Intransitif

26 août |

Science sans conscience n'est que ruine de l'âme, disait Rabelais. Pourquoi n'est-on pas capable de mettre des balises aux géants technologiques en appliquant des règles claires et précises selon nos valeurs ? N'est-pas de la connivence qui s'est installée entre nous et ces plateformes numériques ? N'est-ce pas que l'on se ferme les yeux consciemment, croyant à tort qu'ils pourront nous séduire de ce relatif progrès ? Les technologies ne sont-elles pas un choc générationnel. Les gouvernements ne doivent pas agir comme des entreprises privées. De grands systèmes de communications sociétales et culturelles sont entre les mains de promoteurs sans vergogne. Leurs objectifs sont largement pécuniaires et commerciaux. Leur soif de pouvoir est sans limite. Ils sont devenus plus puissants que ceux qui gouvernent les états, en ce sens nous sommes devenus des espèces d'esclaves contemporains privés de liberté. J'en conviens que ces outils nous facilitent la tâche, mais ne devrions-nous pas élaborer des mécanismes adéquats pour protéger nos acquis avant que cette assimilation pernicieuse soit irréversible. Je pense ici aux détracteurs politiques qui voudraient s'en servir à des fins occultes, si ce n'est déjà largement fait. La liberté n'est jamais acquise et se doit d'être prise en considération à chaque jour que le soleil se lève. Le sociologue Edgar Morin affirme que nous sommes technologiquement triomphants et culturellement défaillants. Le livre actuel indique mes inquiétudes ne provient pas des années lumières, mais de quelques années à peine dans le temps des consciences d'un monde à l'autre de Nicolas Hulot et Frédéric Lenoir. La bonne nouvelle, c'est que les outils sont là, mais la mauvaise, c'est l'usage qu'on en fait et l'effet qu'ils peuvent avoir sur notre esprit. Nous n'avons encore rien vu avec la venue de l'intelligence artificielle dont le maléfique Donald Trump se sert pour ses abjects projets politiques. Tout comme internet l'a fait subtilement il y a quelques décennies, l'intelligence artificielle rendra les hommes encore plus dépendants. Parfois, j'ai l'impression de ne pas être dans la bonne époque, d'être dans le bon film, ni même au bon endroit. C'est étrange ce ressentiment que je porte depuis longtemps déjà. Je ne vois que très peu, autour de moi d'avancée sociétale et un véritable progrès, sauf technologique et scientifique. Que puis-je faire alors ? Devrais-je m'impliquer dans une cause impliquant des valeurs morales ? J'aime la réflexion et le partage entre petits groupes de penseurs et de philosophes. À quoi bon s'ébattre dans un vase clos d'où l'air est putrifié ? Je préfère de loin partir à l'aventure quelques semaines, laissant les corbeaux s'acharner sur leurs charognes. Je reconnais la rancœur que je porte pour cette masse nivelée par le bas. Les habiletés sociales s'effritent à la vitesse de la lumière, lorgnant la médiocrité et l'orgueil. Suivront la peur et la rancune de n'avoir fait que passer. L'homme étant coupé de la nature devient plus vulnérable et angoissé. Jadis la nature et l'habitat de l'homme étaient sacrés, en devenant utilitaire dans sa totalité, les hommes ont rompus avec une partie d'eux-mêmes. C'est le temps maintenant qui est devenu sacré. Ce qu'il nous faut redécouvrir avant qu'il ne soit trop tard, c'est notre encrage à la terre avant que le capitalisme ultra libérale détruisent nos acquis. Les grecs et Spinoza affirmaient que la véritable liberté est intérieure, elle commence par l'introspection et la connaissance de soi.


25 août |

Nicolas Hulot dit que l'idée est de redéfinir ce que nous estimons relever du progrès afin de distinguer ce qui est une addiction de performances technologiques à notre raison d'être et à l'amélioration durable de la condition humaine. La science fait de nous des dieux avant que nous méritions d'être des hommes, dit Jean Rostand. Renoncer, c'est choisir, là surgit la vraie liberté. Depuis quelques semaines, une lenteur s'est installée dans mon corps et mon esprit. Je vais y remédier cette semaine en partant dans un roadtrip dans l'est ontarien. Je ferai plusieurs découvertes à vélo avec enthousiasme. L'inspiration me manque pour écrire ces temps-ci, encore plus lorsque je lis certains auteurs. J'ai besoin de partir sur un sujet quelconque ou de cultiver des observations pour me mettre à écrire. Dans mon immeuble, il n'y a pas de balcon pour me ressourcer. Seul est présent dans ce grand immeuble de gens modestes un balcon communautaire. Des fumeurs placardent cette unique terrasse de leurs odeurs nauséabondes. Le plancher en bois est noirci de cendres de tabac et de marijuana. Aucunes fleurs ou arbustes ne sont présents sur la terrasse. Les propriétaires ne se soucient pas des gens, que des immeubles, nous sommes ici que des numéros de dossier. La direction est rigide, la préposée à l'entretien ne nettoie que l'intérieur des fenêtres de l'immeuble, c'est indiqué dans son contrat. L'important pour la direction est que les briques ne nous tombent pas sur la tête et que nous ayons de l'eau. C'est ainsi que la gestion s'étiole dans le temps depuis des décennies que j'y habite. Dans le passé, j'ai planté pour plusieurs centaines de dollars des plantes et des arbustes que l'on a coupés prétextant nuire aux fondations de l'immeuble. Lorsqu'on nous demande de s'impliquer dans son milieu de vie et sa communauté et que l'on passe pour un trouble-fête, que fait-on alors, si ce n'est que se replier sur soi-même. Des pelouses bien entretenues ornent les lieux. Depuis quelques années, la ville a planté des arbres sur le terrain près de mes fenêtres grâce à mon intervention. Cinq fenêtres propulsent mon regard vers l'extérieur. Pour compenser le balcon désiré, chaque jour, je marche huit kilomètres sur les plaines d'Abraham situées à quelques rues. Je croise beaucoup de gens dans mon quartier, surtout des coureurs, la plupart sont très jeunes. Les contacts sont absents, l'indifférence omniprésente. Quand j'avance cette opinion, on me trouve étrange. Je prends toujours le soin de préciser que c'est une perception de ma part, non la réalité. Est-ce que cette indifférence est le lot des grandes villes que je peine à répondre avec clarté. Ce thème est récurrent chez moi, y décelant des ambiguïtés personnelles. Ma personnalité s'est formée au fil des ans du désir de prendre la route quelque temps pour me ressourcer en croisant des têtes différentes que dans cette ville qui m'a vu naître. Au retour, mon regard se renouvelle objectivement, voyant le monde sous un autre angle jusqu'au moment du prochain départ. Je viens de préparer des sandwichs pour un pique-nique avec une amie. Parfois, je suis troublé en vieillissant de constater nombreux sont les plus jeunes gens que moi dans les rues. Où sont passés les gens de mon âge ? Que sont devenus les milliers de gens qui m'ont accompagné dans mon défunt club de plein air ? Indifférence. Les gens ont leurs agendas, moi les miens, entre les deux, rien que des souvenirs. Ils ont leurs vies, moi la mienne. Les gens sont occupés à construire de nouveaux souvenirs s'égrenant à chaque instant. Ça me rappelle mes premiers livres d'Anne Philippe qui décrit avec lenteur ses étés près de la mer et spirale dont le temps semble s'être arrêté. Je crois que je devrai me remettre à lire.


23 août |

Jamais je n'avais regardé de façon aussi soutenu et intensive des discours politiques qu'avec la convention démocrate américaine qui s'est tenue à Chicago cette semaine. C'est avec une grande motivation que je vois se transformer sous mes yeux, le tableau politique américain par la venue récente de Kamala Harris et de son colistier Tim Waltz. Mon intérêt est plus grand encore par une compréhension plus que satisfaisante de l'anglais et de la participation de YouTube pour le visionnement des discours sans passer par les intermédiaires de nos chaînes de télévision québécoises. Je me sens davantage imprégner de la culture américaine, de par ce fait que j'ai une vision plus élargie du monde en sortant de ma bulle culturelle. Cela prend du discernement doublé d'une bonne expérience pour se dispenser d'analystes et de commentateurs pour faire sa propre opinion. Voilà où j'en suis maintenant. Ce sera dorénavant pour moi l'occasion d'élargir cette curiosité et mon apprentissage au contact des multiples médias américains. Get out of the box comme on dit. Il y a des avantages innés à s'imprégner d'autres cultures, en commençant par nos voisins, qui sont incontestablement l'une des plus grandes sources d'influences dans le monde. Nationaliste, je le serai lorsque j'aurai les motivations de l'être ce qui ne fais aucunement de moi un déserteur, loin de là. Ce qui est particulier aux États-Unis, c'est le multiculturalisme qui ne cesse de façonner le pays. Ce qui est fascinant dans ce multiculturalisme, c'est l'unité patriotique qui s'y dégage. Ce pays est difficile à saisir, car il est pourvu de contrastes saisissants en commençant par le profond clivage entre démocrates et républicains récent depuis la venue du conspirationniste et ignoble individu en Donald Trump et ses acolytes. Quoique les gens pensent de ce pays de la démesure, il est beau pour de multiples raisons que je vais en ce moment éviter d'énumérer. Aux États-Unis, on y retrouve le meilleur et le pire, ce qui le rend davantage fascinant. Je suivrai la campagne américaine cet automne qui met en opposition la lumière et l'obscurité, Kamala Harris et Donald Trump, le plus crétin des crétins qu'il m'a été possible de voir sur la scène politique étrangère. We won't get back. Les résultats de cette campagne auront forcément des influences dans le monde et sur les démocraties telles la nôtre, en ce sens nous sommes tous concernés.

19 août |

On a cru, ou tenté de nous faire croire, depuis au moins le siècle des Lumières, qu'il y avait un progrès dans l'histoire et que ce progrès constituait un mouvement irréversible, une loi. C'est sans doute vrai pour le savoir scientifique, mais pour lui seul. Pour le reste, morale et politique, la seule loi que connaisse l'histoire, hélas, c'est la tentation du pire, la force de régression qui, comme un élastique, ramène la communauté humaine à ses lamentables débuts. Rien n'est donné, rien n'est acquis une fois pour toutes. Tout est à reprendre à chaque génération, voire plusieurs fois par génération. Sisyphe doit constamment remonter son rocher, c'est-à-dire transporter et raviver le meilleur de ce qui vient du passé. Le choc des générations existe. Le sage non plus n'est pas surpris. Mais sage ne veut pas dire qui sait ; sage veut dire qui admet, qui a prévu non tant la réalité que la possibilité de ce qui survient à l'improviste. Le sage est celui qui s'étonne de tout. L'art rompt avantageusement avec le profane et la quotidienneté, la grisaille et l'ennui. Ce texte de Dominique Noguez est magistral. Oui, l'art saura transcendé la routine dans une relative paix. L'alternance entre le mouvement et l'immobilité me va bien. Trop d'un côté ou de l'autre appréhende le déséquilibre, l'inconscience, la paresse, l'ignorance, par manque de courage ou de latitude libertaire. Liberté ne signifie pas oisivité, la liberté est un geste conscient et volontaire. Je la reconnais pour avoir connu douloureusement son absence pour de multiples raisons. La liberté se reconnaît pour avoir vécu son contraire.


18 août |

Laisse les choses se briser, arrête de t'efforcer de les garder. Laisse les gens s'énerver. Laisse-les te critiquer, leur réaction n'est pas ton problème. Laisse tout s'effondrer, et ne t'inquiète pas pour l'après. Où vais-je aller ? Qu'est-ce que je vais faire ? Ce qui doit partir partira de toute façon. Tout ce qui doit rester restera. Ce qui part laisse toujours de la place à quelque chose de nouveau, c'est la loi universelle. Et ne pense jamais qu'il n'y a plus rien de bon pour toi, juste que tu dois arrêter de contenir ce qui doit être lâché. Ce texte provient du livre Mange, prie, aime d'Élisabeth Gilbert. Journées lancinantes de chaleur accablante, comment ferons-nous si ces températures continuent à s'élever de la sorte ? De toute ma vie, je n'avais jamais mis autant la climatisation et les ventilateurs dans mon logis. Si des gens doutent encore des changements climatiques, c'est qu'ils sont des cons. L'avancement en âge rend plus difficiles ces âpres chaleurs. Bientôt, la lumière extérieure s'estompera, laissant davantage de place pour la pénombre, facilitant ainsi pour moi la lecture et l'écriture. L'été, ça me tente moins avec toutes les distractions estivales. J'ai des projets de voyages qui m'animent encore pour les prochains mois. Cet automne, je devrai inévitablement me trouver quelques activités sociales et stimulantes, j'ai déjà quelques idées mais je dois faire quelques efforts pour sortir de ma torpeur. J'ai constamment besoin de projets qui s'arriment avec mes besoins et mes intérêts. Ma concentration en rapport avec la lecture s'amoindri l'été, toutefois je ressens la motivation à reprendre quelques auteurs prochainement. Je crois que le cerveau est comme un muscle, qu'il se relâche lorsqu'il est peu utilisé. Une chose dans ma vie en ce moment s'est grandement améliorée, ce sont les contacts humains qui ont légèrement augmenté avec plus de conscience et de profondeur. Mes lectures et la création de mon journal du blogue agissent pour rendre mes propos plus perspicaces. Ne pas écrire serait impensable. Voilà où j'en suis aujourd'hui. Et la créativité, comment se manifeste-t-elle en moi ? Comment faire vibrer cette fibre pour qu'émerge la joie et l'apaisement d'une vie réussie ? Car c'est bien de créativité qu'il s'agit lorsque je veux être pleinement satisfait de mon quotidien. Il fut un temps que je lisais davantage que j'écrivais. L'action est inversée à ma grande surprise, le besoin irréversible. Jadis, je n'aurais jamais pu croire un instant qu'avec cette nouvelle légèreté d'expression, j'aurais été capable de m'exprimer avec autant de plaisir et d'allégresse. J'ai tendance à croire que mon corps laisse lentement place à l'esprit avec l'âge. Il n'en fut pas toujours ainsi, moi qui avais de la misère à rester en place quelques minutes.  Quoiqu'il en soit je suis heureux et fier de mes opinions et ce que je deviens envers et contre toute adversité.

17 août |

L'amitié permet à l'énergie en nous de circuler. L'amitié est un lien nourissant s'activant bien au-delà de soi. Une amie et moi sommes allés quelques jours à vélo dans le Centre du Québec et Chaudière-Appalaches. Nous avons séjourné deux nuits dans un camping très intéressant avec une magnifique piscine situé à Sainte-Sophie d'Halifax près de Plessisville. Mon amie, novice à vélo, m'a largement surpris par sa force, son endurance et son enthousiasme malgré les côtes sous une chaleur suffocante. Sur deux randonnées, nous avons effectué cent cinquante kilomètres dans les plus beaux paysages de ces régions respectives. Une route fermée enjambant un pont d'Inverness nous a obligés de traverser une passerelle rudimentaire dans un chantier, le sourire aux lèvres. La jeune débutante est passée en quelques jours au niveau intermédiaire. Il ne lui reste qu'à s'habituer aux changements de vitesse dans les côtes et à se faire confiance davantage sur la route. Je ne suis nullement inquiet pour la suite qui nous amènera plus tard, en saison, aux États-Unis dans un véritable périple en cyclotourisme de dix jours sur trois États américains. Mon campeur étant trop petit pour nous deux, qu'une petite tente nous accompagnera pour cette mémorable aventure. Nous aurons ainsi plus de latitude et d'intimité pour ne pas s'encombrer mutuellement. Je suis reconnaissant au destin de m'avoir permis de faire cette belle rencontre. Nous avons plusieurs points communs doublés d'un parcours similaire qui nous lient d'une amitié sincère et qui pourra nous faire vivre de belles aventures on the road and outside the road.

16 août | 

Cette semaine, une bonne amie me posa l'une des plus difficiles questions à ce jour à  savoir si j'aime les humains. La réponse ne peut être brève et simpliste. L'amour que j'ai pour les hommes est en étroite relation avec mes premières expériences de vie. Mes modèles et mentors étaient absents, les amitiés et apprentissages  aliénants. Longtemps, j'ai aimé les humains qui m'apportaient bienveillance et ouverture, les autres m'indifféraient totalement, jusqu'à avoir du mépris pour eux. Je reconnais ces passages à vide avec le recul aujourd'hui. Je reconnais les émotions imbibées du sentiment de rejet et d'abandon. Répondre à cette question ouvre une porte sur un passé turbulent et troublant d'où l'insécurité et la peur m'indisposaient cruellement. Depuis peu, je regarde les jeunes enfants comme jamais auparavant : ils sont beaux et purs comme le jour. Auparavant, ils n'étaient indifférents, la preuve que les humains peuvent m'apparaitrent aujourd'hui magnifiques. Mon parcours fut sinueux et tragique par moments. Je sais reconnaître davantage aujourd'hui la bonté, la générosité, la délicatesse, l'amitié, le partage. En ce sens, je suis plus humain et désintéressé des biens matériels non essentiels. Oui, je suis déçu des humains, bien souvent dans leur vanité, leur orgueil, leur ignorance. Oui, je suis déçu des humains lorsque mon regard se teinte des rancunes du passé et du rejet. J'ai été exigeant avec moi-même autant qu'avec autrui. Nul ne me doit quoi que ce soit et je ne dois rien à  personne. Ma personnalité s'est arrimé de manques profonds à ma jeunesse. Mes tuteurs et mon intégration ont fait défaut, provoquant des carences précoces à l'adolescence. Cette question difficile malgré tout m'a permis de faire le point en m'accordant bienveillance, objectivité et pardon dans un dénouement tardif. En allant en ce sens, les humains n'apparaissent plus beaux, mais toujours fragiles, telle est cette condition transitoire et mystérieuse qui nous porte. Devant ceux qui s'appuient sans cesse sur leur passé cela m'indispose et m'exaspère. Je comprends toutes ces ruminations aujourd'hui préférant déblatérer sur le présent et les projets à venir. Seul mon corps me dicte mon âge, mon esprit en a point. Au lieu de citer gloire et déchéance du passé aux contacts des gens, n'est-il pas mieux de poser dans un journal ou un blogue les pérignations de nos aventures et vivre le moment présent lors de nos rencontres ? Loin de renier le passé et l'histoire je m'en sers pour aller de l'avant pour me connaître et comprendre le monde qui m'entoure. Certaines vieilles ou jeunes personnes m'ennuient, d'autres sont lumineuses comme le printemps. J'ai toujours le choix maintenant que je suis relativement libre.

12 août |

Le danger pour les sociétés, ce n'est pas qu'elles changent, c'est qu'elles changent trop peu, trop mal, c'est qu'elles régressent plus qu'elles ne progressent. C'est qu'elles croient changer parce qu'elles deviennent amnésiques, qu'elles jettent tous les bébés avec l'eau du bain. Le vrai changement est autant réflexion et tri que précipitation, résistance que laisser-aller, préservation plutôt qu'abandon. Contre le double danger de soumission et d'amnésie culturelle qui conduit à une même catastrophe le constat effraie: un monde uniforme, standardisé et crétitinisé. Les hommes doivent se prémunir par des connaissances véritables et la proclamation d'une liberté consciente. Dominique Noguez dans les plaisirs de la vie. Le jour où je me suis pris en main, c'est en écrivant et en lisant. C'est aussi surtout en apprenant à m'arrêter devant toutes sortes de distractions et de tâches futiles. Dans ces moments d'arrêt, j'ai compris que le mouvement excessif était relié à la peur, la peur du vide et du manque. Le vide n'existe pas, il ne peut m'affolé. Pour faire le plein, il faut savoir créer de l'espace en soi. La culture de masse nivèle par le bas, on le voit bien avec Trump et ses acolytes. Cet odieux et disgracieux personnage ramène la société et la démocratie loin en arrière. Je souhaite de tout coeur qu'il soit relié aux oubliettes en novembre prochain et qu'il paie pour les traces ignobles qu'il a laissé. L'alliance Trump-Musk est dangereuse car ce dernier est fin prêt à utiliser l'intelligence artificielle pour propager ses fake news et déstabilisé la démocratie. L'Amérique est le chien de garde de l'humanité pour plusieurs raisons. Elle est un modèle malgré ses imperfections. Les leaders américains exercent beaucoup d'influences de par le monde. J'ai confiance qu'une femme de justice et d'intégrité aidée d'une équipe honnête et équilibrée parvienne à offrir une source d'inspiration et de confiance au monde actuel qui en a largement besoin. Une chose que je saisis cette année est que je me suis déculpabilisé  en lien d'amener vers moi les bonnes personnes. J'ai très peu de pouvoir en ce sens sauf celui de trouver les intérêts et activités qui me conviennent et de faire confiance à la vie.

9 août |

Dans le monde, selon Nicolas Chamfort, vous avez trois sortes d'amis ; vos amis qui vous aiment, vos amis qui ne se soucient pas de vous, et vos amis qui vous haïssent. Les plaisirs absolus intrinsèques sont appréciés pour eux-mêmes, sans besoin de comparaison avec d'autres états ou expériences. Leurs valeurs sont considérées comme inhérentes à l'expérience elle-même. Ils ne dépendent pas des circonstances extérieures ou des états d'esprit. Par exemple, le plaisir de savourer un goût délicieux de cerises ou d'admirer la beauté naturelle d’un paysage est ressenti directement et immédiatement. Certains philosophes considéraient que certains plaisirs purs et simples sont absolus, car ils contribuent directement au bien-être sans nécessiter de comparaison ou de compétition. Les plaisirs relatifs dépendent de la comparaison avec d'autres expériences, états ou attentes. Leurs valeurs sont souvent évaluées par rapport à quelque chose d'autre. Ils sont influencés par le contexte social, personnel ou culturel. Par exemple, le plaisir d'avoir une meilleure situation financière que ses pairs est relatif, car il est basé sur une comparaison. Des penseurs comme John Stuart Mill ont exploré comment certains plaisirs peuvent être jugés de manière relative, où la qualité et l'intensité du plaisir sont comparées entre différentes expériences. Les plaisirs absolus sont souvent recherchés pour une satisfaction durable, tandis que les plaisirs relatifs peuvent être éphémères et dépendants de circonstances extérieures. Comprendre ces différences aide à déterminer ce qui rend vraiment une vie satisfaisante et heureuse, en équilibrant les plaisirs qui sont durables avec ceux qui peuvent fluctuer en fonction des comparaisons et des attentes sociales. Cette distinction philosophique invite à réfléchir à la source de mes plaisirs et à la manière dont ils influencent mon bien-être et ma quête de bonheur.

Est absolu ce qui, pour exister ou pour être pensé, n'a besoin que de lui-même. Le mouillé est relatif, pour le comprendre, il faut le relier à la notion d'eau. L'eau est donc un absolu, elle se comprend par elle-même, sans la relier à autre chose. Dès lors, affirmer que tout est relatif revient donc à dire que rien n'existe dans l'absolu, ni vérité ni valeur, que tout est donc discutable, contestable. La vérité n'existe pas le savoir humain ne peut pas dépasser le niveau de l'opinion. Relatif est ce qui concerne, implique ou constitue une relation. Relatif à. Qui a trait à, qui concerne quelque chose, quelqu'un. Le plaisir est soit relatif ou absolu. Le temps diminue les plaisirs absolus, mais il accroît les plaisirs relatifs. L'absolu tue, le relatif crée. Les notions de valeur absolue et de valeur relative s'opposent par nature, mais peuvent se compléter. L'absolu désigne la nature des choses, le relatif indique ce qui est dépendant. Fulgurante est ma pensée ce matin devant ces révélations toutes simples mais complexes à la fois. Pendant un certain temps, j'ai cru pouvoir me suffire à moi-même dans l'absolu. L'erreur n'est pas décelée, le cheminement et les expériences davantage. L'idéal est de combiné les deux plaisirs. Autour de moi, le monde chancelle, en a-t-il déjà été autrement ou en a-t-il été le fruit de mon imagination, de ma naïveté ou du manque de savoir ? La philosophie et la retraite dans son recul lucide s'amoncèlent dans une vision du monde plus objective. À compter de la semaine prochaine, la route m'attend avec son lot d'aventures. Il est grand temps, la ville m'assaille à trop ressentir ses turbulences.

5 août |

Vivant seul et avec peu de contacts, le blogue devient un précieux ami. J'aime partager mes observations au quotidien. Depuis la pandémie, les gens souffrent d'embonpoint de façon généralisée. À la piscine, il est impossible de cacher les amas de graisses et de cellulites, et ce, à de très bas âge. Les téléphones ne rendent pas plus intelligents ceux qui les utilisent et contribuent à augmenter l'adiposité. En ajoutant le stress et la malbouffe, la combinaison est parfaite pour augmenter la masse corporelle de façon significative. Les aliments doivent être soigneusement sélectionnés. Les aliments transformés, les sucres raffinés, le sel et les gras trans se retrouvent en abondance partout, d'où l'effort à maintenir une discipline rigoureuse pour ne pas succomber aux tentations. Depuis plusieurs années, je réussis à bien me nourrir, toutefois mes portions demeurent trop grandes. Le résultat est que j'ai tendance à combiner avec l'âge un surplus de poids. Quoique qu'il en soit, les kilos se prennent plus jeune qu'avant et je m'étonne du manque de rigueur généralisé des gens. Un îlot fait bande à part sur les plaines d'Abraham, où les gens svelts et sportifs sont nombreux et chez les populations mieux nanties. Depuis peu, ça me saute aux yeux tous ces gens aux gros derrières et aux bedaines volumineuses qui de dandinent partout faisant la file indienne dans les crèmeries. J'aurais envie de leur dire qu'il est temps de s'activer, de mieux manger, de cesser de fumer. Jadis, j'étais plus impliqué que maintenant je m'en fou comme à l'image de cette étrange époque où le collectif devient marginal. Une amie me conseillait de m'impliquer, que seule l'idée me répugne. Je sais que je ne suis pas seul dans ces pensées, je dis tout haut ce que plusieurs taisent. Les voix se multiplient, hargneuses et insidieuses dans les médias sociaux, révélant une société en mal de vivre. Ces réflexions m'amène à poser les questions suivantes : qu'est que la liberté ? Quelle serait le monde idéal ? Quels sont nos réels pouvoirs de changer les choses ? De nature philosophe, je réfléchis sur les causes. Un type parlant au second degré hier, parlant en mal de l'immigration, flirtait de façon superficielle sur le sujet que j'ai redirigé poliment la discussion ailleurs n'ayant pas de temps à perdre. N'est-il pas lui aussi le fruit de l'immigration ? De quels droits s'approprie-t-il de ces convictions éhontées et hasardeuses ? Je crois que nous n'avons pas seulement des droits et libertés individuelles, comme le mentionne la charte canadienne, nous avons aussi des devoirs et des obligations qui semblent être absents du monde contemporain. Il y a à peine un siècle, les habitants de la planète sont passé du monde rural au monde urbain. Les communications se sont transformées à une vitesse inouïe ne laissant pas la chance de s'adapter harmonieusement. La vie ne s'estompera pas, mais certaines espèces en subiront les conséquences, telle cette prestigieuse et infâme bête qu'est l'humain. La vie mutera vers autre chose, s'adapter constamment sinon périr devient la norme. Le monde n'est pas une projection virtuelle et mentale. Cette pensée nous isolera impitoyablement. Dans le passé, un amérindien seul était un homme mort. Les humains méritant mon respect sont ceux qui vivent en parfaite harmonie avec la nature et leurs semblables, les autres survivent.


3 août |

Ça me prend une semaine d'un retour de voyage pour me remettre à écrire. Une connaissance me demande si mes voyages sont des fuites, ce à quoi je réponds par la négative. Je me déplace pour apprendre et voir le monde par ce recul nécessaire et intermittent sans quoi j'étoufferais. Non, ce n'est pas une fuite par en avant, mais un ressourcement nécessaire. Je croise parfois des anciens clients ou compagnons de randonnées et de voyages. À vrai dire, ils sont tout cela sauf des amis véritables. Je comprends mieux le monde dans lequel j'ai flirté dorénavant depuis la retraite. L'espace créé depuis deux ans m'a permis de mieux observer cet univers dont ma pensée était trop près et pendant trop de temps. Je vieillis, mais assez bien, je trouve malgré le fait de ne pas être à l'abri des intempéries. Certains n'ont pas tous ce privilège. Tous ont leurs histoires, parfois radieuses, parfois bouleversantes. Ces dernières laissent des traces dans leurs visages, même en tentant de les dissimuler. Certains avec qui j'ai passé des semaines en préparant et accompagnant leurs voyages ou leurs randonnées de rêve m'apparaissent différents aujourd'hui, je le suis également. Malgré mon sale caractère, parfois d'homme têtu, j'ai dû faire passablement de compromis pour convaincre les gens de m'accompagner dans mes aventures. Je n'en serais plus capable aujourd'hui, non plus la patience et le goût de supporter les discussions et caprices d'autrui à grande échelle comme jadis pour gagner ma vie et poursuivre mes passions dans lesquels je me suis si souvent enlisé et si souvent exalté. Je ne regrette rien, ce fut mon apprentissage sans quoi je ne serais pas le même qui écrit ce soir. Je suis arrivé au point de rendre supportable le silence après tant d'années de murmures incessants et interminables dans ma tête et dans la bouche des gens. J'ai refait le monde si souvent que j'en ai perdu complètement mes repères. Aujourd'hui, ça va mieux. Lorsque je croise ces gens, je demeure délicat, mais je passe rapidement sans détourner le regard. C'est comme si je ne regardais que devant moi et non plus en arrière. Le résultat est convaincant face aux gens qui ont fait partie de ma route à un moment donné en quoi ce fut nécessaire. L'important que je retiens de tout cela est de ne plus m'attacher impitoyablement à quoi que ce soit. La vie coule comme l'eau de la rivière, si on l'empêche de circuler, elle finira quand même par se frayer un chemin, peu importe mes intentions.

Cyclotourisme | Île du Prince Édouard

28 juillet | Saint-Germain-de-Kamouraska, Bas Saint-Laurent

Je me lève au lever de soleil dans un champ d'herbes fraîchement coupées à travers les odeurs marines. Malgré la foule estivale, Kamouraska et les environs sont d'une grande beauté, si ce n'était la haute saison touristique qui gâche le scénario. Je pars déjeuner au quai du village seul comme à l'habitude pour finaliser mon journal de voyage. Tantôt, je serai à la maison après un voyage intense en vanlife sur dix-neuf jours. L'île du Prince Édouard fut une excellente destination pour le cyclotourisme, mon choix était judicieux. La multitude de routes intérieures m'a permis de faire des boucles en combinant le littoral. Les plages et les paysages sont magnifiques, les gens fort accueillants et respectueux. Il y a une lenteur et de la courtoisie chez les anglophones davantage qu'au Québec. L'île est le meilleur endroit dans les Maritimes pour le cyclotourisme. Les seuls inconvénients retrouvés sont les maringouins voraces et le peu d'ombre aux grandes chaleurs. La canicule a été difficile, mes batteries auxiliaires se sont vidées après une trop longue utilisation des ventilateurs. J'ai trouvé plus belle et diversifiée la Nouvelle-Écosse, mais cette dernière n'offre pas l'expérience cycliste d'IPE. Le Nouveau Brunswick n'est pas une destination qui m'enchante en général, sauf quelques endroits ici et là. La Gaspésie, je n'aime pas du tout, car il n'y a qu'une seule route forte achalandée. J'aime les endroits authentiques sans les touristes de masse. Je n'ai pas déboursé un sous pour le camping et qu'un repas ou deux modestes  aux restaurants. En faisant du cyclotourisme, les coûts de l'essence sont considérablement amoindris. Mes moments forts furent North Cape et Naufrage Harbour à IPE. Terre-Neuve serait une province excellente à visiter, mais n'offre pas la possibilité d'y faire du vélo, car trop montagneuse. Je réalise à quel point le vélo devient mon principal objectif en vanlife, me permettant une pause du véhicule pour faire de l'exercice tout en voyant et en apprenant autrement. J'ai parcouru une distance totale en véhicule de 3,265 kilomètres et 500 kilomètres à vélo ont été parcourus sur six parcours. Un cumulatif de 1,500 kilomètres affiche mon odomètre cette année. Les dépenses reliées à l'essence furent de 450 $, l'épicerie de 250 $ (mon frigo étant plein avant le départ) et les dépenses diverses de 65 $ pour un coût total à ce périple estival rempli de lumière de 765 $. Mon objectif a été atteint, j'avais prévue ce montant. La température fut parfaite, sauf sur quatre journées caniculaires consécutives. Je n'ai eu aucuns soucis mécaniques en campeur et aucune crevaison à vélo. Les endroits où j'ai dormi furent exceptionnels, voire beaucoup plus que les campings rencontrés. 

À  St Michel-de-Bellechasse je prends quelques croissants frais et m'arrête à un camping devenu une copropriété. La Tasserie est le nom de ce joli et paisible espace de retraite face au fleuve devant une immense plage. J'y avais, il y a environ vingt-cinq ans, acheté une maison mobile au montant de 20,000 $, la location coûtait 1,500 $ par année. Je revenais des Parcs Nationaux des Hautes Terres au Cap Breton en Nouvelle Écosse et Gros Morne à Terre Neuve avec un groupe de randonneurs que j'accompagnais. Au retour avec le minibus que je conduisis, je me suis arrêté devant ce camping de St Michel tombant en amour avec le site. La semaine suivante j'achetais la maison comptant que je revendais à l'automne le même prix. Je me suis littéralement ennuyé dans cet environnement sédentaire. Les arbres ont poussés depuis et les terrains actuellement se vendent 100,000 $. Le monde est devenu profondément spéculatif. Beaucoup d'eau a coulé depuis et me revoici devant cette image d'un passé révolu. Voilà un autre voyage effectué sur ma check-list. Je rentre chez moi satisfait, prêt à me déposer jusqu'à la prochaine aventure 🌿

27 juillet | Ste Germain-de-Kamouraska, Bas St Laurent 

Levé tôt dans la brume autour du Lac Baker chez les Brayons. C'est le nom donné des Canadiens français du Haut Madawaska au Nouveau-Brunswick. La définition demeure obscure. La nuit fut silencieuse, l'ambiance sublime. C'est l'un de mes coups de cœur, en partie pour le cyclotourisme au départ de Frontier Park. La première partie s'effectue autour du Lac Baker, la seconde autour du Lac Meruimticook dans le Témiscouata au Québec. En roulant, je ressentais la fraîcheur des lacs d'une grande pureté. J'ai effectué 65 kilomètres avec beaucoup de plaisir à rouler dans un décor complètement différent de tout ce qui a précédé. Les Brayons sont très accueillants, je discute avec plusieurs d'entres-eux sur le parcours. Je demande s'ils préfèrent le Québec ou le Nouveau-Brunswick, qu'ils me répondent délicatement le Nouveau-Brunswick, car plus tranquille. Autour des lacs, des montagnes costaudes et sauvages m'enivrent. Il faut aimer la nature pour vivre ici. Au retour, une délicieuse baignade m'attend. J'ai eu un coup de cœur total pour le Lac Baker. L'expérience du vélo fut excellente, la circulation presque nulle. Petite anecdote ; la route au Québec du Lac Baker à Rivière Bleue sur la 289 est fermée de juin à septembre, obligeant un détour hasardeux avec des indications trompeuses. C'est mon entrée dans la belle province. La route est très mauvaise, je peux l'affirmer pour avoir fait tout le Canada et les États-Unis, le Québec remporte la palme des plus mauvaises routes et cela n'a rien à  voir avec le climat. Même avec Google Maps je réussis à me perdre dans ces montagnes, ce qui est plutôt rare chez moi. Mon aventure s'est traduite par une prolongation d'une quarantaine de kilomètres en partie sur des chemins de terres poussiéreuses. La dernière fois que j'ai pris de la poussière comme ça c'était au Nevada l'été dernier. Des villages comme St Eusèbe, Parkerton et St Jean-de-Lande sont l'arrière-pays du Québec et pas à peu près. Je suis en mesure d'en parler pour avoir bourlinguer pas mal. Plus loin, je rejoins enfin le lac Pohénégamook pour terminer ma folle course dans les aboiteaux face au fleuve St Laurent et aux Monadnocks de St Germain-de-Kamouraska du Bas St Laurent. J'ai de la misère à me trouver un spot pour la nuit étant dans un territoire assez touristique. L'endroit est quand même pas mal parmi la horde de touristes. J'ai l'impression de dormir presqu'à côté d'une autoroute. Il y a une immense microbrasserie pas très loin avec autant de voitures que dans un stationnement du Walmart. Je nettoie Béa ma van comme à chaque jour, c'est un rituel pour moi qui est important. Demain matin, avant le retour à la maison, j'irai acheter à  Kamouraska des anguilles et de l'esturgeon fumé, sans oublier les bourgots dont je raffole. Le long du fleuve, que ce soit du côté nord ou sud, ce ne sont vraiment pas des destinations qui me plaisent, il y a trop de monde et ces lieux ne sont pas synonymes d'aventure pour moi.

26 juillet | Lac Baker, Haut Madawaska, Nouveau-Brunswick

En me levant, je savais que j'avais une longue route qui m'attendait. L'avant-midi fut fraîche et grise. Pendant deux heures, je n'ai traversé que des forêts. C'est ici que je réalise à quel point l'industrie forestière a mainmise sur la province. Aucune voiture en vue, une route agréable à rouler. Les routes secondaires au Nouveau-Brunswick ressemblent à celles du Québec, c'est-à-dire en piteux état. Vers midi, j'arrive dans la vallée du fleuve Saint-Jean. Je comprends maintenant pourquoi la ville de Saint John fut tellement importante pendant des milliers d'années. Le fleuve prend sa source au nord du Maine, tout près de Québec. La vallée est très belle, mais longue à parcourir. Edmundston est une ville affreuse avec en son centre une immense papeterie qui défigure le paysage. La province est remplie de ces méga-usines qui déchiquettent les forêts. Je prends la route vers le Québec en direction du lac Pohénégamook. Je trouve par hasard un camping sauvage, Frontier Park, au Lac Baker dans le Haut Madawaska. Je suis au Nouveau-Brunswick sur la ligne exactement qui sépare le Québec. L'endroit est magique. J'ai laissé derrière moi dans les Maritimes les maringouins, où je me trouve. C'est tranquille de ce côté, c'est la première fois que je peux être dehors pendant des semaines sans me faire bouffer tout rond. Je saute à l'eau immédiatement, je me rafraîchi majestueusement. Un homosexuel tente la drague, il part rapidement voyant mon indifférence. C'est un ontarien qui vient de s'acheter une maison près d'ici. Il trouve l'eau froide, il va trouver le temps long. En traversant au Québec, je gagne une heure mais pas pressé une formidable journée à vélo exploratoire m'attend demain.

24-25 juillet | Deadmans Bay, Blacks Harbour, Fundy Bay, Nouveau-Brunswick

Brume épaisse, temps frais et gris, léger crachin qui augmente dans la journée en déluge. J'ai passé l'une de mes meilleures nuits, la fraîcheur en est la cause. Je vais à Saint Georges faire des courses et direction Saint Andrews-by-the-Sea, haut-lieu de la villégiature au Canada. C'est selon moi, le plus beau village, loyaliste auparavant, du Nouveau-Brunswick. Le village composé de 2,000 habitants est situé sur la frontière américaine dans l'État du Maine au confluent de la rivière Sainte-Croix et Passamacody Bay. Le village est réputé surtout pour l'Alconquin Hôtel Resort, jadis hôtel du Canadian Pacific. Cet établissement d'une grande beauté est situé sur la colline dominant le village à côté de Kingsbrae Garden. J'ai visité ce jardin anglais, j'en suis littéralement tombé amoureux. Il fait partie des dix plus beaux jardins du Canada. À la plage dans une charmante baie de l'hôtel, je prends une douche chaude extérieure. L'hôtel était réputé pour avoir des douches jadis à l'eau douce et de mer, l'eau étant pompée tout en haut de la colline. La pluie s'abat sur moi, j'ai mon parapluie. L'expérience de cette visite sous la pluie est magistrale, les couleurs sont éblouissantes, les arômes délectables. C'est vraiment beau et surtout très cher. Je bois mon chocolat chaud noir au lait de soya préparé moi-même, car au village, il en coûte six dollars. Ministers Island est une île face à Saint Andrews qui se traverse à marée basse en voitures. L'île fait partie du patrimoine historique pour avoir abrité le domaine estival de Cornelius Van Horne qui a créé le Canadien Pacific d'un océan à l'autre. Van Horne habitait dans le mille carré doré sur la rue Sherbrooke à Montréal. Il était d'origine hollandaise et né aux États-Unis. La maison du révérend Samuel Andrews fondateur du village s'y retrouve aussi. Le domaine a quatre-vingt chambres. Il me fut impossible de relier l'île, c'était la marée haute. Après avoir fait le tour, la pluie a raison de moi, je retourne où j'ai campé hier, à Deadmans Harbour de Blacks Harbour. Ici, c'est le plus beau front de mer, ultime tranquilité de la région, j'y tenais pour ma dernière nuit avant de m'enfoncer dans les terres du Nouveau-Brunswick demain. Je suis quelque peu nostalgique de quitter la mer. La province n'offre assurément pas la possibilité de faire du cyclotourisme. Je mange un bagel au saumon fumé bien au chaud dans mon habitacle, croyant difficilement qu'il y avait une intense canicule il y a à peine une semaine.

Fundy Bay fait partie de l'Atlantique Nord, ses eaux sont froides. Nombreux sont les poissons et les crustacés à y élire domicile. Le grand mouvement des marées amène en abondance le poisson. Saint Martins, charmante bourgade, fut un endroit idéal pour passer la nuit à la sortie de Fundy Bay Parkway. Ensuite, je quitte vers Saint-John. C'est l'une des plus vieilles villes du Canada, son histoire est chargée. 75,000 personnes y habitent. C'est la deuxième plus grande ville de la province après Moncton. Fredericton est la capitale. Saint-John est affreusement laide, au point de dire la plus laide qu'il m'a été donné de voir au pays. C'est une ville fortement industrielle, notamment avec la plus grande raffinerie du Canada, Irving. Le Nouveau Brunswick est un grand exploiteur de richesses naturelles, dont le bois. Au régime anglais, Saint-John alimentait en bois l'Angleterre et les Caraïbes. J'ai même pas osé m'arrêter pour pisser tellement j'avais hâte de retrouver la quiétude de la mer. Plus loin, je découvre un endroit extraordinaire d'une grande beauté ; New River Beach Provincial Park. La plage a deux kilomètres de sable fin et une pointe de forêts anciennes est parsemée de sentiers côtiers. Je marche une quinzaine de kilomètres dans un paysage somptueux. Je n'ai pas eu à débourser les quinze dollars requis, car j'ai pris un sentier, comme plusieurs, qui offrait la voie libre. La journée est fraîche, c'est parfait pour marcher. Ce sera ma première grande randonnée du voyage, qui est somme toute facile. Je me dirige ensuite à Blacks Harbour où se trouve le traversier pour l'île du Grand Manan. Je voulais prendre le traversier d'une durée de près de deux heures à vélo, mais on m'indique que les vingt-cinq kilomètres de routes sur l'île ne sont pas goudronnées. Mes ans sont changés. Je fais une courte randonnée près du port à Connors Bros. Nature at Preserve Pea Point. À la sortie du village, je m'installe sur une petite halte à Deadmans Bay de Blacks Harbour. Je suis seul avec les sirènes de brume comme bruit de fond.

23 juillet | Saint Martins, Fundy Bay, Nouveau Brunswick 

Avant le petit déjeuner je pêche deux maquereaux sur le quai de Cape Tormentine. Cet endroit est vibrant d'inspiration. Des oiseaux nichent partout et le poisson est abondant avec la marée montante. C'est la première fois que je voyage avec une alimentation aussi saine et rigoureuse. Je ne mange pas de fromage, que du yogourt maigre, parfois aux fruits. Aucun sucre raffiné je ne consomme, de croustilles ou de friture. Je mange beaucoup de fruits frais et séchés. Que de la viande maigre, des produits céréaliers et pâtes à grains entiers, des légumes, beaucoup de lait de soya, des oeufs, des poissons, des noix et légumineuses. Je n'ai pas à aucun moment bifurqué de cette discipline. La possibilité de cuisiner dans le campeur y fait grandement pour quelque chose, c'est l'autonomie complète. Le choc est brutal après les champs de patates de l'île du Prince Édouard en me retrouvant soudainement dans les montagnes de forêts sauvages. À Moncton je ne fais que luncher, c'est sans intérêt comme la plupart des villes pour moi. Je m'étonne de constater l'immigration qui a fait son nid dans la ville. À Shediac, Cap Pelé et Bouctouche, pays de la Sagouine, je poursuis ma route, ça ne m'intéresse guère de même que le littoral acadien et la Gaspésie. Je bifurque sur route 195 qui est extraordinaire sur le littoral de Fundy Bay où l'on retrouve les plus grandes marées au monde. Plus loin je fais un arrêt à la réserve naturelle du Cap Enragé, c'est magnifique. La nature est très rugueuse de ce côté de Fundy Bay, les conifères le prouvant. Ensuite j'arrive à Alma au pied de Fundy Bay National Park. L'endroit est très touristique, pas question d'y dormir. Après la traversée du parc national je bifurque sur une route nouvellement goudronnée mal identifiée. À ma surprise je découvre une route panoramique longue de 80 kilomètres d'une grande beauté sans aucun service ou réseau. C'est vraiment sauvage, un grand bonheur de rouler ici. Fundy Bay Parkway Provincial Park a été créé il y a deux ans et rivalise de beauté avec Cabot Trail et plusieurs grands parcs canadiens et américains tels Blue Ridge ou Natchez Trace Parkway. Après les premiers cinquante kilomètres on me fait payer quatorze dollars. Ça vaut le coup, ma surprise est grande. La nature est vierge, plus d'une vingtaine de belvédères et une multitude de sentiers pédestres lorgnent Fundy Bay Parkway. J'arrive tard à Saint Martins, je m'installe sur la plage de galet, ce fut long pour me trouver un spot ce soir, je voulais dormir face à la baie. Je suis collé à une route passante. J'ai installé mes rideaux magnétiques sauf celui sur la baie qui est dans la brume. Le set up est parfait. Les passants me jalousent. Il pleut légèrement, je mange des ramens et du goberge.

22 juillet | Cape Tormentine, Nouveau-Brunswick

Le vent était trop fort pour faire du vélo aujourd'hui, je suis parti alors vers la capitale, Charlottetown. Petite ville conservatrice aussi tranquille que son île, je fais le tour lentement en deux heures. Les restaurants affichent des tarifs exorbitants, comme partout ailleurs. C'est curieux chez les Anglais de constater leurs goûts pour la crème glacée… juste avant le souper. C'est le seul peuple qui prend son dessert avant le souper. Ice cream is ice cream, disent les Anglais. Ensuite, je me dirige à Port-à-la-Joyce-Fort Amherst. Les premiers colonisateurs de l'île furent les Français. Saint-Jean était jadis le nom de l'île du Prince Édouard au régime français. Lorsque Louisbourg, forteresse française au Cap Breton en Nouvelle-Écosse tomba aux mains des Britanniques, l'île du prince Édouard devint anglaise. Alors débuta la grande déportation des Acadiens de Grand Pré à la baie Sainte-Marguerite en Nouvelle-Écosse vers la France, la Louisiane et le Nouveau-Brunswick. Plusieurs périrent en mer ou de maladies. Les Acadiens en Nouvelle-Écosse représentaient un danger pour les Britanniques, en réalité ils voulaient les dépossédé de leurs terres. Halifax devint une grande ville portuaire britannique. C'est pourquoi aujourd'hui il y a une riche culture sur la côte atlantique de la province. Les Acadiens de Grand Pré s'étaient installés dans une région qui jouissait d'un microclimat pour l'agriculture et surtout le vin. Le fort Amherst à l'IPE était situé dans un endroit très stratégique protégeant Charlottetown dans une profonde baie drainée de belles rivières. Je longe le détroit Northumberland pour prendre le pont de la Confédération sous les grands vents. Je suis heureux et fier d'avoir parcouru 435 kilomètres à vélo d'une extrémité à l'autre de l'île du Prince Édouard sur cinq jours pendant les dix journées passées au milieu du golfe Saint-Laurent. En arrivant au Nouveau-Brunswick, ce sont les forêts beaucoup plus nombreuses qui me frappent. Je m'installe pour la nuit à Cape Tormentine, ancien terminal dans les grands vents du traversier pour l'île du Prince Édouard. Le pont a remplacé le traversier, les installations portuaires tombent en ruine, laissant place à quelques pêcheurs et troubadours de passage comme moi.


21 juillet | Mt Buchanan Harbour, Pinette Bay, Point Prim, Detroit Northumberland, Île du Prince Édouard

Ce fut la meilleure température pour le vélo aujourd'hui. Toutefois, les vents sont puissants, mais dans le dos au retour. J'ai effectué une boucle de 76 kilomètres sur les Pointes de l'Est au départ de Murray Harbour. J'ai mouliné la côte sud de Cape Bear jusqu'à Wood Islands, lieu du traversier pour Caribou en Nouvelle-Écosse. Il y a plusieurs vignobles du côté de l'île, le climat permettant ces cultures. Les plages sont petites et les accès à la mer peu nombreux. L'ouragan Fiona a détruit il y a trois ans trente pourcent des grands arbres, déjà que la canopée est fragilisée par la déforestation massive pour l'agriculture, et ce depuis fort longtemps. Au retour à Murray Harbour, il y a un joli restaurant où je me suis garé. Je regarde les tarifs, ils sont exorbitants. Je décide de me cuire en face un filet mignon avec des champignons ramenés de chez moi. J'éprouve un malin plaisir à ne pas débourser comme un con pour voyager. J'évite tous les lieux touristiques. Plus loin, je prends une douche à Northumberland Provincial Park et poursuis vers Point Prim Lighthouse. À peine j'ai le pied à terre que je déguerpis pour trouver mon spot pour la nuit. Je m'installe à Mt Buchanan Harbour de Pinette Bay sur Point Prim dans le détroit Northumberland. Je suis seul avec les bateaux de pêcheurs, c'est magnifique. Les ports de pêche dont s'empilent d'innombrables cages à homard font partie intégrante du paysage de l'île. Les ports de pêche sont de très loin mes meilleurs spots pour dormir. Je ne me vois pas camper avec les saisonniers sur les terrains de camping empilés les uns sur les autres faisant du gras de bacon dans ma chaise à journée longue. Je préfère de loin les chemins de travers et les moins fréquentés. C'est là que j'y apprends le plus, c'est là que je me retrouve.

20 juillet | Murray Harbour, Île du Prince Édouard

C'est malade où je suis situé sur le quai de Naufrage Harbour. Hier soir fut mon plus beau coucher de soleil avec la pleine lune en prime. Je crois que je vais avoir de la misère à quitter ce lieu magique. Le quai est entre deux plages et le long d'un canal qui mène au port. Quelques semaines dans les Maritimes l'été serait la meilleure chose à faire de la retraite pour ne pas croupir en ville. Le pont de la Confédération génère davantage de trafic. Des gens me disent que la vie des insulaires a changé depuis la venue du pont. La lumière d'été est plus crue, moins subtile pour la photographie. Aujourd'hui, je fais de la route en campeur vers Georgetown où j'assiste à une parade des pompiers. Les enfants ont droit à des tas de bonbons. Ensuite, je vais vers Montague pour des courses. À Panmure Island Provincial Park, je prends une douche et remplis mon réservoir d'eau fraîche. Ensuite je file vers Murray River et, à partir de là, je me cherche un spot pour la nuit afin d'être prêt pour la randonnée à vélo demain matin. Je me dirige à Cape Bear, j'y vois les côtes de la Nouvelle-Écosse. Un homme d'âge mûr plutôt étrange a planté sa tente près des falaises. Il me parle que je ne comprends pas. Le lieu ne m'inspire pas non plus. Plus loin, enfin, je m'installe au quai de Murray River. Full moon tonight front of me. C'est tranquille, j'observe les jolies méduses de mer du quai, c'est plus agréable que le bulletin de nouvelles télévisés. On ne peut pas dire qu'il y a beaucoup d'arbres sur l'île pour se mettre à l'ombre. On est très loin des grandes canopées de la Nouvelle-Angleterre. On vient surtout ici pour la plage ou la pêche. Sans le cyclotourisme, je ne serais pas venu, à ce niveau, je suis gâté. Voyager en vanlife ça prend un objectif et des routines. La plage et la route ne suffisent pas. La randonnée pédestre, j'aime bien, mais trop chaud l'été, de plus, on ne couvre pas de longues distances comme à vélo. Le cyclotourisme m'offre une multitude de possibilités tout en me conservant en forme. Voilà mon but en vanlife. Je reconnais mes intérêts pour avoir fait plusieurs options. Le cyclotourisme répond très bien à mes besoins. Préparer les parcours et trouver les endroits pour dormir fait partie de l'ensemble du voyage. De là s'ajoutent les rencontres, les découvertes, les baignades et le reste.

19 juillet | Naufrage Harbour, East Side, Île du Prince Édouard

Au quai sont arrivés en soirée hier deux couples avec leurs gros campeurs. Le premier, des américains de la Virginie qui sont sympathiques et bon enfant, comme plusieurs voisins du sud. Le second, des français habitant la Guadeloupe se sont acheté une immense et vieille boîte à savon pour découvrir l'Amérique. Philippe est très verbal et cultivé comme la plupart de ses compatriotes, ça me plaît de causer avec lui. Ils sont curieux tout comme moi. Je lui dis que s'ils causaient moins, l'Amérique aurait pu devenir française. Le couple d'américains sont d'illustres ignorants, comme plusieurs d'entre eux, il n'a qu'à entendre le grand rassemblement national républicain pour s'en rendre compte. Il est mieux de tomber sur des démocrates, les discussions risquent d'être plus riches. L'humidité et la chaleur se sont tuées. Sur les routes côtières, d'un côté, les cultures d'huîtres dans les baies à  l'infini et les champs de patates de l'autre. Ces dernières vont, après la cueillette, à la gigantesque usine de transformation Cavendish. Les maisons sont modestes sur l'île, aucune architecture distincte et sophistiquée comme on la retrouve sur la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse ou de la Nouvelle-Angleterre. C'est que les gens, notamment les pêcheurs, ont des revenus modestes. À Naufrage Harbour, en plus du port, ne possède qu'une boutique d'excursions de kayak, un petit shack où la nourriture est délicieuse mais chère comme la plupart des restaurants de bord de mer. Mon budget me permet une délicieuse french fries. Je débute ma randonnée à vélo du quai de Naufrage vers East Point le long de la mer. Il n'y a pas d'autos ni quasiment aucune maison. Cela faisait longtemps que je n'avais pas humé d'aussi bons parfums maritimes entremêlés de rosiers sauvages. Je m'arrête à North Lake, un joli port de mer. Un charter ramène deux couples d'une journée de pêche au thon ramenant un spécimen de 600 livres. C'est le plus gros capturé cette année, le record étant 1,400 livres. Il en coûte 1,500 $ pour une journée sur un maximum de six pêcheurs. 500 $ est le coût de l'essence requis pour la journée. C'est une acadienne de Bouctouche au Nouveau-Brunswick qui l'a capturé, elle recevra 4,000 $ pour sa prise. North Lake est la capitale mondiale du thon, paraît-il. Il y a douze charters au village. L'alcool est un problème majeur auprès des pêcheurs sur plusieurs générations. Les longues heures en mer et la solitude les entraînent dans une spirale infernale. Plusieurs ont cessé de boire pour consommer du cannabis, qui deviendra un autre problème tôt ou tard. Je rencontre une famille de Québec, Jean-François qui enseigne l'électricité en mécanique automobile. Il me donne un cours accéléré sur les batteries et panneaux solaires. À East Point, je reçois ma seconde banderole pour avoir atteint la pointe de l'île. Avec celui de West Point, j'ai droit à un certificat bilingue m'indiquant avoir parcouru l'île. Le premier tronçon fut très agréable, la seconde beaucoup moins jusqu'à Souris, lieu d'embarquement pour la traversée des Îles de la Madeleine. Ça prend quatre heures pour la traversée. Après East Point, la route est très achalandée, les côtes sont nombreuses et le vent de face. Pour une expérience enrichissante de cyclotourisme, je me dois d'éviter toutes routes rapides en privilégiant les chemins ruraux. Heureusement que l'île offre cette option pour mon plaisir. Enfin, je bifurque à Souris vers Naufrage Harbour, mon port d'attache, qui fut mon plus bel arrêt du voyage à ce jour, notamment pour le quai où je séjourne pendant trois nuits. C'est de loin le plus beau quai depuis que je fais du vanlife. Pour y passer trois nuits consécutives, c'est que ce lieu est spécial. Le calme, le bruit de la mer et le panorama exceptionnel sont uniques. Avant de revenir au port, je roule une quinzaine de kilomètres sur le sentier de la Confédération. Me retrouver à l'ombre quelque temps est savoureux. Il n'y a personne sur ce sentier de graviers fins qui était autrefois le tracé d'un chemin de fer qui reliait l'île d'une extrémité à l'autre sur une distance de 450 kilomètres. La douche extérieure est délicieuse en fin d'après-midi après cette randonnée à vélo de 90 kilomètres, le spaghetti aussi.

18 juillet |Naufrage Harbour, East Side, Île du Prince Édouard 

Jour de pluie, je ne bouge pas. Bien installé sur le quai de Naufrage Harbour, je lis et me repose pour la journée de vélo sur East Point demain. C'est vraiment un beau spot ici, mon flair est impétueux. De ce côté de l'île, à East Side, j'ai droit au lever du soleil, alors qu'à West Side, ce sont les couchers de soleil qui s'invitent. Hier soir, un pêcheur du nom de Bob est venu lancer sa ligne à côté de moi, restant tard dans la nuit. Il est guetteur de bateaux avec son petit chien, genre idiot du village. À Québec, ils sont plus nombreux. Le réseau est quasi inexistant à Naufrage Harbour, cela m'oblige à lire davantage, quoique j'en aie moins envie en voyage. J'ai la plage longue de deux kilomètres aujourd'hui pour moi seul. La vie est douce dans les Maritimes, les gens sont simples et accueillants. J'ai mis quelques accessoires dans la van pour plus de confort. Lorsque le vent tombe, les maringouins me guettent à la moindre défaillance. Je passe du bon temps, comme il y a deux ans en Nouvelle-Écosse, que j'ai adoré malgré le fait de n'avoir pas fait de vélo. Les eaux du golfe sont beaucoup plus chaudes que sur la côte atlantique néo-écossaise et les vagues quasi-inexistantes. J'aimerais bien aller à Terre-Neuve un jour, mais c'est trop coûteux pour le vélo. Si je n'ai pas la possibilité de faire du cyclotourisme dans mes voyages en van, je vais m'ennuyer, c'est assuré. Il y a deux ans, j'ai fait la côte acadienne du Nouveau-Brunswick. Je n'ai pas aimé ça. La Gaspésie, je n'y vais plus aussi, la route 132 est la seule voie praticable avec trop de circulation et de vitesse. La plus belle partie de la Nouvelle-Écosse, selon moi, se situe entre Halifax et Yarmouth, ce qui représente environ 250 kilomètres de pure merveille. La Nouvelle-Écosse est assurément la meilleure destination des Maritimes pour sa beauté et sa diversité, avec Terre-Neuve pour sa nature sauvage et rugueuse et sa population accueillante. Dans le passé, je suis allé à maintes reprises dans les îles des Caraïbes, mais maintenant, je n'ai plus aucune envie d'y retourner, ayant tout ce qu'il faut en Amérique du Nord. J'ai fait l'Ouest canadien et américain en vanlife, je n'ai plus le goût d'y retourner pour la simple raison que le cyclotourisme n'est pas adéquat dans ces régions et que les distances à parcourir sont trop grandes. L'un de mes meilleurs voyages en vanlife fut sans contredit le cyclotourisme le long de la chaîne Appalachienne des États-Unis et en Nouvelle-Angleterre. Depuis 2020 que je bourlingue ici et là en Amérique du Nord avec Béa, ma van fidèle. Je commence à prendre mon rythme et à distinguer mes intérêts.

17 juillet | Naufrage Harbour, East Side, Île du Prince Édouard

Ce matin je pars en van vers Summerside, Kensington pour ensuite bifurquer vers Cabot Beach Provincial Park à Malpeque Bay. J'y prends une douche, Béa aussi. Il y a vingt ans j'avais camper ici avec un groupe de cyclistes. C'est étonnant comment notre vision des lieux après autant de temps se transforme. Ensuite je file pour la section la plus inintéressante de l'île pour moi, Cavendish. Il est vrai que Prince Edward Island National Park est très beau mais je ne vais plus dans les parcs nationaux, exceptions à la règle pour quelques-uns qu'il me reste à voir aux États-Unis. De toute façon j'y suis déjà aller et je préfère les parcs provinciaux car ils sont plus conviviaux. Les villages sur les cartes n'ont parfois qu'une dizaine de maisons sans aucuns commerces. Une fois dépassé ce secteur très touristique je file vers East Side Island quittant le centre de l'île. Il y a beaucoup moins de circulation, c'est beaucoup mieux. Cavendish est réputé pour ses plages et les familles de Charlottetown, la capitale aiment bien y passé quelques jours. Je m'installe tout au bout du quai à Naufrage Harbour. Ce sera un bon point de départ pour ma prochaine randonnée à vélo. Toutefois on prédit de bonnes averses demain jeudi ce qui chassera cette foutue canicule qui me poursuit depuis une semaine. J'attendrai ici, j'y jette l'encre. J'ai une vue panoramique sur la mer et les plages environnantes et de plus il y a une douche sur la plage. L'ambiance de ce côté de l'île est différente avec davantage de rosiers et la mer prends son large de ce côté.


16 juillet | Miminegash Harbour, West Side, North Cape, Île du Prince Édouard

J'ai dormi comme un bébé, la porte ouverte avec les moustiquaires. Le vent soufflait un vent frais. Aujourd'hui, je me repose en profitant de ce lieu hors du temps. Des pêcheurs de plusieurs générations vivent et travaillent ici à Miminegash Harbour. Je marche sur la plage des kilomètres, deux ou trois baigneurs sont présents et heureux de l'être, sauf une ontarienne avec son neveu et son père qui s'ennuie des magasins de la banlieue de Toronto. Elle verrait ça différent si elle faisait du vélo. Je discute avec grands nombres de pêcheurs, tous me saluent cordialement. Il n'y a qu'un seul commerce au village qui sert de restaurant, de station-service et de dépanneur. Pour ma première semaine de voyage, je me paie une assiette de pétoncles, trop de friture à mon goût. Tout se déroule à merveille. La différence entre les États-Unis et les Maritimes, c'est qu'ici, je suis chez moi et que la francophonie est respectée et représentée. Toutes les informations routières et touristiques sont bilingues. Les seuls animaux sur l'île, à part les oiseaux, sont les renards. Je ne crois pas que j'aurais le courage de rester à Québec les mois de juillet à octobre. Dans ma ville natale, les contacts sont creux. Les voisins de mon immeuble d'où j'habite depuis trente ans ne savent rien de moi et ne veulent rien savoir, comme la plupart des gens de la ville. Il y a trop de monde, trop d'indifférence, trop d'automobiles, trop de béton. Si j'avais du courage je partirais mais pour aller où? Après ces séjours dans les régions reculées et rurales, je serai heureux de revenir quelque temps à la maison pour me poser et faire le lavage. Idéalement, je serais content d'avoir une compagne de route, mais la vie est trop courte pour attendre sur mon canapé ou sur internet. Cela ne m'empêche pas de rêver, comme je le fais intensément ici dans ce coin de paradis marin. Je passerai une seconde nuit sur le quai dans cette délicieuse ambiance maritime que m'offre Miminegash Harbour, le point fort de cette première étape à l'Île du Prince Édouard. C'est évident que je ne vois de ces lieux qu'un aspect superficiel des choses car je passe rapidement et que je n'y vis pas. Il est peut-être mieux de passer comme le vent ou les étoiles filantes et ne m'attacher à rien.


Je viens de m'apercevoir que la dépense énergétique de mes appareils est plus grande que la recharge. Je croyais que mon chargeur lent aurait rechargé les batteries auxiliaires sur une prise électrique au port. Malheureusement, il n'est pas assez puissant. Je me dirige à la première maison venue du village, demandant à un chic type du nom de Peter assis sur sa galerie s'il a un puissant chargeur. Il sort rapidement l'engin et sa femme en attendant m'offre des muffins en discutant dans le confort de leur maison. Peter habite la maison familiale sur Sesame Street, car on y a tourné jadis un épisode de cette populaire émission. Je repars ensuite m'installer au quai sous une légère pluie. Demain matin, en passant à Summerside, je tenterai de faire inspecter le système qui relie les panneaux solaires aux batteries auxiliaires et possiblement de me procurer un nouveau chargeur de dix à douze ampères pour éviter de vider complètement les batteries, ce qui est dommageable pour elles. À première vue il me semble que ce soit une trop grande consommation du petit ventilateur branché sur un ondulateur qui est la cause. L'humidité très élevée a fait en sorte que la chaleur devenait intolérable dans le véhicule.


15 juillet | Miminegash Harbour, West Side, North Cape, Île du Prince Édouard 

Il fait beaucoup plus chaud dans les grands champs à perte de vue, mais pas à l'extrémité de North Cape. Il n'y a pas d'ombre et d'arbres pour s'abriter du soleil à vélo. Ma randonnée s'effectue au départ du port de Miminegash sur West Side de North Cape. Je roule 83 kilomètres en boucle dans une relative fraîcheur dans un temps légèrement couvert. La première moitié est fort agréable sur West Side, la plus belle partie, et surtout avec le vent dans le dos. Jusqu'au centre d'interprétation tout au bout de l'île c'est vraiment bien mais l'autre moitié ne me plaît pas à cause du trafic, du vent de face et de la route moins distrayante. Au centre d'interprétation, on m'offre un ruban pour être venu ici au bout de l'île. Au passage sur la pointe Est plus tard, je recevrai un second ruban et on me fera parvenir par la poste un certificat. Je termine la randonnée par une baignade rafraîchissante à Miminegash. La plage s'étiole à perte de vue du village qui est un typique port de pêche. Pas de touristes de ce côté, de même qu'à North Cape. La route 2 est l'épine dorsale de l'île, c'est là qu'on retrouve les commerces. Sur le littoral, il n'y a rien. Par chance, j'ai toujours des réserves de nourriture avec moi. La pêche est déclassée comme activité principale de l'île par les festivals des tondeuses. Les habitants de l'île sont les islanders. Les anglophones appellent les francophones Évangélines. Le drapeau acadien est représenté par le rouge, les souffrances du peuple martyr, le blanc, l'innocence des mœurs que le peuple acadien doit s'efforcer de conserver, et le bleu, sa foi dans l'avenir et dans la survivance. L'étoile dorée témoigne à tous les peuples de la dévotion des Acadiens envers Marie. Je suis installé au quai. Tous les locaux viennent tourner en rond avec leurs voitures sur le quai qui mène aussi aux plages. Ce genre d'endroit me va bien pouvant converser avec les gens de la place, les touristes en général m'attirant guère. Je suis fier d'avoir relevé mon premier défi de rouler en trois jours 280 kilomètres dans ma première étape du voyage. Je tente de pêcher au quai, les prises sont nulles, possiblement le lieu car aucun autres pêcheurs ne sont présents. Peut importe, ces bords de mer authentiques me vont bien. Comment pourrais-je faire pour trouver du plaisir devant les visages ternes de Québec après ce passage dans les Maritimes ? Mon pied à terre en ville me sert de dortoir en attendant de voir le vrai visage du monde. Le problème avec la ville que j'habite est que la population est trop grande pour que les gens s'épanouissent. En réalité c'est pas la ville qui a un problème mais plutôt moi qui n'est pas tout a fait à la bonne place. Quoiqu'il en soit ma van a changé ma vie.


13-14 juillet | Presbyterian Pionner Cemetery, West Cape, Île du Prince Édouard

Le jardin du golfe est le nom donné à l'Île du Prince Édouard pour sa grande production agricole. Lorsque les premiers colons sont arrivés, ils ont vite constaté la richesse du sol. Ils ont défriché largement l'île. Aujourd'hui, l'immigration vient aider à l'agriculture, ce qui fait augmenter la population étrangère. Ce matin, je décide de partir à vélo de West Point, car lorsque j'aurai terminé mes 90 kilomètres à 39 d'humidex, je serai bien content de la plage et surtout des douches à Cedar Dunes Provincial Park. La température de l'eau est exquise, surtout avec la chaleur torride. Je suis parti pour une longue randonnée en boucle jusqu'à Albiron dans la baie Cascumpec. La première partie fut ma plus belle randonnée à vélo des Maritimes de West Point à Campbellton. Aucune circulation, le plaisir fut total avec la fraîcheur de la mer. Ensuite, la chaleur s'installe dans un ciel bleu mur à mur. Le vent est faible, j'ai très chaud, beaucoup plus qu'hier. J'ai compris pourquoi je ne vois personne à l'extérieur. Je demande à une dame à O'Leary de l'eau pour remplir mes gourdes, qu'elle me fait entrer à l'intérieur à l'air climatisé. Une charmante maison abrite un couple du Manitoba venu s'installer à l'île. Dans la salle de bain, je m'asperge d'eau froide le crâne avec le pommeau de douche. J'ai droit à de la glace dans mes bidons, on discute un peu. Tous les gens rencontrés sont d'une grande générosité et d'une grande bienveillance. Tous ceux rencontrés me saluent gentillement. La ville de Québec possède quatre fois plus d'habitants que toute la province de l'IPE. La plupart des gens de l'île ne m'envient pas pour avoir été au Québec à plusieurs reprises. Mon attache principale est non pas la culture, mais la langue, quoique cette dernière soit un trait de culture. Sans culture, la langue française perd de la vitesse. Vers 15 h 00, il fait très chaud. À mon arrivée, je plonge avec extase dans le golfe. Étant plutôt fatigué pour me trouver un spot pour la nuit, je décide de retourner à Presbyterian Pioneer Cemetery de West Cape. De grandes éoliennes indiquent qu'il vente fort de ce côté, c'est un choix judicieux. Vivement les deux ventilateurs en soirée pour me rafraîchir. La météo indique de grandes chaleurs jusqu'à jeudi. Je vais m'ajuster d'ici là. L'île du-Prince-Édouard est véritablement une belle destination pour le cyclotourisme, bon choix !


Au lever, je gonfle mes pneus de vélo à bloc. Je stationne tout près de mon campement de la veille à  côté d'un mémorial aux vétérans, j'ai combattu aussi, mais pas sur les mêmes champs de bataille. Il fait très chaud, le vent de la mer rafraîchit et rend supportable ma randonnée en boucle de 96 kilomètres. Je ne pourrais pas m'imaginer faire des voyages autrement qu'en cyclotourisme ponctués de pauses culturelles. Je mouline chez les Acadiens. Ils sont 5,000 répartis sur l'île. La population actuelle de l'île est 170,000 habitants. C'est la province La plus densément peuplée. La région traversée aujourd'hui représente la plus grande et belle communauté. Il y a beaucoup de magnifiques églises blanches en bois et des petits cimetières. Je roule en grande partie sur la route côtière, North Cape. Je m'arrête au retour du festival Bluegrass à Abram-Village. Les Acadiens sont très accueillants. Je passe une heure à écouter de la musique et à discuter avec eux. À  la radio il y a beaucoup de musique acadienne et autochtones qui est très belle soi-dit en passant. Je pourrais m'installé pour la nuit au festival mais j'opte pour la solitude du Presbyterian Pionner Cemetery de West Cape. J'aime mieux les terrains gazonnés que le sable. Je suis seul avec les morts, je ne serai pas dérangé et ça leur fera de la compagnie. Les épitaphes font écran entre la van et la mer. L'endroit est sublime avec le coucher du soleil. Je suis vraiment choyé pour mes spots, on a ce qu'on mérite il paraît. Beaucoup de gens me saluent à vélo me cédant le passage vonlontier. J'aime de très loin passer du temps chez les anglophones pour leur civisme, leur respect, leur calme, leur modération et j'en passe. Ceux qui ne sont pas d'accord avec ça sont dans le total déni ou complètement ignorant. La preuve est en contastant la population respective des deux protagonistes  en Amérique du Nord. Bien sûr il y a les peuples opprimés, par exemple les autochtones. Tant pis si mes propos vous choquent, ce sont mes plus humbles observations. Je ne suis ni chauvin ou nationaliste par manque de conviction évidente. Les maringouins sont omniprésents partout, les anti-moustiques sont obligatoire et les moustiquaires du campeur. Auparavant, je me suis arrêté à vélo au Green Provincial Park à Malpeque Bay pour prendre une douche froide gratuitement. Ça valait le détour avec une température humide à 35 degrés. Plus loin, je passe à West Point au Cedar Dunes Provincial Park. Je croyais y passer la nuit, mais je préfère les endroits isolés. Sur mon vélo, j'ai l'impression d'être un pionnier, comme le cowboy d'antan sur son cheval. Je pourrais traverser l'île en quelques jours en van, mais j'aurai l'impression de n'avoir rien vu. En roulant à vélo, les odeurs quasi tropicales m'aspergent délicieusement. Mes yeux se régalent de ce qui se présente à moi à chaque instant précieux que ce voyage me permet.

12 juillet | Arsenault Pond, Baie-Egmont, Île du Prince Édouard

Murray Beach Provincial Park est un très beau camping. La partie où je suis installé est gratuite, j'y suis seul. Après une bonne nuit, je prends le pont de la Confédération vers l'île du Prince Édouard. Le tarif est 50$ aller-retour, on paie à la sortie de l'île, toutefois, je prendrai le traversier plus loin, ce qui m'évitera le péage au pont. Sur l'île, certaines routes possèdent du trafic très lourd, notamment vers Summerside, la direction empruntée. Plus loin j'arrive sur la route côtière vers le nord dans la région acadienne. De ce côté, plus aucune circulation. Je prends mon lunch à Linkletter Provincial Park d'Union Center. L'endroit est désert à part les moustiques et une ontarienne qui vit dans sa van à l'année, elle fait son yoga sur la plage. Ensuite, je roule jusqu'à Arsenault Pond de Baie-Egmont. L'endroit est désertique. Le gazon est fraîchement coupé sur une colline qui surplombe l'étang est magnifique, je suis au bon endroit pour une partie de l'après-midi et la nuit. Je possède un flair inouï pour trouver les bons spots. Demain, je partirai d'ici pour mon départ à vélo en boucle le long de la côte en retournant par l'arrière-pays. En vanlife, j'aime la musique country qui parle du plaisir de la route et d'amour. J'aime aussi en tout temps les christmas songs version crooner. Le country est le style de musique le plus populaire en Amérique du Nord. Associée au roadtrip, c'est une musique joyeuse qui s'harmonise au paysage. J'ai un petit ventilateur qui fait un excellent travail, la nuit j'actionne celui du toit. L'un des vérins à gaz qui sert de bras hydraulique pour grimper le pop top était fatigué que spontanément il a repris sa forme initiale. Ça fait ma journée, ces pièces sont difficiles à trouver en Amérique, le toit étant importé d'Angleterre. Ce soir, je mange des pâtes pour être prêt demain pour ma première sortie à vélo. Dans le passé, je suis venu deux fois à l'île rougeâtre des patates. La première fois en autostop, la seule chose que je me rappelle de ce voyage est d'avoir dormi dans un homardier désert près de Tignish sous de grosses pluies. La seconde, j'animais un groupe de cyclistes où l'on campait au Prince Édouard National Park et au Cabot Beach Provincial Park. Le vélo s'effectuait sur le sentier de la Confédération qui traverse l'île au complet. C'est un long sentier de gravier plutôt monotone. Je n'avais pas l'expérience encore et je débutais ma carrière de guide. Je me rappelle des joyeux vacanciers qui faisaient la fête sans cesse. L'un d'eux, Gabriel, décédé aujourd'hui, s'était fait une amie dans le groupe qui, l'année suivante, fut obligé d'appeler la police pour lui faire quitter sa maison, comme quoi qu'il n'y a pas toujours des aventures heureuses. Pour l'instant, je profite du spectacle en face de l'étang Arsenault devant une grande variété d'oiseaux maritimes et un calme absolu. Le vert intense domine l'île à son plus large 64 kilomètres 225 kilomètres de long. Charlottetown est la capitale de la plus petite province du Canada. En 1864 c'est de Charlottetown que fut créé le Canada à la conférence de la Confédération.


11 juillet | Murray Beach Provincial Park, Westmoreland, Nouveau Brunswick

Deux cent kilomètres sous la pluie abondante, je roule pour m'arrêter et passer la nuit dans la section gratuite du magnifique Murray Beach Provincial Park à Murray Center au Nouveau-Brunswick à quelques kilomètres de la Nouvelle-Écosse. Je suis à quelques kilomètres du pont de la Confédération pour traverser sur l'île du Prince Édouard demain en matinée. En attendant je dors une partie de l'après-midi dans une grisaille sans fin entre deux bagels de saumon fumé.


10 juillet | Fanjoys Point Lighthouse, Grand Lac, Waterborough, Nouveau Brunswick

Longue route de Québec vers le Nouveau Brunswick. Jour un des grandes vacances à vélo en direction de l'île du Prince Édouard. La chaleur est accablante, les odeurs tropicales. Les restes d'un ouragan souffleront la région demain. Pour ma première journée, j'ai trouvé un emplacement de rêve. Je suis sur les rives du plus grand lac de la province, le Grand Lac. Je suis seul au pied de Fanjoys Point Lighthouse à Waterborough. Je me suis baigné dans une eau rafraîchissante et limpide. C'est le bonheur total dans cet espace d'une grande beauté. Au menu, riz au cari, tofu aux légumes et huile de sésame. Je suis entre Fredericton et Moncton à quelques heures de la mer. Le tonnerre gronde, c'est le calme avant la tempête. Je suis aux premières loges, pas de presse.


9 juillet | Québec 

Départ imminent tôt demain matin vers l'île du Prince Édouard. Il était temps, la dernière semaine en ville avec la foule, le bruit et la chaleur accablante ne fut pas de tout repos. Je connais ma date de départ, pas celle du retour. Je suis prêt autant physique que mental. Être libre demande un certain courage. Alexandre Jollien a écrit un beau texte qui résume bien ce que je ressens à l'aube d'une belle et grande aventure dans les Maritimes. Le courage de se libérer d'un semblant de sécurité. Le courage d'oser être soi. Le courage d'assumer ses choix. Le courage de se détourner de ce que les autres attendent. Le courage de se faire passer en priorité. Le courage de se responsabiliser. Le courage de n'attendre rien de personne. Le courage d'apprendre toujours plus. Le courage de donner le meilleur de soi. Le courage de choisir, se choisir. Et le courage d'aimer qui on veut. Oui, dans cette société basée en grande partie sur la conformité, qui nous conforte par habitude, dans une forme de victimisation, il faut un certain courage pour oser briser ses chaines, prendre soin de soi, et être en sortant du cocon devenu inconfortable, et vivre. Tout simplement. À la piscine avec une vieille connaissance aujourd'hui, je réalise comment je suis différent du sédentaire compagnon qui habite à quelques maisons de chez moi dans un somptueux manoir. Il aime la routine, la ville et ses chimères. Je réalise à ses côtés à quel point je suis non-conformiste, réactionnaire, artiste et aventurier à ses côtés comme à bien des gens avec qui je discute. J'ai fait la connaissance d'une belle personne cet hiver avec qui je possède des atomes crochus. Une synchronicité d'une telle intensité n'arrive jamais pour ainsi dire. Nous avons des goûts et intérêts communs, en cela, ça me rassure de ne pas être seul sur mon île. Victor Hugo a écrit ; et puis il y a ceux que l'on croise, que l'on connaît à peine, qui vous disent un mot, une phrase, vous accordent une minute, une demi-heure et changent le cours de votre vie. Rarement je n'ai eu autant le cœur léger de partir en vacances. Oui, c'est de cela qu'il s'agit, de vacances réelles à l'intérieur d'une préparation méticuleuse et soignée correspondant à mes intérêts et besoins. Mon cheminement est sain et réaliste plus que jamais. En cela je suis heureux et fier de poursuivre ma mission Vert l'Aventure. Il est terminer le temps de pelleter en avant et de vivre pour les autres. Aucun plan n'est effectué pour dormir dans ce périple tout comme ceux effectué depuis l'acquisition du campeur. Je suis complètement autonome n'ayant besoin que de carburant pour Béa ma van et de nourriture à l'épicerie que je devais quand même faire en demeurant sagement chez moi. Les départs sont toujours accompagnés de retours, sans l'un et l'autre je mourrais. La différence avec cette année est que j'atteinds ma vitesse de croisière. Kalispera !