pierres. Au retour, je vais à Woodstock, non pas celle des hippies de l'État de New York, mais au Vermont. Ce village touristique est d'une grande beauté historique et architecturale. La maison, le parc et le musée Marsh-Billings-Rockfeller représentent un joyau historique qui vaut le détour. Le Woodstock Inn accueille des touristes depuis 1892. Cet établissement est resplendissant en face du green. Les maisons autour du parc sont les plus chères de l'État. Je poursuis ma route pour valider ma prochaine sortie à vélo demain au départ de South Royalton. Je ne suis pas inspiré, je poursuis pour un autre parcours au départ de Randolf Center. Il est tard, je m'installe pour la nuit derrière une chapelle anglicane du campus de l'université. J'ai de la difficulté à trouver le bon spot. Avant d'arriver ici, j'ai passé par d'inombrables chemins de terre en lacets dans les montagnes. À chaque soir, je nettoie le véhicule, ce sera plus long aujourd'hui. Demain matin, avant d'entreprendre le parcours à vélo, j'irai en exploration avant de débuter. Jamais je n'aurai pensé faire autant de vélos dans ce voyage et autant de destinations. Le Vermont a quelque chose de plus à offrir que la plupart des autres États. Par exemple, la nourriture disponible dans le Country Store est absolument remarquable. On peut commander une salade ou un sandwich frais en tout temps, on est bien loin des Subway ou restaurants franchisés. L'ambiance y est totalement géniale. Voyager au Vermont est une expérience en soi si on prend le temps de sortir des sentiers battus. J'en suis pas à mon premier voyage au Vermont, mais cette fois j'ai bien identifié les endroits susceptibles de m'intéresser. Les États-Unis sont de loin beaucoup plus agréable et dépaysant que le Canada, du moins ceci est mon humble opinion.

17 septembre | Colby Pond, Tyson, Central Vermont

Je fais la visite à Dartmouth College d'Hanover au New Hampshire. Ce fut, jadis, un endroit important lors de mon premier grand voyage cyclotouristique. J'y ai souvent retourné. Cette fois-ci, la magie s'est estompée, je suis rendu ailleurs. Il en est de même pour certaines personnes. Je prends quelques clichés à la magnifique bibliothèque Baker du campus. Les étudiants, ou plutôt leurs parents, déboursent par an entre 50 000 $ et 75 000 $ US pour envoyer leurs rejetons dans ce prestigieux collège de niveau international. Ils sont assurés d'obtenir un emploi bien rémunéré. Ils iront travailler dans les entreprises familiales ou dans les meilleurs postes. Ils habitent en chambre des nombreuses grandes résidences du collège. Ils joindront des maisons possédant les noms d'Alpha, Omega, etc. afin d'intégrer un groupe avec les mêmes goûts et intérêts. Ils auront un budget pour administrer la résidence, ce qui leur permettra d'acquérir de l'expérience, les garçons dans les fraternités et les filles dans les sœurialités. Les sports sont importants sur le campus, ils ont à leur disposition de nombreux équipements et clubs. Les équipes sportives possèdent le nom des maisons auxquelles elles appartiennent. Plus tard, je vais luncher à White Jonction et poursuis sur Stroughton Recreation Area pour une baignade dans un étang. Le parc est fermé. Pas de problème, je pourrai me baigner nu. Ensuite, je descends à Springfield, ville industrielle qui a été sélectionnée pour étant la localité de la série des Simpson. Les gens n'entendent pas rire de mes blagues sur Trump, possiblement parce que je n'articule pas assez bien ou que je ne ressens pas les interlocuteurs. J'espère que bientôt on n'entendra plus parler de cet infame personnage. Je ne comprends pas pourquoi un aussi sombre idiot fait autant parler de lui. Au sud du Vermont débutent les villes et villages au passé lourdement industriel, surtout au Massachusetts qui n'est pas très loin d'où je les trouve. Je me rends à Chester, demain, ce sera mon départ à vélo. Ma mémoire refait surface en reconnaissant le village pour y avoir fait le parcours à vélo il y a deux ans. Je décide alors de me rendre au second parcours identifié à Tyson, au cœur des montagnes vertes près de Camp Plymouth State Park. Je m'installe à Colby Pond. Je suis seul, l'endroit est sauvage et sublime. Les poissons sautent. C'est mon plus beau spot du voyage. Ça grouille d'animaux. Les feuilles ont commencé à tomber, la forêt change de couleur. C'est la pleine lune, il n'y a aucune brise, il ne fait pas froid. Je n'ai pas envie de dormir. C'est fou comment la circulation automobile me rend dingue. Je ne sais pas pourquoi j'habite à Québec avec près d'un million de gens autour de moi, sinon pour le prix modique du logement que je paie depuis 30 ans. La vie est devenue tellement chère, c'est triste pour bien du monde de nos jours. Je m'en suis bien sorti malgré de grandes périodes d'austérité. Ça m'a permis d'intégrer la simplicité volontaire. Un panier de fraises à l'épicerie aujourd'hui valait 10 $ US sans compter le reste. Les restaurants sont devenus inabordables pour moi. Par chance, l'essence n'est pas chère aux États-Unis, ça compense pour les extras de bouffe. J'en ai vraiment pour mon argent avec le vanlife. C'est l'une des meilleures décisions que j'ai prises dans ma vie. Qu'aurais-je fait de ma retraite dans cette ville folle et indifférente d'où il est impossible d'entendre le silence et d'admirer les étoiles ? Demain, je débute le parcours à vélo ici-même de Colby Pond. Rien n'est comparable ce soir que ce spectacle qui s'offre à moi au cœur des Green Mountains. This is magic and unbelievable.

16 septembre | Norwich, Connecticut River, Eastern Vermont

Je me suis levé tard dans la brume. J'ai pris un déjeuner gargantuesque pour ensuite partir à vélo pour une longue randonnée en pleine montagne. Il a fait chaud, mais il y avait de l'ombrage en forêt. Sur les 75 kilomètres parcourus, je n'ai rencontré aucune source d'approvisionnement avant 65 kilomètres. Un tronçon de dix kilomètres fut très abrupt. J'ai grimpé près de 500 mètres à vélo, toutefois les descentes m'ont joyeusement enthousiasmé avec des vitesses entre 40 et 60 km/heure.  Au loin, j'appercevais les cimes des White et Green Mountains. C'est à mi-chemin entre le Québec et le Massachusetts que ça commence à être intéressant. Les variétés d'arbres et de plantes sont davantage diversifiés, le dépaysement plus intense. Au retour, je me paie des canolis et une baignade dans une rivière. Ensuite, je file vers Norwich sur la Connecticut River, m'installant derrière une petite église. C'est très beau et champêtre. Demain, je prends congé du vélo, j'irai me promener parmi les étudiants les mieux nantis des États-Unis à Darmouth College d'Hanover au New Hampshire. Ce qui est particulier, c'est que le collège est en pleine nature, comme bien d'autres aussi au pays. Connecticut River prend sa source à la frontière du Québec et descend à l'océan Atlantique jusqu'à New Haven, au Connecticut. Dans ma jeune vingtaine, n'étant pas intéressé à travailler, je passais des années complètes en cyclotourisme à parcourir de long en large la Nouvelle-Angleterre. Je me rappelle être parti à vélo de chez moi avec un vélo de marque Mikado, la première génération de vélo cyclotouriste offert chez Poliquin dans les années 70. Je partis de la maison avec cinq sacoches, une tente et un sac de couchage. À New Haven, j'ai descendu jusqu'aux banlieues de New York pour ensuite remonter la côte vers Boston et le Maine. Rien ne m'arrêtait. La différence aujourd'hui, c'est que j'ai tout mon temps et que je traine avec moi ma maison. Je revois des lieux qui m'ont jadis vu passer. Je reconnais aujourd'hui, pour avoir beaucoup voyagé depuis, que la Nouvelle-Angleterre a tout pour me plaire et que, surtout, ces contrées sont à côté de la maison. Malgré tous les lointains pays visités, nulle part ailleurs qu'ici je me sens aussi bien.

15 septembre | Barnet, Connecticut River, Eastern Vermont

Mon départ à vélo ce matin m'a transporté au meilleur de ce que le Vermont peut m'offrir. Je débute avec une longue montée de dix kilomètres sur un dénivelé de 250 mètres. Le parcours indique en partie difficile. Je n'aurais pas fait cela en début de saison. Après cette randonnée dans les montagnes, je suis capable d'effectuer tous les parcours difficiles du Vermont. Je ne vois pas de gens obèses sinon très peu. Plusieurs vermontois sont des amateurs de plein air. Les routes et la signalisation sont impeccables, toutefois les inondations subites par les grosses pluies laissent des dégâts importants. Les changements climatiques dans l'avenir obligeront des gens à délaisser certaines parcelles de territoire. J'ai téléphoné à Junior à la Vie Sportive pour le remercier du bon travail qu'il a fait sur mon vélo. Il roule à merveille. Je passerai à la boutique au retour pour acheter du dégraisseur et prendre des informations pour bien nettoyer toutes les composantes du vélo, choses que j'ai négligé dans le passé. Avec tout le plaisir qu'il m'offre, il mérite bien un bon entretien. Au total, je parcours 63 kilomètres dans un paysage idyllique. Au retour, j'achète un bifteck assaisonné et je file vers Groton State Forest me baigner à Boulder Beach State Park. Le site est paradisiaque, le bonheur est total. Ensuite, je m'installe pour la nuit derrière le garage municipal de Barnet sur la Connecticut River qui fait la frontière avec le New Hampshire. Les White Mountains ne sont pas très loin. What's a wonderful day. La Nouvelles Angleterre et l'état de New York sont incontestablement le meilleur terrain de jeu à proximité de Québec. On saura m'y retrouver dans les années futures.

14 septembre | Hardwick, Lamoille Valley, Central Vermont 

Ce matin, j'ai réfléchi plus longuement à la suite et j'ai décidé que ce n'était pas le moment de traverser la frontière du Québec. J'ai le fort sentiment d'avoir manqué quelque chose surtout qu'il fait admirablement beau. Je décide alors de m'enfoncer plus au Sud du Vermont. Il y a beaucoup de circulation sur les routes, surtout près de Stowe où se retrouve la plus haute montagne de l'État : le mont Mansfield avec ses 1339 mètres. Stowe est le genre d'endroit que je déteste le plus en voyage avec sa horde de touristes du dimanche, surtout avec l'automne et ses couleurs qui se déploient partout. Je prends congé cet après-midi à la plage publique de Caspian Lake à Greensboro. C'est mon plus beau moment de détente du voyage. Les eaux du lac sont une pure merveille, je pourrais même y boire son eau. Toutes les maisons autour du lac valent plus d'un million, même les plus modestes. C'est un endroit pour les millionnaires, la plupart proviennent de Boston ou de New York. C'est un endroit de rêve en dehors des principaux axes routiers. Plus tard, je vais m'installer à Hardwick, au centre du Vermont pour la nuit. Demain, le départ à vélo se fera du village. À l'épicerie, un bon pain coûte 13 $ CAD, toutefois les économies sont substantielles sur l'essence. Il en coûte 0.60 $ de moins qu'au Québec le litre incluant le taux de change. La nourriture est excellente partout au Vermont, tout est organique et biologique, les fruits et légumes sont d'une étonnante fraîcheur. Je m'étais installé pour la nuit devant le jardin communautaire que je me suis fait dire poliment de quitter. Je suis aller plus loin près d'une rivière. Le shérif est venu me rencontrer suite à une plainte d'un voisin en rapport de l'endroit où je me trouve. Ce lieu a subi trois flash flood déjà, qui sont des inondations sévères. Le gentleman policier m'a dit qu'il ne voit aucun problème d'y passer la nuit sauf s'il pleut. Aucune interdiction n'est indiqué, je prends toujours bien soin de vérifier avant de m'installer. On a même entrepris une bonne conversation sur le vélo et la politique. Il n'est pas un fervent trumpiste, comme d'ailleurs la majorité des habitants du Vermont. Je lui ai dit à la blague que je ne mangerai pas les chats du village cette nuit, ce qui l'a rassuré et fait rigoler. Depuis mon départ je n'ai jamais autant vu de patrouilles de police qu'au Vermont. Je suis bien protégé.

La chose la plus importante dans toutes les relations humaines est la conversation, mais les gens ne parlent plus, ils ne s’assoient plus pour parler et écouter. Ils vont au théâtre, au cinéma, regardent la télévision, écoutent la radio, lisent des livres, vont sur internet mais ils ne parlent presque jamais. Si nous voulons changer le monde, nous devons revenir à une époque où les guerriers se réunissaient autour d’un feu et racontaient des histoires. Ce formidable texte est de Paulo Coelho.

13 septembre | Franklin, Northern Vermont

Avoir su que j'avais de si bonnes côtes à grimper de Richford, je n'aurais pas mangé des crêpes. C'est ma première véritable randonnée à vélo cette année dans les montagnes. La descente vers la prochaine vallée, j'atteinds des vitesses de plus de 65 km/heure. Mon compteur affiche désormais 2200 kilomètres depuis le printemps. Le problème à vélo au Vermont est que le parc automobile augmente de plus en plus. Les automobilistes utilisent les vallées pour se déplacer et c'est à ces endroits qu'il est plus facile de rouler à vélo. En quittant les vallées, je m'enfonce parfois dans les montagnes aux dénivelés abrupts et hasardeux. Je rencontre quelques cyclistes Québécois. Les monts Sutton en Estrie sont juste à côté de l'autre bord de la frontière. Au Vermont, la plupart des vieilles granges sont rouges foncés, emblème pittoresque de l'État. La couleur provient du monoxyde de fer du lin dans la peinture qui apporte une protection accrue au bois des bâtiments. L'engouement du cyclotourisme à partir des années 70 a fait développer une étude de marché qui détermina que la moyenne de revenus des touristes faisant de la randonnée et du vélo était supérieure à la moyenne et que les dépenses associées à ces derniers étaient plus élevées. Depuis ce temps, un budget est alloué pour de légers accotements le long des routes, au bonheur des cyclistes. Le cyclotourisme demeure fragile avec le parc motorisé qui augmente sans cesse et, ce, partout. Je pense surtout, en affirmant cela, aux générations futures. À partir de Richford, je me dirige vers les hauts sommets des Montagnes vertes, Jay Peak est devant moi faisant écran avec ses 1210 mètres. À titre comparatif, le mont Sutton de l'autre côté des lignes a 962 mètres. Tout respire la beauté au Vermont, tout y est resplendissant. Toutefois, il serait impromptu d'improviser des parcours cyclistes avec toutes ces montagnes, avis aux amateurs. Internet offre peu de suggestions aux cyclistes, davantage aux randonnées pédestres. Je parcours 55 kilomètres avec facilité, par contre il y a beaucoup de circulation sur plusieurs tronçons. Au retour, je décide d'aller faire une virée à Jay Peak. Je découvre à ma grande surprise une piscine chauffée et un spa. Je stationne derrière l'hôtel. Personne, je prends mon maillot et une serviette, la détente est totale avec le soleil et les couleurs de l'automne qui commencent à se pointer. Je redescends à Missisquoi River Valley pour m'installer dans le champ de monsieur Bouchard à Franklin, à quatre kilomètres de Morses Line, la frontière avec le Québec. Monsieur Bouchard, franco-américain m'aperçoit rapidement dans le champ et voyant ma bonne gueule, il me donne la permission de passer la nuit. Il me raconte que les francophones disparaissent du côté de la frontière. Demain, j'irai faire le plein d'essence, il n'est vraiment pas cher ces temps-ci. Je retrouverai plus tard le petit peuple de la bonne société francophone d'Amérique, je viens de décider de retourner au coeur du Vermont, l'aventure n'est pas terminée, je suis pas encore prêt pour les Tim Hortons.

12 septembre | Richford, Missisquoi River, Northern Vermont

Je pars à vélo du green du village de Swanton sur la rive du lac Champlain. Les greens au Vermont sont des petits espaces verts ovales dans le centre du village. Ils sont typiques de l'état, quoique l'on en retrouve ailleurs en Nouvelle-Angleterre. Ils étaient jadis des lieux de rassemblements culturels et sociaux. Le Vermont est l'un des plus petits états américains. Sa population est de 650 000 habitants, soit l'équivalent de la ville de Québec. La capitale est Montpellier. Soixante-quinze pour cent du territoire est composé de forêts et de montagnes. Il n'y a pas de lacs ou très peu au Vermont, mais d'inombrables rivières aux eaux claires et limpides. La qualité de vie est supérieure ici pour une raison en particulier; la moitié des résidents d’autrefois provenaient des grandes villes au sud de la Nouvelle-Angleterre. Plusieurs étaient fortunés et l'acquisition d'une maison secondaire au Vermont représentait une bonne affaire. Ils étaient attirés par la nature et les valeurs traditionnelles. Ces gens étaient éduqués et possédaient des valeurs largement libérales. La protection de l'environnement et des ressources furent et le sont encore pour eux. Plusieurs n'avaient pas à dépendre des ressources, comme dans les états plus pauvres. À l'époque, l'épicerie générale était le centre communautaire et social du village. Du café et des repas étaient disponibles, tous discutaient politique ou du voisinage. Aujourd'hui, le coût de la vie au Vermont est plus élevé qu'ailleurs au pays, c'est le prix à payer pour la qualité de vie. Je débute ma randonnée de 40 kilomètres à vélo le long du Lac Champlain. Ici, les maisons valent des millions. Je m'arrête à un camping et discute avec une gentille dame. La location de sa maison mobile est de 6 500 $ pour cinq mois sur le bord du lac, les autres, c'est 3 000 $. Elle possède en plus une maison mobile en Floride. J'atteins Saint-Albans, c'est très beau. Le plaisir est grand de rouler sur les routes du Vermont, le principal est de bien savoir choisir les bonnes. C'est très montagneux, parfois certaines routes peuvent être achalandées. 

Le cyclotourisme est né au Vermont par un enseignant de littérature au collège de Middlebury du nom de John S. Freidin.  Entre les cours il était chargé de faire de la bicyclette dans la région qui se prêtait bien à cette activité. Plus tard, il écrivit un guide qui atteindra un succès phénoménal. Le guide s'intitulait ; 25 bicycles tours in Vermont. Ensuite il fonda une entreprise de voyages à vélo du nom de Vermont Bike Tours qui est toujours en activité. Ensuite, il devient sénateur du Vermont et actionnaire d'une réputée compagnie aérienne américaine. J'ai eu un stage chez eux, ce qui m'a permis d'accompagner des cyclistes américains en Europe, notamment en France, en Hollande et en Suisse. Cette expérience m'a permis de créer ma propre micro entreprise de voyages d'aventures au Québec qui aura été une référence dans le domaine du plein air au Québec pendant près de 30 ans. Le climat au Vermont y est moins humide qu'ailleurs dans l'Est du pays à cause de la géographie entre de grands massifs montagneux. Le Long Trail est un long sentier pédestre qui traverse du nord au sud dans les Green Mountains. Le sentier rejoint l'Appalachian Trail à Hanover, qui est le siège d'une importante université ; Dartmouth, qui fait partie de la Ivy League comme Culumbia, Harvard, Yale, etc... Au retour, je file en campeur pour trouver  mon prochain spot pour la nuit à Richford dans Missisquoi River Valley, situé à quatre kilomètres de la frontière avec les Cantons de l'Est au Québec. J'ai demandé la permission aux propriétaires de pouvoir monter mon camp dans leur champ. Avec plaisir, il me l'accorde. Les journées passent en rafale et c'est bien ainsi. What's a fucking nice ride today in a sunshine day. Mon anglais s'améliore de jour en jour, je me surprends moi-même lors de mes conversations ou en écoutant la radio.


11 septembre | Alburgh, Champlain Lake, Vermont

Ce matin, je pars à pied découvrir Plattsburgh de l'endroit où j'ai passé la nuit au US Oval Park. Le centre-ville est bien conservé. La ville est plus petite que je croyais avec ses 25 000 habitants, c'est assez tranquille. Plattsburgh est situé sur la rive du lac Champlain. Burlington de l'autre côté du lac au Vermont a 60 000 habitants. Je vais faire des courses dans un centre commercial gigantesque. C'est complètement désert, Walmart prend toute la clientèle. La mode jadis chez les Québécois vivant de l'autre côté de la frontière était de venir magasiner à Plattsburgh. Cette tendance est chose du passé. Je réussis quand même à négocier l'Atlas New York Gazetteer Delorme. Plus tard, je vais prendre une douche gratuite à Cumberland State Park sur la rive du lac. L'endroit est désert, les vagues sont assez grandes. Je me croirais près de la mer avec la plage sur quatre kilomètres de sable fin. Plus tard, en campeur, je retourne le long de la frontière avec le Québec. C'est bien, mais sans plus. Il serait facile de traverser à pied vers le Québec. Je m'approche d'une barricade rudimentaire sur un petit chemin qui mène au Canada, des caméras sont dissimulées. Je poursuis vers Rouses Point en traversant le grand pont enjambant le lac Champlain au Vermont. Je m'installe à la sortie d'Alburgh sur le bord du lac. Le coucher de soleil est devant moi dans toute sa splendeur. Il y a un sentiment d'accomplissement dans cet instant présent. Le feeling est différent au Vermont que dans l'État de New York. Le Vermont est très progressiste avec des valeurs totalement libérales. C'est probablement l'État que je préfère le plus aux États-Unis. L'ambiance est cool et décontractée comme nulle part ailleurs. Il est possible de donner ouvertement ses opinions sur n'importe quel sujet. Par exemple, dans le défunt train, le Vermonteer d'Amtrak qui jadis allait vers New York et Boston, il y avait un petit espace où les gens pouvaient librement s'exprimer sur différents sujets. Cet élément culturel provient de Londres où était disposé un podium. Je n'en dirai pas plus pour ce soir, voulant me coucher tôt pour être en forme pour la prochaine ballade à vélo demain matin.

10 septembre | US Oval Park, Plattsburgh, Champlain Lake, Upstate New York

Après avoir gonflé mes pneus et lubrifié le dérailleur et la chaîne, je pars à vélo de Fort Covington pour une randonnée de 93 kilomètres aux grands vents. Je débute le long de la frontière avec le Québec. Le vent dans le dos, cette partie est la plus belle du parcours jusqu'à Châteauguay, côté américain. Les seules personnes croisées sont des Amish en famille pieds nus. Un poste frontière est complément désert, sans aucun douanier, sauf qu'il y a des caméras. Mes paysages préférés, comme indiqué auparavant, sont champêtres avec de belles forêts de feuillus. Le remplacement du bitume à certains endroits atteind jusqu'à douze pouces, et ce, en pleine campagne. Les chemins de terre américains sont plus beaux que les routes asphaltées du Québec. Aussi que penser de la rivière Châteauguay qui, en traversant la frontière devient polluée au contact du Québec. La même chose pour le lac Champlain qui est immaculé et qui en traversant au Québec devient Venise-en-Québec. Ce village est une véritable risée de pollution et d'algues incommodantes qui atteind son apogée de merde sur la rivière Richelieu. Le village Châteauguay côté américain n'a aucun charme. Je mange un sandwich au restaurant en discutant politique avec un tas de gens. Je suis assez téméraire dans mes propos et opinions, je fais rigoler les plus sombres des rednecks. Les principaux comtés le long du fleuve sont rouges. Les républicains parlent peu et m'apparaissent comme rien à dire. Ils paraissent peu éduqués, du moins ils sont très peu éloquents. La plupart sont travailleurs manuels ou agricoles. Je les appelle lonesome cowboys. Jadis on parlait français de ce côté de la frontière, c'était il y a longtemps lorsque les familles de paysans québécois avaient de nombreux enfants et ne pouvaient les nourrir, ils étaient plusieurs à émigrer aux États-Unis dans les factory. Maintenant on entend plus parler français. Au retour à vélo, je grimpe sur un plateau des Adirondacks, les éoliennes se dressent partout. J’ai le vent en pleine face. Les vingt prochains kilomètres m'offrent une vue panoramique sur la plaine du Saint-Laurent de la Montérégie, c'est impressionnant. J'aperçois le smog au loin de l'île de Montréal. N'ayant pas de carte précise pour naviguer, la batterie du téléphone tombe en panne, il me reste dix kilomètres, j'ai hâte d'arriver. Je repars en campeur le long de Châteauguay River vers les deux lacs du même nom dans les Adirondacks en buvant un Coke Diet et en écoutant joyeusement du New Country. Aucun réseau n'est disponible sur de grandes distances au point de me demander si mon téléphone est en panne. Dannemora remporté le prix de la ville la plus laide avec son immense centre de services correctionnels au coeur du village. Les barbelés redoutants n'offrent pas le goût de s'y évader. J'arrive à Plattsburgh sur la rive du lac Champlain, la connexion reprend enfin. J'ai juste le temps de souper pour regarder le débat Trump-Harris. Je suis bien installé devant un beau grand parc d'un quartier résidentiel avec de somptueuses maisons victoriennes. Aucune affiche ne m'interdit de stationner. Harris a gagné le débat et remportera les élections, selon moi. Je le souhaite au nom de la démocratie et de la décence. Trump a sombré dans la folie comme d'habitude, ma question est de savoir pourquoi autant de gens le supporte encore.

9 septembre | Fort Covington, Upstate New York

Ma journée d'hier à vélo dans le vent fut terrifique en lien avec les paysages et le parcours. Ce fut un moment magique que je n'oublierai pas. Ce matin froid et gris, je pars en exploration entre le fleuve Saint-Laurent et les Adirondacks en y faisant une légère incursion. Je circule sur un tas de routes, les lieux ne m'inspirent pas autant qu'hier. Il y de grandes maisons de bois victoriennes, certaines d'entre entre elles me font penser aux romans de Stephen King avec leurs allures austères. Une d'entre entre elles dans le village de Bombay aurait pu tourner dans le film Beetlejuice. Je prendsprends des photographies que la résidente, amochée au point de me faire peur, me raconte. Elle est l'une des quatre junkies à vivre dans cette maison étrange et délabrée. Il y a beaucoup d'obésité chez les Américains, ça ne m'étonne pas avec la nourriture décadente qui est offerte partout. Il y a tout près la réserve indienne d'Akwesasne et le village Saint Régis du côté américain en face de Cornwall en Ontario. Le commerce s'effectue avec les bandes de Kanesatake du côté québécois. Je doute bien que toute la contrebande, les armes et la passe des immigrants se fasse de ce côté. Un peu avant, il y a plusieurs grandes bourgades industrielles telles Canton, Potsdam, Malone, etc. Depuis mon départ de Redwood, la circulation devient plus dense vers l'Est et la nature moins éclatante. Je fais remplir ma bonbonne de propane, fais des courses et demande à un type près de sa maison si je peux remplir mon réservoir d'eau avec son robinet. C'est un évangéliste fanatique, les nombreuses chapelles apparaissent au coin des rues de Potsdam. Il me demande si je crois en Jésus. Ceux qui ne croient pas en lui sont des ignorants, me dit-il. Je lui dis que je suis ignorant. Il fait rapidement le lien avec les démocrates en vantant Trump d'être inspiré de Dieu. Je mets court à cette conversation stérile en poursuivant ma route, il ne me plaît guère. De grands collèges et une université sont présents dans la ville. Les influences de ces religieux apparaissent malveillantes auprès de certains groupes et communautés fragilisés. Plusieurs religieux siègent dans les conseils d'administration de plusieurs grandes compagnies et collèges privés. J'arrête de manger un sandwich au même restaurant qu'hier à Gouverneur. La serveuse me reconnait, elle semble contente de me revoir. À Québec, on se fouterait de moi. Les Amish sont partout, ils sont d'habiles charpentiers à voir leurs maisons de bois dans les champs. En fin d'après-midi, j'essaie de trouver un spot pour la nuit. J'évite le secteur des réserves indiennes, ce n'est pas rassurant, ils ont des choses à cacher que je ne veux pas savoir. Les boutiques de Guns s'émiscent dans le décor. Je m'installe à Fort Coverton, situé à quatre kilomètres de la frontière du Québec, où la 132 débute son parcours en Montérégie sur le lac Saint-François. Le village est joli et différent des autres rencontrés aujourd'hui. Je me stationne en bondooking dans un bâtiment de l'American Legion près de la rivière. C'est la route qui mène à la douane, ce n'est pas une bonne idée avec tous les patrouilleurs qui circulent. Par prudence, je monte le camp à la place sur le terrain d'une église presbytérienne. Je marche une heure au coucher du soleil dans le village. Tout est magique avec ses rumeurs du passé sous les grands arbres. Il se dégage une odeur de vieux bois de ces maisons centenaires. C’est dans ces endroits aux États-Unis comme à Fort Coverton que le dépaysement est total. J'ai l'impression d'être dans un musée à ciel ouvert découvrant l'équivalent des ruines antiques. Demain, le beau temps revient, je sortirai mon vélo pour une longue balade le long de la frontière.

6-7-8 septembre | Millsite Lake Fishing Acces Site, Redwood, Upstate New York

L'automne est soudainement arrivé cette nuit. Ce fut le temps de sortir les couvertures chaudes et les rideaux isolants. Malgré les vents violents et la grisaille, rien ne m'aurait empêché de prendre les guidons de ma bécane. C'est ma troisième nuit à Millsite Lake Fishing Access Site de Redwood dans Upstate New York. Il y a trois ponts qui franchissent le fleuve Saint-Laurent de l'État de New York à l'Ontario : Thousand Islands près de Gananoque à l'ouest, Johnson et Cornwall à l'est. La densité de population au Canada est aussi élevée qu'aux États-Unis, tenant compte que la majorité des Canadiens vivent sur une bande étroite le long de la frontière avec les États-Unis. Ma journée à vélo se déroule sur le piedmont des Adirondacks. Ma note du parcours est parfaite, considérant l'état de la chaussée, le relief agrémenté de petits vallons aux détours inombrables. Je ne possède aucun guide de parcours, la carte routière possède une trop grande échelle qui fait que je ne vois pas les petites routes pour pédaler. Il n'y a pas de réseaux ou très peu. J'utilise Google Maps et IOverlander hors ligne pour me guider, accompagné de mon sens d'orientation et de ma détermination à toute épreuve. Je débute mon parcours du comté de Theresa et sur les 125 kilomètres parcourus, je traverserai plusieurs comtés, les uns tous plus beaux que les autres. J'effectue le circuit dans le bon sens avec le vent qui travaille pour moi. Parfois, je n'ai même pas besoin de mouliner. Des vitesses de 35 à 45 km/heure sont souvent établis. Je roulerai six heures consécutives avec en plus une heure de pause dans un restaurant pour me réchauffer à Gouverneur. Ce parcours est l'un des plus beaux jamais effectués aux États-Unis. Si ce n'était de la température, je n'aurai pas franchi cette distance. Je suis parti en feu, la fraîcheur aidant. C'est la première fois que je roule avec si peu d'automobiles. La température en a refroidi plusieurs qui ont préféré cuisiner à la maison. Sur les six heures à vélo, seulement deux heures que j'aurai rencontré des voitures et sur certaines sections, il y avait davantage de buggy d'Amish en famille, c'est dimanche. Ils sont environ 20 000 dans la région. Les villages traversés sont pour la plupart en ruine, les commerces et les maisons placardés. Beaucoup de ces maisons sont immenses, la plupart en bois. Il y a beaucoup de villes et villages aux États-Unis en ruine. Plusieurs américains sont en colère de voir cette situation en plus du coût de la vie. Trump utilise et exploite la colère du monde rural, les Républicains étant issus des régions rurales et parallèlement les communautés religieuses s'y retrouvent en grand nombre. La seule façon de revitaliser ces villes et villages est par l'immigration, que cela plaise ou pas aux Républicains. We never get back again, c'est une loi. 

Sur les 125 kilomètres parcourus, je n'ai croisé peu ou pas de services ou de stations d'essence. Ce n'est vraiment pas une région touristique et, de plus, la saison est terminée. Je suis un peu fou pour ne pas dire excessif, j'aime mieux en ce sens être excessif comme ça qu'assis sur mon sofa que le temps passe, comme plusieurs de ma génération. Ceux et celles qui n'ont jamais fait de vélo en Nouvelle-Angleterre et dans l'État de New York ne savent pas ce qu'est réellement le cyclotourisme. Les routes sont absolument magnifiques, les gens et les automobilistes courtois et respectueux en tout temps. J'éprouve un bonheur immense d'être ici en remerciant mes anges de m'accompagner. Une petite anecdote ; j'ai jadis été frappé par un automobiliste pas très loin d'ici sur une route quasi déserte, on m'a transféré rapidement au Good Samaritain Hospital à Watertown. À mon réveil, le prêtre me donnait les derniers sacrements. J'ai eu cette pensée aujourd'hui, mais à vrai dire, le cyclotourisme a ceci de bien, c'est qu'en plus de se mettre en forme, on cesse de trop penser. J'ai discuté avec les quelques gens croisés sur ma route, l'un d'eux, un trumpiste de premier ordre, m'a invité à déguster de la tarte aux pommes que sa femme a cuisinée. Après un certain temps d'entendre des sornettes, je lui ai dit que je m'en allais cueillir des pommes.

Au réveil, après de grosses averses la nuit dernière et toute la journée, je me suis fait des crêpes à la farine de sarrasin, aux bananes et à la confiture. Ensuite, j'en ai profité pour aller faire du lavage et des courses à Redwood. Dans les régions rurales des États-Unis, on ne trouve pas beaucoup d'aliments frais, j'ai alors acheté des légumes aux stands des Amish sur la route. La plus grande communauté se retrouve dans le comté de Lancaster en Pennsylvanie. Je pars ensuite en exploration de repérage avec Béa dans la région afin de préparer le parcours à vélo pour demain matin. Cela requiert plusieurs heures, mais le travail en vaut la peine. Toute la journée, je discute avec des gens sur leurs opinions politiques en cette période pré-électorale. Les opinions sont partagées, les miennes sont franches et directes. Tout peut se dire, tout est dans la façon de le dire. Ce que j'aime aux États-Unis, ce sont les grands contrastes, on retrouve le meilleur et le pire. Ceux qui sont pauvres et ignorants le sont beaucoup. J'entre dans une épicerie demander des trucs, la crasse immonde dégouline partout. Il y avait de belles pêches, mais trop chères. C'est le pays de la démesure, c'est pour ça que j'aime y voyager, je m'ennuie rarement chez nos voisins du sud. Par contre, j'aime mieux vivre au Québec. Je retourne en fin d'après-midi au même spot qu'hier qui m'a plu beaucoup. De plus, le départ à vélo demain matin de l'endroit est tout à fait exceptionnel ; Millsite Lake Fishing Lake Access Site. J'avais déjà planifié faire une randonnée à vélo de ce côté avant de partir, je ne serai pas déçu. Lorsque j'ai créé ma micro-entreprise d'activités sportives, de plein air et de voyages d'aventures en 1994, j'ai débuté par le cyclotourisme en ayant séjourné des saisons entières en Nouvelle-Angleterre. Cette passion m'a amenée à être guide à vélo en Europe pour une entreprise américaine ; Vermont Bike Tours et le Club Aventure. Aujourd'hui, j'ai repensé à tout cela et je me suis dit que j'étais revenu à mes premiers amours. Depuis deux jours que je fais du repérage pour des parcours à vélo que je retrouve cette passion qui m'anime toujours. Si les nombreux guides cyclistes américains ne suffisent plus, j'en concevrai de nouveaux. Que cela ne tienne, je n'envisage en aucun lieu d'accompagner les hordes de touristes et de grandes gueules comme jadis, déjà que je parle beaucoup. Je viens de réaliser que je ferme une boucle aujourd'hui avec ma première journée de séjour aux États-Unis. Je n'ai plus la prétention maintenant de vouloir m'étendre de tout côté, le temps est venu de mieux cibler mes objectifs. En ce sens, j'y arrive avec la précieuse aide de Béa, mon fidèle campeur dont je m'attache de plus en plus en ayant su m'adapter à  elle après de plusieurs longues rides.

Je suis parti sur mon vélo à 8 h 30 pour éviter la pluie. Après trente minutes, une faible pluie est devenue intermittente. Ça valait le coup d'avoir pris deux heures hier pour préparer le circuit et j'ai fait ça rapidement. C'est l'une de mes plus belles sorties à vélo de l'année, digne des meilleurs parcours de la Nouvelle Angleterre. J'ai parcouru 73 kilomètres sur des petites routes sinueuses à travers des paysages vallonnés avec parfois des côtes raides. J'ai passé ma plus délicieuse journée du voyage à ce jour. Il est vrai que les endroits pour faire du cyclotourisme sont rares en Ontario. Je suis difficile, surtout avec la quantité de randonnées effectuées en Amérique du Nord et en Europe. Une journée de pur bonheur et tout pour m'enchanter. En plus, aucuns ormes malades aujourd'hui afin de m'indiquer la beauté des lieux à la fois forestiers et champêtres. De retour vers 13 h 30, je me lave, je mange et je pars avec Béa pour une longue route. Les plus beaux paysages pour mouliner, selon moi, sont entre 20 et 30 kilomètres au nord de la 401. J'atteins Gananoque sur le fleuve Saint-Laurent, qui devient Thousands Islands National Park Gateway. Je ne suis pas enthousiasmé, sauf si j'avais un bateau pour me promener entre les îles canadiennes et américaines. Je traverse la douane à cet endroit, je n'attends que dix minutes. Il est tard, je suis fatigué, mais content de me retrouver à Upper New York. En cherchant un peu, je trouve un joli spot sur le bord de Millside Lake près de Redwood. Faire le plein coûte moins cher ici, tenant compte du taux de change. En me retrouvant aux États-Unis après avoir passé une partie de la saison dans les Maritimes, au Québec et en l'Ontario, je peux confirmer, sans aucun doute, que le pays de l'Oncle Sam m'offre plus d'aventures, de diversité et de dépaysement que nulle part au Canada. Aucune place en Amérique du Nord ne pourra remplacer les routes et les paysages des États-Unis, sans oublier l'amabilité des gens rencontrés. J'ai maintenant la certitude de ce que seront mes prochaines grandes aventures dans les années futures. Après quatre années complètes en vanlife, je reconnais plus que jamais mes sources de plaisir en voyageant. Un fait cocasse aujourd'hui qui m'est arrivé, je trouve à  vélo dans un champ un ourson rouge, un kilomètre plus loin je retrouve le même. J'ai rassemblé deux oursons solitaires, belle métaphore.

5 septembre | Moira, Trent Hills, Central Ontario

J'ai vraiment aimé passer la nuit et l'avant-midi à Hastings sur Trent River. J'ai fait la connaissance d'un retraité de 86 ans d'origine allemande. On a eu une bonne conversation. De vive allure pour son âge, il me raconte son divorce il y a très longtemps et avoir été électricien à Peterborough. Il habite le village depuis une vingtaine d'années et possède une maison mobile près de Tampa Bay en Floride. Il dit que l'Amérique n'a plus de conscience sociale. Les arbres malades partout, me mentionne-t-il, sont des ormes. Ça paraît davantage qu'au Québec, car ils sont plus nombreux en Ontario. La maladie de l'orme est trop coriace que les autorités ne font plus rien pour contrer la menace. Vers midi, je pars en exploration dans la région qui est très belle. Ça me rappelle quelques endroits dans les Cantons de l'Est tout en vallons. L'architecture des villages est attrayante et, surtout, je me suis éloignée de la ceinture urbaine de Toronto, les villages étant plus authentiques. Le nom Victoria est affiché partout, surtout pour démontrer jadis, leurs affections pour la royauté britannique. Il y a beaucoup de boutique de cannabis, davantage qu'au Québec, car elles sont privées. C'est à se demander si tout le monde dans les campagnes fume leurs joints ? J'ai décidé de faire autrement cet après-midi avec cette magnifique région traversée. Il a beaucoup de potentiel pour faire du vélo, mais les guides de parcours sont inexistants et les cartes offertes à certains endroits, si on a de la chance, sont moches. De plus, la carte routière de l'Ontario est à trop grande échelle pour voir toutes les petites routes. J'aurais eu besoin de cartes routières à plus grande échelle. Je parcours en campeur plusieurs petites routes à l'aide de Google Map dans le but de créer un itinéraire pour demain. J'ai l'expérience pour avoir créé jadis de nombreux parcours cyclotouristiques pour des cyclistes. J'ai une magnifique collection de guide de cyclotourisme, principalement aux États-Unis. Je les achète usagés sur Amazon. J'ai trouvé un endroit pour passer la nuit au milieu du parcours à Moira, village historique derrière une ancienne église qui est devenue un centre culturel. Je laisserai ici le campeur demain matin et pourrai en toute quiétude profiter du meilleur de la région à vélo située à environ trente kilomètres au nord de Belleville. Working hard, playing hard.

4 septembre | Hastings, Trent River, Central Ontario

Levée de soleil dans les bottes de foin à Trent Hills pour une heure de route pour le départ à vélo de Lindsay à Kawartha Lakes. Je traverse Peterborough vers l'ouest. Kawartha Lakes est un comté qui possède 73 000 habitants. Quatorze lacs composent Kawartha Lakes. Mon départ s'effectue à Sturgeon Lake. Kawartha Lakes n'est pas très loin de Simcoe Lake et Georgian Bay à l'ouest. J'effectue cette délicieuse balade champêtre de 87 kilomètres sur terrain plat. Le parcours est correct dans l'ensemble, sans plus. Très peu de circulation sur la moitié du parcours. J'ai lunché à Sand Bar Beach de Scugog Lake. Lindsay possède 22 000 habitants. À l'ouest de Peterborough, la circulation est dense et rapide, l'influence de Toronto se fait sentir jusqu'ici. Il y a une surenchère de terrains et de maisons, particulièrement au bord des lacs et des rivières. Tout y est cruellement privé, dommage pour les jeunes générations dans parents pour les soutenir. Après ma randonnée, je me défile rapidement vers l'Est en prenant le temps d'une rafraichissante baignade à Sturgeon Lake. Je suis à la lisière de la forêt et de la campagne. J'arrive tard à Hastings sur la rive de Trent River. Ce matin, en passant, j'avais remarqué le spot sur la marina et le canal. Le village est très joli et paisible au point de passer une partie de la journée demain. Le spot est indiqué dans IOverlander. Ainsi se termine cette longue journée, de même que j'ai eu le temps de réparer la serrure de mon coffre intérieur en passant au garage et à la quincaillerie. Je suis heureux d'être venu dans ces régions, même si le vélo de route n'est pas vraiment la destination de choix. New England, i miss you. Aujourd'hui, je suis allé le plus loin vers l'ouest du voyage, je suis parti il y a une semaine. Lentement, je fais demi-tour vers d'autres aventures.

3 septembre | Hastings, Trent Hills, Central Ontario

Il y avait beaucoup d'oiseaux sauvages ce matin au réveil. Après mon yoga, je quitte Prince Edward County pour Cobourg sur la rive du lac Ontario. Je roule sur l'une des plus vieilles portions de route de la province. À Brighton débute Waterway Trail, une piste cyclable sans aucun intérêt, car partagée avec la route principale. Cobourg est mon coup de cœur du voyage jusqu'à présent. La ville possède 20 000 habitants. Son port, sa plage de sable fin, son architecture en font un incontournable sur la rive du lac Ontario. Boardwalk Trail au coeur de la ville m'a littéralement séduit. La ville est parfaitement photogénique et séduisante, une harmonie d'y dégage. Elle est une véritable œuvre d'art à caractère humain. Tout y est calme et serein. Cobourg a failli devenir la capitale du Canada autrefois. La région est devenue prospère pour ses ressources naturelles et son chemin de fer. Les propriétés et les terrains sont très chers de ce côté, les fortunés de Toronto s'y sont installés massivement. Après plus de trois heures à m'y promener, je décide d'aller à Port Hope, plus à l'Est. Le contraste est frappant. Des immenses usines jonchent le littoral de la ville et le centre-ville est en reconstruction. Il y beaucoup d'immigrants qui travaillent dans la ville. Je quitte rapidement vers l'intérieur des terres vers Trent Hills et Rice Lake, précisément à Hastings. Je m'installe à  l'abri des regards dans un grand champ parsemé de collines verdoyantes. Les rives du lac Ontario, les terrains privés, la circulation, s'en est assez, j'ai besoin de d'espaces sauvages et de la ruralité. Depuis quatre ans déjà que je fais du vanlife, je sais ce que je veux dorénavant dans mes déplacements et mes objectifs. À l'ouest de Port Hope débutent les grandes concentrations urbaines et industrielles, celles qui se développent le plus rapidement en Amérique du Nord. Le grand Toronto Metropolitan déploie ses tentacules sur des centaines de kilomètres tout azimut. Il n'est absolument pas question de m'engouffrer dans cette folie urbaine. La spéculation immobilière est la plus forte au Canada avec Vancouver. Les promoteurs s'arrachent les terrains à des prix exorbitants. Ce n'est pas le monde qui m'intéresse. Green Belt a été créée afin de conserver et de protéger les espaces verts des promoteurs autour du Grand Toronto Metropolitan. Cette bande verte de 8 000 km2 s'étend vers l'Ouest jusqu'à Niagara. En voyageant dans la simplicité volontaire, j'apprends beaucoup sur moi, les gens et le monde dans lequel je vis. Je passe rapidement différentes cultures, différents paysages. Ce que je fais en ce moment est l'une des plus belles expériences qu'il m'a été possible de réaliser à ce jour, le plus beau cadeau à la retraite. Je suis conscient de la chance que je possède et de la force qui m'étreint de plus en plus dans cette magnifique odyssée.

2 septembre | Bongard, Prince Edward County, Central Ontario

Je me lève dans la fraîcheur et l'enthousiasme de découvrir la péninsule de Prince Edward County à vélo. Désenchantement après quelques kilomètres ; la chaussée est mauvaise, il n'y a pas d'accotements et la circulation est rapide et lourde. Les plus gros motorisés et toutes les boîtes à savon sur roue du Canada se sont donné rendez-vous en cortège vers Sandbanks Provincial Park, c'est là que je me dirige. Le vent est puissant. Je parcours 75 kilomètres les fesses serrées pour ne pas me faire happer par un Winnebago. Ce n'est assurément pas une région pour faire du vélo. J'étais censé faire une autre randonnée demain, que j'ai opté de faire le trajet prévu en campeur en fin d'après-midi. Par contre Sandbanks Provincial Park possède les plus belles plages du Canada pour ses eaux chaudes et turquoises, ses vagues imposantes et son sable blanc. Je parcours en vélo les trois plages du parc ; Eastside, Dunes et Lakeshore Beach. Le plus bel endroit se situe sur les ruines de Lakeshore Lodge avec la vue plongeante sur les dunes parsemées de pins. De cet emplacement, le vent est omniprésent et le coup d'oeil majestueux. Je me croirais à Sainte Lucie ou la Barbade dans les Caraïbes. Il n'y a pas foule en ce jour de congé férié, la fraîcheur en ayant ralenti plusieurs. C'est gratuit les passages à vélo dans le parc. La plupart ici font parti des 500 000 nouveaux arrivants annuellement et amis de Justin Trudeau, bienvenue au Canada multiculturel. Au retour à Picton, je prends la direction Est de la péninsule. J'ai beaucoup de difficultés à trouver un spot pour la nuit, tout étant privé sur le bord de l'eau. Je déniche un endroit paradisiaque à Bongard au bout d'un chemin de terre ; Ross Eaton Line. Une petite plage commune pour les quelques résidents se trouve en face de moi avec des élégants cygnes pour me souhaiter la bienvenue. Je jette l'encre dans un silence total avec un coucher de soleil hors du commun, j'en avais besoin après tous ces moteurs sur la route. Le tourisme de masse nuit à la population locale, ça se voit, sa se ressent. Je suis un as pour trouver les meilleurs endroits de bondooking. Je ne regrette pas d'être venu à Sandbanks, c'était dans ma liste depuis fort longtemps, j'en conserverai un bon souvenir. Demain, je prendrai une toute autre direction.

1er septembre | Picton, Prince Edward County, Central Ontario

Il existe une multitude de façons de voyager qui se transforment avec les années. Mes premiers voyages furent en autostop autour des États-Unis, puis j'ai découvert le cyclotourisme qui m'a permis de voyager d'une façon qu'il m'était alors impossible d'imaginer. Par la suite, j'ai fait de nombreuses randonnées pédestres à travers le monde en ayant atteint plusieurs grands rêves et objectifs. C'était dans le cadre de mon travail de guide et organisateur de voyages d'aventure. Ces randonnées pédestres furent réalisé par l'entremise de tous ces gens qui m'ont accompagné pendant plus de trente années. Seul, je n'aurais pas développé cet engouement pour la randonnée. Maintenant à la retraite, je suis revenu à mes premiers amours, le cyclotourisme. Depuis quatre ans, j'ai découvert le vanlife qui me permet une grande autonomie tout en me permettant des aventures extraordinaires et le sentiment de grande liberté. Le vanlife me permet d'éliminer les intermédiaires superflus et exonérants tels les restaurants, les gîtes et les transports. Combiné avec le cyclotourisme, cela me représente le plus avec ce profond sentiment de liberté totale et de mes intérêts. Voyager en motorisé, c'est avoir son chez soi sur la route. Le cyclotourisme, c'est quitter son campeur pour la journée en ayant le plaisir de le retrouver le soir venu. Le vanlife me permet de voyager plus souvent et à des coûts moindres. Si je pouvais traverser de l'autre côté de l'Atlantique en Europe le véhicule, je n'hésiterais pas un instant, mais les tarifs reliés au transport outremer sont exorbitants à ce point que je me contente de l'Amérique du Nord qui, somme toute, n'est pas si mal pour combler mon désir de voyager get out of the box.

Je me suis réveillé avec des vents de 50 km/heure. Les seules applications que j'utilise en road trip sont IOverlander pour les spots pour dormir gratuits et trouver des douches. All Trails m'est indispensable pour la randonnée pédestre. Dans chacune de ces applications, il y a des cartes de navigation en temps réel. Les spots pour dormir sont parfois souillés, trop de gens les utilisent. Ceux que je trouve moi-même sont exempts de trace humaine bien souvent. Je suis au cœur du pays loyaliste. Je prends Loyalist Parwark jusqu'au traversier qui me mène à Prince Edward County. C'est incontestablement la plus belle région de la province, notamment pour ses vignobles, ses terres fertiles et ses plages. Le comté est parsemé de routes tranquilles, idéales pour le cyclotourisme. Il y a plusieurs cyclistes par ailleurs. Faire le plein en Ontario me coûte 8 $ moins cher qu'au Québec. Les restaurants sont exorbitants et l'épicerie similaire que chez moi. De l'autre côté du traversier, les paysages sont éclatants. Picton, la principale ville du comté, possède 5000 habitants. La ville a un riche passé militaire. Je suis paradoxal dans mes choix. Je n'aime pas les grandes villes, mais j'en habite une. Je n'arrive pas à saisir cette contradiction, mais il est fort probable que simplement j'aime la mobilité. Picton est très jolie avec de beaux bâtiments historiques et une artère commerciale agréable. J'arrive le jour du marché public, j'en profite pour me ravitailler et me trouver un beau spot derrière un presbytère réhabilité en hôtel de charme. Le stationnement est désert. J'entre dans l'église à côté pour entendre les chants accompagnés du piano. Il fait chaud malgré le vent. Je fais la sieste à l'ombre de vieux chênes, les portes du campeur grandes ouvertes. Picton sera ma base pour mes prochaines randonnées à vélo, l'un de mes principaux objectifs du périple. Pour les prochains jours, un épisode de beau temps m'offrira du plaisir et des découvertes à profusion.

31 août | Shingle Beach, Kingston, Eastern Ontario 

Merrickville-Wolford est à une heure et demie d'Ottawa, le long du Canal Rideau. La construction du canal Rideau a terminé en 1832. À cette époque, c'était essentiellement un ouvrage militaire visant à protéger les Britanniques des Américains. Cela prend une semaine lentement en bateau pour franchir le canal d'Ottawa, de son ancien nom Bytown, vers Kingston. Le canal Rideau est le plus ancien canal encore en opération en Amérique du Nord. Cela coûte environ 500 $ pour la passe annuelle pour franchir les canaux du Canada. C'est vraisemblablement une expérience magnifique de la rivière des Outaouais vers le lac Ontario. Après une bonne douche chaude, je vais à Merrickville-Wolford m'acheter un quart de fudge au chocolat noir et poursuis ma route sous une pluie fine et chaude. Je file le parfait bonheur dans ces somptueux paysages de douces collines émergées dans une légère brume. Le paysage est beaucoup plus joli à l'ouest de Merrickville-Wolford. Je poursuis le chemin des écluses sur le circuit patrimonial Rideau. À chaque écluse rencontrée, je fais un arrêt, c'est absolument féerique. Des blockaus anciens témoigner de la présence militaire de jadis. En fin d'après-midi, je commence à regarder pour un spot pour dormir. Rien d'extraordinaire, il pleut, je décide d'aller à Kingston, là où le fleuve Saint-Laurent prend sa source du lac Ontario. Kingston fut la première capitale du Canada, mais pour peu de temps car elle était considérée vulnérable par les Américains en temps de guerre. La ville possède environ 200 000 habitants. Ma première rencontre fut le Fort Henry, sur un grand promontoire stratégique visant à protéger l'embouchure du fleuve et la ville. Kingston a toujours été militaire, même aujourd'hui. Je traverse l'immense base militaire me demandant ce que je fais de ce côté. Plusieurs des plus grands collèges militaires de retrouvent ici. Je me rencontre que je deviens triste lorsque je traverse une ville, vraisemblablement ça ne me plaît pas. Je ne quitte pas une ville pour en rencontrer une autre. Les visages des citadins ne sont pas joyeux. Kingston est une ville ultraconservatrice. Je traverse lentement sans m'arrêter pour trouver enfin le spot sur le lac à la sortie ouest de la ville. Sur IOverlander, ça indique derrière l'aéroport. L'endroit est magnifique avec les vagues qui me donnent l'impression de s'échouer sur le campeur. La route est tranquille, je lève le toit en admirant les vautours dégustant les poissons morts sur la grève. Le soleil vient d'apparaître.

30 août | Merrickville-Wolford, Rideau Canal, Eastern Ontario

J'ai passé une nuit magnifique, me levant tard pour ensuite partir en exploration avec Béa dans le Suroit et le long du lac Saint-François en Montérégie. La route 132 et 138 viennent mourir ici aux douanes américaines de l'État de New York. Rien de bien extraordinaire le long du lac Saint-François. Une belle société de voisins gonflables ne m'inspirant absolument pas du tout, à part les quelques kilomètres de randonnées pédestres dans la Réserve nationale de la faune du lac Saint-François. À un moment, je m'aurai cru dans une forêt tropicale. J'ai dû rapidement rebrousser chemin, les marigouins devenaient intolérables. Ensuite, je traverse Valleyfield et sa misère, comme toutes les villes de la périphérie de Montréal. Triste sort pour ceux qui n'ont pas les moyens de voir autrement. Les arbres manquent cruellement dans les villes francophones. Vivre dans la métropole serait mon arrêt de mort, déjà que Québec m'étrangle passablement. Heureusement que la canopée n'abrite dans le quartier Montcalm. Québec doit ses principaux atouts aux Anglais, tant pis pour les détracteurs de mes opinions. C'est pour l'une de ces raisons que je possède un campeur, c'est pour ne pas mourir asphyxié comme un poisson rouge dans un bocal. Je prends le lunch du midi à la frontière qui sépare le Québec de l'Ontario. Je décide alors, après quelques kilomètres sur la 401, de quitter cette horrible autoroute pour des routes secondaires. L'Est ontarien à ce niveau n'a rien de spectaculaire et bien au-delà de Cornwall. La route le long du fleuve ne m'intéresse pas non plus, du déjà vu. Les arbres sont morts à perte de vue et ceux qui restent sont pas trop grands, la déforestation et les changements climatiques y sont pour quelque chose. Je décide alors de pointer sur Merrickville-Wolford au bord du Canal Rideau. Je me rappelais d'avoir fait un arrêt ici, j'en avais conservé un bon souvenir. Ce fut dans mon premier road trip en van pour Georgian Bay. Les écluses à cet endroit du canal sont les plus imposantes sur les 195 kilomètres qui relient Ottawa à Kingston. Je suis dans ce qui était autrefois le Haut-Canada, Kingston étant la capitale. Québec était le Bas-Canada jusqu'à la création du Canada en 1867. Lors de la Révolution américaine, les Britanniques ont maintenu les Anglais fidèles à la loyauté royale, ce qui a donné naissance aux Loyalistes. Ils ont choisi alors de payer des taxes plus élevées que les Américains qui venaient d'obtenir leurs indépendances en faisant une révolte aux Britanniques en jetant à l'eau des cargaison de thé dans le port de Boston, communément appelé le tha party. Je suis installé à une dizaine de kilomètres à  l'Est de Merrickville-Wolford à Andrewsville sur l'écluse numéro 19 d'Upper Nicholsons. Mon flair est impitoyable, l'endroit déniché appartient à Parc Canada qui gère le canal. Le camping est gratuit pour les campeurs et pour ceux qui empruntent le Canal Rideau par voie fluviale. Des douches gratuites sont accessibles et quelques camps rustiques sont à louer. L'endroit est vraiment beau et très intime, nous ne sommes que trois campeurs. La route qui longe le Canal Rideau fait partie des deux transcanadiennes qui traversent la province. Le Canal Rideau est aujourd'hui pour la navigation de plaisance, autrefois pour le commerce. Beaucoup de gens d'affaires ont prospéré le long du canal notamment à Merrickville-Wolford où l'on retrouve de magnifiques bâtiments anciens avec des commerces plus qu'attrayants.

29 août | Rivière-la-Guerre, Montérégie

Une voiture est venue brusquement vers moi hier soir avant d'aller au lit. Le chauffeur a cogné fermement dans ma fenêtre, me demandant ce que je faisais là. Je lui mentionne avoir la permission du propriétaire, c'est son frère. Il est soulagé en quittant les lieux, il me souhaite bonne nuit. Je me lève tôt dans la fraîcheur. Après un déjeuner copieux, je pars à vélo au départ du village d'Howick. Le village anglophone est à 45 kilomètres de Montréal. Je longe la rivière Châteauguay jusqu'à Ormstown, c'est vraiment beau et somptueux avec l'architecture victorienne. Au sud d'Howick le paysage est bucolique et rural. Les pommiers dont partout, jamais je n'en avais autant vu. Je me régale. C'est très agréable de rouler de ce côté. Ormstown est une ville charmante. La foire agricole est immense avec de beaux bâtiments en bois qui indiquent son passé glorieux. Je parcours une distance de 103 kilomètres sur un terrain plat, sauf vers Covey Hill à la frontière avec l'État de New York. Covey Hill est la plus nordique montagne des Adirondacks. Sur la montagne de 342 mètres, la vue est époustouflante en haut plongeant les plaines fertiles de la Montérégie. Je descends 2,7 kilomètres à une vitesse de 65 km/heure. Il n'y a pas de circulation automobile sur l'ensemble du parcours, ce qui est un pur délice. L'influence culturelle de la vallée Châteauguay est britannique. La météo est de mon côté jusqu'à la fin du parcours. Au retour, je roule en campeur un moment afin de me trouver un beau spot pour dormir. Je trouve derrière une grande ferme les ruines de l’église Laguerre à Rivière-la-Guerre. C'est le calme absolu, à part les marigouins voraces qui m'empêchent d'aller à l'extérieur. Je fais bouillir des maquereaux pêchés cet été à l'île du Prince Édouard, ça ne m'en prend pas plus pour être heureux. Ma journée de vélo fut ma plus longue de l'année et l'une des plus belles. C'est le paradis du cyclotourisme avec une multitude de petites routes de campagne tranquilles, c'est le circuit des paysans.

 28 août | Rivière-des-Anglais, Howick, Montérégie

Départ en matinée ce matin pour un périple en cyclotourisme sur quelques jours en Montérégie et près d'une dizaine de jours dans l'Est ontarien. Cette première journée de route fut éprouvante par des soucis du système électrique sur le campeur. Le système possède des panneaux solaires qui se connectent avec un controller qui envoie le courant aux batteries auxiliaires, le second fait parvenir le courant de l'alternateur aux batteries en roulant. La semaine dernière, je fis installé un nouveau chargeur intégré qui fut mal installé. J'ai tenté à plusieurs reprises dans des garages spécialisés sur la route de faire réparer le système et ce n'est qu'à 15 h 00 à Châteauguay que j'ai trouvé enfin le bon électricien. En trente minutes, il a raccordé les fils dont un était manquant sur l'installation à Québec. J'aurai un crédit pour les troubles encourus auprès de ce dernier. Peu de gens sont capables de réparer adéquatement ses systèmes. Heureusement que ça se termine bien avec simplement quelques raccordements de fils. Les services aujourd'hui, et ce, dans différents secteurs, sont regrettablement négligés par la négligence  et le manque de personnel qualifié. Malgré cette journée stressante, je me suis trouvé un beau spot dans un champ de maïs sur la rive de la Rivière-des-Anglais à Howick en Montérégie. Quelques instants après avoir monté mon pop-top, le propriétaire, un écossais de souche possédant la terre est fier de m'exprimer ses racines et me permet gentillement d'y passer la nuit. Nous parlons quelques minutes de politique, je vois qu'il n'a pas à cœur les partis politiques francophones. Lui disant que je vais en Ontario, il me dit que je serai bien accueilli avec respect et bienveillance, faisant allusion aux ambiances chaotiques qui règnent sur l'île de Montréal et sa périphérie. Depuis plusieurs années, j'évite la métropole et ses banlieues. Le propriétaire est un chic type, je l'ai ressenti. Je lui ai dit que je préférais passer mes vacances du côté des Anglais, ce qui lui a plus. J'aurai pu aller très loin avec lui sur différents sujets, mais parfois, il vaut mieux se taire. Pour avoir traversé plusieurs états américains républicains, je peux dire avec sincérité que j'ai eu moins de soucis que traverser Montréal, soit à pied ou en voiture. La chaleur accablante et humide a laissé place à une chaleur acceptable et à un beau coucher de soleil sur les maïs. Les grillons s'animent lentement me signalant la fin de l'été.