Disparate

26 août |

Je ne peux accepter l'idée que ma vie se contente de l'ordinaire, de l'habitude, qu'elle se borne à la consommation, à la production. Je ne peux me contenter des slogans qui animent le discours public. Je ne peux renoncer à un supplément de sens ou de valeurs dont je ne trouve ni la source, ni l'image précise, mais qui demeure en moi comme l'écho d'un monde perdu ou jamais connu. Les processions d'autocongrulations font tant d'adeptes, le complexe récréo-festivalier est devenu si puissant, qu'on finit par croire que plus rien ne manque, qu'il n'y a plus rien d'espérer et qu'il est malvenu de se plaindre ou d'exiger plus. Bienvenue au pays du monde ordinaire est le livre qui n'a rien d'ordinaire de Mathieu Bélisle que j'apporte avec moi à mon prochain road trip. Il est possible que je ne le lise qu'au retour pour me pas m'asperger de choses ou de pensées ordinaires qui pourraient nuire à mon périple. Ma copine veut me pousser des romans. Il m'est impossible de lire ce genre littéraire, si excellent soit-il. J'ai trop tendance à nous comparer aux autres cultures, pauvre petits moi que nous sommes devenus. J'ai tendance, comme le fait si bien Mathieu Bélisle, à regarder ce qu'est devenu mon petit peuple bien ordinaire. Je suis incapable de m'y soumettre, pauvre rebelle en perdition que je suis. La situation actuelle en est une de détente, où il ne faut rien exiger davantage. Vouloir le faire paraît mal aux yeux de la majorité. La pensée du terminus qui est celle où se retrouve le monde ordinaire qu'il ne faut pas déranger. Il a la certitude d'être arrivé à destination et ne fais rien pour changer quoi que ce soit à part son auto ou sa maison de temps à autre. Cette pensée domine la vie politique, culturelle et celle du quotidien dans son ensemble. Avoir l'air cool avec des excès de jovialité est le seul leitmotiv du monde ordinaire. L'ironie et la mélancolie sont considérées comme des phénomènes suspects. Est-il possible que le voyage tant espéré ne nous ait pas portés aussi loin que nous le pensions ? Je nous vois, après un long détour, près du lieu que nous avions quitté. La vie ordinaire n'a pas seulement que du mauvais, bien au contraire. C'est en écrivant, en me rapprochant des auteurs idéalistes pour ma part, que je réussis à transcender la vie ordinaire. C'est aussi en la quittant momentanément, comme je le fais dans mes escapades aux États-Unis, que je réussis à survivre dans un monde de plus en plus cloisonné dans ses certitudes. Je visiterais bien d'autres pays que les États-Unis, planant sur mes rêves en campeur, mais c'est le seul voisin étranger à  ma disposition possèdant la faculté de pouvoir m'élever de la vie ordinaire. Le Canada, malgré la diversité culturelle m'apparaît tellement monochrome. Le compte à rebours a débuté vers une autre chapitre de la vie extraordinaire dont je reviendrai une fois de plus transformé, en meilleur ou en pure, je ne saurai.

22 août |

Partir pour quelque part, toujours partir. Lorsque les gestes se répètent, partir encore. Bienvenue au pays ordinaire de Mathieu Bélisle est le livre récupéré à la bibliothèque aujourd'hui. Le titre me va bien. Par chance que l'art et l'amour existent encore. Par chance qu'il y a les exercices à prodiguer au corps pour ne pas s'affaisser et s'alourdir. On ne peut pas vivre dans l'inaction, pas plus que dans l'action frénétique. Je compte cet automne me procurer un bouquin sur l'étymologie des mots, leurs racines grecques. Abruptis sont ceux qui ne savent pas de quoi ils parlent. Il m'arrive aussi de manquer de verbes dans mes moments de paresse et de nonchalance. Je ne suis plus seul, je suis avec moi-même. C'est à force de frapper sur des portes fermées que j'apprends à vivre par et pour moi-même. Mon voisin l'haïtien part demain en vacances aux chutes du Niagara avec sa copine. Il dit que les autoroutes sont belles et rapides. Une fois devant les chutes, ils feront demi-tour et ils reviendront travailler. Faire tout ce long trajet ennuyant pour ne voir absolument rien à part la chute sur le bord de la balustrade accompagné d'une foule d'abruptis qui s'empilent dans les boutiques à souvenirs stupides jonchées de parcs automobiles. Quelle horreur ! Je lui ai suggéré quelques destinations et parcours originaux qu'ils ont refusés pour se morfondre sur les bretelles indifférentes d'autoroutes. L'aventure pour plusieurs est de magasiner une paire de chaussettes neuves assorties à son chandail. De quoi je me mêle après tout, chacun son dada. Il est de ces gens qui ne sont pas faits pour l'aventure. Leur vie n'est qu'une ligne droite. Ils font des additions, des soustractions, ils consomment pour oublier que leurs vies n'ont pas d'éclats et de sens. Leurs médiocres récompenses est de consommer des choses trop souvent inutiles. À la fin, ils se demanderont ce qu'ils ont fait de leurs vies. Qu'une putain d'autoroute pleine de contresens qui ne mène nulle part. Mon plaisir à moi, c'est de prendre les chemins de traverse, toujours les chemins les moins fréquentés. Combien de fois je me suis senti un étranger chez moi à raconter des histoires que personne ne comprend. Combien de fois j'ai marché dans les vents contraires. En attendant le prochain départ imminent, je sirote la vie ordinaire. Ça ne pas être la fête tout le temps.

21 août |

Routine pré-automnale. Légère odeur de bois dormant. Les champs passent sous peu à l'écumoire avant le gel. Les classes reprennent. Le travail de l'homme s'active malgré que la terre est fatiguée d'être à son service. J'ai toujours aimé le cinéma. Ça s'appelle le septième art. Les images défilantes, le récit, la trame sonore, les intrigues, l'aventure. Ce goût provient de ma plus tendre enfance alors que ma mère me donnait quelques pièces pour voir des films. Cela a débuté dans les salles paroissiales. C'est comme si c'était hier. Il en coûtait vingt-cinq sous pour voir un film dans ce temps-là. Les spectateurs, jeu est et vieux, parlaient sans cesse. C'était vraiment une autre époque. C'était du temps où l'on s'identifiait à une paroisse, surtout à la sienne. Quand on est jeune, on ne sait pas encore ce qu'est la misère. Dans ce temps-là, les égouts de la haute ville se déversaient dans les bas-fonds de la ville. Les femmes qui prenaient de l'âge étaient toutes grosses et mal en point dans le quartier où j'ai grandi à St-Zériphin-de-Stadacona. Cette paroisse misérable que j'habitais, moi et ma mère près de la rivière aux rats, de la rivière à marde, comme on disait dans ce temps-là, ne m'était pas destiné. Je l'ai subi à contrecœur, trop jeune pour faire mieux, trop faible pour prendre une autre direction. C'était cet immeuble, rue de l'Espinay et ce quartier de paumés que j'ai tant voulu fuir. Pour y arriver, de longues marches sur la rivière gelée aux rats m'apprenait à rêver d'horizons meilleurs. C'est à ce moment que je suis devenu fugueur ou marcheur. J'ai marcher surtout pour fuir et m'enivrer qu'ailleurs serait toujours meilleur. Cette paroisse était l'une des plus pauvres et inquiétantes de la ville. Des dépotoirs à ciel ouvert jonchaient ce quartier oublié des braves gens, de la bonne société. Plus tard j'ai habité, comme on disait, dans l'un des blocs à Raoul de Notre-Dame-de-la-Recouvrance à Ville Vanier à côté du parc minoune, l'autre bord de la track de l'avenue Plante. Les minounes, ils en avaient. Pour vingt-cinq sous, un jeune garçon perdait sa virginité, étendu sur un morceau de carton dans un champ quelconque où est situé aujourd'hui la place du fleur de lys. Sylvain chantait quand on est d'la basse ville, on n'est pas d'la haute ville. Y en a qui s'en souviennent, d'autres qui aiment peut-être mieux pas. J'ai passé mon enfance et mon adolescence dans les quartiers défavorisés de la basse ville. Moi je suis d'une ruelle comme on est d'un village, entre les hangars de tôle, pis les sacs à poubelle, entre l'école pis l'église, ma p'tite enfance est là. Cette chanson, je la reconnais. Elle représente cette jeunesse de tarés que j'ai subite. Alors que les jeunes de la haute ville allaient bon train dans le plaisir, vers l'avenir, le mien s'effritait sur les trottoirs désunis et moribonds. Les amis sont bien différents lorsqu'on vient de la basse ville. En haut, on étudie pour s'éduquer et obtenir un avenir. En bas on fait semblant de prier pour ne pas mourir de misère. Je ne sais pas comment j'ai pu survivre à cette chienne de vie. Le temps que j'aurais dû passer à apprendre à vivre, je l'ai passé à rêver de vivre. La misère m'a côtoyé trop tôt, me laissant avec des séquelles. Depuis l'âge de trente ans, je vis à la haute ville. Plus d'une journée en bas de la ville me rend triste et blafard. Il est bon de me souvenir d'où je proviens pour comprendre ce que je suis devenu. D'autres enfants qui, comme moi, proviennent de ces quartiers-là n'ont pas eu la chance que j'ai eue malgré tout. Lorsque je visionnais des films, je commençais déjà à m'envoler ailleurs dans un monde meilleur que celui que je n'ai jamais désiré. Dans ce quartier-là, on ne riait pas monsieur, on pleurait. Les plus forts se retenaient pour ne pas brailler, car dans ces temps-là, monsieur, un homme pleurait en silence pour ne pas passer pour un lâche où un faible. Comme il est bon de mettre tous ces songes sous des mots. Comme il est bon de mettre tous ces souvenirs dans un récit qui a fait de moi ce que je suis devenu. Depuis quelques mois, je prends plaisir à voir des films chez moi dans une application conçue pour ça. Jamais, je n'ai vu autant de films en un aussi court laps de temps. C'est qu'au cinéma ou à la télé, il n'y a rien qui vaille ces temps-ci. Le cinéma est un formidable divertissement qui me permet de m'oublier quelques instants. C'est à ça aussi que ça sert le cinéma. Ça prends des américains pour penser à ça, car nous on est né pour un petit pain, comme on a si souvent dit. Ça sert aussi à s'offrir des histoires lorsque les miennes deviennent ennuyantes. C'est comme ça que j'écris mon blogue. Ça me fait des histoires à me raconter, et qui sans cela, je ne ferai que remuer du vent en maugréant ma peine d'ici.


19 août |

Je crois que si j'avais le choix, je vivrais en hauteur. Que ce soit dans un immeuble ou sur le haut d'une colline. Voir le monde sous mes pieds me réjouit. De cette façon, je regarde de haut ces fourmis, les hommes. Je ressens toujours ce duel besoin de m'approcher et de fuir les hommes. Légèrement en retrait me suffit. Il n'est pas nécessaire de trop m'éloigner, sauf lorsque je ressens la nausée d'être trop près d'eux ou trop longtemps. Aujourd'hui, j'ai vu un physiothérapeute. Excellent soignant et pédagogue, il m'a semblé m'offrir davantage de discours que de soins. La suite des traitements me le dira. Tous et chacun vendent leurs salades pour vivre. Le problème dans la société actuelle, c'est que trop de gens vivent dans des vases clos et avec l'intention d'exploiter les autres. Il est aussi vrai dans le système de santé. Les nouveaux étudiants formés en médecine spécialisée ne voient pas les humains dans leur ensemble. Ils ne se soucient guère des causes multifactorielles qu'engendre la maladie. Chacun sa spécialité dira-t-on. C'est comme ça que l'esprit se cloisonne et s'attelle à la tâche, à sa spécialité, qui est de gagner sa vie. Triste sort des hommes. C'est comme ça qu'à  très court terme que l'ordre règne et que les sous s'encaissent plus facilement dans l'illusion la plus complète. Le système est ainsi fait et il n'est pas prêt de changer. Le risque serait trop grand de vouloir le changer et se changer. Le risque serait trop grand pour ceux qui détiennent le pouvoir de le perdre. Le développement de mon esprit passe par le plaisir de croître en sagesse et en connaissance. Le travail sur mon esprit par l'écriture est vital. La création littéraire m'est, à juste titre, l'objet d'une source de plaisir intarissable. Écrire représente la tentation de transcender l'ordinaire. Écrire me permet d'élargir ma créativité en vivant l'instant présent avec plus de paix et de lucidité. Écrire me permet d'observer les nuances en quelque sorte que la vie me propose. À l'approche de l'automne, j'irai à la recherche de livres pouvant m'inspirer dans mon quotidien qui, parfois, m'apparaît singulier. À ce moment-là, je sais que je ne suis pas capable d'attirer vers moi la beauté du monde. À  ce moment-là, je sais que j'ai besoin de leur aide. Je sais que mon regard, à ce moment précis, tente de se rapprocher des faiblesses du monde. Curieusement, il est ainsi lorsque les chaleurs torrides de l'été font leur apparition. Tout comme les ours hibernent, je m'éveille dans les subtilités de l'automne. Tranquille dans ma tanière, mon esprit refait surface après une trop longue exposition au soleil. Mon signe astrologique est poisson. Le poisson aime les profondeurs et les eaux fraîches. Ceux qui vivent dans les eaux chaudes baignent de lenteur et d'obésité. J'ai besoin de vide pour rejaillir, renaître. Dans le trop-plein de soleil, mon cerveau languit et se liquéfie. J'aime les lumières douces et tamisées. J'aime la lumière absentes de violence. Plus je me connais et plus j'aime le monde tel qu'il m'apparaît dans une certaine distance. Mais attention, trop de hauteurs me donnent le vertige et ce sentiment incongru d'isolement. J'arrive de plus en plus à me définir grâce à l'écriture. Je puis dire que cet art louable de sens m'éveille loin de ce monde bruyant et insolent qui est le nôtre, qui est le mien, devrais-je dire. Je suis au centre du monde. Sans cette place qui m'appartient, le monde tel que je le connais n'existerait simplement pas. En ce sens, le monde existe en soi seulement et tout le reste est purement secondaire et accessoire. Les expériences forment mon esprit au quotidien, qui la plupart du temps sont imperceptibles. Ce n'est qu'à la venue de l'automne que je sais que je ne suis plus le même, que les roses se fanent. Je sais qu'un jour, je ne serai plus effrayé de quitter ce monde beau et sordide car j'aurai compris qu'il me faut déguerpir ailleurs. La seule et unique chose en réalité qui m'effraie est de souffrir de douleurs mentales et physiques, du manque d'amour et de sens. Écrire me permet de repousser ce moment intrusif dans la vie de chaque homme. Me renouveler sans cesse dans l'instant présent est la seule et unique source de bonheur durable qui puisse me convaincre d'exister. Qu'il est donc difficile de vivre, de cesser d'avoir peur. Qu'il est donc difficile d'aimer, de s'aimer.


16 août | Ste Lucie-de-Beauregard, Chaudière Appalaches

J'ai passé une formidable fin de semaine active avec mon amie dans Bellechasse, région de Chaudière Appalaches, en prenant la route vers le lac Frontière. Au programme, la montagne du lac, randonnée pédestre d'une dizaine de kilomètres avec un retour hors sentiers à travers les érablières. Le spot pour la nuit fut extraordinaire avec un ciel rempli d'étoiles filantes en cette période des Perséides. La canicule effroyable qu'a connue le Québec nous a enfin quitté. Nous avons campé près d'une petite rivière. L'endroit sauvage est d'une grande beauté et d'un calme divin. C'est le lieu idéal pour le bondooking qui rendra mémorable ces instants pour mon amie et moi-même. En fin d'après-midi, la baignade à  la plage du lac Frontière est superbe. Le lac aux eaux claires et pures est situé sur la frontière avec le Maine. Ce weekend est une initiation au bondooking pour mon amie. Elle a adoré ainsi qu'à moi-même qui voyage toujours en solitaire, non pas par choix. Nos préliminaires pour le vanlife sont fait pour la suite des événements. Le lendemain, nous avons pris la direction des tourbières de St-Just-de-Bretonnière dans le parc régional des Appalaches. D'une longueur totalisant dix-sept kilomètres, le sentier traverse une immense tourbière qui mérite largement une visite. C'est l'un des sites naturels les plus remarquables du Québec, et surtout pour la raison que très peu de gens s'y rendent. Notre deuxième campement fut près d'un étang à castors à St-Lucie-de-Beauregard. Ce village niché au creux des Appalaches est parcouru par la rivière Noire Nord-Ouest qui alimente le lac Frontière. Malgré l'espace restreint à l'intérieur de la van, nous avons réussi à bien nous débrouiller sans que cela nous empêche nuise pour dormir et s'alimenter. Ce weekend fut le premier grand test vers ce que nous projetons de faire à la fin septembre dans le Maine pour un long parcours. La saison de la randonnée atteindra à  ce moment la température idéale pour parcourir les grands espaces naturels du Maine que j'affectionne particulièrement. D'ici là, je prévois de partir quelques semaines sur un road trip à vélo dans les Adirondacks au nord de l'État de New York. Le printemps et l'automne sont les meilleures saisons de l'année pour partir à l'aventure et, je compte bien en profiter. Ne dit-on pas que les voyages forment la jeunesse ? C'est lorsque je suis sans projets que mon corps se pétrifie et que mon esprit s'ankylose. Un passage de quatre heures à l'hôpital aujourd'hui m'a rappelé le temps qu'il nous reste, sans quoi il ne faut pas atteindre à demain pour réaliser ses rêves.


10 août |

Parfois, en discutant avec des inconnus, je suis surpris de constater à quel point certaines de mes idées convergent. Ce n'est pas tant de savoir qui a raison que d'observer l'attitude déployée devant tels ou tels sujets. Je me considère comme étant assez ouvert d'esprit, peu rétrograde mais avec certaines idées qui m'appartiennent, notamment à propos des libertés et de la culture. Je suis atypique, je l'ai toujours été. Un ami me demande si j'ai un déficit d'attention, ce à quoi je lui réponds par la négative. Je n'ai jamais été diagnostiqué pour ce trouble. Mon problème est davantage le fruit de l'anxiété. L'anxiété ouvre la porte aux dépressions et teinte la qualité de la communication. De là à dire qu'un trouble du déficit est une autre histoire. Rien dans la vie n'est soit blanc ou noir. Les nuances et un bon discernement sont de mise pour qui veut s'ouvrir aux autres. Cela ne suffit pas toujours toutefois. Une bonne éducation, du respect, des valeurs et de l'empathie est de mise. Toutefois, tout cela ne peut ne pas suffire aussi, si les autres restent hermétiques et cloisonnés. Je suis un être social et extraverti. Toutefois, si je vois que la communication semble dériver à des portes closes et rétrogrades, je fiche le camp. Il aurait mieux fait dès mon jeune âge d'accepter les controverses. Tout comme au jeune âge, l'abrisseau qui pousse de travers, il est trop tard à mon âge pour tenter de lui mettre un tuteur. Seul l'amour me redresse, à commencer par le mien. Il m'est aussi impossible de vivre sans l'amour des autres, si minime soit-il. À propos des différences, cela m'est complètement égal, d'abord parce que je ne me sens pas jugé. De toute façon, je m'en fiche plutôt dorénavant. Je n'aime pas les phrases toutes faites comme : tu aurais donc dû, c'est la vie, c'est pas comme ça qu'on doit penser, c'est pas normal car tout le monde le fait, dans la vie, bla bla bla, tout le monde le fait, fais-le donc. On raconte dans les nouvelles et j'en passe. Les généralités ne font pas bon ménage avec moi, l'autorité excessive, l'ignorance, le manque de curiosité non plus. Les histoires que l'on me raconte doivent être courtes. S'exprimer avec l'esprit est mieux qu'avec les armes. L'indifférence est le pire des maux, j'en sais quelque chose pour avoir grandi en sa compagnie. Il faut la combattre, lui trouver des alternatives tout en cherchant à comprendre comment nous sommes rendu là. Il ne faut pas se culpabiliser de ne pas avoir pas la force de faire venir à soi les beautés du monde. Si la conversation est trop ardue et apporte trop de divergences, je pars en courant, mon temps étant trop précieux. Je mourrai bourru plutôt que soumis à la bêtise humaine. Il fait chaud, trop chaud, malgré ma visite à la piscine municipale. Des jeunes courent, ils font du jogging. Ils se mettent en forme physiquement mais leur santé mentale me semble suspicieuse dans certains cas. Une compétition excessive n'est pas toujours bonne. Le jogging est aussi devenu une mode. Je déteste les modes et ceux qui font comme tout le monde. On n'a pas le choix, comme on dit. Et c'est lorsqu'on cesse de réfléchir aux raisons qui nous poussent à agir que l'on devient des crétins, des automates. La plupart des gens s'achètent des maisons pour être maîtres chez eux. L'illusion est grande et aversive. Malgré tout mon bavardage caniculaire, la fraîcheur reviendra bien un jour. Je l'anticipe. Je vois mal la vie sur Terre dans une centaine d'années si le climat continue de se réchauffer. Mon esprit sent le réchauffé et mon corps s'atrophie en attente des vents frais. Écrire me permet de me poser dans l'instant présent avec les pensées qui me traversent. Mes pensées se délient et se délectent dans le flux de mon doigt sur l'écran lumineux. Ce médium est devenu une extension de moi-même, une trace de mon passage dans cette hallucinante histoire et qui me concerne à la fois beaucoup et très peu.


7 août |

À chaque jour, je refais mon histoire. Une nouvelle page s'imprime au lever de soleil, qui n'est jamais la même. Il y a un ordre dans le désordre de l'univers. La mutation de toute vie est la règle. Le passage de chaque homme dans le temps est de courte durée. Mon appui dans cette expérience qui est mienne repose en partie sur le fait de raconter, d'écrire mon histoire. La vie est à la fois belle et cruelle. Belle, car nous saisissons sa magnificence, cruelle car une fin est éminente à chaque espèce dont nous-mêmes. Ce n'est pas autant ma finitude qui m'effraie que la douleur et la perte à la fin de chaque chose. Mon logis est éblouissant de lumière. Il est splendide dans chaque élément qui le compose. J'aime le mois d'août et septembre. J'aime le printemps et le début d'hiver. Je déteste le mois de juillet, insolent d'un trop-plein de bruit, de lumière vives et brûlantes. La plus belle expérience en juillet m'est apparue sur la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse où les vents frais de la mer se conjuguent avec la brume et les vagues. De tous mes voyages passés, cet endroit de douce fraîcheur est celui qui m'a le plus enchanté dans ce mois qui semble ne pas bougé. Je me demande toujours que faire en juillet. Peut-être ai-je là ma réponse. En cinq ans, j'ai parcouru, 100,000 kilomètres avec mon campeur d'un océan à l'autre du Canada aux États-Unis. J'ai encore des projets de voyages à l'agenda. Les voyages et le mouvement aura été le centre de mon existence. Je ne me projette pas au-delà d'une année. Il en a toujours été ainsi. J'ai toujours aimé faire des randonnées à vélo, non pas pour le seul plaisir de rouler, mais pour découvrir de nouvelles terres. Je sais qu'un jour au mois de juillet je retournerai en Nouvelle-Écosse. Je sais qu'un jour, je partirai sur la Terre Neuve, province qui m'est inconnue. Mon vélo sera absent à ce moment pourune reposer de lui ayant atteint la plupart des objectifs que je me suis donné. Je sais qu'un jour, je devrai me poser, mais pas m'endormir pour de bon. Ce n'est pas seulement moi qui décide. J'ai horreur des certitudes et de ceux qui croient les posséder. Le vélo est l'une de celles qui m'ont aidé à franchir mon histoire. Elle n'est pas terminée, pas encore, mais rien n'est acquis. La foudre peut me tomber dessus à chaque instant. Je pourrais croire qu'en restant tranquille dans mon logis, je puisse m'exempter de maux. Ce serait une erreur de ma part en vivant dans les regrets. Ce serait amèrement regrettable de ne pas prendre la chance au passage d'accomplir mon destin ou que sais-je. Les voyages ont leurs raisons d'exister et c'est surtout au retour de chacun d'entre eux que la transformation s'effectue. Combien de fois j'ai voulu cette transformation, comme si je n'acceptais pas celui qui je suis. Combien de fois j'ai voulu me fuir dans quelque chose qui n'existe pas. C'est en réalisant ces voyages que je finis par comprendre certains aspects de mon histoire qui n'est pas rectiligne. Je suis tout sauf une ligne droite. Mes plans sont toujours le fruit d'une émotion et non de la raison. C'est fatiguant à la longue les émotions. Encore plus lorsqu'elles ne sont pas exprimées, comprises ou acceptées. La lumière du soleil dans mon logis se reflète dans la couleur jaune des murs. C'est bien ainsi. Août est un mois qui m'apaise. J'aime vivre dans la lenteur lorsque tout le monde est affairé à ses besognes. Les étudiants de retour en classe, les parents de retour au travail, les vacances d'été qui se terminent pour la plupart. J'ai toujours été à contre-courant. Je me repose lorsque tout le monde travaille, l'inverse est aussi vrai. Je ne suis pas à la mode et ne suis jamais démodé. Tout ça n'est que foutaise, comme bien des choses qui font les hommes des esclaves, des ignorants. J'écris ces lignes en attente d'un appel important. Cela m'aide à rompre le flux d'émotions qui me traverse en attente d'un dénouement substantiel. Plus tard dans la journée, une entente est signée en médiation en collaboration avec un avocat des petites créances avec un organisme public gouvernemental. Victoire ! Après une année de revendication, la justice me donne raison et somme l'organisme en question de me dédommager pour préjudice moral. Les gestionnaires ont finalement reconnus leurs erreurs dans le traitement de mon dossier. C'est dans appel et un remboursement ne sera versé dans une semaine après de longues tractations. Ma victoire est autant éclatante que j'ai eu gain de cause auprès du gouvernement, ce qui n'est pas une mince tâche. Rare sont les fois ou le gouvernement reconnait les erreurs commises de leur part. J'ai monter mon dossier avec vigueur avec l'aide d'un ami qui m'est cher. La finale de cette histoire est que j'en ressort us fort et surtout fier de m'être tenu debout devant l'adversité. La lumière continue de jaillir sur la couleur jaune des murs de mon logis. Elle me semble plus éclatante après cet appel. Il existe encore une justice dans ce pays, mais il faut savoir bien se défendre et être patient.


4 août | Maple Grove, Centre du Québec

C'est en pédalant dans les côtes que l'on devient fort. Les trois premières randonnées sont difficiles et ensuite les jambes se musclent considérablement. Sur les terrains plats, c'est pas suffisant pour développer l'appareil cardio-musculaire. Ma randonnée aujourd'hui a débuté à Dixville en pleine montagne. Le circuit fut très agréable et la route peu achalandée. Sur une distance totale de quarante kilomètres, j'ai traversé Coaticook, Barnston et Baldwin Mills. Sur certaines descentes vertigineuses, la vitesse a atteint soixante-dix kilomètres à l'heure. Plutôt euphorisant comme journée, malgré une épaisse fumée des feux de forêts. Coaticook et les environs regorgent de grandes terres agricoles. Décidément, les paysages sont fort différents à l'est du lac Memphrémagog qu'à l'ouest. Sherbrooke est la grande ville des Cantons de l'Est. Autrefois, gisaient un nombre important d'usines de textiles et de chaussures. Au retour de vélo, je pars vers East Hereford aux frontières du Vermont et du New Hampshire. De ce côté, il y a un nombre phénoménal de plantations de sapins qui seront vendus à l'hiver aux États-Unis et précisément au centre-ville de New York. À St-Venant-de-Paquette, un joli petit village haut en couleurs, réside Richard Séguin dans le haut du 9ᵉ rang de terre, lui et sa copine. Il vient d'avoir 73 ans. Sa maison isolée est jolie et modeste. Ce fut et est encore le chanteur-interprète de ma jeunesse. Les routes sont très mauvaises jusqu'à Cookshire. Au lac Aylmer, je bifurque pour aller rejoindre le chemin Gosford ou le chemin des diligences. Les chemins Craig et Gosford furent les deux routes construites au régime anglais dans le but de relier les convois postaux entre Boston et Québec et de développer le territoire de nouveaux colons anglais. Je m'installe pour la nuit derrière l'église protestante de Maple Grove à côté du lac William et de St-Ferdinand-d'Halifax. Le canton d'Halifax fut un pôle important de commerce au régime anglais. Demain, je serai de retour à la maison. Je termine ce périple d'une semaine assez active en ayant atteint tous mes objectifs. À l'odomètre du vélo affiche 225 kilomètres. De ce nombre, plusieurs kilomètres ont été effectués sur des chemins de terre en pleine montagne. Ma conclusion du voyage se résume ainsi. Brome-Missisquoi demeure étrangement un lieu à découvrir pour sa culture anglo-saxonne qui contraste fortement avec le reste de la province. Néanmoins, il n'y a pas de cours d'eau proprice à la baignade. Certains axes sont trop touristiques à mon goût, notamment Sutton, Lac Brome, Bromont, Frelighsburg, Magog. Toutefois, j'ai réussi à découvrir sur ma bécane un grand nombre de chemins de traverse pour faire de cette semaine une réussite. Les Cantons de l'Est est une région à part du reste de la belle province. J'ai revisité un grand nombre de lieux qui, jadis, avaient germé en moi l'aventurier que je suis devenu. Sans le cyclotourisme, ces voyages en vanlife ne seraient pas aussi fascinants. Ce n'est qu'à pied, en canot, en ski ou à vélo que l'on peut se fondre à la nature environnante. Je préfère le vélo car il englobe tout ce que je recherche, l'aventure douce dans une nature habitée. Cette petite semaine n'est qu'une petite mise en jambe de ce qui m'attend à la fin du mois chez mes amis les américains. L'aventure se poursuit.

3 août | Dixville, Cantons de l'Est

Si ce n'était de l'épaisse fumée émanant des feux de forêts de l'ouest canadien, il aurait fait très chaud aujourd'hui. Je pars à Sherbrooke rendre visite à ma sœur Suzanne. Elle habite dans une jolie maison avec son conjoint, Gaétan. Les deux pratiquent le bouddhisme. Elle a une fille Virginie et deux petites-filles âgées de quatorze et seize ans, Marguerite et Lilas. Elles sont sportives à un niveau avancé. Ses parents travaillent en éducation spécialisée auprès des jeunes en difficultés. Jadis, j'avais pour projets de vivre à Sherbrooke ou dans les environs pour différentes raisons. Aujourd'hui, il est bien tard pour y songer et le goût n'y est plus. En quarante ans, les Cantons de l'Est ont bien changé, moi aussi. Mon amour pour le cyclotourisme m'animait à ce point que j'envisageais d'y emménager. Je ne regrette pas mon choix d'être demeuré à Québec pour plusieurs raisons, dont celles d'avoir créer mon entreprise de voyages d'aventures. Aujourd'hui, je ne suis plus le même qu'à mes vingt ans. Après le lunch, je me dirige vers la plage municipale du lac Lyster à Baldwin Mills sur la frontière américaine. Il y a beaucoup trop de monde, je me dirige alors sur Wallace Lake aussi sur la frontière, à l'est de Stanhope. La frontière traverse le lac en deux. La petite plage municipale est vraiment très belle et l'eau est d'une clarté impitoyable. Le lac Wallace ressemble beaucoup à ceux que l'on retrouve aux États-Unis avec les grandes montagnes sauvages en perspective. C'est un secret bien gardé, encore inconnu de la horde de touristes qui prend d'assaut plusieurs sites des Cantons de l'Est. Déjà le lac Lyster n'est plus ce qu'il était, Magog étant tout près. La majeure partie des québécois habite sur une étroite bande de terre de la frontière américaine au sud, à l'Ontario à l'ouest et sur les rives du fleuve St Laurent au nord. À l'est de Québec, c'est le calme trop plat, pour ne pas dire platte pour moi. Après la baignade, je prends la direction de Dixville pour y passer la nuit. Le village est authentiquement anglo-saxon. Situé au sud de Coaticook où se réjouissent les amateurs de crème glacée qui porte le nom de la ville. Jamais je n'ai vu de ma vie autant de monde pour attendre et déguster un cornet. À voir tous ces gens, cornets en la gueule, j'ai envie de vomir. À Dixville, je m'installe pour la nuit au joli parc Cushing du nom de la rivière qui le côtoie. Personne en vue, le site est vraiment très beau et surtout très calme. Je suis émerveillé de ce petit havre de paix qui fourmille d'oiseaux.


2 août | Austin, Cantons de l'Est

J'ai passé une nuit délicieuse sur la rive de la baie Missisquoi. Le vent frais et les vagues m'ont rempli de bonheur, à ce point que j'ai eu du mal à quitter l'endroit. Sur l'autre rive de la baie se retrouve Venise-en-Québec en Montérégie. Quatre immenses campings s'y retrouvent depuis des lustres. Les gens se baignent et pêchent à travers les cyanobactéries, communément appelées les algues vertes. Les autorités le savent bien mais préfèrent se mettre la tête dans le sable que de voir ruiner son économie. Le village est une pure laideur. Je quitte vers St-Armand, à la frontière américaine, pour mon prochain départ à vélo. Je parcours une boucle de cinquante-cinq kilomètres sur un terrain plat. C'est le plus beau parcours des trois réalisés du séjour. Le sud-ouest des Cantons de l'Est est le plus anglo-saxon de tous. Nulle part ailleurs au Québec, j'ai eu cette étrange impression d'être aux États-Unis. Le périmètre le plus dépaysant se situe entre la baie Missisquoi à l'ouest, St Armand, Pigeon Hill, East Stanbridge, Mystic et Bedford. Ducht Road ou la 235 de la frontière à Morse's Line au Vermont jusqu'à Bedford est tout à fait unique et remarquable. L'expérience cyclotouristique y est formidable dans ce périmètre et a beaucoup à offrir pour ceux qui détestent les attrapes touristes. Il y a beaucoup de cyclistes dans le secteur, et avec raison. Les routes sont d'un calme étonnant et les paysages magnifiques. Au retour, je pars avec le campeur, direction Abercorn. De cet endroit, la route est l'une des plus belles du Québec le long de la rivière Missisquoi à  l'ombre du mont Sutton. Le camping du Diable Vert est fort probablement l'un des plus beaux du Québec. Le site est perché sur une montagne derrière la Réserve Naturelle des Montagnes Vertes. De la route, la vue sur les Green Mountains du Vermont est spectaculaire. Je poursuis vers Vale Perkins où se retrouve une jetée pour bateaux au lac Memphrémagog. À côté, une jolie plage se pointe au meilleur moment pour me rafraîchir et surtout ne laver. Dans Brome-Missisquoi, la faiblesse de la région réside dans le manque de cours d'eau pour se rafraîchir. Après cette délicieuse baignade dans les eaux chaudes du lac, j'arpente la rive du lac Memphrémagog pour me trouver un beau spot. Grâce à mon flair inébranlable, je trouve un petit chemin menant à une belle clairière en forêt. Je suis à Austin, à côté de l'abbaye St-Benoit-sur-le-Lac. Deux vieilles chaises en bois et un rond pour le feu feront de moi un homme heureux.

1er août | Phillipsburg, Baie Missisquoi, Cantons de l'Est

Trente ans après l'indépendance des États-Unis auprès de l'Angleterre, ceux qui voulaient immigrer au nord de la frontière se voyaient attribuer des terres par les britanniques au Canada. Les premiers colons américains arrivèrent vers 1776, ils se nommèrent les loyalistes, qui étaient loyaux à la reine d'Angleterre. Quatre-vingt-treize cantons font partie du territoire depuis lors. Tous les cantons possèdent des noms anglais en référence à l'Angleterre. Dunham fut le premier. Les Cantons de l'Est se développèrent grâce au soutien de la Nouvelle-Angleterre. Ce n'est que vers 1840 que les canadiens français s'installèrent dans les Cantons grâce au soutien du clergé, afin de désenclaver les seigneuries. L'école où j'ai passé la nuit à Dunham fut la première institution à offrir des classes pour les femmes au Canada. La mère de Pierre Elliott Trudeau y a séjourné. Je débute ma randonnée à vélo sur la magnifique route des vins. De nombreux domaines viticoles ont pignon sur rue partout entre les lacs Champlain et Memphrémagog. De nombreux européens s'y sont installés pour développer la vigne. Je parcours au total soixante-quinze kilomètres à travers une campagne généreuse sur de jolies routes sinueuses. Je prends une pause sur les rives de la rivière Yamaska à la hauteur de Brigham. Le village à la limite nord des Cantons de l'Est est fort joli. Ensuite, je poursuis vers le sud à travers les champs. Aucune circulation automobile de ce côté. Où je retrouve des grands arbres, il y a des anglais. Où je m'émerveille devant tant de beautés, il y a des anglais. Les anglais ont une personnalité et un savoir-faire bien différents des nôtres. Je sais reconnaître, en voyant une maison, si ce sont des anglais qui l'habitent. Je m'arrête à East Stanbridge, charmant village sur le bord de la rivière des brochets. Devant le vieux moulin, le décor est sublime. C'est dans les Cantons de l'Est que j'ai fait mes premières armes à vélo, il y a fort longtemps. Depuis, il y a bien de l'eau qui a coulé sous les ponts. Ce petit séjour me fait remonter dans le temps. La population grimpe dans la région en partie grâce au télétravail. Je poursuis sur Ridge Road, qui est absolument magnifique jusqu'à Pigeon Hill. Le vignoble Ridge est vraiment très beau et surtout populaire à voir tous les assoiffés en vacance. Une longue ascension vers les cimes de Frelighsburg m'attend. Il me reste à faire la section de Frelighsburg jusqu'à Dunham. Je m'achète une glace devant le garage. Ça y est, le temps de manger ma délice qu'une camionnette m'amène moi et mon vélo vers Dunham, mon point de départ. Ce tronçon était de trop. Je m'achète quelques bières sans alcool en me dirigeant pour la nuit à Phillipsburg à la frontière américaine sur la rive de la baie Missisquoi. L'eau de la baie est stagnante et la baignade n'est pas propice. Il y a quelques stationnements en retrait du village. Des pêcheurs  bangladais se pointent sous le magnifique coucher de soleil. Tout est parfait. Aucun autre endroit ne m'enchanterait de la sorte ce soir. Je m'invite autour du grand feu sur la plage. Le bonheur, il est au-delà des mots, devant ces journées magiques. J'ai toujours pensé qu'un voyage est une oeuvre d'art. Le mois d'août est rempli de promesses.


31 juillet | Dunham, Brome Missisquoi, Cantons de l'Est

Quel bonheur que de dormir enfin sous la fraîcheur et de pédaler dans les cantons de Stanstead et Ogden. Je me suis levé tard. Après un copieux déjeuner, je vais me stationné en face d'une belle grande maison victorienne. Je discute avec Josh, le fils de la propriétaire à qui appartient cette jolie demeure et qui provient de Cambridge près de Boston, à un jet de pierre de l'université Harvard au Massachusetts. Les cantons de Stanstead et d'Ogden regroupent un grand nombre d'américains aisés voulant investir dans l'immobilier dans la région et particulièrement à Stanstead et sur la rive Est du lac Memphrémagog. Beebee Plain fait partie de l'agglomération de Stanstead dans le canton du même nom. Je demande à Josh, qui est très gentil en passant, des informations sur le relief et les points intéressants pour le vélo. La rue principale de Beebee de nomme Canusa, contraction de Canada et USA. Je débute ma randonnée à vélo le long de la frontière américaine vers Stanstead. Cette ville est très jolie avec son caractère typiquement anglo-saxon. Plusieurs bâtiments témoignent d'un riche passé issu de l'extraction du granit. Le théâtre-opéra Haskell est situé en plein coeur de la frontière afin de permettre aux deux cultures de se fréquenté. Le magnifique Stanstead College offrait des cours de responsabilité civique au XXème siècle. Depuis quelques années, ce collège privé s'est détaché du financement auprès du gouvernement du Québec afin d'être libre de ses actions. Plusieurs belles et anciennes demeures sillonnent la rue Dufferin de la ville, dont le musée Colby-Curtis. Je poursuis le reste du parcours sur des chemins de terre à vélo sur une distance totale de soixante cinq kilomètres. Le relief est accidenté et le paysage magnifique. Je roule le long de la frontière sur des routes désertes jusqu'au lac Lyster, face au mont Pinnacle. Je m'arrête pour luncher à la plage de Baldwin Mills en face du lac. Il y a trois monts Pinnacle en Estrie, le premier près de Sutton et le second à Danville. Au sud de Magog jusqu'à la frontière américaine et à l'est du lac Memphrémagog, les Cantons de Stanstead et d'Ogden regorgent de paysages pittoresques qui font le charme des Cantons de l'Est. Cette région ne fait pas partie des grands axes touristiques de l'Estrie et c'est pour cette raison qu'elle me plaît. Plus tard, je prends la direction de Ways Mills. Ce village est l'un des plus beaux secrets de la région. Les routes y sont un pur délice pour mouliner. Plus loin, un rang indique un cul-de-sac alors que sur la carte rien ne le mentionne. Je réussis à traverser un grand territoire privé sur un chemin hasardeux qui m'amène près de l'autoroute. Ce long détour plus loin, cette fois-ci, m'amène à un réel cul-de-sac. Au bout du chemin, un jeune homme sur son tracteur m'indique une piste à suivre à travers les hautes herbes et des champs de luzerne. À deux reprises, je dois sauter par dessus des clôtures avec le vélo sous la main. Plus loin, je retrouve le chemin de terre tout en côtes en direction de la vallée de la rivière Tomifobia. Jadis, cette vallée verdoyante était le lieu où un chemin de fer sillonnait la ville de Lenoxville à Newport au Vermont. À la rupture du lien ferroviaire vers 1990, les municipalités ont entrepris d'y construire une piste cyclable au départ d'Ayers Clift au lac Massawippi vers Newport au Vermont à l'extrémité sud du lac Memphrémagog. Cette piste cyclable est l'une des plus belles de la province. Je termine cette magnifique boucle à vélo des deux cantons avec une grande satisfaction. Il y a longtemps que je voulais arpenté cette région à vélo. Je suis étonné de constater que ma forme est au rendez-vous. Je prends la route au retour avec le campeur en direction de Dunham sur la rive ouest du lac Memphrémagog sur Brome Missisquoi. Magog, Bromont et le lac Brome sont sur ma route. Ces trois villes touristiques ne méritent aucunement mon attention. Dans mon jargon, ce sont des attrapes touristes et ils sont nombreux à se faire prendre. Tant mieux pour moi, ils me laissent le champ libre vers les destinations qui m'interpelle. Brome Missisquoi est la région la plus anglo-saxonne du Québec avec l'ouest de Montréal. À Dunham, je trouve un petit boisé pour la nuit en face d'un vieux couvent fort éloquent de charme qui a pour mission de venir en aide aux enfants dans le besoin. Aucune indication ne mentionne que cet emplacement soit interdit pour passer la nuit. Demain, je serai au point de départ pour ma seconde randonnée à vélo.


30 juillet | Memorial Park, Beebee Plain, Cantons de l'Est

Après une douche rafraîchissante et un copieux déjeuner, je quitte la vieille capitale en direction des Cantons de l'Est. Comme toujours, mon vélo m'accompagne. Une batterie neuve et une bougie d'allumage ont été installées sur Béa, mon campeur avant le départ. Près de Victoriaville, un virulent déluge s'est abattu pendant près d'une heure. Je traverse Magog. La ville est trop commerciale, trop artificielle à mon goût. Son emplacement sur la rive du lac Memphrémagog et le parc du mont Orford est splendide, sauf qu'il y a trop de touristes, trop de promoteurs, trop de glamour. La ville n'a plus le charme de son passé. Les gens aisés de la métropole ont assiégé ce coin de pays désormais. J'arpente le long du lac Memphrémagog vers le sud, tentant désespérément de trouver une ouverture sur le lac qui franchi le Québec et le Vermont au États-Unis. Peine perdue, tout est privé. Je bifurque sur un chemin de terre à Georgesville vers Beebee Plain à la frontière du Vermont. Je m'installe pour la nuit au Memorial Park de Beebee. L'endroit est désert et chaleureux. Beebee Plain sera mon point de départ pour ma première randonnée à vélo en Estrie. Un gentilhomme vient me causer à ce point que je dois lui dire que je m'apprête à souper. Il est né dans ce village. Il me raconte à quel point tout a changé depuis que les promoteurs viennent hausser le coût des propriétés. C'est la dernière journée d'une longue séquence de canicule. Déjà un mois a passé depuis mon dernier voyage à vélo aux États-Unis. Je me sens légèrement rouillé. C'est toujours comme ça au mois de juillet sous les grandes chaleurs. Demain, je roulerai lentement à vélo sur une bonne partie de la journée.


28 juillet |

On naît et on meurt frêle. Le temps ne s'arrête jamais. Les projets, les amours, toujours le travail. Travail sur soi, travail pour accumuler des biens, des provisions, de l'argent. Lorsque ma conscience s'élève un brin, assis tranquille, je regarde le parcours, les impulsions, l'agitation. Une petite voix tente de me rassurer, de laisser tomber cette frénésie que sont les illusions, les rumeurs, les affres de la pensée. Respirer, réfléchir, surtout écrire. La dérive est si près parfois, si intense, si douloureuse. Les arbres plantés récemment à mes fenêtres grandissent à vue d'œil. Les oiseaux et les abeilles sont de retour sous la canopée à mes fenêtres. Le bonheur est pourtant si près. La vie a voulu que je sois seul malgré mes intentions contraires. Cesser de lutter contre le destin est ma priorité. Rien n'est perdu, rien n'est acquis. Ne plus avoir ni regrets ni culpabilité. Rien ne sert de courir, de s'apitoyer ou de gémir si je suis devenu libre. Un seul mot : se connaître. Différent, je le suis, pour des raisons que j'éviterai d'énumérer. Nous sommes tous différents, à part ceux qui sont conformes aux règles abrutissantes existantes. Ils se soumettent soit par amour, par ambition, par ignorance, par envie ou par détresse. Il en faut des codes de conduite pour vivre ensemble. Je n'applique que mes propres codes sans être un despote. J'ai en horreur les codes de conduite, le conformiste sans toutefois négliger le respect d'autrui.  Ne me bousculez pas, je réagis avec vigueur. Je n'ai jamais été un mouton et ne le serai jamais. Méfiant de nature, je ne laisse pas entrer n'importe qui dans ma sphère. Blessé dans ma plus tendre enfance, j'ai appris à agir que sous ma gouverne et qui ne s'appliquent pas aux petits moutons qui m'entourent. Ce que je déteste le plus, c'est l'ignorance. J'ai appris à la dure par mes propres expériences. Je prends du caractère en vieillissant comme le bon vin. Parfois des lueurs d'espoir se dressent devant moi comme les voiles d'un grand bateau soufflé par le vent. Je me suis tant laissé guider par les vents contraires que j'en ressors meurtri, mais joyeux. La vie est belle et cruelle comme cet étrange paradoxe de toujours faire des choix, de lutter ou d'esquiver, de mentir ou de fuir, de tout étreindre ou de tout abandonner.


25 juillet |

L'humus humain régénère la vie, capable d'aller chercher au fond de soi la confiance, les forces et du sens. Les bouillons de culture sont propres au plan collectif. Le bombardement médiatique ne me révèle pas être sain pour l'esprit des hommes. Le siècle dernier a négligé les valeurs de durée, de mémoire, de continuité, de résilience, de persévérance, de conscience historique. Il a surtout développé des valeurs de progrès, d'action, de libertés de changement, de la pensée, de l'autodétermination. Au fil des siècles, a toujours existé la continuité, les lignes de transmission du savoir, les traditions, la mémoire. Ce n'est que tout récemment qu'il y a rupture. Notre passé est révolu et enfoui loin de la mémoire. L'avenir a des perspectives qu'à très courts termes. Notre histoire intérieure se rétrécie dans une pléiade de gestes anodins basés sur l'action et le moment présent. Il n'y a pas de continuité, pas de distance acceptable avec le présent immédiat. L'aide médicale à mourir, en forte demande au Québec, est-elle la réaction devant son propre désespoir, sa propre inutilité ? La perte de sens rend la vie inacceptable. Là aussi les lignes de transmission se rompent. Comme je disais précédemment, c'est au Québec que cette demande est la plus forte au monde. Je crois que ce sont nos valeurs qui déterminent ce fait. Vieillir exige la reconnaissance, la continuité, en rompant avec l'action immodérée de l'instant présent. Vieillir, c'est de saisir et se remémorer son histoire intérieure pour ne pas oublier qui l'on est, d'où l'on vient. La mémoire collective au Québec est devenu une attraction lucrative et banale. La mémoire collective est devenue un divertissement commercial. La rupture est profonde et plus près que l'on croit. Être un vieillard aujourd'hui est contre productif, surtout si les revenus sont minces. Il y a une époque, des contrées où les vieillards étaient vénéré par le savoir qu'ils avaient acquis au fil des années. Je ne me sens pas de mon époque, je suis d'ailleurs d'un autre temps. Je suis une île au milieu d'un océan. À quoi sert un GPS, si la boussole intérieure fait défaut.


24 juillet |

La valeur la plus prisée de la société est le conformisme. Ce le fut et le sera toujours. Rien en dehors de toi-même ne peux apporter la paix, disait Ralph Waldo Emerson. Il existe des lieux dont l'énergie est douce. Il existe des lieux et des gens qui font interférence à notre santé psychique. Une forte énergie mentale déployée empêche l'organisme de maintenir des valeurs acceptables. Mes mots ont moins d'emprise depuis quelques temps. J'ai beau les rechercher, ils ont perdu leur sens. Passage à vide en milieu d'été, les promesses du printemps ont disparu, laissant place à l'agitation, telle une souris dans sa cage. Porter mon regard en moi-même, respirer, mettre l'emphase sur le calme, les couleurs. Laisser dissoudre les pensées qui s'accrochent au superflu, à ce qui n'existe plus. Reprendre contact avec l'essentiel. J'ai toujours ressenti l'urgence de vivre, de bouger. Il vient un temps où il faut mettre un frein temporairement à ses impulsions, à ses agitations. Je dois apprendre à observer cette lueur qui, de l'intérieur, traverse mon esprit comme un éclair. Ceux qui jugent que mes états d'âme ne sont pas importants, qu'ils aillent se faire foutre. Au garage ce matin, j'attends assis à côté d'un jeune berbère marocain. Il habite depuis quatre ans à Québec avec sa conjointe. Sans enfants, ils travaillent en informatique. Tout comme moi, il est d'avis que la ville est hermétique. Son mince réseau se retrouve à son travail. On discute de son pays magnifique que j'ai visité à deux reprises. Les prochains grands changements sociaux au Québec viendront de l'immigration. Que les plus forts l'emportent ; en ce sens, leurs forces et leurs nombres sont substantiels. Il faut avoir une grande confiance en soi pour se résigner à rester debout malgré l'adversité. Le monde actuel est en perdition, les guerres, les politiques, les changements climatiques, les enjeux sociaux et économiques font partis des aléas du quotidien. En écrivant sur le blogue et en attendant que mon véhicule sorte du garage, je suis attablé à un restaurant de chaînes communes. De grosses personnes défilent devant moi qui ne semblent pas de soucier de leur santé. Dans tous les fast-food, ces gens patrouillent. Le laxisme omniprésent est partout et demain sera toujours pareil. Le conformisme aura raison de nous. Ceux qui détiennent le pouvoir le savent très bien. Ils savent qu'ils ne doivent rien changer afin de conserver leurs postes. Le bonheur est dans le pré comme dit le slogan. Le bonheur est surtout en soi et dans ceux qui se libèrent de leurs chaînes. Est-ce encore possible ? Le mouvement de la vie me suis intraitable, inlassable. M'adapter ou périr sont les seuls choix. Un articlede la presse indique que c'est au Québec que l'aide médicale à mourir est le plus en vogue au monde. Il y a-t-il lieu de s'interroger ? Comment interpréter ce fait ? 


19 juillet |

Bien des fugues valent la peine. J'en sais quelque chose. J'ai peu de choses à raconter depuis mon retour de voyage. Quelques marches quotidiennes, le cinéma et une routine cruellement redoutable. Ça prend des intérêts, des passions pour meubler une vie. Apprendre en est une. Je comprends les pilotes d'avion qui savent saisir le monde tout en haut du ciel. Ça prend du recul pour comprendre les hommes. Ils passent leur temps à se raconter des histoires sordides, à écouter le téléjournal, à déterminer ce qui est bien ou mal sans vraiment savoir de quoi ils parlent. Je vis dans cette ville sans avoir toujours l'impression de l'habiter. Mon esprit est toujours ailleurs à me raconter des histoires. Je trouve étrange ceux qui n'ont pas de difficultés à se faire des amis, un réseau de contacts. Cela m'a toujours apparu impossible. Un ami me dit que c'est l'énergie que l'on dégage qui fait toute la différence. Je n'ai jamais rien compris à tout cela. Peu de gens dans la rue me renvoient mes sourires. Ils ne sont pas intéressés ou ils ne me voient tout simplement pas. J'ai toujours eu les yeux tout le tour de la tête. Je n'y peux rien. Rien ne m'échappe. Les femmes que je croise ont toujours l'air d'avoir peur ou d'être embarrassées devant un inconnu. Au contraire, pour ma part, j'aime discuter avec les inconnus, d'abord que les conversations ne soient pas superficielles. Je trouve les québécois affreusement hermétiques, principalement à Québec. Plusieurs ont peur de l'intimité, comme s'ils allaient perdre quelque chose. Pour ma part, je gagne à m'ouvrir aux autres, pourvu que l'ignorance et la stupidité ne soient pas au rendez-vous. J'ai toujours été hypersensible. Je me heurte facilement aux moindres contrariétés. Mes rencontres les plus authentiques sont avec les gens venus d'ailleurs, soit d'une autre ville ou d'un autre pays. Le Québec que je préfère est celui où les anglais ont vécu ou vivent encore. C'est le cas dans Brome-Missisquoi où j'irai séjourner bientôt. C'est dans cette région bordée par les États-Unis que la faune et la flore sont les plus diversifiées. C'est dans cette région que la douceur du paysage abonde généreusement. Plusieurs européens s'y sont établis en grand nombre, voyant en ces lieux une terre généreuse de promesses et de prédilection. J'ai plusieurs pistes à découvrir de ce côté à vélo. Les Cantons-de-l'Est sont la région du Québec avec le Centre du Québec qui m'inspirent le plus. Elles sont synonymes pour moi de décloisonnement et de possibilités harmonieuses. Ici, je parle de ce canton majoritairement anglo-saxon, Brome Missisquoi. J'ai failli tout quitter à Québec pour aller y vivre. J'ai refusé de le faire car, quelques mois avant de quitter ma ville natale, j'ai créé mon emploi que je n'ai pas pu délaisser pour l'inconnu. Je ne l'ai jamais regretté ou presque. La plus grande constatation que j'éprouve au retour de chez les anglais est à quel point nous, les gentils canadiens français de souche, sommes pressés en bougeant sans cesse par rapport à eux. Tout me semble affreusement anarchique dans nos façons de faire à tous les niveaux. On dit que c'est notre côté latin. J'en doute. J'ai tellement des questions à explorer, à développer sur ce sujet que j'envisage peut-être de suivre des cours sur l'histoire des États-Unis à l'université. Rien n'est sûr les cartons, mais ma curiosité est grande envers nos voisins qui possèdent de nombreuses qualités que je peine à observer de ce côté. Il est des fois où j'ai honte de ma nationalité, de ce que nous sommes devenus, de notre culture. En ces termes, je parle seulement de la ville de Québec et non pas en région où la vie est différente à bien des égards. À cela ne tienne, je devrai m'y faire en tentant de regarder ce qui va au lieu du contraire car c'est ici que j'habite. Mon bonheur dépend de la façon que je perçois les choses. L'indifférence, l'anonymat, la vitesse à laquelle les gens vivent sont les principales caractéristiques que je dénote auprès de mes concitoyens. Ces impressions puisent bien au-delà de la réalité, j'en conviens. Toutefois, peu d'efforts sont créés pour établir des liens durables, sauf auprès des femmes entre elles. Ceci étant dit, je voyage pour bien saisir la nature de mes propos. C'est en voyageant et en portant un regard vif sur le monde et les différences que je me permets de comparer les cultures ambiantes. C'est en comparant que l'on saisi la nature des choses et des gens. La nature humaine est à la fois si complexe que je n'aurai pas d'une vie entière pour tout saisir. Ce qu'il reste en réalité ne sont que quelques fragrances, nos pas qui n'ont de cesse de faire des allers-retours et les visages qui ne sont plus jamais les mêmes au lever du soleil.

18 juillet |

Le parc des Champs-de-Bataille est une oasis de paix, de fraîcheur et de beauté. Sans lui à mes côtés, je serais bien malheureux. La ville, depuis près d'un mois, est horriblement envahie de gens, de bruits et d'odeurs de monoxyde de carbone. La vie normale reprend après la forte canicule de la dernière semaine. À la piscine municipale, j'ai fait la rencontre insoupçonnée de Jean et Carole. Les piscines publiques sont de bons endroits pour faire ce genre de rencontres. Les gens sont libérés de toute tâches en s'accordant du temps pour discuter librement. Rares sont les fois, c'est le moins que je puisse dire, d'avoir l'occasion de rencontrer des personnages hors du commun comme ceux-ci. Jean a la nationalité québécoise et suisse. Le couple habite Sion dans le Valais, une magnifique vallée francophone au cœur de la Suisse. Ils sont ici pour rendre visite à leurs parents. Jean et moi avons eu le même mentor, Louis, dans nos plus belles années. Louis habite Sainte-Brigitte-de-Laval dans une vaste maison. Il fut pour moi, ainsi qu'à mon nouveau couple d'amis, l'image même de l'intrépide aventurier. C'est un raconteur enthousiaste qui n'a de cesse d'étonner ceux qui l'écoutent. Jean et Carole l'ont accompagné dans ses nombreuses aventures dans les montagnes du Québec. Pendant plusieurs heures, Jean et moi avons échangé sur les passions qui nous habitent, c'est-à-dire l'aventure, les randonnées et les chemins de travers. Volubile, il laisse place à son interlocuteur. Il est enthousiaste et sympathique, ce qui fait de lui un être profondément attachant. Nous nous sommes accordés immédiatement sur les sujets qui retiennent notre attention, les voyages et la culture. Depuis la retraite, je ne fais que très rarement ce genre de rencontres. Nous nous sommes entendus d'aller au restaurant tous les quatre dans les prochaines semaines. Chez moi, j'ai en ma possession le livre détaillé que Louis a écrit, le sentier des Jésuites, qui raconte l'histoire de ce sentier mythique dans la présente réserve faunique des Laurentides. Jadis, les amérindiens et, plus tard, les premiers français arpentèrent ce sentier qui reliait le lac Beauport au lac Saint-Jean. Pour ce faire, Louis a entrepris il y a longtemps le même parcours que ses prédécesseurs, en ski de fond le long de la rivière Métabetchouan. Louis m'a fait littéralement rêver avec ses connaissances exceptionnelles sur l'histoire du Québec et son territoire. Il a œuvré sa vie entière sur le terrain, accumulant des archives et des informations pertinentes sur le passage des anciens. La géomorphologie en lien avec l'occupation du territoire est un domaine qu'il maîtrise parfaitement. Durant ses dernières années de vie professionnelle, je le retrouvais dans son lieu de travail, le midi près d'ici, consultant ensemble avec enthousiasme des cartes topographiques pour me faire découvrir un monde que je ne soupçonnais pas. Louis a créé, et ce, bien avant que j'en crée un moi-même, son propre club de plein air du nom de Club Quatre Saisons. Monsieur Fardoche était son surnom pour sa passion pour les randonnées hors pistes ou hors sentiers précisément. Je raconte tout cela en jugeant approprié de noter par écrit les rencontres importantes qui ont fait celui que je suis devenu. Les rencontres que l'on fait dans nos existences sont très révélatrices, et encore plus qu'on ne le pense. Alphonse de Lamartine a dit qu'un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Les rencontres fortuites deviennent ce que j'appelle le vacarme des possibilités. Demain, je retournerai à la piscine.


14 juillet |

Il fait chaud, trop chaud. Je suis allé me baigner avec une amie dans une cascade d'eau pure et fraîche dans les montagnes. Quelques kilomètres de marche suffisent pour atteindre la rivière Sault-à-la-Puce de Château Richer. L'endroit, une pure merveille est peu accessible. Il n'y a que ça à faire pour moi lors des canicules qui perdurent. Les actualités m'épuisent. J'évite. Le climatiseur fonctionne à fond de train. Juillet et le début d'août ne sont pas les moments de l'année où mon biorythme est à son meilleur. Il en a toujours été ainsi. Je ne reçois plus de courrier ou très rarement. Les téléphones se font rares. Si ce n'étaient que quelques amis, je serais presque absent, oublié, inexistant du monde. J'ai projet de faire du bénévolat cet automne, si l'occasion se présente. L'embellissement de la ville par les espaces verts est le champ d'intérêt dans lequel j'aimerais m'impliquer. Protéger l'environnement par des actions concrètes me tient à cœur. Un autre sujet qui m'interpelle est la mise en place de moyens pour rompre l'isolement. Innover en ce sens, interagir, intervenir. Le monde actuel n'est plus celui d'hier et ne sera pas celui de demain. Trop m'activer ne me sert plus à rien, sauf en voyage où mes sens deviennent hyperéveillés. J'y reviens toujours épuisé. Mon enthousiasme, lorsqu'il se manifeste, soutenu, m'épuise. Je suis un être étrange, je l'ai toujours été. Toutefois, étrange est bien relatif. En ce sens, le monde est étrange. Ce sentiment à fait de moi un être qui se crée constamment. J'ai toujours possédé des cartes routières, topographiques, des guides de voyages. Je ne peux pas me passer d'eux. Je les ai toujours consultés, au plus loin que je me souvienne. Sans eux, je serais dans les eaux dormantes, somnolent, indifférent. Les projets nous tiennent en alerte, éveillé, émerveillé. Chaque nouveau projet ou départ est une promesse que le meilleur est à venir. La retraite est à la fois belle et ingrate. Belle, car on devient libre, si la santé le permet. Ingrate, car une partie de ce que nous avons été, tombe dans l'oubli. Nous ne sommes plus les travailleurs actifs de jadis, les réformateurs ou décideurs. Nous ne sommes plus les acteurs des grands projets économiques. Malgré tout, la vie continue avec ou sans nous. Nous qui croyons être irremplaçable, la réalité est difficile à accepter. Ne demeurent que les liens qui nous unissent et qui, sans eux, font que le bonheur ne serait pas le même. Le bonheur n'existe que lorsqu'il est partagé. Malgré la fatigue, la lassitude, mon devoir est de continuer, toujours et toujours d'avancer et de créer. Il y a peu de répit même pour les hommes libres.


12 juillet |

Il y a beaucoup de gens qui passent sous mes fenêtres. Je suis retourné au gym aujourd'hui après six semaines d'absence. Martin est l'une des personnes avec qui je cause à cet endroit. Les autres sont trop affairés à lever les haltères ou à regarder leurs téléphones. Martin a pris sa retraite à 55 ans. Son écoute est exemplaire. Il occupait un poste important aux finances à Ottawa. Sa carrière, il l'a passée assise. Durant ses vacances, il a fait de nombreux voyages d'aventure à  travers le monde avec des agences spécialisées. On a des choses en commun, de plus il est sans enfants, tout comme moi. Les québécois aiment se plaindre et critiquer, me dit-il en ayant vécu au Québec et en Ontario. Peut-être cela lui a revenu en m'écoutant. Aucune fois dans mon voyage aux États-Unis, je n'ai constaté cette caractéristique qui nous est propre. Je ne fais pas bande à part malheureusement. Les anglophones sont atrocement positifs. À leur contact, cela m'influence. C'est l'une de ces raisons  qui me donne le goût d'y retourner. Éric, un entrepreneur bouquinier de mon quartier, aime parler aux passants. J'ai beaucoup de respect pour les entrepreneurs, d'autant qu'ils ne tentent pas de profiter des clients. Mutuellement on se fait des éloges. Cela me surprend. On discute quelques temps sans qu'il veuille me vendre quoi que ce soit. Au contact des gens et des livres, il s'enrichit considérablement. Il me demande ce que l'on pourrait faire pour changer la culture ambiante, trop indifférente à mon goût. Je suggère de saluer les gens, de sourire. Je viens de lire un article sur l'implantation de bancs publics dédiés aux conversations entre inconnus. L'idée ne provient pas d'ici. Ce projet nait d'un besoin criant. La culture d'une société n'est pas l'addition d'activités et de tâches à effectuer. Ce n'est pas leurs sommes qui compte, mais leur qualité. Le plus grand bien que l'on puisse avoir se retrouve dans les liens qui nous unissent les uns aux autres. Peut-être il y a-t-il trop de gens qui passent à mes fenêtres. On effectue régulièrement des sondages sur le bonheur en lien avec les lieux que nous habitons. Les petites municipalités gagnent la palme. Ça ne m'étonne pas à voir tous les passants anonymes qui passent à ma fenêtre. Lorsque les gens critiquent, c'est qu'en partie, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Il y a aussi ceux qui gagnent leur vie en chialant. Il y a ceux qui ont besoin d'attirer l'attention sur eux-mêmes. Martin et moi aurons certainement beaucoup d'autres choses à nous raconter. Nous aurons réussi, dans quelques échanges, à briser l'indifférence de ceux qui fréquentent les lieux. Les visages seraient beaucoup plus sereins si les gens avaient des choses à se raconter au lieu de voir défiler les actualités sur leurs téléphones. Le spectacle est triste à voir, me disait une Dominicaine au large sourire, le printemps dernier. Elle n'a pas renouvelé son abonnement, ne ressentant pas la joie et le désir de partage à l'intérieur de ce centre de santé physique. Le festival d'été tire à sa fin. Le mien aura été celui du repos et de Netflix.


6 juillet |

J'ai l'impression de revenir de très loin. Je fus vraiment impressionné de m'être projeté au temps de la glorieuse époque de la villégiature juive des Catskills. Hier soir, j'ai visionné de nombreuses vidéos, me replongeant dans un monde qui n'existe plus. De 1920 à 1970, les hôtels de Borscht Belt dans l'état de New York ont accueilli des millions de juifs en vacances. C'était en même temps que la Floride prenait en hiver son envolée touristique. Dans les années 70, avec l'arrivée des charters, des complexes touristiques et des destinations en vogue dans le monde, des croisières à rabais, les touristes de New York ont délaissé les Catskills et les grands hôtels qui ont marqués l'histoire. Tous ces villages où abritaient ces hôtels en réalité, étaient de grandes et joyeuses communautés qui ont transcendé le XXème siècle. Les hôtels firent faillite et tombèrent en ruines. J'ai retracé cette étonnante histoire, investiguant sur place les dernières pierres et des témoignages. Hélas, il ne reste que des débris et quelques hôtels en ruines qui servent de camps d'été aux juifs orthodoxes. Cette communauté est forte bien organisée. J'ai le vague à l'âme au retour. À titre de statistiques, depuis juillet 2020, j'ai parcouru avec Béa, mon campeur 64,150 kilomètres sur 517 jours investiguant des régions inédites qui m'ont toujours tenues à cœur. Malgré la nostalgie, j'ai réalisé des rêves qui m'ont toujours porté. Le confort n'était pas toujours au rendez-vous, mais les images fortes resteront. Au retour, je romps avec une voisine avec qui j'ai des différends. Ce n'est pas la première fois. Maintenant ce sera la dernière. C'est pas facile de bien vieillir pour plusieurs raisons. La solitude, l'isolement pour certains, les problèmes de santé, la perte de stimulation et d'intérêts devant des choses qui auparavant nous faisaient frémir, les regrets, la culpabilité. Les retours de voyage sont pénibles, mais ils me permettent de mieux voir ce que je quitte. Ils me permettent au retour de faire des choix plus éclairés pour la suite. Il est préférable de laisser couler le bois mort dans le courant de la rivière. S'y attarder avec vigueur m'entraîne dans un gouffre qui ne m'est pas destiné. Il faut mieux poindre mon regard vers d'autres horizons avec dignité et respect pour soi-même que de se morfondre dans un puit sans fond. Je n'aime pas me justifier devant chaque chose, chaque mot, chaque événement. La vie passe rapidement, cela ne vaut pas la peine de s'attarder à des pacotilles. Ma copine et moi avons fait la crémaillère dans son nouveau et lumineux logement. C'est une femme rayonnante et admirable qui sait me tirer vers le haut et voir le meilleur en moi. J'ai tourné une page sur mon passé, malgré le fait qu'il m'habite encore sans que je puisse l'empêcher de se manifester. En vieillissant, le regard que je porte sur le monde se transforme. Le regard des autres à mon attention, s'il y a lieu, se transforment aussi. Au retour de ce voyage intense et profondément enrichissant, je me questionne sur mes motivations et projets futurs. Je compte repeindre mon appartement avec des couleurs plus claires, plus apaisantes. Wabi-Sabi est le terme associé à cette mouvance venue du Japon. C'est une raison de m'adapter et renaître dans de nouvelles vibrations plus près de ma personnalité. C'est une raison pour rompre avec celui que j'ai été dans un nouveau départ. Je dors beaucoup depuis une semaine. Je dois accepter que le monde sous mes pieds soit bien tranquille. Je n'aime pas lorsque ma vie est trop tranquille. C'est un passage obligé pour renaître en quelque sorte. Ma copine et moi nous nous ressemblons à bien des égards. Elle est mon alter ego, un ange dont j'ai l'impression qu'elle veille sur moi. La chaleur est accablante dans mon logis. Les paysages ont cessé de défiler. L'excitation et l'enthousiasme du voyage de la vie nomade laissent place à la somnolence, à la lourdeur de la routine et du quotidien. Il me restera des souvenirs pour me raconter que j'ai vécu intensément cette saison qui ne reviendra plus. La nostalgie me guette assurément. À ce moment, j'irai me mettre la tête dans l'eau froide et attendrai sagement que la douleur passe.

2 juillet | 

J'ai toujours trouvé les retours de voyage pénibles. Les derniers jours de voyage, j'ai cessé de faire mon budget, je mange au restaurant, envoie mon argent en l'air et cesser de me discipliner. C'est comme si je compensais pour un manque, comme si je perdais le contrôle de moi-même, si je puis dire. Ou bien c'est l'énergie qui n'est plus au rendez-vous. Je deviens alors anxieux et fatigué. Pour compenser, je fais des trucs étranges, comme m'envoyer une alimentation trop riche dans le ventre. Quatre semaines en solitaire, c'est légèrement trop, surtout si, comme j'ai fait, je passe quelques jours à New York sous la canicule. Je n'aime pas les grandes chaleurs humides. Je n'aime pas le soleil de juillet et du début août. La lumière est âpre, pas assez subtile. Au retour, je ne retrouve, jamais celui que j'ai été. Toutefois revenir dans les mêmes lieux m'oblige à répéter les mêmes gestes, la même rengaine. La routine revient rapidement après les courses et les mises à jour d'après-voyage. La vie coûte extrêmement chère. Les prix n'arrêtent jamais de grimper. Les salaires ne suivent pas les dépenses relatives au coût de la vie et je parle pas des pensions de vieux. On aime tous être en contrôle de nos vies. Les imprévus sont inévitables. Cela ne fait que vingt-quatre heures que je suis de retour et déjà écrire me manque. Sans ce moyen d'expression, je rate quelque chose. L'absence de mots provoque en moi un vide douloureux. Écrire me permet de faire le point de cette journée qui ne reviendra plus et qui, sans que je la note dans mon journal, ne serait pas la même. Écrire ma journée permet de ne pas l'oublier ou qu'elle tombe dans l'indifférence la plus totale. Continuer d'écrire me permet d'éviter de rompre mon rythme, de ne pas revenir en arrière, de ne plus retrouver celui que j'ai laissé. Écrire me permet d'élargir mes horizons en abattant les cloisons de mon logis. De telles expériences que je viens de vivre pendant un mois laissent des séquelles profondes. Elles sont positives malgré la fatigue qui stagne. Le monde est rempli de représentations et d'illusions. Ce qu'il reste au retour, ce sont les repères et les quelques amis que l'on retrouve. La vie n'est que mouvement. Comment ferais-je pour être immobile sans rien écrire et penser ? Je suis du genre à toujours me poser des questions existentielles. Je suis toujours du genre à m'interroger sur le sens de ma vie et sur celui des hommes en général. Les prochaines semaines deviendront un devoir pour moi de me reposer et de réfléchir sur les raisons qui me poussent à vivre ainsi. Plus j'avance en âge et plus il m'est difficile de me projeter dans l'avenir. Je n'aime pas les tâches en suspens. Je suis proactif, du genre anxieux. Je n'y peux rien. C'est mon corps qui m'oblige à freiner, sinon je traverserai sans cesse le mur du son. J'ai toujours aimé explorer, voir le monde, comme on dit. Curieux de nature, il m'est difficile de rester immobile trop longtemps. J'ai l'impression de procrastiner, de perdre mon temps. Avec le temps, je comprends que les pauses sont nécessaires. C'est à ce moment que mon journal prend toute son importance. Rn écrivant je ne suis pas immobile.

Vélo | Massachusetts, New Hampshire, Connecticut, Rhode Island and New York State

30 juin | Rivière Osgood, Saint Jacques-de-Leeds, Chaudière Appalaches

Hier soir, j'ai eu droit à mon plus beau coucher de soleil du voyage, tout en haut des Green Mountains du Vermont. En prenant mon temps, je vais déjeuner et me baigner à Seymour Lake Beach de Morgan. La plage fait près d'un kilomètre. Je suis seul. J'enleve cette épaisse couche de crasse qui habite mon corps. Je ne me rappelais pas d'avoir vu de l'eau aussi claire. Voyager en bondooking a ses avantages comme je le fais, surtout en solitaire. Vers le sud, les rivières deviennent altérées par la concentration de gens et l'absence de la grande nature. Le Vermont se situe à un parallèle parfait alliant le peu de population à une nature généreuse. Les Bershires à l'ouest du Massachusetts présentent de très beaux endroits naturels près d'une rivière tout en jouissant d'une riche culture. Mon odomètre sur le campeur indique 3,635 kilomètres, celui de mon vélo 685 kilomètres. C'est le plus beau et intéressant road trip en van que je fais depuis son acquisition en 2020. Le mélange de vélo, d'histoire, de paysages extraordinaires et de diversité m'ont grandement rempli d'énergie et de joie. Le voyage aura duré un mois que je ne suis pas prêt d'oublier. Mon expérience en Nouvelle-Angleterre a su réunir en un seul voyage un maximum de découvertes, les plus surprenantes les unes que les autres. Le conseil que j'aurais à donner à ceux qui voudraient vivre des expériences inédites est de partir en road trip dans le Nord-Est des États-Unis. Pour ce faire, sortez des sentiers battus et fuyez les hordes de touristes. Le printemps et la fin de l'été sont les meilleurs moments pour jouir d'un tel voyage. L'éclosion des fleurs, la présence des enfants près des écoles, l'espoir d'une nouvelle saison représentent à eux seuls des moments inoubliables. J'ai réalisé un vieux rêve qui est celui d'aller en campeur à New York et de me promener dans ces quartiers, parfois malfamés. J'ai trouvé que New York est à un stade de réhabilitation important. Je n'ai trouvé en aucun temps matière à me préoccuper. Mon flair et mon sens d'observation sont à ce point aiguisés que les peurs qui m'habitaient à l'idée de m'y rendre se sont dissipées. Jamais, avant de quitter, je n'aurais cru voir autant de choses insolites, de lieux étranges et des paysages d'une telle beauté. J'ai respecté mon budget, je me suis bien alimenté et j'ai admirablement bien doser vélo et visites. Jamais le matin et le soir je me suis senti pressé pour quoi que ce soit. Après cinq ans à bourlinguer sur les routes de l'Amérique d'est en ouest, je considère avoir atteint ma vitesse de croisière. Sans le blogue qui me sert de point d'appui et la photographie, il n'en serait rien. Soi-dit en passant, six cent belles images à mon goût ont été récupéré. Peut-être que mon père journaliste, qui m'a quitté trop tôt, m'a laissé un héritage qui est de raconter par des mots l'essentiel. Le blogue permet de figer dans le temps la mémoire. Les grands moments du voyage sont, en premier lieu, grâce à la présence virtuelle de ma précieuse amie Marie-Claude, car, sans elle, la solitude aurait pesé. Northampton pour Django in June a été un grand moment que je n'oublierai pas avec ses centaines de guitaristes venant des quatre coins du pays. Lowell, la ville de briques rouges revitalisées, représentant l'histoire des mills de vêtements m'a littéralement conquise. Cette visite fut l'une des plus remarquables du voyage. Ensuite, toutes les institutions psychiatriques abandonnées, d'où j'ai eu un immense plaisir à pénétrer malgré les risques qui s'imposaient. Une histoire à remonter le temps qui m'a laissé sans mots. New York, Manhattan et le Bronx dont il me fallait une heure pour me stationner. C'est surtout Brooklyn qui m'a le plus émerveillé. Times Square, Greenwich Village, East Side Village, j'sy au fait un survol saisissant, la sueur au corps. Le moment fort fut cette canicule tout le temps de mon passage à  New York où le mercure a atteint 43 degrés. Central Park, j'en ai fait le tour sous cette chaleur un dimanche où des milliers de coureurs et de cyclistes de promenaient tous en chœur. Baltic Avenue à Cobble Hill dans Brooklyn où j'ai garé ma van deux nuits sera gravée dans ma mémoire à l'ombre des grands arbres qui pleuraient. Sortir de New York vers le New Jersey par les autoroutes ne fut pas une tâche facile. Un des moments forts du périple fut incontestablement Borsht Belt dans les Catskills à New York State. J'ai visité un nombre impressionnant d'hôtels abandonnés d'une époque glorieuse et que je ne suis pas prêt d'oublier. La visite d'une synagogue centenaire à Woodbourne fut renversante, sans parler du millier de camps de vacance pour les juifs qui m'ont fortement impressionné. J'adore le Vermont, pour ses beautés naturelles, ses villages store et son style de vie me donnent toujours envie d'y retourner. Mais tout cela aurait été fort différent si ce n'eût été des centaines de kilomètres à vélo dans plusieurs états américains. 685 kilomètres au total à gravir des montagnes, parfois sous la pluie, le regard alerte à me régaler à coup de pédales sur ma bécane que j'adore pour le bonheur qu'elle m'apporte. Aucuns incidents n'ont été rapportés, sauf l'antenne sur le toit qui s'est cassée en accrochant au passage des arbres. Le tout fut recoller le lendemain. Aucunes crevaisons à vélo et pas de pépins avec la mécanique. Ce voyage à une note plus que parfaite malgré le nombre élevé de kilomètres parcourus. Vermont, New Hampshire et Connecticut sont les états traversés qui font partie de la Nouvelle-Angleterre et qui possèdent tout ce que je désire en voyageant. Le Rhode Island ne m'a point séduit. L'état de New York ne fait pas partie de la Nouvelle-Angleterre mais demeure un des états que j'aime beaucoup et qui me reverra dans de futurs périples à vélo. Je me suis découvert un engouement pour les parcours tout en côtes et montagnes où je puis me baigner allègrement tous les jours dans un lac ou une rivière. Il faut que je garde des projets pour l'avenir, espérant que ma précieuse amie m'accompagne, non pas en virtuel mais en réel cette fois-ci. À deux, ce genre de voyage serait fort différent. Seul, j'ai moins le goût de me poser longtemps. Mon retour vers le Québec s'est effectué par le New Hampshire au poste frontalier de Chartieville en Estrie. Je franchi le 45ème parallèle. Le nord du Maine et du New Hampshire sont truffées de vastes forêts sauvages. En traversant les douanes, la première chose qui me frappe est l'état des routes du Québec. Crevassées, toutes en bosses et remplies de nids de poule, le Québec me souhaite la bienvenue. Les grands arbres que je délaissent en franchissant la frontière se transforme soudainement en forêt d'allumettes. Les routes sont monotones et rectilignes. L'histoire du Québec est celle des paysans défricheurs de souches et de bûcherons acharnés. Les aménagements paysagers sont inexistants et les grands arbres n'ont de valeur qu'en quatre par quatre. Le sud de la belle province est une immense coupe à  blanc avec des repousses ici et là. Ce grand défrichement s'est déplacé au nord à la discrétion de tous. Les compagnies forestières au Québec sont plus puissantes que tous les partis politiques confondus. Ils s'agit de grands agglomérats qui placent leurs avoirs à la bourse. Sans les forêts aux grands arbres, le paysage n'a pas la même portée. Pourquoi est-ce que le Québec est plus beau chez les anglais qui y sont nés et y ont grandi ? Poser la question est y répondre. À titre de référence, je citerai l'ouest de Montréal, Brome-Missisquoi dans les Cantons de l'Est, le Centre du Québec où jadis traversaient les diligences au régime anglais, des quartiers de la ville de Québec, les Plaines d'Abraham, la Terrasse Dufferin, des secteurs de la Malbaie, Notre-Dame-du-Portage et j'en passe. Je ne suis pas du genre à me mettre la tête dans le sable comme les autruches. Ceux et celles qui critiquent nos voisins du sud ne savent pas de quoi ils parlent. Il faudrait que certains d'entre eux me suivent afin qu'ils comprennent. Mais dans ce registre, j'ai déjà amplement donné. J'apprends beaucoup des américains. Ils sont difficiles à saisir avec la tête, davantage avec le cœur. Ce soir, je passe ma dernière nuit dans un endroit de Chaudière-Appalaches que j'adore sur les rives de la rivière Osgood de Saint-Jacques-de-Leeds. Les régions du Québec que je préfère sont, en premier lieu, le Centre du Québec, rustique, honnête et de bon goût, toujours avec ses arômes anglais et sa canopée généreuse. Brome Missisquoi dans les Cantons de l'Est, quoique de plus en plus habité. L'ouest de Chaudière-Appalaches vers les chemins Craig et Gosford. Demain on annonce des pluies fortes. Aucun autre endroit durant le voyage où j'aurai autant senti le cochon ailleurs qu'ici dans la campagne québécoise. Ce ne doit pas être moi, m'étant baigné à plusieurs reprises aujourd'hui. Je porterai en moi longtemps cette incroyable aventure. Ce n'est sûrement pas le dernier, j'ai déjà une liste dressée pour le moment opportun. Have a good one. See you soon. Nice to meet you dude !

29 juin | Sentinel Rock State Park, Westmore, Northeast Kingdom, Vermont

Je fais mon entrée à Northeast Kingdom au Vermont. Cette région est la plus sauvage et la moins peuplée de l'état. Je m'arrête au Village Store de Newbury pour déjeuner. Cet établissement est de la plus pure tradition vermontoise. Je prends un gargantuesque déjeuner buffet. Le senior que je suis devenu a droit à un rabais. Je me défonce tellement c'est délicieux. J'achète deux canolis italiens et six canettes de bière dans alcool. St Johnsbury est la ville principale du comté. Je me stationne à East Burke pour une randonnée à vélo en pleine montagne. Le buffet tombe à point. Cinquante cinq kilomètres de pur bonheur à travers des paysages époustouflants. Je longue Willoughby Lake à Westmore, le seul fjord du Vermont. Les eaux sont glaciales. Il y a trente ans, j'y accompagnais mon premier groupe de cyclistes, j'avais trente sept ans. On avait campé sur le bord du lac à White Cap Campground. Je reprends une photo au même endroit qu'à cette époque et qui apparaissait sur la page couverture du journal que je rédigeais pour mon entreprise, Vert l'Aventure Plein Air. Ensuite, Barton et Crystal Lake State Park pour enfin grimper sur huit kilomètres vers Sutton et revenir à East Burke. Quel souvenir de me retrouver ici. Burke Mountain culmine la région avec ses 1,000 mètres. Kingdom Trails à Burke Mountain State Park est le plus important centre de vélo de montagne d'East Cost et le deuxième en importante au pays après Moab en Utah. Je m'installe pour la nuit tout en hauteur de Willoughby Lake à Sentinel Rock State Park. La vue est à couper le souffle. C'est ma première journée du voyage où je suis vraiment en montagne. Dire qu'il y a une semaine, j'arpentais Manhattan à New York. Quel merveilleux voyage je fais. Mon odomètre sur le vélo affiche 685 kilomètres depuis le 2 juin, date à laquelle j'ai quitté Québec pour la Nouvelle-Angleterre. Ce soir, j'ai eu droit à mon plus beau coucher de soleil du voyage. La musique à la radio est fantastique au sommet de la montagne où je passerai la nuit. Ma logistique à ce road trip est impeccable. Je connais de plus en plus la Nouvelle-Angleterre. Cette région me tient à cœur plus que n'importe quelle autre du Canada. Ce pays a toujours à m'apprendre et m'émerveiller.

28 juin | Bradford, Connecticut River, Eastern Vermont

Sans le vélo, le voyage perdrait tout son sens. Se promener en véhicule ne suffit pas. Le cyclotourisme permet de faire circuler l'énergie et se maintenir en forme. Il permet de voir et de sentir mieux qu'aucun autre moyen. Le cyclotourisme est une formidable expérience en soi qui permet de dépasser ses limites et de voir le monde autrement. Les guides en ma possession m'amènent aux plus beaux endroits, la plupart du temps sur des chemins de travers que je peine à imaginer. Concevoir des parcours sans ces guides est possible mais demanderait un travail exigeant. Concevoir des parcours ne garantit pas de m'amener sur les plus belles routes. De plus, je n'aurais pas les informations concernant le relief. Depuis quelques jours, je commence à voir des motorisés et des roulottes, comme quoi les vacances ont débuté pour les familles. J'ai toujours été à contre-courant d'aussi loin que je me souvienne. Je n'ai jamais suivi la mode, mais je n'ai jamais été démodé. Ce matin, en prenant mon petit déjeuner, face au village green de Proctorsville, je suis en paix. Tout ce qui est autour de moi est ce que j'ai toujours désiré, mais il vient un temps où il est nécessaire de savoir s'arrêter pour mieux repartir. Ainsi va la vie. Je m'apprête à faire une randonnée à vélo dans un temps gris et frais, le cœur heureux et la tête en fête comme toujours lorsque je sais que je pars vers l'aventure. J'ai toujours aimé les parcs urbains. La raison pour laquelle j'habite mon quartier, c'est que le plus beau parc de la ville est à mes côtés. Il représente un mélange de culture et de nature. Lorsque je voyage, instinctivement je me dirige vers ces lieux. Les quelques kiosques étalés hier sur le village green ont disparu ce matin. C'est grâce au Vermont que j'ai créé mon entreprise dans le passé. Nulle part en Amérique un pareil endroit existe. Je débute la randonnée à vélo Proctorsville-Fenchville dans un décor époustouflant. Une longue montée de six kilomètres pour redescendre douze kilomètres à une vitesse entre quarante et soixante kilomètres à l'heure. Du pur bonheur. Au retour, direction Plymouth, un hameau des Green Mountains qui a vu naître et grandir Calvin Coolidge, président des États-Unis entre 1923 et 1929. Les lieux et les bâtiments sont magnifiques. Je poursuis ma route vers le nord en direction de Bradford sur les rives de Connecticut River pour la nuit. Je passe devant la ville de Woodstock au Vermont. C'est une bourgade très cossue avec de nombreuses et anciennes maisons luxueuses. Rockefeller et sa femme ont possédé une immense ferme et un domaine paradisiaque. Le New Hampshire est de l'autre côté de la rivière. Écrire mon journal et faire de la photographie en voyage est pour moi aussi essentiel que boire et manger. J'exagère comme toujours. Je continue d'écrire chez moi, mais sur des sujets différents. Ici, je parle d'un journal de voyage. Demain, le soleil brillera. J'ai trouvé à dans un vieil hôtel abandonné à Borsht Belt, un grosse citrouille en peluche parmi les décombres. Je l'ai nommé Wilson, tout comme le ballon de football que s'était fait comme ami Tom Hanks dans le film, seul au monde.

27 juin | Proctorsville, Green Mountains, Central Vermont

Aujourd'hui, j'ai atteint 100,000 kilomètres au compteur de Béa, mon fidèle campeur. Je prends soin d'elle, comme de ma femme. C'est toujours ce qu'on me dit en voyant la cajolé. Les Catskills se situent sur la rive ouest de l'Hudson River entre Albany, la capitale de l'État de New York, et la ville de New York. Cent quatre-vingt par cent soixante kilomètres sont la grandeur associée à ce territoire de petites collines boisées. Duchess County est le plus beau comté de l'état de New York. La raison est que les grands domaines de ceux qui ont fait des États-Unis le pays qu'on connaît, se retrouvent sur l'Hudson River Valley entre Hyde Park et Hudson. Les mansions, comme on les appelle, s'imposent par leurs fastes et le luxe à travers une nature généreuse. Les mansions Vanderbilt, Wilderstein, Lyndhurst, Mills, Rockefeller, Roosevelt, Clermont, Olana et j'en passe trônent le long du fleuve Hudson. Tous ces gens avaient un pied à terre à New York et vivaient aussi en grande partie dans ce royaume que je viens de traverser. Ils utilisaient au XIXᵉ siècle des bateaux pour se rendre à New York. La petite ville de Rhinebeck est au cœur de Duchess County. Tout respire l'histoire, le bon goût, le luxe et la beauté. Il y a des dizaines de parcours à vélo tout autour. C'est mon troisième passage dans cette région. Je suis toujours exalté d'y revenir. Il y a tellement de choses à dire de ce côté. Je file jusqu'à Chatham pour ma seule randonnée à vélo dans l'état de New York. Five Chatham Ride est le nom de ce magnifique parcours de cinquante kilomètres. Une note parfaite. Au retour je prends la direction du Vermont. Je traverse les Green Mountains pour passer la nuit à Proctorsville dans le centre de cet état, qui est le plus beau de tous. Les routes y sont plus belles que partout ailleurs. Je suis installé au cœur du village, face au green. Le green est la place publique gazonnée au centre du village où les gens se rencontrent. Chaque village du Vermont possède un general store avec des produits frais et locaux. Mon roman est terminé pour la journée. Good night buddy.


26 juin | Staastburg, Hudson River Valley, New York State 

Je me lève tard. Je me fais un sandwich aux oeufs. Un juif orthodoxe se gare devant moi au petit parc près de la rivière à South Fallsburg. Son nom est Hershey. Il me dit être meilleur que le chocolat. On discute trente minutes. Il fume un joint. Il ira à la synagogue ensuite. Il m'invite à le rejoindre à la synagogue centenaire de Woodbourne situé à huit kilomètres au nord. Il me parle du fonctionnement des camps. Ils sont un millier dans Borsht Belt. Il m'indique fortement, après la visite de à synagogue, d'aller à Mohonk Forest de New Palz. Il me le répète au moins cinq fois. Il travaille dans l'import-export du vêtement. Il a quatre enfants et de nombreux petits-enfants. Les stationnements des alentours du lieu de culte sont remplis à craquer. Il n'y a que des juifs orthodoxes dans ce petit village bordé par Neversink River. Hershey me dit les juifs orthodoxes ne vont pas dans les grands hôtels mais préfèrent les camps modestes où l'intimité est privilégié. À la synagogue de Woodbourne, le rabbin me donne la permission d'entrer. Les juifs, kippa sur la tête, prient sur les deux étages et dans la jolie cour entourée d'arbres avec leurs enfants, parfois très jeunes. Permission accordée pour prendre des photos, si les gens le désirent, bien entendu. On me regarde comme une extraterrestre avec mes culottes courtes et ma camisole. On me sourit. Je ne semble pas les déranger, au contraire. On me dévisage des pieds à la tête. Je suis ému, fortement dépaysé. Cette grande communauté tissent des liens très étroits. Les gens se soutiennent mutuellement, chacun à leurs tâches respectives. Les familles viennent passé de cinq à dix semaines dans les camps de Borsht Belt. Les familles sont ensembles dans de petits cottages avec le lieu de culte au centre. Les adolescents passent leurs séjours dans des camps séparés de leurs familles. Il y a ceux pour les garçons et d'autres pour les filles. Je visite l'un d'eux en demandant la permission au responsable. Il ont tous l'air à se demander ce qui m'attire chez eux. On me pose des questions, on est curieux. Je parle à un jeune homme devant son cottage avec deux bambins. Sa femme cuisine. Les camps de leurs appartiennent pas. Ils sont à la communauté. Des groupes latinos travaillent pour eux dans tous les camps. Les juifs orthodoxes vivent en autarcie, repliés sur eux-mêmes depuis la nuit des temps en suivant toujours la même tradition. La communauté suit des règles très strictes. Dans une autre vie, j'étais photographe-reporter. Peut importe, je ne travaille plus pour personne d'autre que pour moi-même. Au village, une patisserie juive attire mon attention. Il ya des boîtes de gâteaux et de pâtisseries sur tous les murs dans des caissons de plastique. J'en achète deux que j'englouti sans perdre de temps. Je le mérite bien car je deviens raisonnable en vieillissant. Ca prend du temps la sagesse. J'ai toujours été fasciné par les juifs, en étant un moi-même. Toute ma lignée est d'origine juive sauf ma grand-mère maternelle. Je ne les ai pas connu, ayant été adopté à ma naissance. Je poursuis ma route sur un très beau parcours montagneux vers New Palz. Un centre de visiteurs m'informe que sur le massif montagneux où je suis, abrite Mohonk House, un hôtel très luxueux depuis 1889. La chambre la moins chère débute à 700$ la nuit en dollars américain. Le site est interdit aux visiteurs. Une guérite retourne les curieux à cinq kilomètres de l'hôtel. Il est possible en déboursant 35$ de faire la marche de dix kilomètres aller-retour vers Mohonk House sans toutefois pouvoir entrer à l'intérieur. La marche et le souper est 175$. Je fais demi-tour malheureusement, c'est trop cher pour mes moyens et mes principes. Tous ceux que j'ai rencontré me disent que c'est l'un des pays beaux endroits de la sorte à des milliers de kilomètres à la ronde. On ne voit même pas de la route, ni l'hôtel ni le terrain. La nature est très belle et bien protégée. New Palz tout en bas, est une bourgade touristique qui ne m'attire guère. Je mange deux délicieuses pointes de pizza végétarienne et je repars. Quelques minutes plus tard, je suis sur les rives d'Hudson River. Je recherche une ancienne institution psychiatrique convertit en pénitencier pour les plus dangereux criminels de l'état de New York. Je m'arrête devant l'un des grands bâtiments obscurs entourés de solides barbelés sur trois épaisseurs. Je vois les prisonniers tout près aux fenêtres à travers d'imposants barreaux. On me traite de tous les noms, on m'insulte, on crache. Je voudrais pas être à leurs places. Il pleut. Le temps est frais. Je respire enfin. Je poursuis ma route le long du fleuve Hudson en direction des grands domaines patrimoniaux. Je m'installe pour la nuit à Staastburg, près de Mills Norrie State Park. Ça fait une semaine que je n'ai pas dormi dans un endroit aussi calme. C'est au nord de Poughkeepsie que le rythme et les paysages changent enfin. Les prochaines étapes seront pas mal plus loin du traffic. J'ai besoin, après cette incursion à New York et ses alentours de plus de calme et de beautés naturelles. L'aventure se poursuit.

25 juin | Neversink River Fishing Stream, South Fallsburg, Borsht Belt, Catskills, New York State 

L'époque des hippies s'est terminée au début des années 70. J'avais treize ans. La Beat Generation a précédé le flower power. Le disco a culminé dans les années 70. Puis vint le rock et la pop music. Les artistes ont rejoint les quartiers où le coût des logements était bas. C'est ainsi qu'East Side et Greenwich Village à New York ont connu leurs heures de gloire. C'était avant que le marché immobilier s'envole. Borsht Belt dans les Catskills de l'état de New York a aussi connu des heures de gloire entre 1920 et 1960. Cette petite région à deux heures de New York était le lieu de villégiature préféré des juifs et des européens de l'Est. Borsht signifie soupe aux betteraves et à la crème sûre. Une soixantaine de kilomètres carrés tout au plus qui regroupent plus de cinq cents hôtels et un millier de camps d'été avec ses cottages à profusion. Monticello est le centre de Borsht Belt. Les villages suivants rayonnent tout autour : White Sulphur Springs, Ellenville, Parksville, Sean Lake, Spring Glen, Woodbridge, South Fallsburg, Kenosha Lake, Greenfield Park, Kiamesha Lake, White Lake. Je suis complètement dépaysé par tous les juifs orthodoxes qui ont pris racine dans cette belle région verte et montagneuse. La plupart des villages dans les Catskills sont relativement pauvres. C'est l'une de ces raisons qui a vu affluer les étrangers en quête de terrains à bon prix à partir des années 20. La situation des juifs de New York s'améliorait en devenant des citoyens de la classe moyenne avec des sous à dépenser pour leurs loisirs. D'autre part, la vie à New York était difficile l'été et les enfants avaient besoin de vivre au plein air. À partir des années 60, les grands hôtels ont tous fait faillite, toutefois de nombreux camps ont subsisté. À partir des années 60, les tendances du tourisme ayant changé, Borsht Belt est tombé en ruine. Depuis quelques années, les comtés ont installé des panneaux historiques pour que la mémoire subsiste. Aujourd'hui, je suis parti à la découverte des hôtels abandonnés qui jadis, attiraient les foules. Certains établissements pouvaient accueillir plus de cinq cents personnes. Des installations modernes faisaient la gloire de l'époque. Je prends le temps de nommer quelques lieux pour la mémoire et de ceux qui y ont séjourné et travaillé : Lesser Lodge, Homowack Hotel, Stevensonville Hotel, Swan Lake Hotel, Paramount Lodge, Pine Hotel, Concord Hotel, Grossinger's Hotel, Brown's Hotel, Kutsher's Hotel, White Lake Mansion House, Nevele Grand Hotel, Vegetarian Hotel, Tamarack Lodge et les cinq cent autres établissements hôteliers édifiés de 1920 à 1970. J'aime beaucoup tous ces lieux désertés avec la nature qui reprend ses droits. Je remonte dans le temps en imaginant comment les gens vivaient entre 1920 et 1970. Fouler des édifices en ruines pour moi, c'est comme visiter les temples grecs ou les cités italiennes. Je m'installe pour la nuit à Neversink River Fishing Stream de South Fallsburg. Le village est authentiquement juif. Je discute un moment avec l'un d'entre eux. Il est assis dans sa grande voiture noire de huit places. C'est la tendance chez les juifs, ces modèles pour transporter la famille. Les juifs vivent y en communauté tissée serrée. La famille et l'éducation sont le socle de leur identité. Ensuite vint le commerce et la religion. Les juifs savent bien s'amuser. Dans les centres de villégiature de Borsht Belt, l'animation était de qualité impeccable. Les plus grands chanteurs de l'époque, des crooners et des stand-up comiques faisaient les frasques de ces grands hôtels. Cela faisait plusieurs années que je rêvais de découvrir cette région chargée d'histoire. Je passe à côté de Bethel Woods sans m'y arrêter pour cette fois. En 1967, Three Days of Peace, Love and Music avait lieu au Woodstock Music Festival and Fair Art. Le site est magnifique pour y avoir été il y a quatre ans. C'est en pleine nature. On se croirait en 1967. Le parc abrite un éblouissant musée et des spectacles de grande qualité sont offerts chaque semaine sous un chapiteau extérieur. Les trois dernières journées furent chargées d'émotions et de sueur. C'est l'un des beaux voyages que j'ai effectués et ce n'est pas terminé.

24 juin | Monroe, Catskills, New York State

Je me suis levé en sueur à Cobbel Hill sur Baltic Avenue de Brooklyn. Il est six heures trente. Il fait très chaud. Je pars dans manger un bagel sésame œufs et fromage et un jus d'orange dans un café. La climatisation me soulage. Je quitte Brooklyn avec un léger pincement vers Manhattan. Premier arrêt, Financial District et Stock Exchange. Pas grand-chose de stimulant pour ma part. Tous ceux rencontrés semblent préoccupés, le téléphone sur l'oreille. Ensuite, Chinatown et Soho. Ce dernier est un quartier d'anciens entrepôts converti en galeries d'arts et de boutiques de luxe. City Hall est le plus ancien et le plus grand bâtiment municipal des États-Unis. Il date de 1812. Je trouve un stationnement après trente minutes de recherches intensives à Greenwich Village. Ce quartier est, depuis fort longtemps, un lieu de création et d'expression. C'est le quartier de la bohème. Dans les années 60, il devient un haut-lieu de la contre-culture associé à la Beat Generation et au mouvement hippie. C'est à Greenwich Village que les boîtes de jazz fusent de partout. C'est qu'ici on fête en grand. Ça sent l'urine à chaque pâté de maisons. Le quartier est très animé et plutôt chaud. La propreté laisse à désirer, sauf quand on fête le soir, on ne voit rien. J'ai de loin préféré Brooklyn que Manhattan. Depuis une trentaine d'années que j'y suis venu, j'ai toujours gardé en tête le nom d'une boîte de jazz sur Bleecker Street, le Terra Blues. Il me saute au visage par hasard en marchant. Je frissonne. Les portes sont fermées. Il est trop tôt. Le gérant me voit. Il me fait entrer à l'intérieur. Je suis fou de joie. Washington Square est à côté. Les poètes des années 60 lisaient à voix haute des manuscrits devant la foule. Je mange un sandwich dans un café. Je discute avec Gilbert, un français âgé de 78 ans. Il semble s'ennuyer. Il habite le même logement depuis cinquante ans. Il ne peut quitter son logis, il n'a pas le prix de la démesure. 800$ par mois. Il me raconte comment son quartier de bohème a bien changé. À une autre table, une jeune femme dans la vingtaine vient d'aménager. Elle provient de la Californie. Son minuscule appartement lui coûte 4,300 $ par mois. Les prix à Greenwich sont inabordables. Un croissant pour six dollars. Je file ensuite vers East Side Village. C'est le plus beau quartier de Manhattan. Les bâtiments ont été sauvegardés du pic de la démolition. Les résidents se sont battus contre les promoteurs véreux. Plus loin, Flatiron Building en forme de fer à repasser pour terminer ma visite de la Big Apple. Je traverse le New Jersey par Holland Tunnel. Tout ce qui est monstrueux s'y retrouve. J'ai rarement vu autant d'industries de toutes sortes et des bretelles d'autoroutes à n'en plus finir. Par chance, les automobilistes se comportent bien. C'est difficile de m'orienter dans ce désert de bitume et d'oubli. Direction nord de la vallée vers les Catskills. Malheureusement, après des kilomètres et des kilomètres, le trafic me suit toujours. Monroe, une ville banale, se pointe. C'est l'heure de me déposer. Je plante Béa, mon campeur, dans un boisé derrière le YMCA de la ville. C'est le meilleur endroit que j'ai trouvé et pas le plus chouette avec la route passante à mes côtés. Je suis très content d'être entré à New York et aussi content d'en ressortir. J'ai de la misère à m'imaginer comment font tous ces gens pour vivre dans ce fatras à l'année. Je crois que les psychologues doivent faire des affaires en or. L'adaptation au cœur des hommes est considérable à bien des égards. L'aventure se poursuit.

23 juin | Baltic Avenue, Cobbel Hill, Brooklyn, New York City 

Je me suis réveillé dans une des rues mythiques de Brooklyn, n'est-ce pas incroyable ? Je campe dans Brooklyn. Ce matin en van, je pars au légendaire Coney Island, un très ancien parc de manèges et tout ce qui vient avec. Old Orchard, version Brooklyn, avec le métro à sa porte en prime. Les russes, en grande partie, ont contribué au développement de Coney Island au début du XXème siècle. J'ai traversé plusieurs quartiers de Brooklyn pour m'y rendre. Au retour, je prends le Parkway. Je reviens sur la même rue que la veille, Baltic Avenue sur Cobbel Hill. C'est très difficile de se garer de ce côté. C'est quand même étrange de me retrouver ici. Je rencontre deux français attablés à une terrasse d'un bar. Je me joint à eux. Ça fait cinq ans qu'ils demeurent et travaillent à Brooklyn. Je pose des questions. Un petit logement très modeste en location coûte 3,000 $ par mois, en dollars américain. Mon flair, comme toujours, est irrésistible. Je trouve toujours les bons spots en voyage rapidement. Certains quartiers de Brooklyn rivalisent avec les plus belles villes du monde. La qualité de vie ici est exemplaire, malgré le coût associé. Les gens s'habillent avec bon goût et même les clochards sont élégants. Le quartier où je suis installé est bon chic, bon genre. Néanmoins, les gens sont moins bourgeois qu'à Manhattan. Par la suite, je pars à la découverte à pied de Brooklyn Heights. Les boutiques, cafés et bistrots sont tous de très bon goût. Je me croierais dans une grande ville européenne. Les gens peuvent tout faire à pied. Je vais à Dumbo, un vieux quartier sous les ponts de Brooklyn et de Williamsburg. La promenade sous les ponts est tout à fait remarquable avec la vue sur Financial District de Lower Manhattan. Le Brooklyn Bridge a été créé en 1883 et fut à l'époque, le plus grand pont suspendu au monde. C'était le premier pont qui reliait Brooklyn et Manhattan. De me retrouver ici est très impressionnant. Au sud de Brooklyn, on atteint Queens et Long Island. Manhattan est situé sur une péninsule aux confluents de l'Hudson et de l'East Side River. La chaleur est torride aujourd'hui avec un ressenti de quarante-trois degrés. Je tente du mieux que je peux pour me tracer un itinéraire, sachant très bien que je suis limité par l'immensité de la ville. Je vais me procurer un bon guide sur New York à lire les soirées froides de l'hiver. Tous ceux qui passent devant ma van, le toit surélevé, ont de bons commentaires à son égard. L'un d'eux vient de me souhaiter la bienvenue et m'avise de rentrer mon miroir de côté. Il est trop joyeux. Il sent l'alcool à plein nez. La voie de passage pour les automobiles sur la rue est très étroite. Plusieurs grands secteurs de Brooklyn offrent d'interminables rues couvertes d'arbres. Des escaliers pour entrer dans les demeures sont omniprésents qui révèlent la caractéristique de Brooklyn. Je suis en train de vivre l'une de mes belles expériences de voyage. Il n'y a que le campeur qui peut me faire vivre tout cela. Le modèle de mon véhicule est le même que celui de beaucoup de taxis jaunes de New York. Il est conçu pour la ville et passe n'importe où sans se faire remarquer. Tous ceux qui le voient l'aiment. Cela favorise les contacts. Les français m'ont dit que c'est moins difficile de trouver du travail dans les grandes villes américaines qu'en France. Ceci étant dit, je passe ma deuxième nuit sur Baltic Avenue de Cobbel Hill à Brooklyn. Ces moments représenteront toujours pour moi un souvenir mémorable et la réalisation d'un grand rêve, l'americain dream. La statut de la liberté a toujours été un phare et un symbole pour les immigrants qui arrivèrent d'Europe. L'Amérique a été et sera toujours une terre promise pour les gens qui rêvent de jours meilleurs. Je ne ressens pas aux États-Unis la morosité qui règne au Québec. Les valeurs communautaires sont bien ancrées chez les anglo-saxons. Leur confiance en eux est plus développée. Les new-yorkais affichent davantage des valeurs libérales avant d'être démocrates. Cela dépasse la politique. Quoiqu'il en soit, la liberté a un prix à payer. L'americain dream est peut- être une illusion ? Il est mieux en avoir quelques-unes que rien du tout. C'est un gage d'espoir que le meilleur peut toujours arrivé. Ceux qui vivent à New York le savent très bien. La différence entre eux et les québécois, c'est qu'ils n'ont pas été colonisé. Les émotions vives que les québécois véhiculent et d'autres choses qui regardent la psyché, n'est pas garant de bonheur durable. Mais le bonheur est fugace comme la vie. J'aime la mentalité bon enfant des américains. À bien des égards, ils sont loin d'être parfait. Après tout, qui pourrait se vanter de l'être ? Le pays possède toutefois des valeurs profondes qui unissent ceux qui ont décider d'y vivre au lieu de diviser, comme le Québec s'est très bien y faire. Rester vivant dans le monde actuel, exige une bonne dose de sang froid, de jugement et beaucoup de maturité. Je n'ai pas la prétention de détenir la vérité, car elle n'existe pas. C'est un travail quotidien de rester en équilibre. Élargir mes horizons me permet d'étendre mes possibilités, ma vision du monde et de moi-même en évitant les pièges du cloisonnement. Les sous qu'il faut déployer pour se loger à New York démontrent bien que les valeurs libérales sont fragiles. Les États-Unis est un pays hautement capitaliste. La différence entre eux et nous est qu'ils dépendent moins des gouvernements et davantage sur l'entreprise privée. Le Québec est contradictoire en ce sens. Le prix à  payer est significatif pour maintenir une bonne qualité de vie. La seconde différence est que les anglo-saxons sont plus posés, moins émotifs et plus rationnels. Ils sont pragmatiques, plus optimistes et moins porté à brailler sur eux-mêmes et sur autrui. On dit que les États-Unis sont divisés, le Québec l'est encore plus selon moi. Opportuniste est et sera toujours le Québec moderne. Les pays du monde entier rompent avec leurs traditions rapidement. Ce sont les choix qu'on fait qui détermine notre destin. La vie est une immense loterie, parfois on gagne, parfois on perd. Pour ma part, j'ai beaucoup appris de ce voyage.


22 juin | Baltic Avenue, Cobbel Hill, Brooklyn, New York City

Je débute ma journée sous la pluie. Très tôt, excité de croquer la grosse pomme, je pars à la conquête de New York. J'arrive par le nord, le long d'Hudson River. Le parcours est très beau. C'est dimanche, la route est libre. La première grande agglomération débute à Yonkers. Puis North Bronx. Là où ça se corse, c'est à South Bronx, où la criminalité est la plus grande enregistrée à New York. Je vais voir. Il n'y a aucun blanc ou presque. Le burrough est sale et malfamé. Des déchets trainent partout. Des itinérants très mal en point par une consommation abusive de drogue s'engloutissent sur Melrose Avenue. C'est hors de question d'y poser le campeur de nuit. Les quartiers de New York sont : Bronx, Manhattan, Queens, Staten Island et Brooklyn, le plus peuplé et le plus attrayant. Je longe Bronx River vers Haarlem. Cette agglomération s'est revitalisée, de même que la plupart des quartiers de New York. Je fais mon entrée à Manhattan pour me stationner à côté de Central Park. C'est le poumon de la ville. Je parcours à pied le parc au complet. Je marche quinze kilomètres au total. Je ne suis pas le seul. Des milliers de coureurs et de cyclistes s'activent en ce dimanche chaud et humide. Je reprends le volant vers Times Square et Broadway. J'ai de la chance, je trouve rapidement un stationnement. La conduite automobile n'est pas si mauvaise que j'aurais cru. C'est vrai que c'est dimanche. Les conducteurs sont plus respectueux qu'au Québec. Faut s'attendre à marcher beaucoup dans la plus grande ville du pays. Vingt-trois millions et demi d'habitants avec son agglomération. Times Square séduit. La ville est à la verticale. Plusieurs immeubles art déco sont remarquables. Rockefeller Center, Empire State Building, Radio City, Carnegie Hall, City Town construit sur un ancien étang d'eau douce, Collect Pond.  Five Point ext né du remplissage du lac causé par la pollution industriel. Five Point était le carrefour de cinq rues. Il a une longue histoire violente. Je suis très excité d'être ici, à juste titre. Des foules immenses vibrent au rythme de New York, l'envoutante. New York séduit et avec raison. Je poursuis en van vers Soho, Greenwich Village, East Side pour traverser le pont vers Brooklyn Heights. Je me trouve un stationnement dans une petite rue à l'ombre de Baltic Avenue de Cobbel Hill. Brooklyn est sécuritaire. Je n'ai pas de soucis. L'ambiance ici est décontractée et le style de vie est plus qu'agréable au premier abord. Brooklyn possède ce quelque chose qui inspire. Les trois quarts de la population sont d'origine juive, ce qui en fait la plus grande concentration juive au monde. Demain, je remets ça. New York ne s'apprivoise pas en quelques jours. Je suis vraiment chanceux d'y être. Ne dit-on pas que l'on fait sa chance ?

21 juin | Hardscrabble Wilderness Area, Pleasantville, Hudson Valley, New York 

Matinée à visiter un autre site historique. Fairfield Hills Hospital était un hôpital psychiatrique de Newtown au Connecticut, en activité de 1931 à 1995. À son apogée, l'hôpital accueillait plus de 4,000 patients. L'établissement existe toujours à Newtown. Le campus a été inscrit au registre national des lieux historiques. Fairfield Hills State Hospital a été créé en raison de la surpopulation des deux autres hôpitaux d'État, Norwich et Connecticut Valley, que j'ai visités précédemment. Walter P. Crabtree Sr. a conçu cette institution aux allures de campus. Dédiés à un thème de développement commun, les bâtiments institutionnels étaient de style colonial modifié, construits en briques rouges et joliment décorés. Le campus était en grandeur partie ignifuge. Certains bâtiments construits ultérieurement l'ont été dans les années 1940 et 1950. L'hôpital comprenait seize bâtiments répartis sur quarante hectares, auxquels s'ajoutaient deux cent soixante-dix hectares de terres environnantes. La superficie était composée de vastes prairies agricoles et d'une forêt. Un réseau routier circulaire reliait les bâtiments. Sur 4,000 patients, il n'y avait que vingt médecins en 1960. Entrant dans l'un des bâtiments, j'ai reconnu les postes des infirmières auxquels j'étais déjà venu il y a quatre ans. À l'intérieur, j'entends des bruits, des voix. J'ai la frousse un instant. Je m'aperçois que ce sont des enfants. Si j'arrive sur eux à l'improviste, ils vont s'évanouir de peur. Je me mets à parler que je cherche la sortie. Exit. Exit. Il n'y a qu'un seul accès pour sortir. Je tourne en rond. Ce sont des gosses. Lorsqu'ils me voient, ils déguerpissent comme des lapins en hurlant. Je tente de les rassurer. Il n'a aucun hôpital à ce jour à Fairfield. Ce n'est qu'un grand centre communautaire et sportif dans un grand parc où le gazon parsème les lieux. Un bâtiment fraîchement rénové abrite une microbrasserie. La grande majorité des bâtiments est abandonnée et placardée. Le site est majestueux et propice à la détente et à la contemplation. Après le lunch, je roule au sud-ouest du Connecticut. Une vaste région de douces collines qui borde l'état de New York abrite des centaines, voire des milliers de vastes domaines luxueux aux allures de châteaux. La plupart valent des millions. Jamais je n'ai autant vu de belles clôtures de pierres. Les aménagements paysagers sont à couper le souffle. Je prends des petites routes où ne circulent que des voitures de luxe. Des collèges privés abondent. Sur une autoroute, des bouchons inquiètent ceux qui quittent New York à l'approche de la canicule. Je roule en sens inverse, m'approchant de plus en plus des banlieues de New York. J'arrête faire des courses dans un supermarché. Il est splendide offrant des saveurs du monde. Que des gens de couleur et des hispanophones. Les gens sont polis et courtois. J'achète un plat chaud bien assaisonnés aux épices et des cerises. La circulation reprend de plus belle. Je prends bien mon temps pour me trouver un spot pour la nuit. Je dois bien me reposer, car demain matin je serai aux portes de New York par le nord, longeant l'Hudson River. Je trouve un joli stationnement pour les randonneurs à l'entrée de Hardscrabble Wilderness Area de Pleasantville à Hudson Valley dans l'état de New York. J'ai toujours fait le contraire de la masse. Entrer dans New York le premier jour de l'été est peu banal, surtout un jour de canicule. J'aime les contrastes, car la vie est remplie de contrastes. J'ai choisi Pleasantville pour la première journée de l'été et pour un film que j'ai vu il y a longtemps du nom de la ville et qui m'avait beaucoup plu. J'entends la chanson, Across the Universe de Fiona Apple dans la trame du film. Comment peut-on être foutu d'entrer dans la grosse pomme à quarante degrés et plus ? Les trois seules fois que je suis allé à New York, l'une fut en auto avec un dealer, il y a fort longtemps. On allait, Yves et moi, rencontrer des poulettes italiennes, jeunes femmes rencontrées à Québec. Yves est maintenant paralysé, ayant trop pris de drogues. Les secondes étaient en autobus pour le Five Burroughs Bike Tour où j'organisais pour mon entreprise, l'équivalent du Grand Tour à vélo de Montréal. J'étais l'un des premiers jeunes hommes à m'acheter des patins à roulettes à Québec. J'avais vu à la télé un jeune se promenant en patin avec des walkman dans les oreilles à Broadway. J'ai fait pareil au travers les taxis jaunes et les affiches lumineuses et monstrueuses. J'étais une espèce de Jack Kerouac. Heureusement, je me suis ressaisi depuis. Depuis que j'ai fait l'acquisition du campeur en 2020, j'ai évité les grandes villes, car elles se ressemblent toutes. New York fait bande à part. L'idée d'y venir faire des photos et de partir à sa découverte librement me tente depuis longtemps. Aller à l'aventure sur les Five Borroughs m'intrigue au plus haut point. C'est le moment ou jamais, comme on dit. En pensant venir à New York, seule cette pensée me donnait la frousse. Depuis, j'ai acquis une bonne expérience du bondooking. J'ai confiance en moi et je suis prêt. Il s'agit de me faire un itinéraire m'amenant à des endroits hétéroclites et insoupçonnés. Mes objectifs premiers sont Hudson River, East River, le Bronx, Haarlem et Brooklyn. Ensuite, je verrai. Je dormirai sur des rues tranquilles. Vingt millions d'habitants règnent dans la ville et sa périphérie. L'aventure se poursuit dans la grande chaleur à l'approche des entrailles de New York. Avant de m'endormir, un policier frappe à ma porte. Deux voitures de police sont à côté. L'un d'eux mesure près de sept pieds. Il me signale de quitter les lieux et m'offre de m'accompagner à un Park and Ride à huit kilomètres. Il est très gentil et entamé une conversation. Il dit que l'endroit traversé au Connecticut où j'ai vu des centaines de domaines et palaces son habités par des chefs d'entreprises très riches de New York. Il dit qu'il travaillait au Bronx avant. Je peine à dormir dans cet endroit lugubre avec l'autoroute à côté. Je ne croirais dans un mauvais film.

20 juin | Belcher Brook, Dehenny Field, Berlin, Connecticut River Valley

Connecticut Valley Hospital est situé à Middletown au Connecticut. C'est un hôpital public géré par l'état du Connecticut pour le traitement des personnes atteintes de troubles mentaux. Il était autrefois connu sous le nom Hospital for Insane of Connecticut. Fondé en 1867, le quartier historique comprend des éléments d'architecture néo-classique de la fin du XIXe et du XXe siècle et de la fin de l'époque victorienne. Plusieurs styles architecturaux ont pris forme au fil des années. Deux ans plus tôt, Middletown avait concédé le site à l'état pour la création d'un asile destiné à accueillir les malades mentaux du Connecticut. En 1896, quatre groupes de bâtiments avaient été construits et l'établissement était l'un des plus grands du genre aux États-Unis. Le site est toujours utilisé comme établissement de soins psychiatriques, géré par le département de santé mentale et des services de toxicomanie. Je suis renversé de voir ce site monumental en nature. C'est vraiment impressionnant d'être ici. Situé dans le quartier de South Farms, le Connecticut Valley Hospital se compose d'une importante concentration de bâtiments anciens et contemporains. Le site, aménagé avec de vastes pelouses et de grands arbres d'ombrage, se trouve au sommet d'une colline offrant une vue panoramique sur la ville. L'hôpital se compose d'environ quatre-vingts bâtiments répartis sur 2,6 km² au sud et à l'est du site principal. Il comprend de grands bâtiments institutionnels construits en brique et en grès brun, des résidences à ossature bois et en brique, ainsi que plusieurs bâtiments d'entretien. La plupart de ces bâtiments forment un vaste ensemble centré sur Shew Hall datant de 1867. Ce site s'étend sur environ quatre-vingt hectares. Il comprend de nombreuses structures caractéristiques témoignant des différentes périodes de développement de l'établissement. Je m'y promène tout l'avant-midi. Je discute avec des usagers et des travailleurs. Rival, un Néo-Brunswickois qui habite avec sa famille depuis fort longtemps au Connecticut est assis dans son lourd camion. Son français est impeccable. Rival, curieusement, est le nom de la chauffetette trouvée la veille à Norwich State Hospital. Je lui montre, ça le fait rire. Elle fonctionne à merveille. Jadis, l'hôpital a hébergé jusqu'à 4,000 patients. Aujourd'hui, il en compte environ cinq cents. Les plus grandes institutions du genre pouvaient atteindre 14,000 patients. Je rencontre William qui marche vers le snack-bar. Je lui demande s'il est docteur, ça le fait sourire. Il a séjourné neuf ans à l'hôpital concernant une histoire avec une femme dont je n'ai pas comprise le sens. Plusieurs personnes dans le passé ayant eu affaire à la justice se retrouvent dans ces institutions. L'inverse est aussi valable pour les gens incarcérés qui devraient avoir des soins psychiatriques. Deux hommes sont assis dans une pergola. Ils habitent depuis trois ans dans un pavillon austère. Des hommes qui ont pas eu la vie facile. Des hommes qui vieillissent avant leur âge. Leur confiance en eux semble limitée. Ils doivent quitter. Have a good one. Je fais le tour de tous les établissements. Des affiches très claire interdisent à ceux qui voudraient entrer dans l'un des bâtiments abandonnés seraient immédiatement poursuivis par la justice. Il y a plusieurs édifices abandonnés sur le site, bien placardés pour éviter que les intrus comme moi s'y introduisent. Des ouvriers installent le chauffage dans quelques bâtiments pour éventuellement être restaurés. Un seul bâtiment seulement sur tout le complexe dévoile la moitié d'une porte entrouverte. Je mets ma tête à l'intérieur. En même temps, je regarde si des gens m'observent. C'est trop risqué. Je recule et m'en vais. Au retour, Rival est encore là, près de l'endroit. Je vois un policier. Il parait qu'ils étaient trois à l'intérieur, il y a une heure. Un ouvrier dans son camion se pointe pour vérifier la porte pour éventuellement la barricadé. Si j'avais eu vingt ans de moins, je serais en tôle, mes impulsions m'y auraient fait entrer. On ne rigole pas avec la loi aux États-Unis. Il est midi, je mange un sandwich. Je pars pour mon prochain départ à vélo de Cromwell. Je prends le parcours dans un nouveau guide pour les cyclistes sérieux. Plusieurs groupes et clubs cyclistes ont longtemps déployés leurs roues de ce côté. Je parcours soixante kilomètres tout en côtes avec beaucoup de trafic. Ça me dérange pas, j'ai le goût de me dégourdir les jambes car dans quelques jours le mercure atteindra 45 degrés, facteur humidex. Je roule en périphérie de la capitale de l'état, Hartford. La ville est entourée de montagnes. Je traverse Hubbard Park à Meriden. En levant les yeux, j'aperçois un château tout en haut de la montagne, Castle Craig. C'est très haut et abrupte. Je prends une mauvaise direction au lac. Ça monte beaucoup, beaucoup trop. Deux cent cinquante mètres en trente minutes pour atteindre Castle Craig. Je prends mon souffle et je redescends. Ça demande beaucoup de vigilance pour ne pas faire d'erreurs de parcours. C'est encore beaucoup plus difficile sans parcours. Je m'installe pour la nuit à Belcher Brook sur Dehenny Field à Berlin de Connecticut River Valley. C'est une journée comme je les aime. Je vais bien dormir.


19 juin | Middletown, Connecticut River, Connecticut

Mon séjour au Rhode Island aura été de courte durée. Déjà, il y a très longtemps, je n'avais pas été enthousiasmé. Je porte encore le même regard. Aucun intérêt, du moins selon mes observations. Je traverse au Connecticut où l'ambiance, l'architecture et les paysages sont plus fascinants. Fait intéressant, la tradition veut que des murets de pierres d'érigent sur les terrains, un peu comme on retrouve en Angleterre. Je me dirige vers Preston, au Norwich State Psychiatric Hospital, sur les rives de Thames River. J'y avais passé une demi-journée il y a quatre ans. Je refais le même parcours afin de constater si les lieux ont changé. Norwich State Hospital a été fondé en 1904. Plus de cinquante bâtiments, l'un après l'autre, sont érigés pour subvenir aux besoins grandissants de la population. Au plus fort de l'achalandage, 3,175 patients ont été hébergés à Norwich. Auparavant, on appelait ces institutions lunatic asylum. Asylum provient du grec qui signifie asile. Puis on appella Hospital for Insane pour devenir par la suite State Hospital. Un futur et grand développement est censé voir le jour sur ce magnifique site. La largeur du terrain fait environ deux kilomètres par deux kilomètres. Ces portes ont fermé en 1996 par la désinstitutionnalisation en vigueur depuis les années 80. Pendant près d'un siècle, Norwich a hébergé des patients gériatriques, des patients chimiodépendants et, de 1931 à 1939, des patients tuberculeux. Je camoufle la van dans un boisé. Plusieurs affiches interdisent l'accès au lieu. La tentation, encore une fois, est trop grande. Lampe de poche à la main, je pars à la découverte une fois de plus dans les décombres des neuf bâtiments encore existants. Le bâtiment administratif principal est d'une grande beauté. Le hall était couvert de marbre. Je visite au total plus d'une centaine de pièces plutôt lugubres. Ça tombe bien, en ce jour de canicule, l'air est frais à l'intérieur. Je ne suis pas le premier à visiter l'hôpital. Il n'y a plus aucune trouvaille à récolter sauf une petite chaufferette vintage des années 70. Je suis totalement ébahi par ce retour dans le passé. Les mots me manquent. Je prends au total quatre-vingt-dix clichés. Je descends sur le bord de la Tamise pour prendre la longue passerelle qui servait pour accoster les visiteurs en bateau. J'y ai passé une demi-journée, le temps nécessaire pour me faire plaisir. J'aime beaucoup me replonger dans les siècles derniers et ce qui en reste. Ça me rend nostalgique et ça m'aide ensuite à comprendre où nous en sommes rendus. Je quitte en fin d'après-midi, tout en sueur, pour mon prochain spot pour la nuit sur le bord de Connecticut River à Middletown, près de Hartford, la capitale de l'état. Depuis toutes ces années de voyage, c'est le premier où je me nourris de façon exemplaire. Le vanlife permet une autonomie qu'aucune autre façon de voyager ne peut faire. L'aventure se poursuit après bientôt trois semaines on the road.

18 juin | Buck Hill Forest Reservation, Pascoag, Rhode Island

Je roule en van aujourd'hui jusqu'au Rhode Island. Je passe la ville industrielle affreusement laide de Worcester, au Massachusetts. Elle fait partie de la conurbation de Boston, qui signifie un regroupement de noyaux urbains qui finissent par se rejoindre. De Boston à Springfield, ce corridor de conurbation fait cent vingt-cinq kilomètres. Worcester était l'épicentre de la révolution industrielle des États-Unis au XVIIIᵉ siècle. Les grandes villes m'épuisent et m'offrent trop de distractions. Je prends la plupart du temps des petites routes. Je traverse au Rhode Island face à Wallum Lake dont la moitié du lac est au Massachusetts. Par hasard, j'arrive à Eleonor Slater Hospital. Je suis surpris de l'ampleur du site sur le bord du lac. Plusieurs bâtiments de briques rouges s'entrelacent. Certains sont à l'abandon, d'autres totalement rénovés. Créé en 1901 comme institution pour traiter les tuberculeux, l'hôpital a accueilli par la suite des patients atteints de troubles mentaux et aussi des personnes et des aînés souffrant de problèmes neurologiques. Les sanatoriums à l'époque étaient construits hors des centres urbains en pleine nature et sur le bord d'un lac. De grandes baies vitrées étaient conçues à l'intérieur des bâtiments pour obtenir une bonne luminosité et beaucoup d'sit frais. Je prends beaucoup de clichés en faisant un grand tour du jardin. Il y a partout des pancartes indiquant que ceux qui entrent dans les bâtiments seront punis par la loi. No trespassing en grosses lettres rouges sur chaque entrée. Je parle avec un employé lui disant que j'aimerais bien aller à l'intérieur. Quelques minutes plus tard, un agent de la sécurité vient à ma rencontre, puis un deuxième et finalement un troisième. On ne rigole pas avec la loi chez nos voisins du sud. Je dégage lentement, ayant pris soin de bien m'abreuver des lieux. Les maisons de bois blanches abritaient médecins. Les plafonds étaient très hauts avec de grands foyers dans plusieurs pièces. Il y avait le bâtiment des infirmières. L'un d'eux, le plus vieux, était pour les tuberculeux abandonné depuis fort longtemps. Je regarde par les fenêtres. Tout l'équipement est encore en place. Quelques containers trônent contre les murs extérieurs avec un tas d'objets hétéroclites. J'adore me fondre dans ces lieux, qu'ils soient industriels, hospitaliers ou pénitentiaires. C'est une véritable passion. Aujourd'hui, l'hôpital accueille cinq cents patients avec des problèmes neurologiques nécessitant des soins prolongés. En faisant quelques recherches, le coût annuel pour traiter un patient à cet hôpital est de 540,000 $. L'état tente de réduire les coûts en mobilisant les usagers vers des pensions privées. Ce n'est pas la première visite dans ce genre de lieux. Malheureusement, ils tendent à disparaitre avec le temps, soit par démolition ou soit en ayant subi des rénovations substantielles. Le cadre naturel auquel ont été construits les institutions psychiatriques ou les sanatoriums contribue à rendre les lieux plus envoûtants. Je quitte l'endroit avec une voiture de sécurité derrière moi qui me montre la porte de sortie. Je poursuis ma route pour me trouver un spot pour la nuit. Buck Hill Forest Reservation, sur la frontière avec le Connecticut, est l'endroit par excellence. Un bel espace boisé en forêt sur un petit chemin désert. L'aventure se poursuit.

17 juin | Depot Road Field, Harvard, Eastern Massachusetts 

Journée nuageuse. Les ratons laveurs m'ont fait sursauter cette nuit, croyant à tort que c'était un intrus. Concord, qui possède une riche histoire fut fondée en 1635. Elle fut témoin de l'indépendance des États-Unis lors des batailles de la révolution américaine à Concord et Lexington en 1775. Les treize colonies ont affronté la Grande-Bretagne, mettant fin à son empire aux États-Unis. Concord fut un centre intellectuel important avec des philosophes, écrivains et essayistes qui étaient descendants, en grande partie, de riches familles anglaises de l'époque coloniale. On appelle ici old money, pour signifier les anglais arrivant en Amérique avec leur fortune. Les puritanistes fondent la colonie de la baie du Massachusetts. Ils sont organisés avec des règles strictes et ont fait fructué leurs fortune. Hawthorne, Thoreau, Emerson, Alcott, Peabody, etc... voyaient, à leurs époques, des changements culturels importants. Ils s'activaient à rendre les américains indépendants et plus libres. Je visite la maison de Ralph Waldo Emerson et Autor's Ridge au cimetière Sleepy Hallow où sont enterrés les auteurs célèbres qui ont influencé des générations d'américains. Le transcendantalisme est un mouvement littéraire, spirituel, culturel et philosophique qui a émergé aux États-Unis, plus particulièrement en Nouvelle-Angleterre, durant la première moitié du XIXème siècle. Emerson fut le fondateur du transcendantalisme qui est la bonté inhérente des humains et de la nature. Ils croient aussi que la société et ses institutions particulièrement les institutions religieuses et les partis politiques corrompent la pureté de l'humain, et qu'une véritable communauté ne peut être formée qu'à partir d'individus autonomes et indépendants. Je débute une randonnée à vélo de cinquante kilomètres dans un paysage typiquement colonial. Des demeures ancestrales immenses et des domaines somptueux parsèment ma route de douces collines. Rarement j'ai vu des aménagements paysagers aussi éclatants, le tout dans des forêts intermittentes. Je passe à côté de Minute Man Historic Park où se déroulèrent les batailles de la révolution américaine. Battle Road Trail, long de huit kilomètres est une piste multifonctionnelle reliant Concord et Lewiston où se avançaient les troupes. Minute Man était le nom donné à des milices formées qui intervenaient rapidement au besoin. À Battle Green Park de Lewiston qui commémore ces événements, une célébration a lieu en l'honneur des soldats qui prennent leur retraite avec tambour et percussion. Partout, des drapeaux d'allégeance homosexuelles et des invitations aux Pride Parade. À mon retour, la pluie débute. Je repars enduite en van vers Lowell en direction de ce qui reste du quartier Petit Canada. Je demande de l'information à un couple d'aînés assis dans leur voiture. Ils ont tous les deux des tubes dans le nez pour un apport d'oxygène. Ils ont l'air très mal en point. Le type me demande de le suivre pour m'y amener. C'est ici, à Lakeview Street et 6th Avenue sur un mille carré que les ouvriers canadiens français habitaient pour travailler aux usines de textiles. La grande pauvreté qui régnait au Québec a fait fuir grand nombre d'entres-eux vers Lowell. L'école St Louis, abandonnée porte l'inscription en français à côté d'une église catholique en conversion de logements. Une demi-douzaine de rues seulement portent des noms québécois. Que des immigrants partout. Pas de trace de canadiens français. Une polonaise me dit que ses arrière parents ont créé une de ses rues bien avant l'arrivée des frenchies. La vie se transforme. Plus loin, Jack Kerouac Park sur Bridge Road. Des poèmes sont inscrits dans des colonnes de marbre. C'est un lieu de rassemblement pour les ivrognes. Plus loin, je trouve son épitaphe à l'immense cimetière de Lowell. Des gens venus se recueillir ont déposé un tas d'objets hétéroclites sur sa tombe. Je quitte ensuite la ville et sa périphérie vers un endroit plus calme pour la nuit. Je croise des autoroutes bondées de véhicules dans toutes les directions qui m'indiquent que Boston est tout près. Je m'installe enfin à Depot Road Field de Harvard. Silence total et la satisfaction du devoir accompli. Je porterai en moi longtemps ce que je viens de vivre. Lorsque je reprendrai les lectures des auteurs de Concord, je lirai sous un nouveau regard tous ces écrivains et philosophes. 


16 juin | Flint's Pond, Lincoln, Eastern Massachusetts

Ce matin, je suis excité, car je sens que quelque chose de grand m'attend. C'est peu dire en prenant Lowell Road qui se dirige vers la ville du même nom. Lowell fut fondée pour être un pôle manufacturier dans le domaine du textile, le long du fleuve Merrimack, au nord-ouest de Boston, sur une terre prise sur une partie de la ville voisine Chelmsford. C'était un centre industriel prospère durant le XIXᵉ siècle, attirant d'abord de jeunes ouvrières en provenance des campagnes de Nouvelle-Angleterre, les Lowell Mill Girls, puis de nombreux immigrés et travailleurs migrants, surtout des irlandais et des canadiens français dans ses usines. Il y avait beaucoup de journaux francophones à cette époque. Avec le déclin de ses manufactures au XXᵉ siècle, la ville tomba dans une profonde crise, mais a amorcé une reprise ces dernières décennies. L'ancienne zone industrielle le long du fleuve a été partiellement rénovée et fait partie du Lowell National Historical Park. L'histoire industrielle des États-Unis débute à Lowell en 1828. Le coton était récolté massivement par les noirs au sud des États-Unis. La population du pays grandissant, de riches investisseurs avec l'aide du gouvernement fédéral ont développé ce qui allait être une florissante industrie du textile. Au début, les marchandises se déplaçaient en bateau. En 1850, ce furent les trains qui s'invitèrent. Il y a eu dix immenses complexes, les mills, l'un à côté de l'autre qui formaient une ville de 50,000 habitants au début du XIXᵉ siècle. Le salaire était deux dollars la semaine pour une semaine de soixante-dix-huit heures. Les immigrants ont prêté main-forte aux travailleuses de la Nouvelle-Angleterre. Les Lowell Mills Girls habitaient près des usines dans des boarding house, près de Merrimack River. C'était des pensions où résidaient une vingtaine d'ouvrières. Des canaux ont été construits à main d'homme pour faire de l'électricité. Rarement, j'ai été aussi étonné d'un pareil endroit. Ce qui frappe, c'est que la plupart des usines ont été rénovées et servent aujourd'hui de condos et de bureaux. Je ne me lasse pas d'admirer ces lieux, prenant un tas de photos. Je visite Boott Cotton Mills Museum qui rassemble cette histoire étonnante. Je suis bouleversé. Jadis, je suis allé au Midwest pour voir des sites similaires mais je n'ai rien vu de semblable. Lowell est une ville d'immigrants qui n'est pas jolie, mais le centre historique vaut largement le détour. Les investisseurs fortunés ont pris l'exemple de ce qui se faisait en Angleterre, au XVIIIème siècle, notamment à Manchester, où les conditions de travail étaient plus difficiles. La période industrielle des manufactures de Lowell débuta en 1828 et se termina vers 1950. Je quitte trop rapidement la ville pour me rendre à Walden Pond de Concord où Henry David Thoreau s'installa deux ans, deux mois et deux jours dans une petite cabane qu'il a construite pour écrire Walden sur l'autonomie, la liberté et la simplicité volontaire. Ralph Waldo Emerson, essayiste , écrivain et philosophe lui prêta une parcelle de sa terre à Concord pour qu'il vivre son expérience. À vrai dire, Thoreau était un éducateur intellectuel aguerri. À l'automne 1837, Emerson demanda à Thoreau, tenez-vous un journal intime ? Cette question fut une source d'inspiration pour Thoreau durant toute sa vie. Walden Pond est un state park. L'endroit est très populaire près de Boston et attire beaucoup de touristes. Aller à cet endroit est un véritable pèlerinage. L'eau du lac est d'une pureté étonnante. Je m'y baigne. Devant moi, la réplique de la cabane de Thoreau et les fondations à vingt minutes de marche sur le bord du lac. Je suis ravi. Je quitte pour m'installer à Flint's Pond de Lincoln près de Walden Pond. Je suis derrière Cordova Sculptur Park and Museum. Je jette dehors en soirée mes restes de poulet. Soudain, des bruits sur la van. Je crois entendre quelqu'un. Ce sont des ratons laveurs qui en voulaient à mes restes de souper qui sont sous le campeur en voulant davantage. La population de Boston est d'environ cinq millions d'habitants. Déjà que dans les parages il y a des bouchons, ce ne sera pas à ce voyage que j'irai, quoique l'envie soit là. Je dois conserver mes énergies pour d'autres projets dans ce voyage. Dans quelques jours, je retourne à Lowell, des choses m'ont manqué. Le propriétaire d'une boutique de sports me confie quelques anecdotes sur Lowell. Son grand-père était ingénieur hydrolique dans les usines. Il me raconte que les canadiens français n'avaient pas bonne réputation. Ils habitaient un secteur que j'ai manqué, le Petit Canada. Ils vivaient sur l'autre rives des usines et les irlandais de l'autre côté de Merrimack River. Aussi, je retourne à Lowell, car le type m'a parlé du parc destiné à Jack Kerouac. Il en avait long à raconter. C'est pour cette raison que j'y retourne. Je peux dire que ma journée fut une putain d'aventure.


15 juin | Keyes Parker Conservation Area, Pepperell, Northeastern Massachusetts

Frire des oignons dans une van n'est pas une bonne idée. Mes bas sentent les oignons ce matin. Journée fraîche et nuageuse. Je vais acheter de la colle pour mon siège de vélo. Assis mon cul dessus toute la journée à vélo, il devrait bien coller. Au départ d'Hickory Lake, j'effectue le Lunenburg Cruise. Un parcours de soixante-dix kilomètres en boucle sur terrain vallonné. Une quinzaine de kilomètres ont été effectués au New Hampshire. Ma note est parfaite pour ce circuit qui est de toute beauté. De grosses tortues jallonent la route. La circulation automobile est faible. Il y a toujours les grands arbres pour me saluer. J'ai de la chance d'avoir vécu ces deux journées à vélo dans cette région magnifique. Je suis à une heure en van de Boston. Quatre-vingt-deux kilomètres pour m'y rendre, mais ce sera pour une autre fois. Des parcs de conservation, de récréation et des sentiers pédestres submergent de partout. Il y a de quoi rendre jaloux les amateurs de plein air québécois. C'est assez incroyable tout ces réseaux. J'ai trouvé un beau spot pour la nuit à Keyes Parker Conservation Area, à Pepperell. Il n'y a personne, comme d'habitude. L'endroit est idéal.


14 juin | Kayes Brook Waterfall, East Princeton, Central Massachusetts

Confiance aux autres, en ses capacités et à la vie. Il faut aller avec la fraîcheur d'un enfant, faire confiance sans même savoir à quoi. Nous devenons anxieux parce que nous sommes lucides. Cette lucidité de dois pas émousser notre audace. La confiance en soi est une philosophie raconte Charles Pépin, le livre auquel je fais référence en ce jour pluvieux. Ce matin, la lenteur s'empare de moi. La différence avec autrefois, c'est que je l'accepte et la cajole. Accepter la lenteur est apprendre à se faire confiance en vieillissant. En voyageant comme je le fais, je retrouve le socle sur lequel bâtir ma confiance en moi. Les défis professionnels étant chose du passé, le projet de vanlife me permet de faire des projets qui m'interpellent et me ressemblent. En cela , le vanlife me permet d'accroître ma confiance en moi, à la vie et à ceux rencontrés sur la route. On ne naît pas confiant, on le devient. Notre destin est tracé en partie en venant au monde. Nos projets font en sorte de vivre heureux et confiant. Cela n'aura pris cinq ans pour maîtriser le vanlife. Je commence à peine à m'y abandonner, ce qui m'apporte un apaisement et une joie profonde. Je réussi par brides à penser la liberté en adoptant mon rythme et suivre mes mouvements. Comme l'enfant sur sa première promenade à bicyclette, j'ai chuter, hésiter, trembler pour enfin trouver l'équilibre et finalement m'élancer. La confiance en soi provient d'abord des autres. La confiance en soi est d'abord une confiance en l'autre car en naissant nous me pouvons subvenir à nos besoins. Aujourd'hui, c'est la première fois depuis cinq ans que je demeure à l'intérieur de la van une demie journée sans me morfondre ou m'ennuyer. Cela m'a pris cinq années à en arriver là. La sagesse s'accapare de moi en m'apprivoisant avec les contextes.


Pluie forte au réveil et temps frais. Je déjeune, fais mes exercices, je lis. À midi, la pluie devient légère. Il n'a pas de vent. Les odeurs m'envahissent. J'enfile mon jacket de pluie et je roule. Le parcours indique qu'il y a beaucoup de relief. Sur les cent dix kilomètres, j'en parcoure quatre-vingt douze. Les trois quart sont les plus beaux jamais réalisé. Une note parfaite. Vallonné à fond, tout en courbes. Je roule dans des tunnels d'arbres très hauts. Tout est immensément vert. Les gens vivent littéralement sous la canopée. Je ne cesse de m'étonner de tous ces paysages, de toute ces beautés. Le parcours est difficile à suivre. C'est une véritable labyrinthe de petites routes qui tournoient à l'infini. Déjà que je peine à suivre le tracé avec mon parcours et Google Maps, au milieu du trajet ma batterie tombe à plat. Rarement, j'ai eu autant de difficultés à trouver le chemin et pourtant ce n'est pas mon premier. Je poursuis la seconde moitié en demandant aux gens croisés de me prêter leurs téléphones pour m'orienter. J'étais top sûr de moi en omettant d'apporter le GPS. J'ai ma leçon. La Nouvelle-Angleterre a vraiment de quoi séduire les artistes, les aventuriers et ceux qui possèdent du bon goût pour les beaux paysages. J'ai passé six heures à mouliner avec une seule pause de dix minutes, le résultat est que le dessus de ma selle s'est décollée partiellement. Je repasse la nuit au même endroit qu'hier à Kayes Brook Waterfall de Princeton. J'ai mis la grande table ce soir pour m'offrir un banquet bien mérité.


13 juin | Kayes Brook Waterfall, East Princeton, Central Massachusetts

Me suis levé tard. J'écoute le bulletin de nouvelles du matin pour améliorer la langue de Shakespeare. Après le petit déjeuner, je regarde la direction à prendre. J'opte pour une demi-journée de repos à Rutland State Park. Je me baigne à Whitehall Pond et m'allonge sur une table à pique-nique avec mon tapis de bambou. Le bien-être est total. Les grands pins me donnent de l'énergie. C'est mon arbre préféré. Ils sont immenses dans le parc. Nous ne sommes que cinq personnes et quelques enfants qui s'amusent dans le lac. Le calme et la beauté des lieux résonnent en moi. Je fais le tour du lac à pied lentement. Cinq kilomètres tout au plus. Le système des state parks est bien structuré aux États-Unis. C'est ceux que je préfère avant tout. Les national parks, je n'y vais plus du tout car trop achalandés et moins pittoresques à mes yeux. Les state parks sont abordables pour le camping, quoique seul je n'y vais pas sauf pour la journée qui est gratuite. J'ai grandi dans les quartiers populaires de Québec à siroter le bitume. Si je n'avais pas voyagé très tôt, je serais devenu cinglé. Le centre des grandes villes, c'est pas fait pour les enfants. Plus tard, je me dirige vers mon prochain parcours à vélo pour demain. Il s'effectue en deux jours. Je devrais choisir la moitié des deux. J'explore en van. Ça y est, mon choix est fait. En fin d'après-midi, je m'installe pour la nuit à Kayes Brook Waterfall d'East Princeton. C'est fou le peu de place que je prends pour me stationner la nuit. La route est à un pied de Béa, mon campeur. Je dormirai avec le son de la chute. Demain, je partirai du village pour la randonnée à vélo. On the road, disait Jack Kerouac. Au Massachusetts, il y a beaucoup de vieilles usines de briques rouges qui témoignent de la période industrielle des manufactures de vêtements et de chaussures. Plusieurs sont recyclées, d'autres pas. En écrivant le blogue, comme à chaque soir, je reviens sur la journée. Sans le blogue et les images, le voyage serait incomplet. Il serait aussi incomplet sans le vélo, les baignades et les chemins de travers.


12 juin | Swift River, Herman Covey Wildlife Management Area, Ware, Central Massachusetts

Départ ce matin pour une randonnée à vélo de cinquante kilomètres en boucle dans les Hampton's. Le parcours est en milieu semi-urbain, champêtre et forestier au départ de Northampton. Les plus beaux parcours sont lorsqu'ils sont vallonnés, ombragés et tout en courbe. Ils sont d'autant plus agréables si des rivières ou des lacs parsèment la route. Ma surprise fut grande à la toute fin de découvrir une petite plage sur une rivière d'eau fraîche. Après m'être rafraîchi et casser la croûte, je rends visite pour la dernière fois cette année, aux musiciens de Django in June sur le campus Smith College Plusieurs leaders du groupe proviennent d'Europe. C'est une vieille tradition là-bas les regroupements de musiciens, spécifiquement de jazz manouche. L'un d'eux, un véritable gypsy d'une famille de musiciens sur plusieurs générations commente l'atelier. Ils sont une vingtaine autour de lui. Il vient d'Espagne, où la guitare est sacrée. Il raconte que le rock et le blues sont trop facile pour lui à jouer. Il s'est fait offert sa première guitare Gibson à onze ans. Il ne l'a jamais quitté. La plupart des gens présents sont de véritables passionnés. Plusieurs vétérans viennent à chaque année provenant d'aussi loin qu'en Californie. Après quelques courses, je roule en van un bon bout. Par hasard, je me rends compte que je suis près de Belchertown. J'y suis aller il y à trois ans lorsque j'ai passé un mois à découvrir différents sites historiques abandonnés des State Hospital. J'ai effectué un travail de recherche considérable à l'époque sur plusieurs états. Revenir sur ces lieux me touchent presque autant que la première fois. L'établissement de Belchertown était une ville en soi et servait de refuge aux enfants ayant des problématiques de santé mentale, les orphelins et les enfants agités. Plusieurs abus de tous genres ont été rapportés et le scandale éclata en 1992, date ou l'institution dû fermée ses portes. Je pénètre dans les bâtiments en ruine, deux ou trois. Une affiche indique d'être prudent à cause de l'amiante qui rempli les murs. Les longs tunnels qui reliaient les autres bâtiments ont été barricadés. L'établissement avait ouvert en 1920. Certaines institutions datent du XIXème siècle au moment que les pays se sont industrialisés. J'ai beaucoup à raconter sur le sujet. Je vais m'abstenir pour en avoir parler longuement auparavant dans les précédents chapitres. Le temps file. Ces vieux bâtiments seront soient détruits ou recyclés d'ici peu laissant disparaître une tranche du passé. Déjà depuis mon passage il y a trois ans, le site s'est transformé. Je poursuis ma route pour m'installer sur le bord de Swift River à Herman Covey Wildlife Management Area de Ware dans le centre du Massachusetts. Le site est beau et tranquille. Je sais trouver les bons spots pour la nuit, préférant le bord des ruisseaux et des rivières que les lacs car ses derniers sont plus peuplés. Je mange un steak, des croustilles de farine au maïs bleu, une salade et des cerises. L'aventure se poursuit.


11 juin | Northampton, Pionner Valley, Bershires, Massachusetts 

Le Massachusetts a été un intervenant majeur pour l'abolitionnisme aux États-Unis. La première femme noire graduée aux États-Unis fut au Smith College de Northampton. Patsy, qui habite avec son conjoint dans la maison face à mon campeur vient me rendre visite en matinée. Elle est très accueillante. Le quartier où je traine est l'équivalent de Westmount à Montréal. Son mari possède une entreprise de fabrication de chandelles. Il emploie des immigrants. Le couple ont une camp en bois rond au nord de Shawinigan. Les gens dans la rue où je suis stationné sur Hillside Road me salue et me parle. Les américains sont polis, simples, calmes et respectueux. Je pars tôt pour une randonnée à vélo en terrain plat sur les deux rives de Connecticut River de Northampton vers Greenfield à la frontière du Vermont. Au total quatre-vingt cinq  kilomètres au compteur. À ma grande surprise, je tombe sur le site de Poet's Seat Tower. Lors de ma descente à vélo de Québec vers New York à mes vingt-cinq ans, j'ai arrêté ici. C'est l'endroit où un jeune poète passait ses journées à écrire tout en haut de la montagne. Instant et retrouvaille  magique par hasard. Au retour, je retourne à Django in June me fondre aux musiciens de jazz manouche. Imaginez, de vieilles maisons sur le campus Smith College qui ont cent cinquante ans. 225 musiciens jouent par intervalle dans plusieurs pièces. Dehors sous un petit chapiteau un cercle d'une vingtaine de musiciens très talentueux improvisent. Je rêve. Tout autour, les gens discutent et sont heureux. L'ambiance est un pur délire. Ce séminaire du genre est unique aux États-Unis. Au théâtre ce weekend, les meilleurs guitaristes au monde donneront un concert en l'honneur de l'événement. Les tarifs en moyenne sont 150$. Partout sur le campus, les musiciens, guitares en bandoulière se promènent. En soirée, l'ambiance est au maximum. Cet événement est l'un des plus extraordinaires jamais vécu en road trip. Ce n'est qu'aux États-Unis qui m'arrive pareil aventure. Le hasard m'amène où il faut. Il fait chaud ce soir. Ma tête se remplie de belles choses depuis mon départ. Les étés en Nouvelle-Angleterre sont un must. Je peux le confirmer pour avoir voyagé sur tous les continents. De plus, comme dit Patsy, it's on my backyard.


10 juin | Northampton, Pionner Valley, Bershires, Massachusetts 

Spirit of America est la maxime du Massachusetts. Elle porte bien son nom. C'est l'un des plus vieux États américains. Les gens sont fortement scolarisés. C'est un état où l'art de vivre est très élevé. Les villes sont belles, l'ambiance à point. Je me lève tard, la pluie m'a retenu au lit. Un type frappe à ma porte. Je suis sur un terrain privé. Il voulait me voir la face, pas de problème, dit-il. Il croyait que j'étais allemand. Je trouve une formidable boulangerie artisanale dans le quartier sur Elm Street près du campus Smith College. On m'offre gratuitement une grosse miche  de céréales et un scone. Ils avaient atteint la date de péremption, ils étaient encore très bons. Je me régale. J'achète de nouveaux essuie-glaces plus loin. Je veux rien manquer des paysages. Après le lunch, je visite Smith Art Museum à Northampton. C'est gratuit. Les collections sont magnifiques. Je marche ensuite sur le campus Smith College, institution de haut niveau pour femmes. Cette année, c'est le 150ᵉ anniversaire de l'établissement. Quatre-vingts bâtiments historiques du campus bordent Connecticut River du centre-ville. Northampton est l'une des plus belles villes visitées de mes cinq dernières années à bourlinguer l'Amérique. Plus que tout et de loin, j'aime la Nouvelle-Angleterre. Il y a une belle et étrange énergie qui s'y dégage. Northampton est une ville très tolérante ultra-libérale. Les arts sont omniprésents. Le centre-ville est vivant et convivial. La musique à la radio est incroyable. Les commerces et les restaurants sont attrayants. Django in June débute aujourd'hui. Durant une semaine, 225 musiciens de jazz manouche se retrouvent sur le campus Smith College. C'est un séminaire qui offre l'occasion aux musiciens venus des quatre coins du pays d'échanger et de jouer ensemble. J'y passe plusieurs heures avec grand bonheur. Les weekends, des concerts ont lieu dans le théâtre de la ville. C'est l'une des plus belles expériences de voyage que je viens de vivre. C'est agréable l'été la villégiature à quelques heures de New York et Boston, pour ne nommer que ceux-là. Je vais manger dans un restaurant syrien pour fêter cette journée mémorable. Je prends une carte de membre d'une chaîne de pharmacie pour obtenir des spéciaux sur les barres protéinées sans sucre. J'achète deux boîtes. Elles me serviront. Je m'installe pour la nuit dans le chic quartier résidentiel bordant le campus sur une colline qui possède des propriétés hallucinantes. Tout est incroyablement vert. Tout respire la beauté et l'harmonie. Northampton, ma jolie, jamais je ne t'oublierai, même sous la pluie.


9 juin | Leeds, Northampton, Pionner Valley, Connecticut River, Bershires, Massachusetts 

Je me lève sous la pluie. Je prends mon temps. Je mets de l'ordre dans mes affaires, consulte les cartes et les prochains parcours à vélo. Je fais quelques courses à Northampton sur les rives de Connecticut River. Je déguste un sandwich libanais sur une terrasse du centre-ville qui est magnifique. La région se nomme les Hampton pour les villes de Northampton, Easthampton, Southampton et Westhampton. Elles font partie de Pioneer Valley. Northampton, ville de 35,000 habitants est connue comme un pôle universitaire, artistique, musical et contre-culturel. Elle abrite une importante communauté politiquement libérale ainsi que de nombreuses organisations intellectuelles et de santé alternatives. D'après les données démographiques du recensement américain, Northampton est classée comme la ville moyenne (25,000 à 99,000 habitants) la plus politiquement libérale des États-Unis. La ville compte une forte proportion de résidents s'identifiant comme gays et lesbiennes et un nombre élevé de ménages homosexuels. Elle est une destination prisée de la communauté LGBT. Northampton comprend six fois la moyenne nationale de ménages homosexuels non mariés. En ce moment, c'est le festival Django in June qui débute demain. Je regarderai le programme. Où je suis ce soir en face du Look Park, Bob Dylan y a déjà fait un concert. La ville abrite une université et le Smith College, établissement universitaire pour femmes qui fait parti du groupe Seven Sisters. C'est un groupe de sept collèges privés pour femmes d'arts libéraux du nord-est des États-Unis. Ils sont l'équivalent de la Ivy League College, en terme de milieu d'apprentissage. La ville a connu sa gloire grâce aux manufactures de vêtements. Elle a connu son déclin jusqu'au années 70. Depuis la ville s'est redonnée une nouvelle identité centrée sur l'éducation, le tourisme et les arts libérales. La ville possédait au XIXème siècle le nom de Paradise City. Effectivement, elle y ressemble. C'est un immense jardin entouré de magnifiques demeures anciennes. 21% de Northampton sont des espaces ouverts protégés. J'y étais déjà venu il y a quelques années et je m'étais dit que j'y reviendrais. La ville possède une grande concentration de bistros et restaurants, plusieurs parcs et une grande quantité de jardins communautaires. Les gens sont très hétéroclites et assez différents des villes rencontrées jusqu'à présent. Il y a dans le centre-ville un parc qui regroupe des junky et des itinérants. J'ai deux randonnées à vélo sur la table à partir de Northampton pour les prochains jours, si la température est de mon bord. J'aime beaucoup mon road trip jusqu'à présent même si je suis déjà venu dans les parages. Il y a tant à  voir et à contempler de ce côté de la frontière. Je suis toujours sous le choc lorsque je te sens au Québec. Le premier choc est de voir ce que l'on a fait des arbres. C'est de constater le peu d'importance aux parcs et espaces verts. C'est de constater à quel point la vie est rapide et que le respect envers autrui se perd. Ça fait une semaine que je suis sur la route et mon plan fonctionne à merveille en reliant plusieurs de mes champs d'intérêts et surtout en respectant mon rythme.


8 juin | Tolland State Park, Otis Lake, Cold Spring, Bershires, Western Massachusetts

Les murets de pierres sont classiques en forêt au Massachusetts et au Connecticut. Il était une fois une expérience fascinante menée par un groupe de scientifiques, qui voulaient observer un phénomène de comportement collectif. Ils placèrent cinq singes dans une pièce. Au centre, un escabeau menait à un régime de bananes suspendu au plafond, appétissant mais inatteignable autrement. La règle invisible. Dès qu’un singe essayait de grimper sur l’escabeau pour attraper les bananes, un mécanisme se déclenchait : une douche glacée aspergeait violemment les autres singes. Rapidement, une dynamique étrange s’installa. À chaque tentative de grimper, les autres singes, pour éviter la douche froide, se mettaient à frapper celui qui essayait de monter. Bientôt, plus aucun singe n’osa approcher l’escabeau, de peur de se faire attaquer. Une expérience encore plus surprenante. Les chercheurs décidèrent alors de remplacer les singes, un par un. Un premier singe fut remplacé par un nouveau. Ne connaissant pas la règle, ce dernier tenta immédiatement de grimper sur l’escabeau. Aussitôt, les autres le frappèrent. Il apprit rapidement à ne plus essayer, sans même comprendre pourquoi. Peu après, un deuxième singe fut remplacé. Comme le premier, il essaya de grimper et se fit corriger par les autres, y compris par le premier remplaçant, qui participait activement à la punition, sans en connaître la raison. Le processus continua : trois, quatre, puis cinq singes furent remplacés un à un. À la fin, aucun des cinq singes présents dans la pièce n’avait connu la douche froide, mais ils continuaient à frapper tout nouvel arrivant qui tentait de grimper. Une morale troublante. Au bout du compte, aucun singe ne savait pourquoi il était interdit de monter sur l’escabeau. Pourtant, la règle invisible persistait, transmise uniquement par habitude et conformisme. Pourquoi personne ne montait sur l’escabeau ? Pas à cause de la douche glacée, mais parce qu'on a toujours fait comme ça. Par la suite, le gouvernement les a tous engagés. 


Ce matin, au départ de Lake Garfield, je débute par une température extraordinaire, une randonnée à vélo en montagne de cinquante-cinq kilomètres. Les fleurs ont subitement éclatées aujourd'hui après les grosses pluies de la veille. Les odeurs sont incroyables. Je fais quelques descentes à plus de soixante-cinq kilomètres à l'heure. Par chance que les routes sont belles en Nouvelle-Angleterre. Je fais une pause vélo sur le porche du Stockbridge Red Lion Inn. L'auberge date de 1773. Elle est située au cœur des Berkshires. De retour, je nage à Lake Garfield Beach avant de prendre la route vers Otis Lake à Cold Spring. Je me stationne pour la nuit à Tolland State Park. L'aventure continue. J'aime ne pas savoir où je vais passer mes nuits. Je préfère ne pas rester plus d'une nuit au même endroit, à moins d'un endroit particulier. Je ne paie jamais pour les campings et les restaurants, à part quelques déjeuners à l'occasion. À tous les jours, je me baigne dans un lac et une rivière en Nouvelle-Angleterre. Une raison de plus pour me plaire et y revenir à chaque année.

7 juin | Lake Garfield Beach, Monterey, Bershires, Western Massachusetts

Faut se perdre pour se retrouver. C'est comme ça pour la route et aussi pour la maladie. Petite anecdote : hier, je me suis installé pour la nuit sur un terrain avec une affiche indiquant que des matières dangereuses (restriction area) s'y retrouvaient et de ne pas aller plus loin. Plus tard, je vis un curieux bonhomme sortir du terrain. Ensuite, une auto. Je constate que l'affiche était un leurre pour que les gens n'entrent pas sur le terrain. Ils avaient mis des gravats à l'entrée du chemin pour donner l'illusion. Il y a un vieux type qui habite dans le bel immeuble et sa pelouse fraîche en face de chez moi à Québec. Plusieurs fois par jour, il vient faire chier son chien sur le terrain en face de mes fenêtres. Un bon matin, je lui dis cordialement et fermement d'utiliser la belle pelouse chez lui. Il dit que son toutou ne veut pas y aller. Je lui dit que c'est absurbe. Il va obtempérer. La propriété privée aux États-Unis est plus qu'importante. Les américains sont très cordiaux mais très réservés. Il y a une petite infiltration d'eau dans le campeur par le toit. J'ai repéré la fissure et, à la moindre occasion, je ferai réparer le calfeutrage. Je suis en forme. Ma souplesse est excellente. Je le vois en faisant mes exercices dans la van le matin, les jours de pluie. De plus, j'ai perdu du poids. La musique à la radio est vraiment excellente ce matin, presque sans commerciaux. Parfois, j'aimerais aller à New York, mais je le ferai pas seul et sans les vélos en arrière. Depuis cinq ans, que je voyage en campeur, c'est le premier road trip où j'ai envie de prendre mon temps. Le campeur est de mieux en mieux aménagé pour mon confort. J'ai développé quelques habitudes qui me font ralentir. J'ai cette manie de vouloir trop embrasser et de rapetisser trop large. C'est la première fois en cinq ans que j'ai fait l'acquisition du campeur que je ne prends ni alcool, ni cannabis, ni cacao et qui tantôt me stimulait, tantôt me déprimait. De plus, je crois avoir réussi à maintenir une saine alimentation cette fois-ci pour survivre à de pareilles aventures. Ce matin, pluie abondante, je profite de l'occasion pour étudier les parcours à vélo au Massachusetts qui sont fort nombreux. J'ai des kilomètres de plaisir et d'aventures qui m'attendent. Je possède une collection suprenante de guides à vélo usagés pour la plupart achetés sur Amazon. Je fais la visite du Clark Institute Museum au college town de Williamstown dans les Berkshires. Je prends des images, Renoir, Monet, etc... Le musée est situé en pleine nature et assorti d'une multitude de sentiers pédestres. Je déjeune dans un café pour observer les jeunes élites qui deviendront peut-être bien les prochains grands décideurs des États-Unis. Ensuite, je me dirige pour la nuit vers Lake Garfield de Monterey. J'adore particulièrement les Berkshires au Massachusetts, le sud-ouest du Vermont et l'Hudson River Valley dans l'état de New York. Au Massachusetts, il y a une multitude de petites routes champêtres très bien pavées qui, sans système de navigation adéquate et un bon sens d'observation, il serait facile de s'y perdre. Les Berkshires sont situés au carrefour d'Albany, la capitale de New York, de Boston, de New York et de plusieurs autres grandes cités américaines d'East Coast.

6 juin | South Stream Pond, Pownal Center, Southwest Vermont 

À mon goût, c'est le sud-ouest du Vermont que je préfère dans l'état. Bennington est une jolie ville, très verte d'une population de 20,000 habitants. Je fais de l'exploration en campeur. Je m'arrête me baigner à the Tubbs sur Anthony Road sur Old Bennington. C'est un endroit peu connu. De beaux bassins pour se rafraîchir avec quelques promeneurs. La pluie a débutée. Je m'installe pour la nuit à South Stream Pond situé à Pownal Center dans le sud ouest du Vermont. À dix kilomètres à l'ouest, New York State, dix kilomètres au sud, le Massachusetts. 

5 juin | West River, Windham County, Wardsboro, Central Vermont

Hier fut ma mise en jambe pour le vélo. Ce matin, petit déjeuner à Keene. La plupart des gens que je m'adresse disent que Trump est un asshole et qu'ils commencent à avoir marre de big mouth, même les républicains. La Nouvelle-Angleterre est largement démocrate. Le type au café me montre une photo de lui la tête tranchée sur la guillotine. Il affiche l'image joyeusement sur son poste de travail à l'épicerie. Je débute ma seconde randonnée de vélo à Hillsdale. Le nom du parcours est tri starter. Je parcours sur mon Specialized Roubaix, les trois états limitrophes, New Hampshire, Massachusetts et Vermont le le long de Connecticut River Valley. C'est un parcours plat de cinquante cinq kilomètres. Je traverse une ville industrielle importante du Vermont, Bennington. J'aime de loin le Vermont pour ses paysages bucoliques et ses valeurs qui me ressemblent. C'est le meilleur endroit pour faire du cyclotourisme aux États-Unis. Aucune place aux États-Unis ne rivalisent pour l'énergie que dégage le Vermont en lien avec sa canopée exceptionnelle, sa qualité de vie et la beauté présente partout. Les vallées regorgent de pures rivières pétillantes où je peux me baigner en toute liberté. Tel fut le cas à West River de Newfane. Je n'étais pas le seul et pour cause, 35 degrés avec le facteur humidex. À cette chaleur, j'aime rouler à vélo pour le vent qui rafraîchi. Je m'installe en fin d'après-midi au village de Wardsboro, face à la rivière pour une autre baignade. Je me fais frire du poulet assaisonné avec une salade. Le bonheur est total. La route panoramique 100 traverse l'état du nord au sud le long des Montagnes Vertes. J'aime décidé, au jour le jour ma prochaine destination qui varie selon mon humeur, ma forme et la météo. J'appelle ça être libre et vivre selon mes intérêts et mes valeurs.

4 juin | Greater Goose Pond Forest, Keene, Monadnock County, Southwest New Hampshire 

Au départ de Troy, dans la région des Monadnock, j'ai entrepris ma première sortie de vélo de l'année aux États-Unis. Ce ne fut pas mon coup de cœur à cause de la circulation automobile. Malgré tout, les automobilistes sont très respectueux. Ils pourraient offrir d'exemple à grands nombres de québécois qui sont les plus dangereux sur les routes d'Amérique du Nord. J'ai parcouru quarante-cinq kilomètres dans les côtes parfois ardues sous la canicule. C'est une région très montagneuse avec comme point central le mont Monadnock qui culmine à 975 mètres. La région est située au sud-ouest de l'état, bordant le Vermont et le Massachusetts. Avant, j'ai fait quelques courses à Keene, ville universitaire appelée college town aux États-Unis. Tous les college town sont très chics. C'est pas étonnant, avec le coût des inscriptions, seuls les jeunes riches peuvent se permettre d'y étudier. La plupart les étudiants ne sont que de passage, ce qui rend les lieux anonymes. Toutefois, la beauté et l'harmonie dégagent des lieux. Tout est bien organisé sur les campus pour rendre la vie agréable aux étudiants. Les grandes universités de la ligue de lierre (Ivy League) méritent une attention particulière pour leurs histoires. les college town sont intéressants pour trouver des produits alimentaires de qualité. Je vais acheter des provisions au Monadnock Coop à Keene l'équivalent d'Avril au Québec. Je prends un plat végétarien avec du seitan et des haricots rouges épicés, un pain bio et des mangues. Ensuite, j'achète la suite dans une grande chaîne d'alimentation. Les prix sont similaires à Québec, je dirais, avec des prix assez élevés pour les fruits et légumes. Les œufs sont le même tarif qu'au Québec pour faire taire les racontars. J'ai eu de la difficulté à me trouver un spot pour la nuit. J'ai enfin déniché un bon endroit dans le stationnement du départ des randonnées pédestres au Greater Goose Pond Forest de Keene. J'avais planifié quelques autres sorties de vélo dans les environs, mais je viens de me rendre compte que j'ai fait les parcours, il y a quelques années auparavant. J'ai toujours un deuxième plan au besoin. Ce ne sont pas les idées et les places qui manquent. C'est à l'est de Keene que se retrouve la plus grande population du New Hampshire autour de Nashua et de Manchester, qui sont à une heure de Boston. Je n'ose même pas m'imaginer rôder dans ces parages. Vivement la nature, la tranquillité et les paysages champêtres.  

2-3 juin | Herricks Cove Natural Reserve, Bellows Falls, Connecticut River, Rockingham, Southwest Vermont

Il m'est impossible de quitter ce parc. C'est un sanctuaire pour les oiseaux. Toute la nuit, les oies ont passé au-dessus de ma tête. Ils survolent la rivière Connecticut pour se diriger vers le nord. Je suis littéralement au paradis, rien de moins. Je ne retrouve pas ce genre d'endroits au Québec. Il y a beaucoup de parcs accessibles gratuitement pour la journée aux États-Unis. Les anglais possèdent un grand respect pour les arbres et les espaces verts, principalement en Nouvelle-Angleterre. Je parle à Dwain, un ancien militaire à la retraite. C'est un fervent trumpiste. Il est morose, tout comme son président. J'évite de discuter politique. Ça ne servira à rien avec lui. Il y a quelques retraités coiffes de leurs traditionnelle casquette avec leurs camions qui passent en me saluant. J'offre du chocolat de Dubaï à l'un d'entre-eux. Je crois que Trump met le doute dans l'esprit de plusieurs américains. Il apporte la confusion et la division dans le pays. Je ferai des investigations plus tard, le temps est au repos. Je me remets lentement d'une sérieuse bronchite qui m'a mis sur le carreau depuis plus de deux semaines. Je débute un traitement aux antibiotiques sur les recommandations du médecin pour m'assurer de ne plus me traîner comme je le fais depuis tout ce temps. Est-ce un signe pour me faire ralentir et vivre ce voyage autrement que ceux du passé ? J'ai fait mon yoga, mes redressements assis à l'ombre d'un grand chêne. Partout des oiseaux de toutes les couleurs chantent. Tout autour de moi m'apporte le calme et cet état de sérénité qui me comble de bonheur. L'air est pur. Où j'habite, au centre-ville de Québec, l'été me rend malade. Je ne suis pas fait pour y vivre l'été. Le seul moyen et non le moindre que j'ai trouvé est mon campeur pour fuir ces lieux aux beaux jours. Tout à l'heure, j'irai marcher dans le parc pour tenter d'amorcer quelques brins de jasette et ne pas penser d'où je viens. Je peux toujours me dire qu'il y a pire pour me consoler. Ça ne fonctionne pas. Il y a quelque chose qui n'est pas en harmonie dans cette ville trop grande pour moi. Là est le problème. De plus, avec les millions de visiteurs qui viennent y faire rouler leurs voitures et marcher sur les trottoirs à la file indienne, cela me rend fou. Andrew, non pas le prince, mais un avocat retraité du centre de l'état, vient discuter. Je lui offre un siège. Après une conversation de trente minutes, il m'avoue que sa femme l'a quitté en prenant une direction opposée récemment après quarante-trois ans de vie commune. Les quelques passants dans leurs pick-up me saluent tous. Quelques-uns discutent. Un autre type, cigare à la bouche et ses deux chiens, s'approche. Il me dit que le parc est un haut-lieu des homosexuels d'âge mûr. Il paraît que sur internet c'est indiqué. Il me pointe du doigt deux voitures faisant partie du clan. Il parle fort. L'autre lui fait un doigt d'honneur. Je comprends pourquoi, alors, Andrew revenait sur le sexe. Je ne me suis pas douté un instant que j'étais dans une joyeuse trappe champêtre. Malgré ça, je repasse la nuit ici dans la section permise pour passer la nuit. Tiens, une jeune femme qui passe dans sa voiture. Les américains en région aiment leurs bolides. Ils font même des courses sans sortir de leurs véhicules. J'aime écouter la musique américaine à la radio. Certaines stations ont peu ou pas de commerciaux. Country, folk, bluegrass, blues, rock, jazz, tout y est dans mon petit radio-transistor vintage des années 90 revampé la semaine dernière qui appartenait à ma mère biologique. Je mange une soupe aux légumes assaisonnée préparée dans mon petit mixeur électrique. Il est là, le bonheur. Macaroni au porc haché et légumes avec un carré aux dattes sans sucre pour la suite. Je surveille de près ma consommation alimentaire et internet. Tout est plus que satisfaisant. Ainsi, je pourrai bavarder avec une amie qui m'est chère et qui ne pouvait pas être présente à ce voyage-ci. Ce n'est que partie remise, heureusement.


Il y a trois étapes dans un voyage. La préparation, le déroulement et le retour. J'ai tenu promesse. J'ai quitté le monde utilitaire pour le contemplatif. C'est en Nouvelle Angleterre que je retrouve la matrice de mon inspiration, de ma créativité. En traversant la douane, je suis au paradis, celui de la beauté et de la lenteur. J'ai appris de toutes ces années. Je sais où aller. Je suis pas à mon premier voyage de ce côté, loin de là. J'ai délimité un assez grand territoire qui sera mon terrain de jeu pour le prochain mois. Cyclotourisme au sud du New Hampshire, les Berkshires à l'ouest du Massachusetts, l'Hudson River et les Catkills dans l'état de New York. À chaque jour, je noterai dans le blogue mes observations. J'ai du flair pour trouver les bons endroits. C'est pas difficile aux États-Unis, ils sont partout. Cette année, je ne ferai aucune comparaison avec le Québec pour avoir écrit abondamment sur le sujet. Les États-Unis sont un beau et vaste pays que j'affectionne beaucoup. Il y a d'étonnants contrastes et la diversité est omniprésente. Les gens sont très aimables, les routes et les paysages sont magnifiques. Bref, j'aime tout ce qui se retrouve sur ma route. Pour l'apprécier à sa juste valeur, il faut sortir des sentiers battus. Pour ma première nuit, je suis installé gratuitement, comme d'habitude, et par hasard à Herricks Cove Natural Reserve sur la rive de Connecticut River au Vermont. L'autre côté de la rivière c'est le New Hampshire. Connecticut River prend sa source au New Hampshire à la frontière du Québec en Estrie pour se déverser dans l'Atlantique au Connecticut. La réserve naturelle où je passe la nuit est située à Bellows Falls au sud du Vermont à Rockingham. En voyage, je ne planifie que mes randonnées à vélo, le reste s'effectue par hasard, mon expérience et mon ressenti. Les moustiques viennent de faire leur apparition. C'est pas étonnant avec la végétation aquatique de la rivière. Il était grand temps que je sorte de Québec, j'étais en train de devenir complètement cinglé. Je suis plein de gratitude d'avoir abouti ici ce soir. Cela marque le départ d'une belle et grande aventure. Cela me permettra de retrouver l'énergie perdue dans la stupeur, les virus et la pollution de Québec. La différence avec les voyages en campeur des dernières années, c'est qu'à partir de cette année, je parcours beaucoup moins de kilomètres pour y arriver et beaucoup moins entre chaque destination. Lorsque je m'étais porté acquéreur du campeur en 2020, c'était dans mes plans. Il y a tellement d'oiseaux, de belles forêts, de beaux villages en Nouvelle Angleterre que ce serait stupide de ma part de moisir en ville.